Le Portrait de Dorian Gray

Chapitre 18

 

Le lendemain, il ne sortit pas et passa la plus grande partie dela journée dans sa chambre, en proie avec une terreur folle demourir, indifférent à la vie cependant… La crainte d’êtresurveillé, chassé, traqué, commençait à le dominer. Il tremblaitquand un courant d’air remuait la tapisserie. Les feuilles mortesque le vent chassait contre les vitraux sertis de plomb luisemblaient pareilles à ses résolutions dissipées, à ses regretsardents… Quand il fermait les yeux, il revoyait la figure dumatelot le regardant à travers la vitre embuée, et l’horreurparaissait avoir, une fois de plus, mis sa main sur soncœur !…

Mais peut-être, était-ce son esprit troublé qui avait suscité lavengeance des ténèbres, et placé devant ses yeux les hideusesformes du châtiment. La vie actuelle était un chaos, mais il yavait quelque chose de fatalement logique dans l’imagination. C’estl’imagination qui met le remords à la piste du péché… C’estl’imagination qui fait que le crime emporte avec lui d’obscurespunitions. Dans le monde commun des faits, les méchants ne sont paspunis, ni les bons récompensés ; le succès est donné auxforts, et l’insuccès aux faibles ; c’est tout…

D’ailleurs, si quelque étranger avait rôdé autour de la maison,les gardiens ou les domestiques l’auraient vu. Si des traces de pasavaient été relevées dans les parterres, les jardiniers en auraientfait la remarque… Décidément c’était une simple illusion ; lefrère de Sibyl Vane n’était pas revenu pour le tuer. Il était partisur son vaisseau pour sombrer dans quelque mer arctique… Pour lui,en tout cas, il était sauf… Cet homme ne savait qui il était, nepouvait le savoir ; le masque de la jeunesse l’avaitsauvé.

Et cependant, en supposant même que ce ne fut qu’une illusion,n’était-ce pas terrible de penser que la conscience pouvaitsusciter de pareils fantômes, leur donner des formes visibles, etles faire se mouvoir !… Quelle sorte d’existence serait lasienne si, jours et nuits, les ombres de son crime le regardaientde tous les coins silencieux, le raillant de leurs cachettes, luisoufflant à l’oreille dans les fêtes, l’éveillant de leurs doigtsglacés quand il dormirait !… À cette pensée rampant dans sonesprit, il pâlit, et soudainement l’air lui parut se refroidir…

Oh ! quelle étrange heure de folie, celle où il avait tuéson ami ! Combien effroyable, la simple remembrance de cettescène ! Il la voyait encore ! Chaque détail hideux lui enrevenait, augmenté d’horreur !…

Hors de la caverne ténébreuse du temps, effrayante et drapéed’écarlate, surgissait l’image de son crime !

Quand lord Henry vint vers six heures, il le trouva sanglotantcomme si son cœur éclatait !…

Ce ne fut que le troisième jour qu’il se hasarda à sortir. Il yavait quelque chose dans l’air clair, chargé de senteurs de pin dece matin d’hiver, qui paraissait lui rapporter sa joie et sonardeur de vivre ; mais ce n’était pas seulement les conditionsphysiques de l’ambiance qui avaient causé ce changement. Sa proprenature se révoltait contre cet excès d’angoisse qui avait cherché àgâter, à mutiler la perfection de son calme ; il en esttoujours ainsi avec les tempéraments subtils et finementtrempés ; leurs passions fortes doivent ou plier ou lesmeurtrir. Elles tuent l’homme si elles ne meurent pas elles-mêmes.Les chagrins médiocres et les amours bornées survivent. Les grandesamours et les vrais chagrins s’anéantissent par leur propreplénitude…

Il s’était convaincu qu’il avait été la victime de sonimagination frappée de terreur, et il songeait à ses terreurs aveccompassion et quelque mépris.

