Je ne suis pas coupable d’ Agatha Christie

CHAPITRE X

POIROT ET MISS O’BRIEN

L’infirmière O’Brien agita sa tête rousse et adressa un large sourire à l’homme assis en face d’elle, de l’autre côté de la table à thé. Elle pensait : « Quel drôle de petit bonhomme, avec ses yeux verts comme ceux d’un chat ! Et dire que le Dr Lord le trouve très habile ! »
Hercule Poirot observa :
— C’est un plaisir de rencontrer une femme comme vous, débordante de santé et de vitalité. Vos malades, j’en suis sûr, doivent tous se rétablir très vite !
L’infirmière répliqua :
— Je ne suis pas de celles qui ont des figures d’enterrement, et je me félicite de ne pas voir mourir beaucoup de mes clients.
— Evidemment, en ce qui concerne Mrs Welman, la mort a été pour elle une délivrance.
— Ah ! oui, la pauvre femme a bien souffert.
Regardant Poirot d’un air matois, elle demanda :
— Est-ce à son sujet que vous voulez me parler ? J’ai entendu dire qu’on va l’exhumer.
— Au moment de sa mort, vous n’avez conçu aucun soupçon ?
— Pas le moindre. Cependant, j’aurais dû me douter de quelque chose : le Dr Lord avait une drôle de mine ce matin-là et m’envoyait de tous côtés chercher des objets dont il n’avait nul besoin. Néanmoins, il a signé le permis d’inhumer.
— Il avait ses raisons, dit Poirot, mais…
Elle l’interrompit.
— Je l’approuve. Un médecin intelligent, par égard pour la famille, réfléchit à deux fois avant de risquer certaines suppositions. S’il commet une erreur, c’en est fini pour lui. Il perd toute sa clientèle. Un médecin ne doit pas se tromper.
— Le bruit court que Mrs Welman se serait suicidée.
— Elle qui ne pouvait même pas remuer ? Tout juste si elle était capable de lever une main.
— Quelqu’un aurait-il pu l’aider ?
— Miss Carlisle, Mr Welman, ou Mary Gerrard ?
— Ce serait possible, n’est-ce pas ?
— Non, aucun d’eux n’aurait osé le faire, dit l’infirmière en hochant la tête.
— Peut-être ? Quand miss Hopkins s’est-elle aperçue de la disparition du tube de morphine ?
— Le matin même. « J’étais sûre de l’avoir là », affirma-t-elle. Mais, au bout d’un moment, elle n’était plus aussi certaine et se demanda si elle ne l’avait pas laissé chez elle.
— Même alors, vous n’avez pas eu de soupçons ?
— Aucun ! Pas un instant il ne m’est venu à l’idée qu’il y eût quelque chose d’anormal. Et encore aujourd’hui, on n’a que des soupçons.
— La perte de ce tube ne vous a point troublée, pas plus que votre collègue ?
— Je ne dirai pas cela… Je me souviens nettement que nous nous en sommes inquiétées, miss Hopkins et moi, au café Bleu où nous sommes allées prendre le thé. « Je n’ai pu le laisser que sur la cheminée, et il a dû tomber dans la boîte à ordures », me confia-t-elle. « Bien sûr, il ne saurait en être autrement », lui dis-je. Mais ni l’une ni l’autre ne trahissions la crainte qui nous envahissait.
— Et à présent, qu’en pensez-vous ? demanda Hercule Poirot.
— Si à l’autopsie on découvre de la morphine dans le corps de Mrs Welman, on saura qui a pris le tube et dans quelle intention… mais tant que je n’aurai pas de preuves, je ne veux pas croire qu’elle ait aussi tué sa tante.
— Alors, vous êtes certaine qu’Elinor Carlisle a empoisonné Mary Gerrard ?
— Pour moi, c’est clair comme le jour. Qui d’autre avait intérêt à le faire ?
— Là est la question, observa Poirot.
