Château hanté

Château hanté

de Maurice Renard

À Jean Veber

Château hanté

Un jour – c’était avant la guerre-, on m’apprit que le duc de Castièvre venait d’acheter le fameux château de Sirvoise. Et, quelques semaines après, par une lettre scellée à ses armoiries, M. de Castièvre me conviait à le rejoindre dans sa nouvelle résidence.

« Ma femme s’est mis en tête que je me porte mal, écrivait le duc, et que vos soins me sont nécessaires.Il me semble pourtant que ma santé ne laisse rien à désirer. Mais vous me voyez trop heureux de pouvoir satisfaire, avec le désir de la duchesse, la grande envie que j’ai de vous recevoir ici.Venez. »

Mon amitié pour lui et la connaissance que j’avais acquise de son tempérament nerveux – pour ne pas dire plus– me firent un devoir de répondre à son appel. Je décidai de lui consacrer mes vacances.

Le château m’apparut au soleil, historique et grandiose, comme l’une des plus merveilleuses créatures de pierre que la Renaissance ait enfantées. On peut croire là-dessus lestableaux, les gravures et les cartes postales : Sirvoise estbien ce miracle d’architecture qui, dominant la Loire sablonneuse,édifie sa blanche apothéose sur un fond de collines douces,crespelées de forêt.

M. de Castièvre m’attendait auperron. Bien que mon arrivée le ragaillardît manifestement, je fusfrappé de son aspect sinistre. Il s’obstina toutefois, enricanant :

– C’est la duchesse qui a réclamé votreconcours. Je ne vais pas mal du tout, allons ! Commetoujours ! Comme toujours !

La jolie Mme de Castièvreme regardait avec des yeux remplis d’inquiétude.

Elle voulut m’accompagner elle-même à lachambre qui m’était destinée. C’était pour m’instruire de l’état deson mari.

Quand ils s’étaient installés, elle et lui, àSirvoise, le duc avait d’abord montré beaucoup de belle humeur.Tout le ravissait dans son acquisition. Il s’employait avec feu àl’entretien du château, à sa restauration, à l’étude de sonhistoire. Mais, lentement, la vieille ennemie funèbre, l’affreusehypocondrie dont je croyais l’avoir délivré, avait remis la griffesur sa victime… La duchesse ne démêlait pas la cause de cetterechute, parmi les innombrables soucis dont tout homme estimportuné, qu’il soit duc ou gagne-petit. De ces millecontrariétés, quelle était celle que la névrose avait grossie etdéformée pour s’en nourrir ? Mystère. En ceci,M. de Castièvre éludait toutes les questions, rebutaittoutes les sollicitudes. On comptait sur moi, son confesseurlaïque, pour tirer de lui l’aveu de sa chimère et la peinture deson obsession.

Je promis de me mettre à l’œuvresur-le-champ.

Une heure avant dîner,M. de Castièvre et moi, tous deux sous le smoking, nousnous trouvâmes tête à tête dans un salon du meilleurXVIème siècle. J’en profitai pour faireparler mon malade.

Au bout d’un certain temps, après avoirmultiplié les « mais non, mais non, je n’ai rien qui m’ennuie,je vous le jure ! », le duc finit par reconnaître que« tout de même, peut-être, mais si peu… »

– Oui, vous m’y faites penser : unechose me taquine, tenez, c’est vrai !

– Laquelle ?

– Ceci entre nous, n’est-ce pas ?…Vous savez, reprit-il en fronçant les sourcils, que je suispropriétaire de Sirvoise depuis quelques mois seulement. Vous savezaussi, comme tout le monde, que je le convoitais depuis des années…Eh bien, cette longue et légendaire convoitise, c’est elle qui estl’origine de mes ennuis présents !… Mon cher, il faut vousdire : j’ai eu Sirvoise pour un morceau de pain…

– Allons donc ?

– Un morceau de pain, vous dis-je. Parceque Sirvoise passe pour être hanté !

Le duc souriait d’une manière ambiguë. Ilpoursuivit, sans répondre à mon interrogation muette :

– Alors, voilà maintenant que tout lepays proteste. On dit dans les environs que c’est moi qui ai semécette fable, monté ce coup, commis cette fraude enfin, pourdéprécier le château et l’avoir à bon compte !

– Voyons ! il s’agit là d’uneplaisanterie de clubman, tout au plus, d’un ragot de cercleuxmédisant, qu’on répète sans y ajouter foi…

– Non, non, je vous assure. Il y a desgens pour m’accuser sous le manteau ; premièrement ceux quej’ai frustrés dans leur espoir d’acheter le domaine à plus bas prixencore… et qui riraient bien si je le revendais !… C’estainsi. Pourtant, Dieu sait si j’ai rien dit, rien fait qui pûtaccréditer cette histoire de revenant !

Un soupçon me vint, à regarder briller lesprunelles de mon interlocuteur.

– Hanté ! m’écriai-je, feignantd’être au comble de l’intérêt. Voilà qui me passionne ! Jeraffole des esprits, moi ! Comment ! Sirvoise seraithanté ? De quelle façon ?

