« Oh ! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail là sentent crever leur front
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ceux-là sont les Hommes
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,
Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir,
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Ou, lentement vainqueur, il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! – Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible :
Nous saurons ! – Nos marteaux en main ; passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire
D’une femme qu’on aime avec un noble amour :
Et l’on travaillerait fièrement tout le jour,
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l’on se sentirait très heureux : et personne
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer…
« Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille !
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l’heure
Je parlais de devoir calme, d’une demeure…
Regarde donc le ciel ! – C’est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! – Je rentre dans la foule
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés ;
– Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
– Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussaient leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n’est-ce pas, vous tous ? Merde à ces chiens-là ! »
– Il reprit son marteau sur l’épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l’âme soûle,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l’immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !