Henri IV

ACTE DEUXIÈME

Une autre pièce de la villa, contiguë à lasalle du trône. Austère mobilier antique. Au fond, la porte duvestibule. À gauche, deux fenêtres qui donnent sur le jardin ;à droite une porte qui conduit à la salle du trône. Tard dansl’après-midi, le même jour.

Donna Mathilde, le docteur et TitoBelcredi sont en scène. Ils sont en train de causer, mais DonnaMathilde reste à l’écart, sombre, visiblement excédée par ce quedisent les deux interlocuteurs. Pourtant, elle ne peut s’empêcherde prêter l’oreille à leurs propos. Dans l’état d’agitation où ellese trouve, tout l’intéresse malgré elle, en l’empêchant de sereplier sur elle-même pour mûrir le projet plus fort qu’elle, quila tente. Les paroles des deux autres attirent son attention, carelle sent instinctivement le besoin d’être retenue à ce momentprécis.

BELCREDI. – Vous avez sans doute raison, moncher docteur, mais je vous ai fait part de mon impression.

LE DOCTEUR. – Je ne la conteste pas, mais jecrois que ce n’est qu’une simple impression…

BELCREDI. – Comment… Mais enfin, il a tout demême été jusqu’à dire la chose clairement ! (Se tournantvers la marquise.) N’est-ce pas, marquise ?

DONNA MATHILDE, se retournant. –Qu’est-ce qu’il a dit ? (Se refusant à approuverBelcredi.) Ah, oui… Mais ce n’est pas du tout pour la raisonque vous croyez.

LE DOCTEUR. – Il voulait parler des habits quenous endossions (il montre la marquise), du manteau demadame, de nos frocs de bénédictins. Tout cela était puéril.

DONNA MATHILDE, brusquement, se tournantavec colère. – Puéril ? Que dites-vous ?docteur ?

LE DOCTEUR. – Puéril, oui, dans un sens… Oui…Permettez, Marquise, que je vous explique… Puéril dans un sens,mais d’autre part beaucoup plus compliqué que vous ne pouvezl’imaginez.

DONNA MATHILDE. – Pour moi, c’est au contrairetout ce qu’il y a de plus clair.

LE DOCTEUR, avec le sourire de pitié del’homme compétent pour les profanes. – Eh ! oui !…Il faut connaître cette psychologie spéciale des fous qui fait –prenez-y garde – qu’un fou peut, sans aucun doute possible,s’apercevoir d’un déguisement, se rendre parfaitement compte quec’est un déguisement et pourtant, messieurs, y croire sans réserve,tout à fait comme les enfants pour qui un déguisement est à la foisun jeu et une réalité. Voilà pourquoi j’ai parlé de puérilité. Maisce qu’il y a d’autre part d’extrêmement compliqué, c’est qu’il aconscience, qu’il doit avoir parfaitement conscience d’être pourlui-même, devant lui-même, une image, cette image-là !

Il fait allusion au portrait de la salledu trône et fait signe vers sa gauche.

BELCREDI. – Il l’a dit !

LE DOCTEUR. – Parfaitement ! – Il est uneimage devant laquelle se sont présentées d’autres images : lesnôtres ; comprenez-vous ? Dans son délire, – délire aiguet extrêmement lucide, – il a pu remarquer tout de suite unedifférence entre son image et les nôtres. Il a pu remarquer qu’il yavait en nous, dans nos images, une simulation, et cela l’a mis endéfiance. La défiance des fous est sans cesse en éveil… Mais c’estlà tout. Notre jeu répondant au sien n’a pu lui sembler inspiré parla pitié, et son jeu nous a paru à nous d’autant plus tragique que,comme pour nous braver – comprenez-vous ? – poussé par sadéfiance, il a précisément voulu le dénoncer, comme un jeu ;mais oui, il a voulu nous faire croire qu’il jouait en seprésentant à nous avec un peu de teinture sur les cheveux et demaquillage sur les joues, et en nous disant qu’il se teignait,qu’il se fardait exprès, pour rire !

DONNA MATHILDE, éclatant. – Non, cen’est pas cela, docteur ! Ce n’est pas cela !

LE DOCTEUR. – Comment, pas cela ?

DONNA MATHILDE, prompte, avecénergie. – Je suis parfaitement sûre qu’il m’areconnue !

LE DOCTEUR. – Impossible… C’estimpossible…

BELCREDI, en même temps. – Allonsdonc !

DONNA MATHILDE, avec plus d’énergieencore, hors d’elle-même. – Il m’a reconnue, vousdis-je ! Quand il s’est approché de moi pour me parler, detout près, il m’a regardée dans les yeux, oui, il a plongé sonregard dans le mien, et il m’a reconnue !

BELCREDI. – Il parlait de votre fille…

DONNA MATHILDE. – Ce n’est pas vrai ! Ilparlait de moi ! de moi !

BELCREDI. – Oui, peut-être quand il aparlé…

DONNA MATHILDE, sans aucune pudeur. –De mes cheveux teints ! Vous n’avez pas remarqué qu’il aajouté tout de suite : « Ou bien le souvenir de voscheveux bruns, si vous étiez brune. » Il s’est rappeléparfaitement qu’à cette époque-là j’étais brune.

BELCREDI. – Allons donc ! Allonsdonc !

DONNA MATHILDE, sans l’écouter, setournant vers le docteur. – Mes cheveux, docteur, sontnaturellement bruns, comme ceux de ma fille, et voilà pourquoi ils’est mis à parler d’elle !

BELCREDI. – Mais il ne la connaît pas, votrefille ! Il ne l’a jamais vue !

DONNA MATHILDE. – Précisément ! Vous necomprenez rien ! Ma fille, pour lui, c’est moi, moi telle quej’étais à cette époque !

BELCREDI. – Oh ! mais son mal estcontagieux, vous êtes atteinte !

DONNA MATHILDE, bas, avec mépris. –Imbécile !

BELCREDI. – Permettez : avez-vous jamaisété sa femme ? Votre fille, dans son délire, est safemme : Berthe de Suse.

DONNA MATHILDE, – Mais parfaitement ! Jeme suis présentée à lui, non plus brune – comme il m’avait gardéedans son souvenir, – mais blonde, en disant que j’étais Adélaïde,la mère. Ma fille n’existe pas pour lui, il ne l’a jamais vue, vousl’avez dit vous-même. Comment pourrait-il donc savoir si elle estblonde ou brune ?

BELCREDI. – Il a parlé d’une femme brune engénéral, mon Dieu ! d’une femme quelconque – brune ou blonde –qui cherche à retenir le souvenir de sa jeunesse dans la couleur deses cheveux ! Et voilà qu’à votre habitude, vous vous mettez àimaginer je ne sais quoi ! Docteur, elle dit que je n’auraispas dû la suivre. C’est elle qui aurait mieux fait des’abstenir !

DONNA MATHILDE, un moment abattue par laremarque de Belcredi, réfléchit, puis se reprenant, mais avecquelque irritation, parce qu’elle est dans le doute. – Non…non… Il parlait de moi… Il a constamment parlé avec moi et demoi…

BELCREDI. – Ah ! çà, par exemple !Il ne m’a pas laissé souffler une minute, et vous prétendez qu’iln’a parlé que de vous ? C’était encore de vous qu’il parlaitquand il s’adressait à Pierre Damien !