Mais, de sa main levée, qui était longue etblême, le duc m’imposa silence et dit sévèrement :

– Oh ! mon ami, trêve definasseries, voulez-vous ? Ne me cuisinez pasdavantage. Et faites-moi la grâce de croire que le fantôme deSirvoise ne m’empêche pas de dormir. Je ne suis pas fou. Sachezcela : je ne passe pas mes nuits à écouter s’il rôde lelong des couloirs, depuis les douze coups jusqu’au chant ducoq. Je vous ai dit la vérité. Mon seul ennui provient de cesmédisances, fort peu de chose en somme ! et que, oui, que j’aisans doute enflées…

M. de Castièvre ayant prononcésingulièrement une phrase singulière, je crus devoir continuer uninstant sur le même sujet :

– Loin de moi la pensée de vous cuisiner,mon cher duc ! (C’est ainsi qu’il aimait que je l’appelasse,en dépit des usages.) Mais je vous atteste que les maisons dites« hantées » ont toujours exercé sur moi l’attrait le pluspuissant. Je vous en prie ! Comment se comporte-t-il, votrespectre ?

Le duc haussa les épaules et futévasif :

– Bah ! le clichétraditionnel ! Des pas lourds dans la nuit, accompagnés d’uncliquetis de ferraille, par les corridors et les escaliers… Qu’unetelle sottise ait pu décrier le château, c’est inconcevable !Vous verrez, demain, quelle merveille !

Cependant, je suivais mon idée demédecin :

– Voyager vous déplairait ?

– Oui, morbleu ! J’aime trop monbeau Sirvoise !

– Alors, suivez le traitement qui vous asi bien réussi naguère : le sport, les fêtes, le monde…

Une grimace de dégoût précéda laréponse :

– Oh ! Oh ! Je suis si… sivoluptueusement bienheureux dans la solitude ! Je me plais àrevivre ici le passé royal du château, qu’on évoque sansdifficulté…

– Quoi ! la solitude àSirvoise ? Vous n’y recevez personne ?

– Personne.

– Détestable hygiène mentale ! Etpuis, franchement, s’il court de faux bruits sur votre munificence,ce n’est pas le moyen de les étouffer ! D’autre part, on diraque vous avez peur et que vous n’osez plus vous montrer depuis la« bonne affaire ».

Mes arguments avaient-ils porté ?

– C’est vrai, murmura le duc. Puis, sereprenant : Au reste, quand je dis « personne », jeme trompe. Nous avons ici la sœur de ma femme, vous savez :Mme de Soucy. Et, chaque soir, son fiancévient de Tours, dîner avec nous. Un joyeux drille,celui-là !

– Mme de Soucy va seremarier ? demandai-je surpris.

– Tiens ! (quel prodige ! Uneveuve de vingt-trois ans !…) Oui, docteur, ma belle-sœur Dianeépouse le comte de Rocroy, lieutenant de cuirassiers, en garnison àTours. Vous allez le connaître dans un moment.

– Eh bien ! m’écriai-je, la présencede ces accordés ne vous semble-t-elle pas motiver quelquesdivertissements ? C’est le cas ou jamais de réunir à Sirvoisetous les châtelains du voisinage. Et il doit y en avoir !

Il y en a beaucoup, et la plupart sont de mesrelations ; mais…

Allons donc ! Qu’attendez-vous,alors ? Chaque jour devrait apporter son rallye, son bal, safête !

– Ici ! Ici ! répétait le ducd’un ton scandalisé. Une fête dans cette vieille demeure !…Déranger les souvenirs !…

Il avait l’air d’un somnambule qui se parle àsoi-même et qui a peur de sa propre pensée. Je sentis que cen’était pas l’heure d’insister – d’autant que, sur ces entrefaites,la cloche du dîner sonna.

Nous passâmes dans une autre « salle decompagnie » où la duchesse de Castièvre et la baronne de Soucycausaient avec le comte de Rocroy.

Je vois encore le groupe d’élégance et debeauté que formaient ces deux charmantes femmes en grande toilettede soirée, éblouissantes de décolletage et de bijoux, auprès de cegentilhomme inoubliable qui était presque un géant. Découplé enforce et en finesse, il portait à ravir le frac noir qui moulaitson corps d’athlète, sa taille mince et sa large poitrine. Je n’aijamais rencontré plus beau spécimen d’humanité, visage plussympathique, front plus intelligent, bouche plus rieuse.

– Le comte de Rocroy. Le docteur B…

Une porte s’ouvrit à deux battants.

– Madame la duchesse est servie.