D’un ton théâtral, l’infirmière reprit :
— J’étais présente, ce soir-là, lorsque la vieille châtelaine s’efforçait de parler. Miss Elinor lui promit de veiller à ce que ses vœux fussent accomplis. J’ai vu miss Elinor suivre des yeux Mary, qui descendait l’escalier : la haine se lisait sur son visage. A cet instant-là, l’idée de meurtre devait germer dans son cœur.
— Si Elinor Carlisle a vraiment tué Mrs Welman, quel mobile l’y a poussée ?
— L’argent, bien sûr ! Deux cent mille livres, pas un sou de moins ! Voilà l’héritage que lui a valu ce meurtre, si toutefois elle l’a commis ! C’est une jeune personne intelligente, audacieuse et à l’imagination fertile.
— Si Mrs Welman avait pu faire son testament, à qui, selon vous, aurait-elle laissé sa fortune ?
— Ce n’est pas à moi de vous le dire, déclara miss O’Brien, mourant d’envie de parler. Mais, à mon avis, tout l’argent de la vieille dame serait revenu à Mary Gerrard.
— Pourquoi ? s’enquit Poirot.
Cette simple interrogation sembla bouleverser l’infirmière.
— Pourquoi ? Vous me le demandez ? Ma foi, ce n’est là qu’une simple supposition.
— Une autre aurait pu me répondre que Mary Gerrard s’y était prise très habilement pour gagner les bonnes grâces de Mrs Welman et lui faire oublier les liens du sang et de l’affection.
— Possible, murmura miss O’Brien.
— Mary Gerrard était-elle intrigante ?
— Je ne crois pas… Elle agissait sans arrière-pensée, d’une façon naturelle. Ce n’était pas une rouée. Des raisons secrètes pourraient expliquer son attitude.
— Vous êtes, à ce que je vois, miss O’Brien, une personne discrète.
— Je n’ai pas l’habitude de me mêler des affaires d’autrui.
L’observant de très près, Poirot continua :
— Vous et miss Hopkins étiez d’avis, n’est-ce pas, que certaines choses doivent demeurer dans l’ombre ?
— Qu’insinuez-vous par là ? demanda l’infirmière.
— Ma question n’a rien à voir avec le crime… ou les crimes en admettant qu’il y en ait eu deux.
— A quoi bon remuer de la boue et réveiller une vieille histoire ? Mrs Welman était une femme très honorable et au-dessus de toute médisance. Le scandale ne l’a jamais effleurée et elle est morte respectée de tous.
Hercule Poirot approuva de la tête et dit prudemment :
— Comme vous le dites, Mrs Welman jouissait de l’estime générale à Maidensford.
La conversation venait de prendre un tour inattendu, mais le visage du détective ne trahissait aucune surprise. Miss O’Brien reprit :
— Cela se passait il y a bien longtemps. Maintenant, tout est oublié. Je suis pleine d’indulgence pour les amours romanesques et je ne cesserai de répéter qu’il est dur, pour un homme ayant sa femme dans un asile d’aliénés, de n’attendre sa liberté que de la mort de sa conjointe.
— En effet, c’est bien triste, soupira Poirot, de plus en plus étonné.
— Miss Hopkins vous a-t-elle parlé d’une lettre que je lui adressais et qui s’est croisée avec la sienne ?
— Non, elle ne m’en a pas touché mot.
— C’était là une drôle de coïncidence. Mais ces choses arrivent fréquemment. On entend prononcer un nom et, un jour ou deux plus tard, on l’entend de nouveau. Alors que je regardais la photographie d’un homme sur le piano, l’infirmière Hopkins, à la même minute, écoutait l’histoire de cette même personne, racontée par la gouvernante du médecin.
— Vous m’intéressez prodigieusement, miss O’Brien. Mary Gerrard était-elle au courant de tout cela ? demanda Poirot d’un ton encourageant.
— Qui le lui aurait appris ? Pas moi, et encore moins miss Hopkins. A quoi cela l’aurait-elle avancée ?
Elle redressa sa tête rousse et regarda Poirot bien en face.