DONNA MATHILDE, avec défi, bannissanttoute retenue. – Et pourquoi pas ? – Sauriez-vous me direpourquoi, dès le premier instant, il a senti de l’aversion pourvous et rien que pour vous ?

La demande sera faite sur un tel ton quela réponse explicite devrait être : « Parcequ’il a compris que vous êtes mon amant ! » –Belcredi le comprend si bien qu’il reste interdit, sansrépondre.

LE DOCTEUR. – Je vous demande pardon, mais laraison pourrait bien être dans ce fait qu’on lui avait annoncé lavisite de la duchesse Adélaïde et de l’abbé de Cluny. En voyant unetierce personne, qu’on ne lui avait pas annoncée, sa méfiance s’esttout de suite…

BELCREDI. – Parfaitement ! C’est saméfiance qui lui a fait voir en moi un ennemi : PierreDamien ! – Mais elle s’est mis dans la tête qu’il l’areconnue…

DONNA MATHILDE. – Il n’y a pas de doute… Sesyeux me l’ont dit, docteur… Il y a des regards qui ne trompentpas !… Ce ne fut peut-être que l’espace d’une seconde !Que voulez-vous que je vous dise ?

LE DOCTEUR. – C’est… c’est bienpossible : un éclair de lucidité…

DONNA MATHILDE. – Peut-être… Et alors, sesparoles m’ont paru pleines du regret de ma jeunesse et de lasienne, lui qui, depuis cet horrible accident, vit enfermé sous cemasque qu’il n’a jamais pu quitter, et qu’il veut quitteraujourd’hui, – il l’a dit expressément !

BELCREDI. – Oui ! Pour pouvoir aimervotre fille. Ou vous-même – comme vous vous l’imaginez, – parce quevotre pitié l’a attendri.

DONNA MATHILDE. – Ma pitié pour lui estinfinie…

BELCREDI. – Cela se voit, Marquise ! Elleest si grande qu’un thaumaturge en attendrait sans nul doute unmiracle.

LE DOCTEUR. – Permettez… Je ne fais pas demiracles ; je suis un médecin, et non un thaumaturge. J’aiprêté la plus grande attention à tout ce qu’il a dit, et je vousrépète que l’élasticité analogique, qui est la marque de toutdélire spécifique, me paraît chez lui très… comment dire ?très relâchée. Je m’explique : les éléments de son délire neforment plus un tout solide. J’ai l’impression qu’il a de la peineà se maintenir dans le personnage qu’il a revêtu, et cela à causede brusques appels qui l’arrachent – symptôme très réconfortant –qui l’arrachent, non pas à un état d’apathie naissante, mais à unétat d’acceptation et d’accommodation pour le plonger dans un étatde réflexion mélancolique… qui témoigne vraiment d’une activitécérébrale considérable. Je le répète, c’est un symptôme trèsréconfortant. Eh bien, si grâce au moyen violent que nous avonspréparé…

DONNA MATHILDE, se tournant vers lafenêtre, du ton d’un malade qui geint. – Mais comment cetteautomobile n’est-elle pas encore de retour ? Il y a plus detrois heures et demie…

LE DOCTEUR. – Vous dites ?

DONNA MATHILDE. – Cette automobile, docteur…Il y a plus de trois heures et demie qu’elle est partie !

LE DOCTEUR, tirant sa montre de sa pocheet la consultant – Il y a même plus de quatreheures !

DONNA MATHILDE. – Ils pourraient être icidepuis une demi-heure au moins !… mais c’est commetoujours…

BELCREDI. – Ils n’ont peut-être pas retrouvéla robe…

DONNA MATHILDE. – C’est impossible… Je leur aiindiqué, avec toutes les précisions nécessaires, où était enferméecette robe ! (Elle est très impatiente.) Mais, Frida…Où est Frida ?…

BELCREDI, se penchant à la fenêtre. –Peut-être au jardin, avec Carlo.

LE DOCTEUR. – Il doit la persuader de dominersa peur…

BELCREDI. – Mais elle n’a pas peur,docteur ; ne croyez pas cela ! Elle s’ennuie…

DONNA MATHILDE. – Faites-moi le plaisir de nepas la supplier ! Je sais comment elle est faite !

LE DOCTEUR. – Attendons patiemment. Nous n’enavons plus pour longtemps, et il faut que la chose ait lieu denuit… Il suffira d’un moment. Si nous parvenons à l’ébranler, àrompre d’un coup, par ce choc violent, le fil déjà usé qui lerattache encore à sa folie, en lui rendant ce qu’il demandelui-même (vous l’avez entendu : « On ne peut pas toujoursavoir vingt-six ans, Madame ! »), oui, en le libérant decet emprisonnement auquel il se sent condamné : en somme, sinous obtenons qu’il retrouve d’un coup la conscience de ladurée…

BELCREDI. – Il sera guéri !(Ironiquement, une syllabe après l’autre.) Nous allonsl’arracher à son image !

LE DOCTEUR. – Nous pouvons tout au moinsespérer le remettre en marche, comme une montre qui s’est arrêtée àune certaine heure. Nous serons là, avec nos montres à la main, etnous attendrons que l’heure fatale sonne de nouveau. Nous donneronsun bon coup, comme cela, et espérons qu’il se remettra à marquerles heures de sa vie, après ce long arrêt.

À ce moment, le marquis Carlo di Nollientre par le fond.

DONNA MATHILDE. – Ah ! Carlo… EtFrida ? Où est-elle passée ?

Di NOLLI. – Elle vient tout de suite.

LE DOCTEUR. – L’automobile estarrivée ?

Di NOLLI. – Mais oui.

DONNA MATHILDE. – Ah oui ? Et ils ontapporté la robe ?

Di NOLLI. – La robe est là depuis un grandmoment.

LE DOCTEUR. – Alors, c’est parfait !

DONNA MATHILDE, frémissante. – Oùest-elle ? Où est-elle ?

Di NOLLI, haussant les épaules et sourianttristement, comme quelqu’un qui joue mal volontiers un rôle dansune farce hors de saison. – Mais vous allez la voir… (Ilmontre l’entrée.) La voici…

Berthold se présente sur le seuil de laporte du fond, et annonce solennellement :

BERTHOLD. – Son Altesse la marquise Mathildede Canossa !

Frida entre magnifiquement belle. Ellea revêtu le vieux déguisement de sa mère, et elle prêtevie à l’image peinte dans la salle du trône.

FRIDA, s’approchant de Berthold, quis’incline, avec une hauteur méprisante. – De Toscane, deToscane, je vous prie ! Canossa est un de mes châteaux.

BELCREDI, avec admiration. – Maisregardez donc ! Ce n’est plus elle !

DONNA MATHILDE. – Ce n’est plus elle !…C’est moi… Vous voyez… Oh ! mon Dieu !… Arrête,Frida !… Vous la voyez ! C’est mon portrait…vivant !

LE DOCTEUR. – Oui, oui… C’est parfait !Parfait ! C’est le portrait même !

BELCREDI. – Il n’y a pas à dire… C’estvraiment le portrait ! Ah, quel type !

FRIDA. – Ne me faites pas rire !J’éclate, vous savez !… Quelle taille mince tu avais,maman ! J’ai failli étouffer en m’agrafant !