Au luxe des toilettes, à l’éclat du couvert etaux jonchées de roses qui fleurissaient la table, je vis queMme de Castièvre se rappelait mes anciennesprescriptions et qu’elle entourait le duc de toutes les joiesqu’elle pouvait lui procurer. Ce repas fut d’ailleurs comme untriomphe de l’allégresse. L’entrain de M. de Rocroy avaitquelque chose de formidable. On me dit qu’il était renommé danstoute la cavalerie française, autant pour ses exploits de bonvivant que pour ses prouesses sportives. Son esprit nous en donnaitpar contagion. Mme de Castièvre s’efforçait delui tenir tête. Mme de Soucy, toute grisée debonheur, rivalisait de malice avec son prétendu. Bref, à plusieursreprises, on fit sourire le duc de Castièvre ; si bien qu’audessert, l’œil rajeuni et la joue vivante, il nous parut semblableà nous-mêmes.

Je m’en réjouis grandement. Une réunion defamille l’ayant déridé, je ne doutai pas qu’une suite dedistractions intenses ne dût le guérir tout à fait. Et puisque monhôte refusait de quitter Sirvoise, je me promis que Sirvoisedeviendrait coûte que coûte un lieu de plaisir.

Aussi, dès le lendemain, je revenais à lacharge auprès de mon neurasthénique, appuyant cette fois sur lacruauté qu’il y avait à condamner au cloître la jeunesse de safemme et de sa belle-sœur.

Mais le duc résista comme la veille, avec unpeu d’irritation.

– Je ne veux pas profaner Sirvoise,dit-il. Et vous serez de mon avis quand vous l’aurez parcouru.Venez, que je vous en fasse les honneurs.

Là-dessus, il m’entraîna de pièce enpièce.

Mon guide était curieusement renseigné surl’histoire du château. Il en retraçait les fastes, cheminfaisant ; et les chambres succédaient aux galeries comme lesanecdotes aux commentaires. C’est ainsi que je fis connaissanceavec les défunts possesseurs de Sirvoise et surtout, comme dejuste, avec le roi François Ier, qui avait mené là,durant plusieurs années, sa vie d’amour et de joyeuseté.M. de Castièvre, féru de ce Valois, excellait à ledépeindre. Il déployait, du reste, en tout ceci, l’habileté d’unmetteur en scène accompli, graduant ses effets, ordonnant sa visiteet sa conférence suivant une progression pathétique, et meréservant le bouquet pour la fin.

Le bouquet ? Je m’explique.

Le duc me tenait depuis quelques minutes dansun cabinet obscur et bas de plafond, où sa parole chaude évoquaitle spectacle d’un tournoi sous les murs de Sirvoise. Il en avaitdécrit les phases et commençait à discourir sur l’équipementbizarre et somptueux des champions, lorsque soudain, poussant uneporte, il m’introduisit dans une salle immense, claire etfantastique. Son élévation, sa voûte ogivale rappelaient la nefd’une église. Des poutres aériennes la traversaient dans salargeur, au niveau de la corniche. D’un côté, de hautes fenêtres enenfilade laissaient voir entre leurs meneaux la Touraine, jardin deFrance ; de l’autre, on avait suspendu d’inestimablestapisseries. Mais ce qui prêtait à la Salle des Gardes un caractèrefabuleux, c’était une troupe d’armures qui s’alignaient, debout,sur quatre rangs, celles-ci contre les murailles, celles-là dos àdos au milieu de la nef, tandis que, tout au bout, la lance hauteet monté sur un palefroi bardé de fer, un chevalier gigantesquesemblait les commander.

Je ne pus retenir un cri d’admiration. Maisdéjà le duc me faisait passer la revue de ses guerriers. Nousallions de l’un à l’autre, au gré de son caprice. Et je ressentaisdevant eux l’impression macabre que donne toujours un telmusée.

Au milieu d’armures, on croirait volontiersque les hommes de cet âge furent des sortes de crustacés, et que cesont là leurs carapaces vidées, que l’on conserve. Il y a dansl’armure un je ne sais quoi de cadavérique et de momifié. Lacollection de M. de Castièvre, comme les Invalides etl’Armeria Real, tenait donc à la fois du muséum et del’ossuaire ; et je ne pouvais chasser l’idée qu’en lavisitant, je visitais les restes d’ancêtres baroques, lessquelettes extérieurs d’une race humaine disparue.

Le duc, lui, ne semblait soucieux que d’étalerune science de l’armurerie que je ne lui soupçonnais pas. Ilaccablait mon ignorance de nomenclatures et de termestechniques ; il détaillait les harnois pièce à pièce, ilm’enseignait le rôle des cubitières, l’emploi dufaulcre, et parfois citait le nom des capitaines quiavaient revêtu ces formes et animé ces inerties.

Quelques-uns étaient illustres.

– Bonnivet… Bayard…, annonçait le duc. Leconnétable de Bourbon… Toutes ces armures datent du règne deFrançois Ier… Et, dit-il avec orgueil, voici le roilui-même !

– Quel gaillard ! m’écriai-je.

Le roi, c’était le cavalier du fond. C’était,chevauchant la statue peinte d’un percheron cuirassé de sonhaubergerie, une armure italienne, noire et damasquinéed’or. Cela faisait un grand diable d’hercule aux attaches fines,droit en selle, et qui semblait rire silencieusement par l’uniquefente de son casque surmonté d’une fleur de lis.

– Armure qu’il portait à la bataille dePavie, prétendit M. de Castièvre.

