Entre les oiseaux et les fruits il n’y a
pas cet amour-haine, cette passion. La
chair des fruits conserve une belle indif-
férence, entamée par l’oiseau. Entre
eux il y a l’indifférence. L’oiseau n’est
qu’un agent physique.
Mais des insectes aux fruits, quels
effets profonds, quelle chimie, quelles
réactions! La guêpe est un agent phy-
sico-chimique. Elle précipite la postma-
turation, la décomposition de la pulpe
végétale, qUI emprisonnait la grame.
*
La pru ne dit: « Si le soleil me d arde
ses rayons, ils dorent ma peau. Si la
guêpe me darde son aiguillon, il navre
ma chair. »
*
Toujours fourrée dans la nectarothè-
que : tête vibrante, pompant avec fer-
veur, et coups de reins.
Sorte de seringue à ingurgiter le nec-
tar.
*
D’abord le brasier.
Que la guêpe sorte de terre, et si fré-
missante, si dangereuse, cela n’est pas in-
différent à l’homme, parce qu’il reconnaît
là la perfection de ce qu’il tente ailleurs
par ses grands garages, ses aérodromes.
Il y a là comme un brasier dont les
étincelles jaillissent loin, avec des tra-
jectoires imprévues.
Elles s’envolent de leurs aéroports
souterrains… Offensives, ofTensantes …
Le mot dynamo.
Elles bondissent parfois comme si
elles ne pouvaient maîtriser leur moteur.
D’abord le brasier pétillant, cré-
pitant, puis les vols s’accomplissent,
vols de durée, avec offensives brusquées
de temps à autre, plongées silencieuses
dans les pulpes, où la guêpe accomplit
son devoir c’est-à-dire son crime.
*
L’essaim de mots justes, ou guêpier.
Halte!… Ce fâcheux pétillement du
sillon, n’est-ce la sédition d’une secte
de graines, passionnées contre le se-
meur? Oui, leur forcènerie d’abord
les ramène à son tablier.
Non! Arrière ! Il Y a là comme un bra-
sier, dont les étincelles j ailliss e nt loin,
avec des trajectoires imprévues… J’y
vois la perfection de ce qu’on tente
ailleurs par ces grands garages, ces aéro-
dromes. Mais voyons mieux.
Aïe! 0 naturelle ferveur ailée! C’est
ton peuple assemblé qui crépite, en la
préparation d’une émeute offensive. Oui,
dardez-moi… Mais voilà leur animosité
déjà qui se dissipe en randonnées fu-
rIeuses…
*
Un barbare essaim parcourt la cam-
pagne. Le jardin en est parcouru.
*
Balle de fusil.
C’est aussi comme une balle de fusil,
mais en liberté, mais molle, qui muse-
rait. D’apparence nonchalante, elle re-
trouve par instants sa vertu et sa déci-
sion – et se précipite de tout près sur
son but.
C’est comme si, au sortir du trom-
blon, les projectiles éprouvaient un brus-
que ravissement qui leur fasse oublier
leur intention première, leur mobile,
leur rancune.
Comme une armée qui aurait été
commandée pour occuper rapidement
les points stratégiques d’une ville, et
qui dès la porte s’intéresserait aux vi-
trines, visiterait les musées, boirait aux
pailles des consommateurs à toutes les
terrasses des cafés.
*
Comme de balles aussi, à petits coups
pensifs, elle crible les parois verticales
de bois vermoulu.
*
Forme musicale du miel.
La guêpe peut encore être dite la
forme musicale du miel. C’est-à-dire une
note majeure, diésée, insistante, com-
mençant faiblement mais difficile à lâ-
cher, poissante, claire, avec des alter-
nances de force et de faiblesse,’ etc.
*
Et caetera. ..
Et enfin, pour le reste, pour un cer-
tain nombre de qualités que j’aurais
omis d’expliciter, eh bien, cher lecteur,
patience! 11 se trouvera bien quelque
critique un j our ou l’autre assez péné-
trant pour me RE PRO CIl E H cette irrup-
tion dans la littérature de ma guêpe
de façon importune, agaçante, fou-
gueuse et musarde à la fois, pour D É-
NON C E R l’allure saccadée de ces notes,
leur présentation désordonnée, en zig-
zags, pour S’INQUIÉTER du goût du
brillant discontinu, du piquant sans pro-
fondeur mais non sans danger, non sans
yenin dans la queue qu’elles révèlent –
enfin pour TRAITER superbement mon
œuvre DE TOUS LES NOMS qu’elle
mérite.