DONNA MATHILDE, à bout de nerfs,arrangeant les plis de la robe. – Viens un peu… Ne bouge plus…Ces plis… Tu es vraiment si serrée ?

FRIDA. – J’étouffe ! Dépêchons, je vousen prie…

LE DOCTEUR. – Mais il faut attendre lanuit…

FRIDA. – Je n’y tiens déjà plus… Je nerésisterai jamais jusqu’à ce soir !

DONNA MATHILDE. – Mais pourquoi t’es-tuhabillée si tôt ?

FRIDA. – Eh ! quand j’ai vu cetterobe ! La tentation ! Irrésistible…

DONNA MATHILDE. – Tu aurais au moins pum’appeler ! Je t’aurais aidée… Ce bliaud est tout froissé, monDieu !…

FRIDA. – Je l’ai bien vu, maman. Mais ce sontdes plis si invétérés… Il ne serait pas possible de les fairedisparaître…

LE DOCTEUR. – Peu importe, Marquise !L’illusion est parfaite. (S’approchant et invitant la marquiseà se placer devant sa fille, sans toutefois la cacher.) Vouspermettez ? Vous vous placerez comme cela… oui, a une certainedistance… un peu plus en avant…

BELCREDI. – Pour bien donner la conscience dela durée…

DONNA MATHILDE, se tournant vers lui, dubout des lèvres. – Vingt ans passés ! Un vrai désastre,hein ?

BELCREDI. – N’exagérons rien !

LE DOCTEUR, très embarrassé, pour rompreles chiens. – Non, non ! Ce que j’en disais, c’était pourl’habit… c’était pour voir…

BELCREDI, riant. – Mais entre cesdeux robes, Docteur, ce n’est pas vingt ans, c’est huit cents ansqu’il y a ! Un véritable abîme ! Vous voulez vraiment luifaire sauter huit cents ans d’un coup ? (Montrant d’abordFrida, puis la marquise.) Pensez-y bien, messieurs ; jeparle sérieusement : pour nous, il s’agit de vingt ans, dedeux robes et d’une mascarade. Mais si vraiment, comme vous ledisiez, Docteur, le temps s’est arrêté pour lui, en lui et autourde lui, s’il vit (montrant Frida) avec elle, il y a huitsiècles, le vertige du saut que vous allez lui imposer sera tel quequand il retombera au milieu de nous… (Le docteur du doigt faitsigne que non.) Vous dites que non ?

LE DOCTEUR. – Pas du tout. La vie, mon cherBaron, se réajuste ! Dans le cas présent, notre vie reprendraaussitôt sa réalité, pour lui comme pour nous, et elle lui rendraaussitôt l’équilibre, en lui arrachant d’un coup son illusion et enlui découvrant que ces huit cents années furent à peinevingt ! Il en sera comme de certains trucs, comme, parexemple, du saut dans le vide des initiations maçonniques ;cela semble un monde et, au bout du compte on a descendu une marched’escalier.

BELCREDI. – Oh ! quelle découverte !Mais parfaitement ! – Regardez Frida et la marquise,docteur ! – Qui est le plus en avance ? – C’est nous,docteur, nous les vieux ! Nos cadets se croient en avance surnous, ils se trompent : nous sommes plus avancés qu’eux,puisque le temps est plus à nous qu’à eux.

LE DOCTEUR. – Oui, si le passé ne nouséloignait pas !

BELCREDI. – Mais pas du tout ! Nouséloigner de quoi ? (Il montre Frida et di Nolli.) Euxont encore à faire ce que nous avons déjà fait, docteur : ilsont à vieillir, en refaisant à peu près les mêmes sottises quenous… L’illusion, c’est de croire qu’on quitte la vie par une portequi se trouve en avant de nous ! C’est faux ! Dès notrenaissance, nous commençons à mourir ; celui qui a commencé lepremier à vivre est le plus jeune de tous. Le plus jeune des hommesc’est le père Adam ! Regardez (il montreFrida) : La marquise Mathilde de Toscane est de huitsiècles plus jeune que nous tous.

Il s’incline profondément devantelle.

Di NOLLI. – Je t’en prie, je t’en prie,Tito : ne plaisantons pas.

BELCREDI. – Où as-tu vu que jeplaisantais…

Di NOLLI. – Mais oui, depuis que nous sommesarrivés…

BELCREDI. – Comment ! J’ai été jusqu’àm’habiller en bénédictin. »

Di NOLLI. – En fait de chose sérieuse…

BELCREDI. – Si la chose a été sérieuse pourles autres comme en ce moment, par exemple, pour Frida, pourquoi nel’aurait-elle pas été pour moi ?… (Se tournant vers ledocteur.) Je vous jure, docteur, que je ne comprends pasencore ce que vous voulez faire.

LE DOCTEUR, ennuyé. – Mais vous leverrez bien ! Je ne vous demande qu’un peu de crédit… Lamarquise n’est pas encore habillée comme elle doit l’être…

BELCREDI. – Ah ! elle doit aussi sedéguiser…

LE DOCTEUR. – Mais naturellement ! Elleva mettre une robe pareille à celle-ci, qui se trouve dans lagarde-robe du château, pour les jours où il souhaite la présence dela marquise Mathilde de Canossa…

FRIDA, qui cause bas avec di Molli,s’apercevant de l’erreur du docteur. – De Toscane ! DeToscane !

LE DOCTEUR. – C’est la même chose !

BELCREDI. – Ah ! je comprends ! Ilva se trouver en présence de deux Mathildes ?…

LE DOCTEUR. – Précisément. De deux, etalors…

FRIDA, l’appelant à l’écart. – Venezm’expliquer, Docteur.

LE DOCTEUR. – Je suis à vous !

Il s’approche des deux jeunes gens et leurdonne des explications.

BELCREDI, bas, à donna Mathilde. –Vous voulez donc…

DONNA MATHILDE, se tournant vers lui,impassible. – Quoi ?

BELCREDI. – Vous lui portez vraiment tantd’intérêt ! Au point de vous prêter à cette comédie ?C’est énorme pour une femme !

DONNA MATHILDE. – Pour une femmequelconque !

BELCREDI. – Mais non, ma chère, pourtoutes ! C’est une abnégation…

DONNA MATHILDE. – Je le lui doisbien !

BELCREDI. – Mais ne mentez donc pas !Vous savez bien que vous ne vous abaissez pas !

DONNA MATHILDE. – Pourquoi parlez-vousd’abnégation, alors ?

BELCREDI. – Vous ne vous avilirez pas aux yeuxdes autres, mais vous vous avilirez assez pour m’offenser,moi !

DONNA MATHILDE. – Il s’agit bien de vous en cemoment !

Di NOLLI, s’avançant. – Bien, bien,voici donc comment nous ferons… (S’adressant à Berthold.)Vous, allez m’appeler un de vos trois camarades !

BERTHOLD. – Tout de suite !

Il sort par le fond.

DONNA MATHILDE. – Mais il faut d’abord quenous prenions congé de lui !

Di NOLLI. – Précisément ! Je le faisappeler pour préparer votre départ. (À Belcredi.) Toi, tupeux t’en dispenser : reste ici !