Alors, se retournant et montrant d’un seulgeste la merveilleuse salle où rien ne rappelait les tempsmodernes :

– Comment voulez-vous que je supporte icides anglomanes en tenue de golf ou de tennis ? Commentvoulez-vous que j’y donne des five-o’clock et des raouts ?Comment voulez-vous que des snobs aux cheveux collés viennent làglisser leur boston et pratiquer leur tango avec des belles-madameshabillées rue de la Paix ?

C’est à cet instant qu’un trait de lumière mefit découvrir la solution que je cherchais sans trêve dans lesténèbres de mon esprit :

– Eh bien, mais qu’à cela ne tienne, monduc ! Pour un soir, peuplez Sirvoise de gensd’autrefois ! Organisez un bal costumé et que vos invitéssoient tous à la mode du temps que vous désignerez !

– Ah ! Ça !… Ça, c’est unebonne idée, par exemple !

Et je songeais :

« Ce n’est qu’une fête, une seule. Maisje gage que les préparatifs de cette fête-là vont absorber monamateur de vieilleries pendant au moins troissemaines ! »

– L’excellente idée ! répétait leduc. Il faut la soumettre à ma femme, et tout de suite !

Naturellement, les deux sœurs furent raviesd’une proposition si intéressante, et quand M. de Rocroynous arriva de Tours à l’heure du dîner, je crus qu’ilm’embrasserait, tant ce jeune boute-en-train exulta.

– C’est vous qui mènerez le bal, Maurice,lui dit M. de Castièvre. À la guise de nos pères. Et voussavez : rien que d’anciennes danses. Pavanes, passe-pied,chacones, sarabandes. Tous devront les savoir, sous peine de fairetapisserie. Je vous en charge.

– Comptez sur moi !

– Je me charge du reste ; ajouta leduc d’un air de compétence et de satisfaction qu’il outra pour nousamuser.

Mme de Castièvre fut siheureuse de ce pauvre trait, qu’elle feignit d’en rire jusqu’auxlarmes, voulant cacher ainsi qu’elle pleurait tout de bon.

J’avais calculé juste. Trois semaines durant,Sirvoise fut le centre d’une effervescence mondaine qui s’étendaità vingt lieues à la ronde.

Mes hôtes firent à Paris de nombreuses fugues,tant chez les costumiers et les couturières que dans lesbibliothèques et les conservatoires. Des estampes et de vieuxbouquins précieux couvraient les meubles du château.M. de Castièvre déployait une activité fébrile, prévoyanttout, préparant tout, depuis l’orchestre, qu’il voulaitrigoureusement archaïque, jusqu’aux torches dont il entendait quela Salle des Gardes fût éclairée. À tout moment, quelqu’undisait : « Je vais à Tours. » Une automobilepartait. Une autre rentrait, chargée de paquets. D’autres amenaientdes voisins en quête de renseignements, ou qui venaient répéterquelque branle vieillot.

Ainsi, peu à peu, s’organisait la splendidereconstitution que j’avais inspirée. J’en étais fier, confus et…l’avouerai-je ? ennuyé aussi. Car il fallait bien me déguisercomme tout le monde, et je n’aime guère cela. Je priai le duc de mecomposer une mise simple, obscure, telle que mes confrères duXVIème siècle l’eussent approuvée.

J’étais sans doute seul à faire fi de mondéguisement. Chacun préméditait le sien dans le plus grand mystère.Nul ne voulait trahir le secret de son futur personnage, et l’ons’intriguait à plaisir.

Il n’y eut que M. de Rocroy dontnous sûmes d’avance l’avatar. Sa haute taille, sa carrure et sasveltesse jointes à ses fonctions de maître de bal le firentdésigner par acclamation pour remplir le rôle de FrançoisIer. On lui représenta qu’il ferait un superbe monarque,avec une fausse barbe, la cuisse dégagée par un maillot collant, lejarret tendu. Il acquiesça sans cérémonie, et ce fut avec uneexpression indéfinissable – rêveuse et, somme toute, assez fate –qu’il reçut des mains de sa fiancée une gravure d’après le portraitdu roi par Titien, où l’on voit un homme au profil railleur, coifféd’un rond de feutre à bordure de cygne et noblement vêtu de soie etde fourrure.

Je mis à profit l’abandon relatif où l’on melaissait, pour faire quelques visites à des châtelains de maconnaissance.

Ils m’apprirent qu’en effet on avait tant soitpeu clabaudé sur l’achat de Sirvoise par M. de Castièvre.La jalousie s’était donné carrière à ce sujet. « Cependant,ajoutaient la plupart, ne fallait-il pas se féliciter de ce queSirvoise appartînt à ce bon Français, quand des étrangers et desspéculateurs épiaient l’instant de se l’adjuger, quand lordFairborough avait déjà publié qu’il en serait propriétaire àNoël ! »

Pour l’histoire du revenant, elle était vagueet banale. On en plaisantait sans l’approuver, comme d’une piètremystification que de rares grincheux attribuaient encore auduc.