Celui-ci répéta avec un soupir :
— En effet, cela ne l’aurait guère avancée !

CHAPITRE XI

POIROT ET ELINOR CARLISLE

Elinor Carlisle…
De l’autre côté de la table qui les séparait, Hercule Poirot la regardait d’un œil scrutateur.
Ils étaient seuls. Derrière une cloison vitrée, un gardien les surveillait.
Poirot remarqua le visage intelligent et expressif, au front carré et blanc, le délicat modelé des oreilles et du nez. Les traits fins de la jeune fille dénotaient une nature fière et sensible, une excellente éducation, une grande réserve et… un tempérament passionné.
Il dit :
— Je suis Hercule Poirot. Je viens vous faire visite de la part du Dr Peter Lord. Il pense que je puis vous rendre service.
— Peter Lord… répéta Elinor Carlisle, comme si elle rassemblait ses souvenirs.
Un sourire erra sur ses lèvres, et elle continua, d’un ton conventionnel :
— Je suis touchée de sa gentillesse, mais je ne crois pas que vous puissiez faire grand-chose pour moi.
— Voulez-vous répondre à mes questions ? fit Poirot.
Elinor soupira et dit :
— Je vous l’assure, monsieur Poirot, mieux vaudrait ne pas m’interroger. Ma défense est entre de bonnes mains. Mr Seddon me témoigne beaucoup de bonté et a chargé un fameux avocat de plaider ma cause.
— Il n’est pas aussi fameux que moi !
Elinor Carlisle répliqua, avec une nuance de lassitude :
— Il jouit cependant d’une excellente renommée.
— Oui, pour défendre les criminels. Tandis que moi, je suis connu pour découvrir l’innocence des accusés.
Enfin, elle leva les yeux… des yeux magnifiques, d’un bleu très clair. Considérant Poirot bien en face, elle lui demanda :
— Me croyez-vous innocente ?
— L’êtes-vous ?
Elinor eut un petit sourire ironique.
— Est-ce là un échantillon de vos questions ? Il me serait très facile, n’est-ce pas, de répondre oui ?
Hercule Poirot fit cette réflexion insolite :
— Vous êtes très fatiguée, ce me semble ?
Les yeux d’Elinor s’ouvrirent tout grands.
— Oui, certes. Jamais je ne me suis sentie aussi lasse. Comment le saviez-vous ?
— Je le savais, déclara Hercule Poirot.
— Je serai bien heureuse, une fois cette affaire terminée.
Poirot la considéra un instant en silence, puis il ajouta :
— J’ai vu votre… cousin. Dois-je le dénommer ainsi pour plus de facilité… Mr Roderick Welman ?…
Le fier visage se colora lentement, Poirot devina la réponse à sa question.
Elinor s’exprima d’une voix légèrement tremblante :
— Vous avez vu Roddy ?
— Il déploie tous ses efforts en votre faveur.
— Je le sais, dit Elinor d’une voix douce.
— Est-il pauvre ou riche ?
— Roddy ? Il ne possède aucune fortune.
— A-t-il des goûts extravagants ?
— Pas plus que moi il ne regardait à la dépense. Nous savions tous deux qu’un jour ou l’autre…
Elle s’interrompit. Poirot saisit la balle au bond.
— Vous comptiez sur l’héritage ? C’est compréhensible. Vous connaissez peut-être le résultat de l’autopsie ? Votre tante est morte d’un empoisonnement par la morphine.
— Je ne l’ai pas tuée ! affirma Elinor Carlisle, très calme.
— L’avez-vous aidée à se suicider ?
— Moi ?… Non.
— Saviez-vous que votre tante n’avait pas fait de testament ?
— Je l’ignorais totalement.
Elle répondait machinalement et d’une voix monotone à l’interrogatoire du détective.
— Vous-même, avez-vous fait votre testament ?
— Oui.
— Le jour même où le Dr Lord vous en a parlé.
— Oui.
De nouveau, la jeune fille rougit.
