DIX BRÈVES RENCONTRES AGATHA CHRISTIE

Le nouveau venu fronçait les sourcils.

— Que dites-vous ? fit-il lentement. Edward est en Écosse !

— Oh ! s’écria la jeune fille en regardant son cavalier d’un air égaré. Oh ! (Elle pâlit, puis rougit.) Ainsi, dit-elle d’une voix sourde, vous êtes un vrai cambrioleur ?

Il fallut très peu de temps à Edward pour saisir la situation. Il pouvait lire une certaine crainte dans les yeux de la jeune fille et… oui… de l’admiration. Il jouerait le jeu jusqu’au bout !

— Il me reste à vous remercier, lady Noreen, dit-il en s’inclinant avec grâce. Je n’oublierai pas cette charmante soirée…

Du coin de l’œil, il avait repéré l’auto d’où était descendu Gerald. Sa voiture !

— Bonsoir !

Un saut léger, déjà il était derrière le volant, le pied sur l’accélérateur. La voiture bondit en avant. Gerald, stupéfait, ne bougea pas. Mais la jeune fille fut plus vive. Elle s’élança sur le marchepied.

Un virage brutal, un coup de frein violent. Noreen, le souffle court, posa sa main sur le bras d’Edward.

— Donnez-le-moi… Je dois le rendre à Agnès Larella. Oh ! soyez chic… nous avons passé une soirée épatante, tous les deux… nous avons dansé… nous avons été… camarades. Ne voulez-vous pas me le rendre ! À moi ?

« Une femme à la beauté ensorcelante. »

Mais oui, cela existait !

Edward était trop heureux de se défaire du collier et le ciel lui donnait l’occasion d’un geste noble.

Il le sortit de sa poche et le laissa tomber dans le creux de la main tendue.

— En souvenir de notre camaraderie, dit-il.

— Ah !

Les beaux yeux s’illuminèrent ; elle approcha son visage du sien et il le retint, ses lèvres contre les siennes.

Puis la jeune fille sauta à terre et la voiture démarra d’un bond.

Le Roman !

L’Aventure !

À midi, le lendemain, Edward Robinson pénétrait dans le petit salon d’une maison de Clapham.

— Joyeux Noël, dit-il.

Maud, qui disposait une branche de houx, le salua avec froideur.

— Vous vous êtes bien amusé à la campagne, avec votre ami ? demanda-t-elle.

— Écoutez-moi, Maud ! Je vous ai menti. J’ai gagné cinq cents livres à un concours et j’ai acheté une voiture. Ça, c’est le premier point. L’achat est fait, il n’y a plus rien à dire. Quant au second, le voici : je n’ai pas l’intention de lanterner pendant des années. Nous nous marierons le mois prochain. Vu ?

— Oh ! dit Maud d’une voix mourante.

Rêvait-elle ? Était-ce Edward qui parlait sur ce ton de maître ?

— Oui ou non ?

Elle leva sur lui un regard où se mêlaient la crainte et l’admiration. Il fut grisé ! Disparue, cette attitude maternelle qui l’exaspérait !

Lady Noreen l’avait regardé de la même façon, la nuit précédente. Mais Noreen avait rejoint le domaine du roman, aux côtés de la marchesa Bianca. La réalité, c’était « sa » femme.

— Oui ou non ? répéta-t-il en avançant d’un pas.

— Ou… oui…, balbutia Maud. Mais, Edward, qu’est-il arrivé ? Vous avez tellement changé !

— Pendant vingt-quatre heures, j’ai été un homme et non un mollusque… et par Dieu, ça paie !

Il la saisit comme l’eût fait Bill, le surhomme.

— Maud ! Tu m’aimes ? Dis-moi ! Tu m’aimes ?

— Oh ! Edward ! gémit-elle. Je t’adore…

(Traduction de Monique Thies)

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