Je fus content de savoir que la tristesse deM. de Castièvre avait sa source dans la réalité, du moinsen partie. Cela me confirma dans la pensée qu’il se rétabliraitaisément. Car les maux imaginaires sont les pires.

Cependant, je veillais à son régime. Celaconsistait à lui éviter tout excès de fatigue et toute émotion.Dans ce but, je poussai M. de Rocroy à le seconder de sonmieux, ce qu’il fit autant que les exigences de son service le luipermirent. Et je bénis le Sort d’avoir fait coïncider les apprêtsde la fête avec une période de repos militaire ; car, labrigade ayant manœuvré par exception deux jours d’affilée,M. de Castièvre s’énerva tellement à faire dresserl’échafaud des musiciens, que je dus mettre le holà.

Enfin, voici que tomba, sur un long jourd’été, la nuit, la glorieuse nuit du bal rétrospectif. J’endossaimon accoutrement. Il était à ma convenance, taillé dans un droguetde soutane, avec un rabat de lingerie et un bonnet carré. Cela mis,je ne sais auquel je ressemblais le plus : d’Érasme ou deRabelais, d’Amyot ou de Montaigne.

Je fus le premier dans la Salle des Gardes. Iln’y avait, pour me recevoir au seuil de la grande porte, que desserviteurs costumés en reîtres et fort égayés de la mascarade.Quatre mercenaires suisses, armés de pertuisanes, se tenaient surles marches qui descendaient du vestibule dans la salle. De cepoint, on dominait le spacieux vaisseau comme une vision du passé.Les torches y répandaient un crépuscule rougeâtre qui laissait lesvoûtes dans l’obscurité. L’échafaud des ménétriers se remplissaitde pourpoints multicolores. On avait rangé les armures côte à côtele long des murs, à l’exception de celle du roi. Spectatricesséculaires, elles attendaient les événements, comme des meubles etcomme des fantômes.

J’allais m’avancer, quand la porte basse ducabinet livra passage à une apparition d’un caractère si frappantque je murmurai : « Charles Quint ! » avant desonger : « M. de Castièvre. »

Par quelle secrète intuition le duc avait-ilchoisi le sévère appareil de l’Empereur ? Savait-il combien saprestance s’accommodait du sombre velours espagnol ?Comprenait-il dans toute son étendue l’affreux honneur deressembler pareillement au prince maniaque ?

Il venait à moi, souverain, dans l’étalageroide et fastueux de ses godets, la jambe fuselée, les manchesvastes, une plume à la toque, sa main cireuse au pommeau d’uneépée.

– Regardez ! fit-il en esquissant ungeste indicateur.

Et m’étant retourné, je vis deux princesses deconte qui descendaient les degrés, tenant une place énorme avecleurs immenses collerettes, leurs gigots bouffants et lesvertugades qui soufflaient leurs jupes ballonnées.

– La duchesse d’Étampes et Marguerite deNavarre !

C’étaient mesdames de Soucy et de Castièvre.Je n’eus pas le temps de les complimenter. Une Belle Ferronnièreencombrante et une sorte de Maximilien d’Autriche se présentaientau haut de l’escalier, la main de l’une au poing de l’autre. Onarrivait. Je me retirai à l’écart et j’admirai la pompe du défiléthéâtral où la coquetterie des seigneurs allait de pair avec celledes dames, où les Donha Sol, mêlées aux Clémence Isaure, suivaientles Hernani et les Gaston de Foix. Je comptai trois doges, un lotde Charles Quint approximatifs et jusqu’à douze Triboulet, dontl’un, sonnant du cor, menait en laisse une couple de lévriers. Lescostumes rutilaient. Beaucoup d’invités n’avaient eu qu’à les fairecopier sur des portraits d’aïeux. Ils étalaient leurs atours avecune aisance admirable, et marchaient et tournaient et paradaient sigalamment, au rythme des violes, des rebecs et des luthsnasillards, que je croyais rêver tout cela.

Une entrée à sensation fut celle d’Henri VIII,le roi Barbe-Bleue, accompagné de ses six épouses. On se divertiten reconnaissant un gros capitaine de cuirassiers et les femmes desa famille. Mais il se dit chargé d’une contrariantenouvelle : M. de Rocroy, qui était « desemaine » à son escadron, n’avait pu se faire remplacer ;or, un accident venait de se produire au quartier ; si bienqu’il ne pourrait arriver qu’un peu plus tard. Dans un billetadressé à son camarade, il priait qu’on l’excusât et suppliaitqu’on ne l’attendît point.

À cette annonce,Mme de Soucy fut dans la désolation, etM. de Castièvre se rembrunit. C’était à lui de conduireles danses, maintenant !

– Je me suis mal préparé…, dit-il.

Puis, faisant contre mauvaise fortune boncœur, il lança pourtant cet ordre courtois et suranné :

– En place, messires, pour ce qu’il fautballer !