— A qui laissez-vous votre fortune, miss Carlisle ?
— Je laisse tout à Roddy… à Roderick Welman.
— Le sait-il ?
— Certes, non.
— Vous n’y avez pas fait allusion devant lui ?
— Je m’en suis bien gardée. Il en aurait été fort gêné et m’eût tout à fait désapprouvée.
— Qui connaît le contenu de votre testament ?
— Seulement Mr Seddon… et sans doute ses clercs.
— Est-ce Mr Seddon qui a préparé ce document pour votre signature ?
— Oui, je lui ai écrit ce soir-là… c’est-à-dire, le jour de mon entrevue avec le Dr Lord.
— Avez-vous porté vous-même la lettre à la poste ?
— Non, elle a été jetée à la boîte avec le reste du courrier de la maison.
— Vous l’avez écrite, glissée sous une enveloppe cachetée, affranchie et mise au courrier… comme ça ? sans réfléchir… sans la relire ?
Elinor répondit, en regardant Poirot dans les yeux :
— Si, je l’ai relue. J’étais montée chercher des timbres. A mon retour, j’ai relu ma lettre par mesure de précaution.
— Y avait-il quelqu’un avec vous dans la pièce ?
— Seulement Roddy.
— Savait-il ce que vous faisiez ?
— Je vous l’ai déjà dit… non.
— Quelqu’un aurait-il pu lire cette lettre durant votre absence ?
— Je l’ignore… vous voulez dire un des domestiques ? Peut-être en auraient-ils eu l’occasion, s’ils étaient entrés pendant que je n’y étais pas.
— Et avant l’arrivée de Mr Roderick Welman ?
— Oui.
— Mais lui aussi aurait pu la lire ?
La voix d’Elinor sonna claire et hautaine :
— Monsieur Poirot, mon cousin, comme vous l’appelez, ne lit pas le courrier des autres.
— Vous en jugez ainsi. Mais vous seriez surprise d’apprendre combien de gens se livrent à des actes « qui ne se font pas ».
La jeune fille haussa les épaules. Et Poirot reprit, d’un air détaché :
— Est-ce ce même jour que, pour la première fois, vous vint l’idée d’empoisonner Mary Gerrard ?
De nouveau, le sang afflua aux joues d’Elinor Carlisle.
— Est-ce Peter Lord qui vous a soufflé pareille question ?
Sans tenir compte de l’interrogation d’Elinor, Poirot poursuivit :
— C’était bien à ce moment-là, n’est-ce pas ? Lorsque, regardant par la fenêtre de miss Hopkins, vous avez surpris Mary en train d’écrire son testament, vous avez songé que sa mort serait drôle et tout à fait opportune.
Suffoquant, Elinor répondit d’une voix sourde :
— Il savait donc tout… il m’a regardée et il savait…
— Le Dr Lord en sait long. Ce jeune homme à la figure criblée de taches de rousseur et aux cheveux rouges n’est pas un sot…
— Est-ce bien vrai qu’il vous a envoyé près de moi pour m’aider ?
— C’est vrai, mademoiselle.
Elinor soupira :
— Alors, je ne comprends plus… Non, je n’y comprends plus rien.
— Ecoutez, miss Carlisle, dit Poirot. Il est indispensable que vous m’exposiez votre emploi du temps le jour de la mort de Mary Gerrard. Dites-moi où vous êtes allée, ce que vous avez fait, et aussi, ce que vous avez pensé.
Elle le regarda fixement. Puis un léger sourire lui vint aux lèvres.
— Vous devez être un homme impie et naïf. Vous rendez vous compte combien il me serait facile de vous mentir ?
Hercule Poirot répondit placidement :
— Peu importe !
— Comment ? Peu importe ?
— Oui, mademoiselle. Les mensonges m’en apprennent autant que la vérité et parfois davantage. Allons, commencez ! Vous avez rencontré en chemin la bonne Mrs Bishop. Elle voulait vous accompagner pour vous prêter la main. Vous avez repoussé sa demande. Pourquoi ?