BELCREDI, hochant la tête avecironie. – Mais oui, je m’en dispense… je m’en dispense trèsvolontiers…

Di NOLLI. – Il vaut mieux ne pas éveillerencore sa défiance, comprends-tu ?

BELCREDI. – Mais oui ! Je suis unequantité négligeable !

LE DOCTEUR. – Il faut lui donner la certitudeabsolue que nous quittons le château.

Landolf, suivi de Berthold, entre par laporte à droite.

LANDOLF. – Je vous demande pardon !

Di NOLLI. – Entrez ! Entrez ! C’estbien vous Lolo, n’est-ce pas ?

LANDOLF. – Lolo ou Landolf, auchoix !

Di NOLLI, – Bien. Écoutez : Le docteur etmadame la Marquise vont prendre congé tout de suite.

LANDOLF. – Rien de plus facile. Il suffira dedire qu’ils ont obtenu sa grâce et que le Pape consent à lerecevoir. Il est là-bas, dans sa chambre, en train de gémir. Il serepent de tout ce qu’il a dit, et il est désespéré à l’idée qu’iln’obtiendra pas sa grâce. Si vous voulez bien me suivre et prendrela peine de remettre les habits que vous portiez tout àl’heure…

LE DOCTEUR. – Nous vous suivons…

LANDOLF. – J’y pense. Je me permets de voussuggérer une chose ; c’est d’ajouter que la marquise Mathildede Toscane, a comme vous, réclamé sa grâce au SouverainPontife.

DONNA MATHILDE. – Ah ! Vous voyez bienqu’il m’a reconnue !

LANDOLF. – Je vous demande pardon. Ce n’estpas pour cela : c’est qu’il redoute terriblement l’aversion dela marquise, qui a accueilli le Pape dans son château. C’est unechose étrange… Dans l’histoire, que je sache (mais ces messieurs etdames le savent certainement mieux que moi) il n’est pas dit dutout, n’est-ce pas, qu’Henri IV aimât secrètement la marquisede Toscane ?

DONNA MATHILDE, promptement. – Non,pas du tout ! Il n’y a rien de cela ! C’est même tout lecontraire !

LANDOLF. – C’est bien ce qui me semblait maislui dit qu’il l’a aimée – il ne cesse de le répéter… Et il redouteaujourd’hui que la colère de la marquise, à cause de cet amoursecret, n’agisse contre lui sur l’esprit du Souverain Pontife.

BELCREDI. – Et il faut lui faire comprendreque cette aversion n’existe plus !

LANDOLF. – C’est cela !Parfaitement !

DONNA MATHILDE, à Landolf. – C’esttrès bien ! Oui. (À Belcredi.) L’histoire ditprécisément, vous l’ignorez peut-être, que le Pape consentit à lerecevoir sur les prières de la marquise Mathilde et de l’abbé deCluny. Et je vous dirai même, mon cher Belcredi, qu’au moment de lacavalcade – je pensais me servir de ce fait pour lui prouver que jen’étais pas son ennemi autant qu’il se l’imaginait.

BELCREDI. – Mais alors, c’est parfait, machère marquise ! Vous n’avez qu’à vous conformer àl’histoire !…

LANDOLF. – Madame pourrait très bien éviter undouble déguisement et se présenter tout de suite, avec monseigneur(il montre le docteur), vêtue en marquise de Toscane.

LE DOCTEUR, promptement, avec force.– Non, non ! Pas cela, je vous en prie ! Cela démoliraittout mon plan ! L’impression que doit provoquer laconfrontation doit être brusque, foudroyante. Non, non, marquise,venez avec moi : vous vous présenterez encore à lui enduchesse Adélaïde, mère de l’impératrice, et nous prendrons congé.Il est avant tout nécessaire qu’il croie que nous avons quitté ceslieux. Allons, ne perdons plus de temps : nous avons encoremille choses à préparer.

Le docteur, donna Mathilde et Landolfsortent par la porte à droite.

FRIDA. – Voilà que je recommence à avoirpeur…

Di NOLLI. – Encore, Frida ?

FRIDA. – Il aurait mieux valu que je le vissetout à l’heure…

Di NOLLI. – Je t’assure qu’il n’y a vraimentpas de quoi avoir peur !…

FRIDA. – Il n’est pas fou furieux, c’estsûr ?

Di NOLLI. – Mais non, c’est le fou le plustranquille qui soit.

BELCREDI, avec une ironique affectationsentimentale. – Un fou mélancolique !… Tu n’as donc pasentendu ! Il est fou de toi.

FRIDA. – Merci beaucoup ! C’estprécisément ce qui m’effraie !

BELCREDI. – Il ne cherchera pas à te faire demal…

Di NOLLI. – Ce sera l’affaire d’uninstant…

FRIDA. – Oui, mais me trouver dansl’obscurité ! avec lui…

Di NOLLI. – Il ne s’agit que d’une minute… etpuis, ne serai-je pas près de toi. Tout le monde restera derrièreles portes, aux aguets, prêt à accourir. Dès qu’il verra ta mèredevant lui, comprends-tu ? ton rôle sera terminé…

BELCREDI. – Voulez-vous savoir quelle est macrainte à moi : c’est qu’on ne donne un coup d’épée dansl’eau.

Di NOLLI. – Ne recommence pas ! Le remèdeme paraît efficace !

FRIDA. – À moi aussi, à moi aussi ! Je lesens rien qu’à la façon dont je frémis déjà moi-même !

BELCREDI. – Mais les fous, mes chers amis –(malheureusement ils l’ignorent) – possèdent un bonheur dont nousavons tort de ne pas tenir compte…

Di Nolli, agacé. – Qu’est-ce que tunous chantes avec leur bonheur ?

BELCREDI, avec force. – Ils neraisonnent pas !

Di Nolli, l’interrompant avecimpatience. – Mais le raisonnement n’a rien à voirlà-dedans !

BELCREDI. – Comment ! N’est-ce pas unraisonnement qu’il devrait faire – selon nous – en la voyant(il montre Frida) et en voyant sa mère ? Ceraisonnement, nous l’avons nous-mêmes construit d’avance.

Di NOLLI. – Pas du tout ! Il ne s’agitpas d’un raisonnement ! Nous lui présentons, comme le dit ledocteur, une double image de la fiction où il s’est enfermé.

BELCREDI, avec éclat, brusquement. –Écoute : je n’ai jamais compris pourquoi ces gens-là prennentleur doctorat en médecine !

Di NOLLI, ne comprenant pas. – Quidonc ?

BELCREDI. – Les aliénistes.

Di NOLLI. – Et quel doctorat veux-tu qu’ilsprennent ?

FRIDA. – Puisqu’ils sont médecinsaliénistes ?

BELCREDI. – Précisément… Ils devraient prendreleur doctorat en droit ! Chez eux, tout est purbavardage ! Mieux un psychiatre sait parler, meilleur ilest ! « L’élasticité analogique », « laconscience de la durée » ! Et par-dessus le marché, ilsont le toupet de dire qu’ils ne font pas de miracles… Maisprécisément, ce sont des miracles qu’il faudrait ! Ah !ils savent bien que plus ils disent qu’ils ne sont pas sorciers,plus les gens les prennent au sérieux. Ils ne font pas de miracles,et ils retombent toujours sur leurs pattes ! C’estadmirable !