Sur de vieux airs charmants, on dansa pourlors quelques pas, tout pleins de grâce et solennels. Après quoi,minuit sonnant et le duc étant au bout de son savoirchorégraphique, il résolut d’attendre M. de Rocroy, et semit, pour faire passer le temps, à nous raconter mille et unedrôleries, avec une verve étourdissante, à propos des armures et defeu leurs propriétaires. Il dit les amours de l’amiral Bonnivet,les frasques de la Trémoille, le roman de Bayard à Brescia ;et soudain, emporté par je ne sais quel démon de bouffonnerie,Charles Quint se planta devant le roi de France équestre etcommença de l’interpeller en un vieux français de fantaisie. Sonmonologue, scintillant d’esprit, chargé d’érudition, récoltait lesuccès d’un intermède longuement préparé. Cependant je savais qu’ilétait impromptu, et j’observais dans l’inquiétude cette excitationmaladive qui n’avait d’autre provenance que la crainte de voirl’ennui naître de l’oisiveté.

Je n’essayai même pas d’y remédier. Lesapplaudissements stimulaient la fougue de l’improvisateur, et,prenant des attitudes, il disait à l’armure de FrançoisIer :

– Ô gentil roi, mon bon cousin, toi qu’encette heure j’ai moult regret d’avoir tenu captif – las ! quen’es-tu céans, de chair et d’os, qui tant amais carousses etfrairies ! Comme tu t’esbaudirais gentillement ès danses etaultres simagrées ! Ô Gargantua, que le rire de Ta Majestésonnerait clair…

Le duc de Castièvre se tut brusquement. Autourde lui, l’assistance recula d’instinct, violente, tumultueuse. Unechose extraordinaire s’accomplissait. On avait vu soudain l’armureapostrophée brandir sa lance et, levant les deux bras, éclater d’unrire muet. La fente du casque lui prêtait une manière dephysionomie goguenarde. Le menaçant bonhomme s’agitait parsoubresauts, et son hilarité taciturne secouait un terriblecliquetis de ferraille.

Pesamment, tel un Commandeur vivifié non pourun festin de pierre, mais pour un bal d’acier, il mit pied àterre.

M. de Castièvre était blanc comme unsuaire. Sa figure effraya quelques femmes, et c’est pourquoil’évidence d’une farce ne prévalut pas sur-le-champ. Malgré tout,ce furent de petits cris de feinte terreur, des rires étouffés etdes bravos, ce fut cette rumeur de contentement, bientôt devenuel’ovation la plus flatteuse, qui répondit au salut silencieux del’inconnu.

Une voix rieuse jeta :

– Eviradnus !

– Que nous sommes sots ! criaMme de Soucy. C’est M. de Rocroy,voyons !

Naturellement, parbleu ! Il avait bienpromis d’être en François Ier, mais rien deplus !

Charles Quint s’approcha d’Henri VIII.J’entendis le gros capitaine de cuirassiers répondre auduc :

– Ah ! il en est bien capable,l’enragé ! C’est un fameux loustic, allez ! Il m’a fourrédedans avec sa balançoire de « semaine » etd’accident ! Quel type ! A-t-il de la branche !Regardez-moi ça !

Mme de Soucy, pendueamoureusement au bras de son fiancé, était entrée dans son jeu,l’appelant « sire » et lui présentant dames et damerets.Ils passaient. Ah ! la belle petite duchesse d’Étampes,flexible, mignonne, toute de douceurs, de dentelles et de soieries,contre ce géant rigide, dur et froid ! Ah ! comme elleétait fière de son grand cavalier qui saluait si bellement de partet d’autre, sans souci de la flamberge qui lui battait lecuissard !

Les danses recommencèrent.M. de Rocroy s’y livra d’un pied léger, nonobstant lepoids de sa vêture. Il tenait son rôle en conscience et s’obstinaità ne rien dire, pour essayer de prolonger un mystère que tousmaintenant avaient percé. Il se taisait, mais on apercevait deloin, par-dessus les têtes, son casque fleurdelisé ; et,toujours embrassé de Mme de Soucy commel’atlante d’airain qu’enlace un chèvrefeuille, le danseurtitanesque menait le bal.

Moi, je ne lâchais pasM. de Castièvre. Et pour cause. Une frayeur sans nompersistait à lui verdir la face. Ses yeux hagards s’étaient pochéset cernés d’une meurtrissure rosâtre. Il m’effrayait.

– Diane se tient mal, me dit-il d’un airégaré.

Par le fait, la duchesse d’Étampes manquait detenue. Le roi, son bel ami, se comportait avec elle un peu tropselon le bon plaisir. M. de Rocroy suivait de tout prèsle récit des vieux chroniqueurs ; il s’efforçait d’êtreFrançois Ier jusqu’en ses libertés d’allure ; et,vraiment, il aurait pu épargner à Mme de Soucycertaines poses fort exquises, mais tendres à l’excès. La jeunefemme, subjuguée, se laissait aller à sa fantaisie.Mme de Castièvre tenta de la rappeler ausentiment des convenances. Pour toute réponse, le couple resserrason étreinte. La duchesse revint à nous.