Après le déjeuner du matin, il se promena près d’une heure avecla duchesse dans le jardin, puis ils traversèrent le parc envoiture pour rejoindre la chasse. Un givre, craquant sous lespieds, était répandu sur le gazon comme du sable. Le ciel était unecoupe renversée de métal bleu. Une légère couche de glace bordaitla surface unie du lac entouré de roseaux…

Au coin d’un bois de sapins, il aperçut sir Geoffrey Clouston,le frère de la duchesse, extrayant de son fusil deux cartouchestirées. Il sauta à bas de la voiture et après avoir dit au groom dereconduire la jument au château, il se dirigea vers ses hôtes, àtravers les branches tombées et les broussailles rudes.

– Avez-vous fait bonne chasse, Geoffrey ? demanda-t-il.

– Pas très bonne, Dorian… Les oiseaux sont dans la plaine : jecrois qu’elle sera meilleure après le lunch, quand nous avancerontdans les terres…

Dorian flâna à côté de lui… L’air était vif et aromatique, leslueurs diverses qui brillaient dans le bois, les cris rauques desrabatteurs éclatant de temps à autre, les détonations aiguës desfusils qui se succédaient, l’intéressèrent et le remplirent d’unsentiment de délicieuse liberté. Il fut emporté par l’insouciancedu bonheur, par l’indifférence hautaine de la joie…

Soudain, d’une petite éminence gazonnée, à vingt pas devant eux,avec ses oreilles aux pointes noires dressées, et ses longuespattes de derrière étendues, partit un lièvre. Il se lança vers unbouquet d’aulnes. Sir Geoffrey épaula son fusil, mais il y avaitquelque chose de si gracieux dans les mouvements de l’animal, quecela ravit Dorian qui s’écria :

– Ne tirez pas, Geoffrey ! Laissez-le vivre !…

– Quelle sottise, Dorian ! dit son compagnon en riant, etcomme le lièvre bondissait dans le fourré, il tira…

On entendit deux cris, celui du lièvre blessé, ce qui estaffreux, et celui d’un homme mortellement frappé, ce qui estautrement horrible !

– Mon Dieu ! J’ai atteint un rabatteur, s’exclama sirGeoffrey. Quel âne, que cet homme qui se met devant lesfusils ! Cessez de tirer ! cria-t-il de toute la force deses poumons. Un homme est blessé !…

Le garde général arriva courant, un bâton à la main.

– Où, monsieur ? cria-t-il, où est-il ?

Au même instant, le feu cessait sur toute la ligne.

– Ici, répondit furieusement sir Geoffrey, en se précipitantvers le fourré. Pourquoi ne maintenez-vous pas vos hommes enarrière ?… Vous m’avez gâté ma chasse d’aujourd’hui…

Dorian les regarda entrer dans l’aunaie, écartant les branches…Au bout d’un instant, ils en sortirent, portant un corps dans lesoleil. Il se retourna, terrifié… Il lui semblait que le malheur lesuivait où il allait… Il entendit sir Geoffrey demander si l’hommeétait réellement mort, et l’affirmative réponse du garde. Le boislui parut soudain hanté de figures vivantes ; il y entendaitcomme le bruit d’une myriade de pieds et un sourd bourdonnement devoix… Un grand faisan à gorge dorée s’envola dans les branchesau-dessus d’eux.

Après quelques instants qui lui parurent, dans son état detrouble, comme des heures sans fin de douleur, il sentit qu’unemain se posait sur son épaule ; il tressaillit et regardaautour de lui…

– Dorian, dit lord Henry, je ferai mieux d’annoncer que lachasse est close pour aujourd’hui. Ce ne serait pas bien de lacontinuer.

– Je voudrais qu’elle fût close à jamais, Harry, répondit-ilamèrement. Cette chose est odieuse et cruelle. Est-ce que cet hommeest…

Il ne put achever…

– Je le crains, répliqua lord Henry. Il a reçu la charge entièredans la poitrine. Il doit être mort sur le coup. Allons, venez à lamaison…

Ils marchèrent côte à côte dans la direction de l’avenue pendantprès de cinquante yards sans se parler… Enfin Dorian se tourna verslord Henry et lui dit avec un soupir profond :

– C’est un mauvais présage, Harry, un bien mauvaisprésage !