BERTHOLD, qui guettait derrière la portede droite, regardant par le trou de la serrure. – Lesvoilà ! Les voilà ! Ils se dirigent de ce côté…

Di NOLLI. – Vraiment ?

BERTHOLD. – Il a l’air de vouloir lesreconduire… Oui, oui, le voilà, le voilà !

Di NOLLI. – Retirons-nous ! (Setournant vers Berthold, avant de sortir.) Vous, restezici !

BERTHOLD. – Je dois rester ici ?

Sans lui répondre, Di Molli, Frida etBelcredi s’enfuient par la porte du fond, laissantBerthold hésitant et interdit. La porte à droite s’ouvre :Landolf entre le premier, et s’incline aussitôt. Entrent ensuitedonna Mathilde, avec le manteau et la couronne ducale, comme aupremier acte, et le docteur, revêtu du froc d’abbé de Cluny,encadrant Henri IV en habit royal. Entrent enfin Ordulf etAriald.

HENRI IV, continuant le discoursqu’on suppose commencé dans la salle du trône. – Je vousdemande donc comment je pourrais être fourbe, si l’on me croitentêté…

LE DOCTEUR. – Non, non, pas entêté dutout !

HENRI IV, souriant aveccomplaisance. – Selon vous, je serais donc vraimentfourbe ?

LE DOCTEUR. – Non, non, ni fourbe, nientêté !

HENRI IV, s’arrête et s’écrie sur leton d’un homme qui veut faire remarquer avec bienveillance, maisaussi avec ironie, que les deux choses ne sont pas possibles.– Monseigneur, si l’entêtement n’est pas un vice qui puisse allerde pair avec la fourberie, j’espérais qu’en me refusantl’entêtement, vous voudriez bien m’accorder au moins un peu defourberie. Elle m’est très nécessaire, je vous assure ! Maissi vous voulez la garder tout entière pour vous…

LE DOCTEUR. – Comment ? Je vous faisl’effet d’être fourbe ?

HENRI IV. – Non, Monseigneur ! Quedites-vous là ? Mais vous ai-je moi-même produit aujourd’huil’impression d’être entêté ? (Coupant court et seretournant vers donna Mathilde.) Vous permettez que je dise,avant de prendre congé, un mot en particulier à madame laduchesse ? (Il la conduit à l’écart et luidemande anxieusement, en grand secret.) Votre fille vousest-elle vraiment chère ?

DONNA MATHILDE, éperdue. – Mais oui,certainement…

HENRI IV. – Et vous voulez que jecompense, de tout mon amour, de tout mon dévouement, les gravestorts que j’ai envers elle ? Du moins ne croyez pas, je vousen supplie, aux débauches dont m’accusent mes ennemis ?

DONNA MATHILDE. – Mais non : je n’y croispas, je n’y ai jamais cru…

HENRI IV. – Alors, vous voulezbien ?

DONNA MATHILDE. – Quoi donc ?

HENRI IV. – Que je recommence à aimervotre fille ? (Il la regarde et ajoute aussitôt, d’un tonmystérieux d’avertissement et d’épouvante à la fois.) Ehbien ! cessez d’être l’amie, oui, ne soyez plus l’amie de lamarquise de Toscane !

DONNA MATHILDE. – Je vous assure, pourtant,qu’elle a prié, qu’elle a conjuré autant que nous pour obtenirvotre grâce…

HENRI IV, aussitôt, bas,frémissant. – Ne me dites pas cela ! Ne voyez-vous pas,madame, l’effet que cela me produit ?

DONNA MATHILDE, le regardant, puis toutbas, comme en confidence. – Vous l’aimez encore ?

HENRI IV, éperdu. –Encore ? Vous dites encore ? Comment lesavez-vous ?… Personne ne le sait ! Personne ne doit lesavoir !

DONNA MATHILDE. – Mais elle le sait peut-être,si elle a tant imploré en votre faveur !

HENRI IV la considère une minute,puis dit. – Et vous aimez votre fille ? (Brève pause.Il se tourne vers le docteur, sur un ton plaisant.) Ah !Monseigneur, c’est étrange, je n’ai su que j’étais marié quelongtemps après – bien tard, bien tard… Aujourd’hui même, je suismarié, je le suis sans aucun doute… Eh bien, je puis vous jurer queje n’y pense presque jamais. C’est un gros péché de ma part, maisje n’ai pas le sentiment de l’existence de ma femme ; je ne lasens pas dans mon cœur. Ce qui est le plus étonnant, c’est que samère non plus ne la sent pas dans son cœur ! Avouez-le,madame, vous vous souciez bien peu d’elle ! (Il se tournevers le docteur, avec exaspération.) Elle me parle del’autre ! de Mathilde ! (S’excitant toujoursdavantage.) Et avec une insistance, une insistance que je neparviens pas à m’expliquer.

LANDOLF, humblement. – C’estpeut-être pour vous enlever, Majesté, une opinion fausse que vousavez pu concevoir sur la marquise de Toscane. (Comme confus des’être permis cette remarque.) Je veux dire, bien entendu, ence qui concerne la minute présente…

HENRI IV. – Tu soutiens, toi aussi,qu’elle a été mon amie ?

LANDOLF. – Oui, Majesté, en ce moment, elleest votre amie !

DONNA MATHILDE. – Oui, c’est exact, elle…

HENRI IV. – Je comprends ce que celasignifie. Vous ne croyez pas que je l’aime. Je comprends. Jecomprends. Personne ne l’a jamais cru, personne ne l’a jamaissoupçonné. Cela vaut mieux ainsi. C’est assez. Assez. (Il coupecourt et se tourne vers le docteur, le visage changé.) Vousavez vu, Monseigneur ? les conditions qu’a mises le Pape pourlever son excommunication n’ont rien, exactement rien à voir avecles raisons pour lesquelles il m’avait excommunié ! Dites auPape Grégoire que nous nous reverrons à Bressanone. Et vous,madame, si vous avez la chance de rencontrer votre fille dans lacour du château de votre amie la marquise, que vousdirais-je ? Faites-la monter ; nous verrons s’il me serapossible de la garder comme épouse et comme impératrice. Jusqu’ici,combien se sont présentées à moi en m’assurant qu’elles étaientbien Berthe de Suse, mon épouse, que j’ai quelquefois désirée – (iln’y avait pas de honte à cela : puisqu’il s’agissait de mafemme légitime !) Mais je ne sais pourquoi en m’affirmantqu’elles étaient bien Berthe, qu’elles étaient bien de Suse, elleséclataient de rire ! (Sur un ton de confidence.) Vouscomprenez, madame, – au lit – moi sans vêtements – elles, mon Dieu,elles aussi sans vêtements… l’homme et la femme… c’estnaturel !… On ne pense plus à ce qu’on est quand on est nu. Onsuspend son habit, il reste là comme un fantôme ! (Sur unautre ton, en confidence, au docteur.) Pour moi, Monseigneur,je pense que les fantômes, en général, ne sont au fond rien autrechose que de petites combinaisons manquées de l’esprit : desimages que nous n’avons pas réussi à contenir dans le royaume dusommeil, et qui nous apparaissent parfois à l’état de veille, enplein jour, pour nous faire peur. Ah ! si vous saviez ma peur,la nuit, quand je vois apparaître en désordre toutes ces images –qui rient, qui tombent de cheval. – Parfois, le sang qui bat dansmes artères me terrifie, comme dans le silence de la nuit, un bruitassourdi de pas dans des chambres lointaines… Mais c’est assez, jevous ai trop retenus. Je vous salue, madame, Monseigneur, mesrespects. (Au seuil de la porte du fond, jusqu’où il les aaccompagnés, il prend congé d’eux, qui s’inclinent. Donna Mathildeet le docteur sortent. Il referme la porte et se retourne aussitôt,complètement changé.) Ah ! les bouffons ! lesbouffons ! les bouffons ! C’était un clavier decouleurs ! Je n’avais qu’à l’effleurer, et elle devenaitblanche, rouge, jaune, verte… Et cet autre : Pierre Damien. –Ah ! ah ! c’était parfait ! Je l’ai écrasé ! Iln’a pas osé reparaître devant moi ! (Tout cela sera ditavec une frénésie joyeuse et jaillissante en marchant de long enlarge, en tournant la tête de tous côtés, jusqu’au moment où ilaperçoit Berthold, plus qu’étonné, épouvanté par ce changementsoudain. Il s’arrête devant lui, et le montrant aux trois autres,qui restent éperdus de stupéfaction.) Mais regardez donc cetimbécile, qui me regarde la bouche ouverte… (Il lesecoue.) Tu ne comprends donc pas ? Tu ne vois donc pascomment je les traite, comment je les désarticule, comment je lesoblige à paraître devant moi, ces pantins demi-mortsd’épouvante ! Ce qui les terrifie, c’est uniquementceci : que je leur arrache leur masque et que je m’aperçois deleur déguisement : comme si ce n’était pas moi qui les avaiscontraints à se déguiser pour le plaisir que j’ai de faire lefou !