– Je vous en prie, dit-elle à son mari,parlez à Maurice ! Faites-le cesser ! Je ne sais quellemouche le pique… Eh bien, qu’avez-vous ? Qu’ya-t-il ?…

Le duc venait de lui saisir le poignet, d’unemain, tandis que l’autre se crispait à mon justaucorps. Je leregardai tout à coup. Oh ! sa ressemblance, alors ! saressemblance avec le fils de Jeanne la Folle ! sa bouchetordue, ses yeux d’halluciné, ce regard de terreur fixé sur lagrande porte !… Qu’est-ce donc qui le fascinait parlà ?…

Tonnerre du ciel !

Quelqu’un se tenait immobile, bien en vue,arrêté sur la première marche, dans le chatoiement d’une casaquerose à crevés blancs, quelqu’un qui était comme le tableau deTitien descendu de son cadre, quelqu’un qui était FrançoisIer en costume de cour, quelqu’un qui était, à n’en pasdouter, M. de Rocroy !

M. de Rocroy !… Il y en avaitdeux ?… Mais non, l’autre était faux ; le masquede fer, le chevaucheur du destrier de plâtre, celui-là nes’appelait pas le comte de Rocroy !…

Comment s’appelait-il, alors ?

M. de Castièvre observait le doubleroi, de fer ici, là de satin. Je voyais sa raison vaciller au fondde ses prunelles.

– Un plaisant ! lui soufflai-je.C’est un plaisant qui est dans l’armure.

– Un plaisant ? Mais qui ?Personne n’est assez grand, que je sache… Mon Dieu ! docteur,entendez-vous cette marche écrasante et ce cliquetis qu’il fait àchaque pas ?… Et cette Diane qui ne sait pas, qui ne comprendrien !

Un appel de M. de Rocroy domina lechant des musiques et le brouhaha de l’assembléedansante :

– Diane !

On le reconnut. La stupéfaction se traduisitpar un silence immédiat – un silence de crypte sur le bal !L’homme de guerre était redevenu mystérieux.

Tenant par la tailleMme de Soucy, dont la joue en feu serafraîchissait contre sa cuirasse, et baissant vers elle son casqueimpénétrable, le paladin resta seul avec sa compagne, au milieud’un cercle. On s’écartait de lui. On s’écartait aussi des autresarmures, ne sachant plus si elles étaient des enveloppes vacantesou des êtres clandestins et malfaisants qui allaient bouger.

– Diane ! appela le comte pour ladeuxième fois.

Mme de Soucy tourna latête de son côté. Elle eut un frisson, un spasme, une espèce derâle, et voulut échapper à son mystificateur. Celui-ci la retintbrutalement. Elle se débattit. Mais, d’un seul bras, il la serraitcomme dans un étau. Nous entendîmes la pauvre enfant gémir etsuffoquer.

– Lâchez-la ! hurlaitM. de Rocroy. Et découvrez-vous !

Un éclair blanc. L’inconnu avait tiré sagrande épée, d’un geste assurément très martial et familier ;puis, soulevant Mme de Soucy pantelante, nousle vîmes rétrograder vers le mur aux tapisseries, en faisant deterribles moulinets.

Alors M. de Rocroy se jette enavant. Un lansquenet creux lui a fourni sa hallebarde. Ilcharge ! Alors tous arrachent des armes aux panoplieshumaines, pillent l’arsenal et se ruent à l’attaque de l’intrus.Les torches répandent une fumeuse lueur d’incendie, l’air chaudsent la résine, la poix et la bergamote. Dans un brouillard rouge,la mêlée bigarrée grouille et piétine, hérissée de lames et depointes. Peu de clameurs ; des conseils, des commandementspressés ; un froissement de corps et l’entre-choc des sallesd’escrime. Parfois, un juron, la plainte d’un blessé. Le son desmasses d’armes qui cognent une chose invisible et retentissante. Dusang par terre. Mais toujours le casque fleurdelisé qui se dresselà-bas sur la tapisserie, et la grande épée royale quitournoie.

Au large, des femmes allaient de-ci de-là,mordant leurs mouchoirs, fiévreuses, pâles, guettées par la crisede nerfs. Les domestiques, gouailleurs, comptaient les coups. Etdans une encoignure, deux noirs compagnons étaient le duc et moi.Je n’avais pas eu besoin de le retenir ; je le rassurais tantbien que mal. Voyant s’éterniser la bataille, il tremblait de plusbelle et balbutiait des mots sans suite :

– Minuit !… Le pas… le pas sourddans les corridors… Le bruit de ferraille… Le roi ! leroi !… Pour dieu, qu’on en finisse ! Que le jour selève !…

– Du calme, lui disais-je. On va savoirqui est ce trouble-fête.

Mais lui, le visage tout à coup rasséréné, etdonnant à sa phrase une importance navrante :

– Savez-vous imiter le chant ducoq ? me demanda-t-il.

Et de courir à droite et à gauche, posant àchacun la même question tragique :

– Savez-vous imiter le chant ducoq ?