— Je désirais être seule.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que je voulais réfléchir.
— Ah ! oui, je comprends : vous aviez besoin de faire fonctionner votre imagination… Et ensuite ?
Le menton levé d’un air provocateur, Elinor répliqua :
— Je suis allée acheter du beurre de poisson pour préparer des sandwiches.
— Deux pots ?
— Deux.
— Vous vous êtes rendue à Hunterbury. Qu’y avez-vous fait ?
— Je suis montée à la chambre de ma tante pour mettre de l’ordre dans ses affaires.
— Qu’avez-vous trouvé ?
— Trouvé ? — Elinor fronça le sourcil. — Des vêtements, de vieilles lettres… des photographies… des bijoux…
— Pas de secrets ?
— Des secrets ? Je ne saisis pas, monsieur Poirot.
— Poursuivons. Après cela, qu’avez-vous fait ?
— Je suis descendue à l’office et j’ai confectionné des sandwiches.
— Et vous pensiez… à quoi ? lui demanda Poirot, d’une voix douce.
Les yeux bleus d’Elinor brillèrent soudain :
— J’ai pensé à mon homonyme : Eléonore d’Aquitaine.
— Je vous comprends parfaitement.
— Ah ! Pas possible ?
— Mais si ! Je connais l’histoire. Elle offrit à la belle Rosemonde le choix entre un poignard et une coupe de poison. Rosemonde préféra le poison…
Elinor pâlit.
Poirot continua :
— Cette fois-ci, la victime n’eut pas le choix… Poursuivez, mademoiselle. Que fîtes-vous ensuite ?
— J’ai disposé les sandwiches sur une assiette, puis me suis rendue au pavillon de garde. Miss Hopkins s’y trouvait en compagnie de Mary. Je leur ai dit que j’avais préparé une collation au château.
Poirot l’observait attentivement. Il prononça, d’une voix douce :
— Toutes trois vous êtes montées ensemble au château, n’est-ce pas ?
— Qui, nous… nous avons mangé les sandwiches dans le petit salon.
Poirot dit, du même ton aimable :
— Oui, oui… Toujours dans le rêve… Et après ?
— Après ? J’ai laissé Mary debout devant la fenêtre et suis allée à l’office. Comme vous dites, j’étais toujours dans le rêve… L’infirmière lavait la vaisselle… je lui ai remis le pot de beurre de poisson.
— Oui, oui. Et qu’advint-il ensuite ? A quoi pensiez-vous ?
L’air songeur, Elinor répondit :
— Il y avait une égratignure sur le poignet de miss Hopkins. Je lui en fis la remarque et elle m’expliqua que cela provenait d’une épine de la roseraie du pavillon… Les roses du pavillon… Roddy et moi, voilà bien longtemps nous jouions à la guerre des deux Roses. J’étais Lancastre et lui York. Il aimait les roses blanches. Je lui répliquais que ce n’étaient point là de vraies roses, puisqu’elles n’avaient pas d’odeur. Je leur préférais les roses rouges, sombres et veloutées, qui exhalaient le parfum de l’été. Nous nous querellions d’une façon stupide. Tous ces lointains souvenirs me revenaient à la mémoire… là… dans l’office… Alors quelque chose… quelque chose a banni de mon cœur la haine farouche… Elle s’enfuit lorsque j’évoquai les heureux jours de notre jeunesse. Je ne haïssais plus Mary… Je ne désirais point sa mort…
Elle fit une pause et poursuivit :
— Et plus tard, lorsque nous revînmes au petit salon, elle était mourante…
Poirot dévisageait Elinor. Rougissante, elle dit :
— Me demanderez-vous encore si c’est moi qui ai tué Mary Gerrard ?
Poirot se leva et déclara :
— Je ne vous poserai plus aucune question… Il y a des choses que je préfère ignorer…

CHAPITRE XII

DANS LA CHARMILLE

I

Le Dr Lord, suivant le désir d’Hercule Poirot, vint l’attendre à la gare. A sa descente du train, le détective, chaussé de souliers vernis, lui parut métamorphosé en vrai Londonien.