– Quoi donc ? interrogea lord Henry… Ah ! cetaccident, je crois. Mon cher ami, je n’y puis rien… C’est la fautede cet homme… Pourquoi se mettait-il devant les fusils ? Ça nenous regarde pas… C’est naturellement malheureux pour Geoffrey. Cen’est pas bon de tirer les rabatteurs ; ça fait croire qu’onest un mauvais fusil, et cependant Geoffrey ne l’est pas, car iltire fort bien… Mais pourquoi parler de cela ?…

Dorian secoua la tête :

– Mauvais présage, Harry !… J’ai idée qu’il va arriverquelque chose de terrible à l’un d’entre nous… À moi,peut-être…

Il se passa la main sur les yeux, avec un geste douloureux… LordHenry éclata de rire…

– La seule chose terrible au monde est l’ennui, Dorian. C’est leseul péché pour lequel il n’existe pas de pardon… Maisprobablement, cette affaire ne nous amènera pas de désagréments, àmoins que les rabatteurs n’en bavardent en dînant ; je leurdéfendrai d’en parler… Quant aux présages, ça n’existe pas : ladestinée ne nous envoie pas de hérauts ; elle est trop sage…ou trop cruelle pour cela. D’ailleurs, que pourrait-il vousarriver, Dorian ?… Vous avez tout ce que dans le monde unhomme peut désirer. Quel est celui qui ne voudrait changer sonexistence contre la vôtre ?…

– Il n’est personne avec qui je ne la changerais, Harry… Ne riezpas !… Je dis vrai… Le misérable paysan qui vient de mourirest plus heureux que moi. Je n’ai point la terreur de la mort.C’est la venue de la mort qui me terrifie !… Ses ailesmonstrueuses semblent planer dans l’air lourd autour de moi !…Mon Dieu ! Ne voyez-vous pas, derrière ces arbres, un hommequi me guette, qui m’attend !…

Lord Henry regarda dans la direction que lui indiquait latremblante main gantée…

– Oui, dit-il en riant… Je vois le jardinier qui vous attend. Jem’imagine qu’il a besoin de savoir quelles sont les fleurs que vousvoulez mettre sur la table, ce soir… Vous êtes vraiment nerveux,mon cher ! Il vous faudra voir le médecin, quand vousretournerez à la ville…

Dorian eut un soupir de soulagement en voyant s’approcher lejardinier. L’homme leva son chapeau, regarda hésitant du côté delord Henry, et sortit une lettre qu’il tendit à son maître.

– Sa Grâce m’a dit d’attendre une réponse, murmura-t-il.

Dorian mit la lettre dans sa poche.

– Dites à Sa Grâce, que je rentre, répondit-il froidement.

L’homme fit demi-tour, et courut dans la direction de lamaison.

– Comme les femmes aiment à faire les choses dangereuses,remarqua en riant lord Henry. C’est une des qualités que j’admirele plus en elles. Une femme flirtera avec n’importe qui au monde,aussi longtemps qu’on la regardera…

– Comme vous aimez dire de dangereuses choses, Harry… Ainsi, ence moment, vous vous égarez. J’estime beaucoup la duchesse, mais jene l’aime pas.

– Et la duchesse vous aime beaucoup, mais elle vous estimemoins, ce qui fait que vous êtes parfaitement appariés.

– Vous parlez scandaleusement, Harry, et il n’y a dans nosrelations aucune base scandaleuse.

– La base de tout scandale est une certitude immorale, dit lordHenry, allumant une cigarette.

– Vous sacrifiez n’importe qui, Harry, pour l’amour d’unépigramme.

– Les gens vont à l’autel de leur propre consentement, fut laréponse.

– Je voudrais aimer ! s’écria Dorian Gray avec uneintonation profondément pathétique dans la voix. Mais il me sembleque j’ai perdu la passion et oublié le désir. Je suis tropconcentré en moi-même. Ma personnalité m’est devenue un fardeau,j’ai besoin de m’évader, de voyager, d’oublier. C’est ridicule dema part d’être venu ici. Je pense que je vais envoyer un télégrammeà Harvey pour qu’on prépare le yacht. Sur un yacht, on est ensécurité…

– Contre quoi, Dorian ?… Vous avez quelque ennui. Pourquoine pas me le dire ? Vous savez que je vous aiderais.

– Je ne puis vous le dire, Harry, répondit-il tristement. Etd’ailleurs ce n’est qu’une lubie de ma part. Ce malheureux accidentm’a bouleversé. J’ai un horrible pressentiment que quelque chose desemblable ne m’arrive.