LANDOLF, ARIALD et ORDULF, bouleversés, seregardant entre eux. – Comment ? Que dit-il ? Maisalors…

HENRI IV, se tournant brusquement, enentendant leurs cris, impérieusement. – Je suis excédé !J’en ai assez ! Finissons-en ! (Soudain, comme si, eny repensant, il n’arrivait pas à y croire.) Quelleimpudence ! Se présenter devant moi, aujourd’hui, avec sonamant auprès d’elle… – Et ils se donnaient des airs de pitié, ilssemblaient vouloir épargner la colère à un pauvre homme déjà horsdu monde, hors du temps, hors de la vie ! Un fou ! Oui,un peu de pitié pour un pauvre fou… S’il ne l’était pas, fou, cethomme n’aurait pas toléré d’être ainsi tyrannisé ! Ilsprétendent bien, eux, tous les jours, à toutes les minutes, que lesautres soient comme ils le veulent ! Ils ne considèrent pascela comme de la tyrannie : oh, non, pas le moins dumonde ! C’est leur façon de penser, leur façon de voir, desentir : chacun a la sienne ! Vous avez aussi la vôtrecertainement. Mais je voudrais bien savoir quelle elle peutêtre ! Celle des bêtes de troupeau, misérable, changeante,incertaine !… Et eux, ils en profitent : ils vous fontsubir et accepter leur façon de voir ; ils vous font sentir etvoir comme eux, ou, tout au moins, ils s’en donnentl’illusion ! Car, enfin, que parviennent-ils à imposer ?Des mots ! des mots que chacun comprend et répète à sa façon…C’est pourtant ainsi que se forme ce qu’on appelle l’opinioncourante ! Ah ! malheur à celui qui, un beau jour, setrouve marqué d’un de ces mots que chacun répète ! Le mot« fou », par exemple, ou encore, que sais-je, le mot« imbécile » ! Mais dites-moi, peut-on rester calmeà l’idée que quelqu’un s’acharne à persuader aux autres que vousêtes tel qu’il vous voit, lui, à vous graver dans l’esprit desautres, conforme au jugement qu’il a porté sur vous ?« Un fou » « Un fou » ! – Je ne parle pasd’aujourd’hui, où je fais semblant de l’être ! Mais avant machute de cheval, avant ce choc sur ma tête… (Il s’arrêtebrusquement, en remarquant l’agitation des quatre hommes.)Vous vous regardez dans les yeux ? (Il imite les marquesde leur étonnement.) Quelle révélation, n’est-ce pas ? Lesuis-je ou ne le suis-je pas ? – Eh oui, je suis fou (ildevient terrible.) Mais alors, pardieu, à genoux, àgenoux ! (Il les force à s’agenouiller tous, l’un aprèsl’autre.) Je vous l’ordonne : tous a genoux devantmoi ! – Comme cela ! Et touchez trois fois la terre dufront ! Allons ! Devant les fous, tout le monde doit êtreà genoux ! (Il regarde les quatre hommes agenouillés etsent brusquement sa féroce gaieté s’évaporer, il s’enindigne.) Allons ! Bêtes de troupeau, relevez-vous !– Vous m’avez obéi ? Alors que vous pouviez me passer lacamisole de force !… Écraser quelqu’un sous le poids d’un mot,cela se fait comme rien, comme on écraserait une mouche !Toute la vie est écrasée sous le poids des mots ! Le poids desmorts ! Regardez moi : pouvez-vous croire sérieusementqu’Henri IV vit encore ? Et pourtant, je parle et je vouscommande, à vous qui êtes vivants. C’est moi qui vous veuxainsi ! Cela vous semble une plaisanterie, que les mortscontinuent à dominer la vie ? – Ici, oui, c’est uneplaisanterie : mais, sortez d’ici, allez dans le monde desvivants. Le jour paraît. Le temps s’étale devant vous. C’estl’aube. – Ce jour qui naît, vous dites-vous, nous allons le créernous-mêmes ? – Ah oui ! Vous-mêmes ! – Et toutes lestraditions ! Et toutes les habitudes ! – Vous vous mettezà parler ? – C’est pour répéter toutes les phrases quitoujours se sont dites ! – Vous croyez vivre ? – Vousremâchez la vie des morts ! (Il se campe devant Berthold,complètement abasourdi.) Tu ne comprends rien à tout cela,toi, n’est-ce pas ? Comment t’appelles-tu ?

BERTHOLD. – Moi… Berthold…

HENRI IV. – Imbécile ! Nous sommesici entre nous : Comment t’appelles-tu ?

BERTHOLD. – Vr… Vraiment… Je m’appelleFino…

HENRI IV, remarquant le gested’avertissement des trois autres, et se tournant aussitôt vers euxpour les faire taire. – Fino ?

BERTHOLD. – Fino Pagliuca, oui, monsieur.

HENRI IV, se tournant vers lesautres. – Vous, je sais vos noms ! Je vous ai tant defois entendu vous appeler ! (À Landolf.) Toi, tut’appelles Lolo ?

LANDOLF. – Oui, monsieur… (Avecjoie.) Oh, mon Dieu… Mais alors ?

HENRI IV, brusquement. – Quoidonc ?

LANDOLF, pâlissant. – Je disais…

HENRI IV. – Oui, tu disais : alorsil n’est plus fou ? Mais non ! Ne le voyez-vouspas ? – Nous nous amusons aux dépens de ceux qui nous croientfous. (À Ariald.) Je sais que tu t’appelles Franco… (ÀOrdulf.) Et toi, attends un peu…

ORDULF. – Momo !