Peter Lord scruta le visage de Poirot, mais le détective ne laissait transparaître aucune de ses pensées.
Peter Lord lui annonça :
— Voici les réponses à vos questions : 1° Mary est partie pour Londres le 10 juillet ; 2° Je n’ai pas de gouvernante… Deux jeunes écervelées s’occupent de mon intérieur. Sans doute s’agit-il de Mrs Slattery, l’ancienne gouvernante de Mr Ransome, mon prédécesseur. Si vous le désirez, je vous accompagnerai chez elle ce matin. Je l’ai prévenue de notre visite.
— Bien, dit Poirot. Commençons par là.
— Ensuite, vous avez manifesté l’intention de vous rendre à Hunterbury. Nous pourrions y aller ensemble. Je ne comprends pas pourquoi vous n’y êtes point passé lors de votre premier voyage à Maidensford. Avant de rien entreprendre, vous auriez dû songer à inspecter le théâtre du crime.
Penchant la tête de côté, Hercule Poirot demanda :
— Et pourquoi ?
— N’est-ce pas ainsi qu’on procède habituellement ? demanda Peter Lord, décontenancé par cette question.
Hercule Poirot rétorqua :
— On n’apprend pas le métier de détective dans des manuels. On doit se servir de son intelligence.
— Vous pourriez découvrir au château une piste intéressante.
Poirot soupira :
— Vous lisez trop de romans policiers, cher ami… La police est admirablement faite dans ce pays. Nul doute qu’elle ait déjà perquisitionné dans le château et ses dépendances.
— Pour trouver des témoignages contre Elinor Carlisle… non en sa faveur…
— Mon cher ami, ces bons policiers ne sont pas des monstres ! Elinor Carlisle a été arrêtée parce qu’on a découvert suffisamment de preuves accablantes contre elle. Pourquoi aurais-je marché sur les brisées des hommes de Scotland Yard ?
— Pourtant, vous désirez maintenant vous rendre à Hunterbury ? objecta Peter.
— A présent, cette démarche est nécessaire, parce que je sais exactement ce que je cherche. Avant de se servir de ses yeux, il faut faire travailler son cerveau.
— Alors, vous croyez encore y trouver du nouveau ?
— Oui, je l’espère, répondit Poirot.
— Un témoignage établissant l’innocence d’Elinor ?
— Attention ! Je n’ai pas dit cela !
Peter Lord en demeura abasourdi :
— Est-elle encore coupable à vos yeux ?
Gravement, le détective répliqua :
— Avant d’obtenir réponse à cette question, prenez un peu de patience, mon ami.

II

Poirot déjeuna en compagnie du médecin dans une agréable salle à manger dont la fenêtre ouverte donnait sur le jardin.
Peter Lord demanda :
— La vieille Slattery a-t-elle satisfait votre curiosité ?
— Oui.
— Qu’attendiez-vous d’elle ?
— Des confidences sur le passé. Certains crimes ont des racines qui remontent très loin, celui-ci en particulier.
Agacé, Peter Lord observa :
— Je ne comprends goutte à vos propos.
Avec un sourire, Poirot annonça :
— Ce poisson est d’une fraîcheur remarquable.
Son amphitryon s’impatienta :
— Il ne manquerait plus que cela ! Je l’ai attrapé moi-même ce matin avant mon petit déjeuner ! Dites, monsieur Poirot, allez-vous m’apprendre enfin le résultat de vos démarches ? Pourquoi me laisser dans l’ignorance ?
L’autre hocha la tête.
— Parce que moi-même je ne sais rien. Je suis toujours arrêté par cette constatation que personne n’avait intérêt à supprimer Mary Gerrard… sauf Elinor Carlisle.
— Vous affirmez trop vite. Souvenez-vous que Mary avait séjourné à l’étranger.
— Oui, oui, je me suis renseigné.