– Quelle folie !

– Je l’espère… mais je ne puis m’empêcher d’y penser… Ah !voici la duchesse, elle a l’air d’Arthémise dans un costumetailleur… Vous voyez que nous revenions, duchesse…

– J’ai appris ce qui est arrivé ; Mr Gray, répondit-elle.Ce pauvre Geoffrey est tout à fait contrarié… Il paraîtrait quevous l’aviez conjuré de ne pas tirer ce lièvre. C’estcurieux !

– Oui, c’est très curieux. Je ne sais pas ce qui m’a fait direcela. Quelque caprice, je crois ; ce lièvre avait l’air de laplus jolie des choses vivantes… Mais je suis fâché qu’on vous aitrapporté l’accident. C’est un odieux sujet…

– C’est un sujet ennuyant, interrompit lord Henry. Il n’a aucunevaleur psychologique. Ah ! si Geoffrey avait commis cettechose exprès, comme c’eut été intéressant !… J’aimeraisconnaître quelqu’un qui eût commis un vrai meurtre.

– Que c’est mal à vous de parler ainsi, cria la duchesse.N’est-ce pas, Mr Gray ?… Harry !… Mr Gray est encoreindisposé !… Il va se trouver mal !…

Dorian se redressa avec un effort et sourit.

– Ce n’est rien, duchesse, murmura-t-il, mes nerfs sontsurexcités ; c’est tout… Je crains de ne pouvoir aller loin cematin. Je n’ai pas entendu ce qu’Harry disait… Était-ce mal ?Vous me le direz une autre fois. Je pense qu’il vaut mieux quej’aille me coucher. Vous m’en excuserez, n’est-ce pas ?…

Ils avaient atteint les marches de l’escalier menant de la serreà la terrasse. Comme la porte vitrée se fermait derrière Dorian,lord Henry tourna vers la duchesse ses yeux fatigués.

– L’aimez-vous beaucoup, demanda-t-il.

Elle ne fit pas une immédiate réponse, considérant lepaysage…

– Je voudrais bien le savoir… dit-elle enfin.

Il secoua la tête :

– La connaissance en serait fatale. C’est l’incertitude qui vouscharme. La brume fait plus merveilleuses les choses.

– On peut perdre son chemin.

– Tous les chemins mènent au même point, ma chère Gladys.

– Quel est-il ?

– La désillusion.

– C’est mon début dans la vie, soupira-t-elle.

– Il vous vint couronné…

– Je suis fatigué des feuilles de fraisier.

– Elles vous vont bien.

– Seulement en public…

– Vous les regretterez.

– Je n’en perdrai pas un pétale.

– Monmouth a des oreilles.

– La vieillesse est dure d’oreille.

– N’a-t-il jamais été jaloux ?

– Je voudrais qu’il l’eût été.

Il regarda autour de lui comme cherchant quelque chose…

– Que cherchez-vous ? demanda-t-elle.

– La mouche de votre fleuret, répondit-il… Vous l’avez laisséetomber.

– J’ai encore le masque, dit-elle en riant.

– Il fait vos yeux plus adorables !

Elle rit à nouveau. Ses dents apparurent, tels de blancs pépinsdans un fruit écarlate…

Là-haut, dans sa chambre, Dorian Gray gisait sur un sofa, laterreur dans chaque fibre frissonnante de son corps. La vie luiétait devenue subitement un fardeau trop lourd à porter. La mortterrible du rabatteur infortuné, tué dans le fourré comme un fauve,lui semblait préfigurer sa mort. Il s’était presque trouvé mal à ceque lord Henry avait dit, par hasard, en manière de plaisanteriecynique.

À cinq heures, il sonna son valet et lui donna l’ordre depréparer ses malles pour l’express du soir, et de faire atteler lebrougham pour huit heures et demie. Il était résolu à nepas dormir une nuit de plus à Selby Royal ; c’était un lieu defunèbre augure. La Mort y marchait dans le soleil. Le gazon de laforêt avait été taché de sang.

