Il jura et partit, le cœur débordant de joie.
Il mit désormais beaucoup de discrétion dans
les visites qu’il lui fit et il ne sollicita pas de
consentement plus précis, car elle avait une
manière de parler de l’avenir, de dire « plus
tard », de faire des projets où leurs deux
existences se trouvaient mêlées, qui répondait
sans cesse, mieux et plus délicatement, qu’une
formelle acceptation.
Duroy travaillait dur, dépensait peu, tâchait
d’économiser quelque argent pour n’être point
sans le sou au moment de son mariage, et il
devenait aussi avare qu’il avait été prodigue.
L’été se passa, puis l’automne, sans qu’aucun
soupçon vînt à personne, car ils se voyaient peu,
et le plus naturellement du monde.
Un soir Madeleine lui dit, en le regardant au
fond des yeux :
– Vous n’avez pas encore annoncé notre projet
à Mme de Marelle ?
– Non, mon amie. Vous ayant promis le secret
je n’en ai ouvert la bouche à âme qui vive.
– Eh bien ! il serait temps de la prévenir. Moi,
je me charge des Walter. Ce sera fait cette
semaine, n’est-ce pas ?
Il avait rougi.
– Oui, dès demain.
Elle détourna doucement les yeux, comme
pour ne point remarquer son trouble, et reprit :
– Si vous le voulez, nous pourrons nous
marier au commencement de mai. Ce serait très
convenable.
– J’obéis en tout avec joie.– Le 10 mai, qui est un samedi, me plairait
beaucoup, parce que c’est mon jour de naissance.
– Soit, le 10 mai.
– Vos parents habitent près de Rouen, n’est-ce
pas ? Vous me l’avez dit du moins.
– Oui, près de Rouen, à Canteleu.
– Qu’est-ce qu’ils font ?
– Ils sont… ils sont petits rentiers.
– Ah ! J’ai un grand désir de les connaître.
Il hésita, fort perplexe :
– Mais… c’est que, ils sont…
Puis il prit son parti en homme vraiment fort :
– Ma chère amie, ce sont des paysans, des
cabaretiers qui se sont saignés aux quatre
membres pour me faire faire des études. Moi, je
ne rougis pas d’eux, mais leur… simplicité…
leur… rusticité pourrait peut-être vous gêner.
Elle souriait délicieusement, le visage illuminé
d’une bonté douce.