HENRI IV. – Oui, Momo ! Ehbien ! Qu’en pensez-vous ?

LANDOLF. – Mais alors… Mon Dieu…

HENRI IV. – Non, rien n’est changé !Rions à gorge déployée !… Mais entre nous. (Il rit.)Ah, ah, ah, ah, ah !

LANDOLF, ARIALD, ORDULF, se regardant,incertains, pris entre leur joie et leur surprise. – Il estguéri ! Est-il possible ?

HENRI IV. – Chut, chut ! (ÀBerthold.) Tu ne ris pas ? Tu es encore offensé ? Ilne faut pas ! Je ne parlais pas pour toi, tu sais ? –C’est tout le monde, comprends-tu ? C’est tout le monde qui aintérêt à faire croire que certains hommes sont fous, afin depouvoir sans remords les enfermer. Et sais-tu pourquoi ? C’estparce que quand ces hommes-là se mettent à parler, ils cassenttout. Les conventions volent en éclats. Moi, par exemple, qui suisun de ces hommes, que vais-je dire de ces gens qui viennent de s’enaller ? Que la femme est une putain, son compagnon un salaudet que le troisième est un imposteur… Personne ne croira que c’estvrai ! Et on décide que je suis fou ; mais tout le mondem’écoute pourtant avec épouvante… Ah ! Je voudrais bien savoirpourquoi cette épouvante, puisque ce que je dis n’est pas vrai. –On ne peut pas croire ce que racontent les fous ! – Etcependant, regardez-les tous qui m’écoutent les yeux élargisd’épouvante. – Pourquoi ? Dis-moi pourquoi, toi, dis-lemoi ? Tu vois, je suis calme.

BERTHOLD. – Mais parce que… ils croientpeut-être…

HENRI IV. – Que c’est vrai ! Non,mon cher… Non, mon cher… regarde-moi bien dans les yeux. Je ne dispas que ce soit vrai, sois tranquille ! – Rien n’estvrai ! – Mais regarde-moi bien dans les yeux !(Réponds : Pourquoi écoute-t-on les fous avec épouvante !Mais regarde-moi donc dans les yeux !)

BERTHOLD. – Oui, monsieur…

HENRI IV. – Tu vois bien ! Tu voisbien ! Toi aussi ! Tes yeux sont remplisd’épouvante ! Parce que de nouveau tu me crois fou (et lesfous, on les écoute toujours avec terreur !) – Voilà lapreuve ! Voilà la preuve !

Il rit.

LANDOLF, au nom des autres, prenantcourage, avec exaspération. – Mais quelle preuve ?

HENRI IV. – Que les fousterrifient ! En ce moment, vous me croyez fou de nouveau etvous m’écoutez avec épouvante ? – Et pourtant, il y alongtemps que vous êtes habitués à ma folie ! Vous avez cruque j’étais fou ! – Est-ce vrai ou non ? Alors pourquoicette épouvante ? (Il les regarde, ils sontatterrés.) Vous voyez bien ? Vous sentez que ce désarroipeut aller jusqu’à la terreur, jusqu’à la sensation que la terrevous manque sous les pieds et qu’on n’a plus d’air àrespirer ? Pourquoi ? Pourquoi ? Mais parce que, meschers amis : se trouver devant un fou, savez-vous bien ce quecela signifie ? – Cela veut dire : se trouver devantquelqu’un qui ébranle jusque dans leurs assises toutes les chosesque nous avons construites en nous, autour de nous, la logique, lalogique de toutes nos constructions ! – Il n’y a rien à yfaire ! Les fous construisent sans logique ; comme ilssont heureux, hein ! Ou bien avec une logique à eux, légèrecomme une plume ! Ah ! Quelle mobilité ! Quellemobilité ! Aujourd’hui, d’une façon ; demain, d’uneautre ! Qui sait comment ? Vous employez toute votreforce à vous fixer, et eux, ils s’abandonnent. Quellemobilité ! Quelle mobilité ! – Vous dites :« Cela ne peut pas être ! » – Pour eux, tout peutêtre. – Vous dites : cette chose n’est pas vraie ?Pourquoi ? – Parce qu’elle ne semble vraie ni à toi, ni à toi,ni à toi, (il indique trois d’entre eux) ni à cent milleautres. Eh, mes chers amis, il faudrait examiner ce qui semble vraià ces cent mille autres qu’on n’appelle pas fous, voir lesspectacles que donne leur accord, fruits de leur logique !Fine fleur de logique ! Étant enfant, la lune, dans le puits,me semblait vraie. Et combien d’autres choses encore me semblaientvraies ! Je croyais à tout ce qu’on me disait et j’étaisheureux ! Malheur, oui, malheur, si vous ne vous cramponnezpas de toutes vos forces à ce qui vous semble vrai aujourd’hui, àce qui vous semblera vrai demain, même si c’est le contraire de cequi hier vous sembla vrai ! Malheur si vous allez comme moi,jusqu’au fond de cette chose terrible qui, elle, rend fou : setrouver à côté d’un autre être, regarder ses yeux, – comme un jourj’ai regardé certains yeux, – et se sentir pareil à un mendiantdevant une porte qui jamais ne s’ouvrira pour le laisser passer.Celui qui entrera, ce ne sera jamais vous, avec l’univers que vousportez en vous, tel que vous le voyez et le touchez. Ce seraquelqu’un d’inconnu de vous, conforme à celui que cet autre être,dans son univers impénétrable, croit voir et toucher en vous.(Longue pause. L’ombre commence à s’épaissir dans la salle,accroissant l’impression d’effroi et de consternation dont cesquatre hommes déguisés sont envahis, et qui les éloignent toujoursdavantage de ce grand homme masqué, qui demeure plongé dans lacontemplation de l’effroyable misère qui n’est pas seulement lasienne propre, mais celle de tous les hommes. Il se secoue, cherchedu regard les quatre hommes qu’il n’a plus l’impression d’avoirautour de lui, et dit.) La nuit s’est faite ici.

ORDULF, aussitôt s’avançant. –Faut-il aller chercher la lampe ?

HENRI IV. – La lampe, ah !oui !… Vous croyez donc que j’ignore qu’à peine le dos tournéavec ma lampe à huile, pour aller me coucher, vous allumiez pourvous la lumière électrique, ici, et dans la salle du trône ? –Je faisais semblant de ne pas m’en apercevoir…

ORDULF. – Ah ! – Voulez-vous alorsque…

HENRI IV. – Non, elle m’aveuglerait. – Jeveux ma lampe.

ORDULF. – Elle doit être préparée déjàderrière la porte.

Il va à la porte du fond, l’ouvre, fait unpas au dehors et revient aussitôt avec une lampe ancienne, decelles qu’on porte par un anneau.

