Le Rêve d’un curieux
A Félix Nadar
Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse
Et de toi fais-tu dire : « Oh ! l’homme singulier !»
– J’allais mourir. C’était dans mon âme amoureuse
Désir mêlé d’horreur, un mal particulier ;
Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse ;
Tout mon cœur s’arrachait au monde familier.
J’étais comme l’enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle…
Enfin la vérité froide se révéla :
J’étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M’enveloppait. – Eh quoi ! n’est-ce donc quecela ?
La toile était levée et j’attendais encore.