Roanne, 1941-Paris, 1944.
LE MIMOSA
Le génie et la gaieté produisent assez sou-
pent ces petits enthousiasmes soudains.
Fontenelle.
LE MIMOSA
Sur fond d’azur le VOICI, comme un
personnage de la comédie italienne, avec
un rien d’histrionisme saugrenu, pou-
dré comme Pierrot, dans son costume à
pois jaunes, le mimosa.
Mais ce n’est pas un arbuste lunaire :
plutôt solaire, multisolaire…
Un caractère d’une naïve gloriole,
vite découragé.
Chaque grain n’est aucunement lisse,
mais, formé de poils soyeux, un astre
si l’on veut, étoilé au maximum.
Les feuilles ont l’air de grandes plu-
mes, très légères et cependant très
accablées d’elles-mêmes ; plus atten-
drissantes dès lors que d’autres palmes,
par là aussi très distinguées. Et pourtant,
il y a quelque chose actuellement de
vulgaire dans l’idée du mimosa ; c’est
une fleur qui vient d’être vulgarisée.
. . . Comme dans tamaris il y a tamis,
dans mimosa il y a mima.
*
Je ne choisis pas les sujets les plus
faciles :
voilà pourquoi je choisis le
mimosa.
Comme c’est un sujet très
difficile il faut donc que j’ouvre un
cahier.
Tout d’abord, il faut noter que le
mimosa ne m’inspire pas du tout. Seu-
lement, j’ai une idée de lui au fond de
moi qu’il faut que j’en sorte parce que
je veux en tirer profit. Comment se
fait-il que le mimosa ne m’inspire pas
du tout alors qu’il a été l’une de
mes adorations, de mes prédilections
enfantines? Beaucoup plus que n’im-
porte quelle autre fleur, il me donnait
de l’émotion. Seul de toutes il me pas-
sionnait. Je doute si ce ne serait pas
par le mimosa qu’a été éveillée ma sen-
sualité, si elle ne s’est pas éveillée aux
soleils du mimosa. Sur les ondes puis-
santes de son parfum je flottais, extasié.
Si bien qu’à présent le mimosa , chaque
fois qu’il apparaît dans mon intérieur,
à mon entour, me rappelle tout cela et
fane assitôt.
Il faut donc qu e j e remercie le mimosa.
Et p uisque j ‘ écris , il serait inadmissible
qu’il n’y ait pas de moi un écrit sur le
mImosa.
Mais vraiment, plus je tourne autour
de cet arbuste, plus il me paraît que j’ai
choisi un suj et difficile. C’est que j’ai
un· très grand respect pour lui, que je
ne voudrais pas l e traiter à la légère
(étant donné surtout son extrême sen-
sibilité) . Je ne veux l’approcher qu’avec
délicatesse
. . .Tout ce préambule, qui pourrait
être encore longuement pourSUIVI,
devrait être intitulé : « Le mimosa et
moi. » Mais c’est au mimosa lui-même
– douce illusion! qu’il faut main-
tenant en venir ; si l’on veut, au mimosa
sans mm…
*
Nous dirons plutôt qu’une fleur, une
branche, un rameau, peut-être même
une plume de mimosa.