HENRI IV. – Très bien, un peu de lumière.Asseyez-vous, tout autour de la table. Mais non, pas commecela ! Prenez de belles attitudes… Pleines d’aisance… (ÀBerthold.) Toi, comme ceci… (Il lui donne une attitude,puis à Landolf) Toi, comme cela… (Il lui donne uneattitude.) C’est parfait… (Il s’assied en faced’eux.) Moi, ici… (Tournant la tête vers la fenêtre.)Il faudrait pouvoir commander à la lune un beau rayon, biendécoratif… Ah ! Comme elle nous sert, la lune, comme elle nousest utile, comme elle m’est chère ! Souvent je passe desheures à la regarder de ma fenêtre. Qui pourrait croire, à lacontempler, qu’elle sait que huit cents ans se sont écoulés, etqu’assis à ma fenêtre, je ne puis vraiment être Henri IV entrain de regarder la lune comme le premier venu ! Je laregarde : c’est pour échapper à cette impression de désert quiest partout ici, où la folie a habité, où divaguer est la chosespontanée, la chose habituelle et sérieuse – qui a le droit, undroit parfaitement logique à l’existence – comme n’importe quelleautre réalité, dont la vanité trompeuse ne s’est pas encoredévoilée. Mais regardez, regardez donc ce magnifique tableaunocturne : l’Empereur entouré de ses fidèles conseillers… Nevous plaît-il pas, ce tableau ?

LANDOLF, bas à Ariald, comme pour éviterde rompre l’enchantement. – Tu comprends ? Si on avait suque ce n’était pas vrai…

HENRI IV. – Vrai, quoi donc ?

LANDOLF, hésitant comme pours’excuser. – C’est simplement que… ce matin… je lui disais(il montre Berthold,) comme il prenait pour la premièrefois le service : quel dommage qu’avec ces vêtements, qu’avecune garde-robe aussi belle… et avec une salle pareille…

Il montre la salle du trône.

HENRI IV. – Eh bien ? Tu disaisqu’il était dommage que ?…

LANDOLF. – Je disais que nous ne savionspas…

HENRI IV. – Que vous représentiez pourrien, pour rire, toute cette comédie ?

LANDOLF. – Oui, nous imaginions que…

ARIALD, pour lui venir en aide. –Oui… nous imaginions que c’était pour de bon…

HENRI IV. – Comment ? N’est-ce paspour de bon ?

LANDOLF. – Eh ! Puisque vous ditesque ?…

HENRI IV. – Je dis que vous êtes desimbéciles ! Cette illusion, vous deviez l’entretenir pourvous-mêmes, et non pas seulement pour m’en donner lacomédie à moi et aux quelques visiteurs que nous avions ; vousauriez dû la vivre de la façon la plus naturelle, tous les jours,même quand personne n’était là. (Prenant Berthold parle bras.) Comprends-tu, la vivre pour toi. Tu pouvaist’enclore dans cette fiction, y manger, y dormir et t’y gratter ledos quand il te démangeait ! (Se tournant vers lesautres.) Vous auriez dû vous sentir vivre, vivre vraiment,dans l’histoire du XIe siècle, à la cour de votreEmpereur Henri IV ! (Il saisit Ordulf par lebras.) Toi, Ordulf, un Ordulf vivant dans le château deGoslar ! Quand, le matin, tu t’éveillais et sautais de tonlit, ce n’était pas pour sortir de ton rêve, c’était pour y entrer,en revêtant ces braies et ces tuniques. Oui, pour entrer dans cerêve qui n’aurait plus été un rêve, car tu l’aurais vécu, tul’aurais constamment senti, tu l’aurais bu avec l’air que turespirais, mais, tout en sachant bien que c’était un rêve, afin demieux savourer le bonheur privilégié qui vous était donné de nerien faire d’autre ici que de vivre ce rêve, si loin de nous etcependant présent ! Ah ! Du fond du passé lointain oùnous sommes, de ce XIe siècle, si plein de couleurs etpourtant sépulcral, contempler huit cents ans plus tard les hommesdu XXe siècle en train de se débattre dans l’inquiétudeet le tourment pour savoir ce qui va advenir d’eux, comment sedénoueront les événements qui les agitent et les angoissent. Tandisque vous, au contraire, vous étiez déjà bien tranquilles, dansl’histoire ! avec moi !

LANDOLF. – Ah ! comme c’estvrai !

HENRI IV. – Dans l’histoire où tout estdécidé ! Où tout est fixé !

ORDULF. – Voilà, voilà !

HENRI IV. – Ah ! Ma vie peut êtrelamentable ; elle peut être traversée d’horreurs, de luttes,de douleurs ; c’est déjà de l’histoire ; rien n’y changeplus, rien n’y peut plus changer. Comprenez-vous ? Tout y estfixé pour toujours. Et vous pouviez vous étaler dans cette vie enadmirant comme les effets suivent leurs causes, avec obéissance, enparfaite logique et en contemplant le déroulement précis etcohérent de tous les faits dans leurs moindres détails. La joie del’histoire, cette joie qui est si grande !

LANDOLF. – Ah ! Que c’est beau ! Quec’est beau !

HENRI IV. – C’était beau, mais c’estfini ! À présent que vous connaissez mon secret, je ne pourraiplus continuer ! (Il prend la lampe pour aller secoucher.) Et, d’ailleurs, vous non plus, puisque vous n’enaviez pas démêlé jusqu’ici les raisons ! Moi, j’en ai àprésent la nausée ! (Avec une violente ragecontenue.) Par le Ciel ! Elle se repentira d’être venueici ! Elle s’était déguisée en belle-mère… et lui en moine… etils amenaient avec eux un médecin pour me faire examiner… Ilsespéraient peut-être me guérir… Quels bouffons ! Je veux medonner le plaisir d’en gifler au moins un : Lui ! C’estun escrimeur fameux ? Il m’embrochera… Nous verrons bien, nousverrons bien… (On frappe à la porte du fond.) Qui valà ?

LA VOIX DE GIOVANNI. – Deo Gratias !

ARIALD, riant à l’idée d’une bonne farcequ’on pourrait encore faire. – C’est Giovanni, c’est Giovanni,qui vient, comme tous les soirs, faire le moine !

ORDULF, de même, se frottant lesmains. – Oui, oui, laissons faire !

HENRI IV. – Pourquoi te moquer d’unpauvre vieux qui agit par affection pour moi ?

LANDOLF, à Ordulf. – Tout doit êtrecomme si c’était vrai ! N’as-tu pas compris ?

HENRI IV. – Précisément ! Comme sic’était vrai ! C’est à cette seule condition que la véritén’est pas une plaisanterie ! (Il va ouvrir la portelui-même et fait entrer Giovanni, habillé en franciscain, avec unrouleau de parchemin sous le bras.) Entrez, entrez, monPère ! (Prenant un ton de gravité tragique et de sombreressentiment.) Tous les documents de ma vie et de mon règnequi m’étaient favorables ont été détruits, de propos délibéré, parmes ennemis : Seul a échappé à la destruction le récit de mavie écrit par un pauvre frère qui m’est dévoué, et vous voudriez enrire ? (Il se tourne affectueusement vers Giovanni etl’invite à prendre place devant la table.) Asseyez-vous, monPère, asseyez-vous, la lampe près de vous. (Il pose à côté delui la lampe qu’il tenait encore à la main.) Écrivez,écrivez.

GIOVANNI, étalant le rouleau de parcheminet se disposant à écrire sous la dictée. – Je suis à vosordres, Majesté !

HENRI IV, dictant. – Le décretde paix lancé de Mayence servait les pauvres et les bonnes gens. Ilnuisait aux méchants et aux riches. (Le rideau commence àbaisser.) Il apportait aux premiers le bien-être, la famine etla misère aux autres…

Rideau.

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