*
6 avril, 3 heures du niatin.
Quand on apporte du mimosa, c’est
presque comme si l’on apportait (une
surprise !) le soleil lui-même. Comme un
rameau bénit (le rameau bénit du culte
de Râ). Comme une petite torche allu-
mée. Les torchères du mimosa…
(Il est trois heures du matin et nous
voici, comme par hasard, au dimanche
des Rameaux 1941 .)
. . . Comme par exemple s’il avait plu,
qu’on ait l’idée d’apporter une branche
constellée de gouttelettes, eh bien ! le
mimosa c’est la même chose : i l y est
accroché du soleil, de l’or.
Je songe que Debussy avait là un
sujet tout à fait à sa mesure.
*
Dais,- ombrelles, chasse-mouches.
A ce point d e ma recherche je décidai
de retourner au Littré, d’où je retins ce
qui suit :
Autruche : le plus gros des oiseaux
connus, et à cause de sa grandeur inca-
pable de voler.
Floribond : ce mot ne figure pas au
Littré. Il figurera donc dans les éditions
futures.
Il y a un échassier (genre grue) du
nom de florican.
Faire florès, c’est fleurir.
Florilège : 10 Synonyme d’anthologie.
2° Titre de quelques ouvrages qui trai-
tent de plantes remarquables par la
beauté de leurs fleurs.
Houppe : Assemblage de fils de
laine, de soie, formant un bouquet, une
touffe. 2° Terme de zoologie : flocon de
plumes que certains oiseaux… Petite
touffe étalée de poils … 50 Anatomie :
houppes nerveuses, papilles. – Graine
houppée : qui est disposée en façon de
houppes.
La houppée, terme de marine : écume
légère du choc de deux vagues.
Panache : faisceau de plumes qui,
goliées par le bas, voltigent par le haut,
forment une espèce de bouquet (de
penna, plume).
« Qu and le paon met au vent son
panache pompeux. »
(D’Aubigné.)
Paradis; grands parcs, jardins déli-
cieux. Les parcs des rois achéménides
(Renan). Mot persan.
Oiseau de paradis : à longues plumes
effilées (tiens !)
Paradis des jardiniers : saule pleureur
(tiens, tiens !).
Pompe, pompons, Pompadour, rococo.
Poussin : de pullicenus, diminutif de
pullus : poule (poulet nouvellement
éclos).
Le mot poussinée existe : troupe de
pOUSSInS.
Poussinières : nom vulgaire de la cons-
tellation des Pléiades.
Inutile de dire que j’ai considéré ces
trouvailles comme, en faveur de ce que
j’avais écrit, un bouquet de preuves
a posteriori.
*
Ainsi, après avoir beaucoup tourné
autour de cet arbuste, m’être égaré sou-
vent, avoir plus souvent désespéré que
joui, l’avoir plus dénaturé qu’obéi en
reviens-j e (me trompé-je encore?) à
considérer la qualité caractéristique du
mimosa comme celle-ci : « glorioleux,
vite découragé ».
Mais voulant y mettre plus de nuan-
ces, j’ajouterai encore ceci:
1 . Chaque branche de mimosa est un
perchoir à petits soleils tolérables, à
petits enthousiasmes soudains, à joyeu-
ses petites embolies terminales. (Oh!
qu’il est difficile d’approcher de la carac-
téristique des choses !) Il est réjouissant
de voir un être en développement abou-
tir par un si grand nombre de ses extré-
mités à de pareils et éclatants succès.
Comme dans un feu d’artifice réussi les
fusées se terminent en éclatements de
soleils.
Cela est plus vrai du mimosa que des
autres plantes ou arbustes à fleurs,
parce que vraiment aucune autre fleur
n’est aussi simplement une éclosion
comme telle, purement et simplement
un déploiement d’étamines au soleil.
2. Toutes ces papilles turgescentes,
toutes ces petites gloires ne sont pas
encore éteintes, contractées, jaunissan-
tes, mortes que le rameau entier pré-
sente des signes de découragement, de
désespoir.
Disons mieux : au moment même de
la gloire, dans le paroxysme de la florai-
son, le feuillage présente déjà des signes
de désespoir, au moins des indices de
nonchaloir aristocratique. On dirait que
l’expression des feuilles dément celles
des fleurs – et réciproquement.
L’on dit que ces feuillages ressem-
blent à des plumes, mais à quelles
plumes? Seulement à celles des autru-
ches, à celles qui s ervent pour les chasse-
mouches orientaux, à c elles qui ont des
retombées, qui semblent incapables de
se soutenir, à plus forte raison de sou-
tenir en l’air leur oiseau.
3. Mais en même temps ce violent
parfum, qui porte loin ; cet oracle, les
yeux exorbités ; ce violent parfum, pres-
que animal, par quoi il semble que la
fleur s’extravase
Et donc, puisqu’elle s’extravase,
jusqu’au prochain printemps disons-lui
au revoir!
*
Floribonds à tue-tête à décourage-
plumes
D’un bosquet jusqu’au cœur remué par
la simple
Approche sous l’azur d’une mémoire
d’homme
Narine bée inspirant leurs oracles,
Piaillent, pépiaillent d’or un milliard de
pOUSSInS
*
Le Mimosa (variantes incorporées).
Odorants à tue-tête à décourage-plumes
Piaillent, ils piaillent d’or les glorieu,x
pOUSSInS
L’azur narines bées inspire leurs oracles
Par la muette autorité de sa splendeur