Puis il écrivit un mot à lord Henry, lui disant qu’il allait àla ville consulter un docteur, et le priant de divertir ses invitéspendant son absence. Comme il le mettait dans l’enveloppe, onfrappa à la porte, et son valet vint l’avertir que le gardeprincipal désirait lui parler… Il fronça les sourcils et mordit seslèvres :

– Faites-le entrer, dit-il après un instant d’hésitation.

Comme l’homme entrait, Dorian tira un carnet de chèques de sontiroir et l’ouvrant devant lui :

– Je pense que vous venez pour le malheureux accident de cematin, Thornton, dit-il, en prenant une plume.

– Oui, monsieur, dit le garde-chasse.

– Est-ce que le pauvre garçon était marié ? Avait-il de lafamille ? demanda Dorian d’un air ennuyé. S’il en est ainsi,je ne la laisserai pas dans le besoin et je leur enverrai l’argentque vous jugerez nécessaire.

– Nous ne savons qui il est, monsieur. C’est pourquoi j’ai prisla liberté de venir vous voir.

– Vous ne savez qui il est, dit Dorian insoucieusement ;que voulez-vous dire ? N’était-il pas un de voshommes ?…

– Non, monsieur ; personne ne l’avait jamais vu ; il al’air d’un marin.

La plume tomba des doigts de Dorian, et il lui parut que soncœur avait soudainement cessé de battre

– Un marin !… clama-t-il. Vous dites un marin ?…

– Oui, monsieur… Il a vraiment l’air de quelqu’un qui a servidans la marine. Il est tatoué aux deux bras, notamment.

– A-t-on trouvé quelque chose sur lui, dit Dorian en se penchantvers l’homme et le regardant fixement. Quelque chose faisantconnaître son nom ?…

– Rien qu’un peu d’argent, et un revolver à six coups. Nousn’avons découvert aucun nom… L’apparence convenable, maisgrossière. Une sorte de matelot, croyons-nous…

Dorian bondit sur ses pieds… Une espérance terrible le traversa…Il s’y cramponna follement…

– Où est le corps ? s’écria-t-il. Vite, je veux levoir !

– Il a été déposé dans une écurie vide de la maison de ferme.Les gens n’aiment pas avoir ces sortes de choses dans leursmaisons. Ils disent qu’un cadavre apporte le malheur.

– La maison de ferme… Allez m’y attendre. Dites à un palefrenierde m’amener un cheval… Non, n’en faites rien… J’irai moi-même auxécuries. Ça économisera du temps.

Moins d’un quart d’heure après, Dorian Gray descendit au grandgalop la longue avenue ; les arbres semblaient passer devantlui comme une procession spectrale, et des ombres hostilestraversaient non chemin. Soudain, la jument broncha devant unpoteau de barrière et le désarçonna presque. Il la cingla àl’encolure de sa cravache. Elle fendit l’air comme uneflèche ; les pierres volaient sous ses sabots…

Enfin, il atteignit la maison de ferme. Deux hommes causaientdans la cour. Il sauta de la selle et remit les rênes à l’un deux.Dans l’écurie la plus écartée, une lumière brillait. Quelque choselui dit que le corps était là ; il se précipita vers la porteet mit la main au loquet…

Il hésita un moment, sentant qu’il était sur la pente d’unedécouverte qui referait ou gâterait à jamais sa vie… Puis il poussala porte et entra.

Sur un amas de sacs, au fond, dans un coin, gisait le cadavred’un homme habillé d’une chemise grossière et d’un pantalon bleu.Un mouchoir taché lui couvrait la face. Une chandelle commune,fichée à côté de lui dans une bouteille, grésillait…

Dorian Gray frissonna… Il sentit qu’il ne pourrait pas enleverlui-même le mouchoir… Il dit à un garçon de ferme de venir.

– Ôtez cette chose de la figure ; je voudrais la voir,fit-il en s’appuyant au montant de la porte.

Quand le valet eût fait ce qu’il lui commandait, il s’avança… Uncri de joie jaillit de ses lèvres ! L’homme qui avait été tuédans le fourré était James Vane !…

Il resta encore quelques instants à considérer le cadavre…

Comme il reprenait en galopant le chemin de la maison, ses yeuxétaient pleins de larmes, car il se savait la vie sauve…

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