Je le poursuivais de mes supplications,lorsque j’entendis la voix de la duchesse :

– Docteur ! Docteur !…Vite ! Ma sœur…

On emportait un corps inanimé, dans des rubanset des étoffes d’or. Force me fut d’abandonnerM. de Castièvre et de quitter la salle.

Mme de Soucy, dégrafée,revenait lentement à la vie, étendue sur un lit à colonnes torseset entourée de figures d’un autre âge. Livide encore, avec unesombreur qui faisait comme une estompe de moustache au-dessus deses lèvres violettes, elle gisait parmi les falbalas chiffonnés etles dentelles arrachées. Sa sœur lui maintenait un flacon sous lesnarines, et l’odeur de l’éther, seule, modernisait la scène.

J’écoutais le vacarme étouffé de la bagarreinterminable… Il cessa… Et puis…

Et puis le duc entra dans la chambre.

Il était méconnaissable, à force d’épouvante,et pareil à jamais aux pauvres hères que l’on croise dans lespréaux d’asile.

Personne n’osait interroger le fou.

Mais M. de Rocroy survint, toutsanglant, un doigt coupé… Il s’assit et garda le silence.

Instant farouche.

– Qui était dans l’armure ? haletaMme de Castièvre.

– Terrible ! Terrible !bredouillait le duc.

M. de Rocroy, dont je pansais lablessure douloureuse, perdit connaissance.

– L’éther ! demandai-je. Étendons-lesur le tapis.

Cela ne m’empêchait pas de songer :

« Ils auront tué leur homme. Devant cemort, le duc, probablement, s’est imaginé que l’armure n’avaitjamais contenu qu’un cadavre – un cadavre sinistrementgalvanisé ! »

Mais j’étais, moi aussi, fortement surexcité.J’imaginais, en romancier, des fins de légende fantastique, tellesqu’on en lit dans les contes les plus absurdes. Je faisais sortirde l’armure débouclée soit un squelette, soit une momie affreuse.Je voyais s’en échapper quelque bête simiesque – ou des bêtes-, uneagglomération de rats immondes, un bloc de crapauds soudaindésagrégé…

Et certes, malgré l’horreur de ces cauchemars,mes cheveux se dressèrent sur ma tête, lorsqueM. de Rocroy, battant des paupières, prononça dans unsouffle ces mots terrifiants :

– Il n’y avait rien dansl’armure.

La petite aube donnait sa clarté sous-marine.Dès que j’en eus fini avec M. de Rocroy et sa fiancée, ilme fallut revenir au duc de Castièvre.

Son état nécessitait un départ immédiat,Sirvoise l’avait assez torturé. Je l’emmenai, le jour même, enSuisse. Au bout d’un mois, je l’y laissai sous la garde d’unconfrère et de Mme de Castièvre – sans espoir,hélas, de guérison !

Le merveilleux est chose trop rarissime pourqu’on en détruise bénévolement l’illusion, quand on a le bonheur dela posséder.

C’est pourquoi j’ai maudit le damné bavard quim’a demandé, l’autre fois :

– Vous savez comment cela s’estpassé ? Non ? Alors, que je vous dise :

« C’est derrière la tapisserie qu’on afrappé l’inconnu – tout à fait comme Polonius dans Hamlet. Oui,on a cru le frapper derrière cette tapisserie verslaquelle il s’était dirigé résolument à la première alerte. Etquand la tapisserie fut écartée, l’armure était affalée dans uncoin, – l’armure inoccupée – ou du moins une armure semblable àcelle de François Ier… Depuis quand setrouvait-elle derrière la tapisserie ? Et qui l’avaitapportée ?…

« Quant à l’autre armure, celle qui avaitdansé, celle qui s’était battue… Écoutez : il y avait uneporte fermée à cet endroit. On l’ouvrit après bien des efforts, aubout d’une heure. Elle donnait sur un labyrinthe de passages, etconduisait à de nombreuses issues. Il fallait moins d’une heure,certes, pour s’échapper par là !…

« Enfin, n’est-ce pas, le château deSirvoise a été revendu presque aussitôt (un prix dérisoire !).J’ai rencontré par hasard son nouveau propriétaire, lordFairborough. Un beau garçon, ma foi ! Haut de six pieds etquelques pouces. Capitaine aux horse guards. Il a grand air. Maison lui reproche d’être fantasque, aventureux et même cruel… Ilavait parié d’acquérir le domaine à bon compte, et c’est alorsque naquit la légende du château hanté. Un voyage qu’il fitaux Indes permit à M. de Castièvre de lui damer lepion ; mais il ne se tint pas pour battu. On le croyaitvoguant sur son yacht… Il se pourrait plutôt que votre infortunéclient l’ait hébergé à son insu, et rencontré, la nuit, dans lescouloirs de Sirvoise, jouant son rôle de chevalier-spectre…

« J’ajouterai que les domestiques deM. de Castièvre ont quitté sa livrée pour celle del’Anglais, avec un ensemble trop parfait pour n’être pasconcerté…

« Vous y êtes ?

– J’y suis, grommelai-je, désolé.

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