— Comment ? Vous êtes allé en Allemagne ?
— Moi ? Non ! Je possède mon service d’espionnage.
— Pouvez-vous compter sur le témoignage des autres ?
— Certes. Pourquoi irais-je courir çà et là et ferais-je en amateur la besogne que des professionnels exécutent pour une modique somme d’argent ? Croyez-moi, mon cher, j’ai plusieurs cordes à mon arc et mes collaborateurs sont très capables… l’un d’eux est un ancien cambrioleur.
— A quoi l’employez-vous ?
— Le dernier service qu’il m’a rendu, c’est de fouiller de fond en comble l’appartement de Mr Welman.
— Pour y chercher quoi ?
— On aime à savoir jusqu’à quel point on vous a menti.
— Mr Welman vous a donc menti ?
— Oui, monsieur Lord.
— Et qui encore ?
— Tout le monde. Miss O’Brien de façon romanesque, l’infirmière Hopkins avec obstination, Mrs Bishop méchamment et vous…
Sans cérémonie, Peter Lord l’interrompit :
— Grands dieux ! Vous n’allez tout de même pas m’accuser de mensonge ?
— Pas encore, concéda Poirot.
Se renversant sur le dossier de sa chaise, le médecin dit :
— Vous êtes un incorrigible incrédule, Poirot !
Puis il ajouta :
— Si vous êtes prêt, allons à Hunterbury. J’ai quelques malades à visiter dans la soirée et je dois passer à la clinique.
— A votre disposition, cher ami.
Ils partirent à pied et pénétrèrent dans le parc par une petite allée. A mi-chemin de la maison, ils rencontrèrent un jeune et robuste gaillard poussant une brouette, qui porta la main à sa casquette et salua respectueusement le médecin.
— Bonjour, Horlick ! fit le Dr Lord. Poirot, voici Horlick, le jardinier, qui travaillait ici le matin du crime.
— Oui, monsieur, dit Horlick. Ce matin-là, j’ai vu miss Elinor et lui ai parlé.
— Que vous a-t-elle dit ?
— Elle m’a appris que la vente du château était pour ainsi dire conclue et cette nouvelle m’a bien chagriné. Mais miss Elinor a promis de me recommander au major Somervell, qui me garderait peut-être… s’il ne me trouvait pas trop jeune pour remplir les fonctions de chef jardinier… car j’ai fait mon apprentissage à Hunterbury sous les ordres de Mr Stephens.
— L’avez-vous trouvée dans son état normal ?
— Oui, monsieur. Sauf qu’elle paraissait un peu agitée… comme si elle avait un ennui.
Hercule Poirot demanda :
— Connaissiez-vous Mary Gerrard ?
— Oui, monsieur, mais pas beaucoup.
— Comment était-elle ?
Horlick demeura perplexe.
— Vous voulez parler de son visage ?
— Pas précisément. Quel genre de jeune fille était-ce ?
— Ma foi, monsieur, je la jugeais supérieure, bien élevée, mais un peu fière. La vieille châtelaine la portait aux nues, ce qui mettait son père en fureur.
— D’après ce qu’on m’a dit, ce vieux bonhomme avait mauvais caractère ?
— En effet. Toujours en train de grogner, un cœur de pierre et, avec ça, jamais un mot aimable.
— Vous étiez ici le matin du crime. Dans quel endroit du parc travailliez-vous ?
— Au jardin potager.
— De là, vous ne pouviez voir le château ?
— Non, monsieur.
A son tour, Peter Lord s’enquit :
— Si quelqu’un était monté vers la maison… jusqu’à la fenêtre de l’office… vous ne l’auriez pas remarqué ?
— Non, monsieur.
— Quand êtes-vous allé déjeuner ?
— A une heure.
— Et vous n’avez rencontré personne sur la route… un promeneur… ou une voiture aux alentours du parc ?
L’homme leva les sourcils d’un air étonné :
— A la grille de derrière, j’ai aperçu votre voiture, monsieur… mais rien d’autre.
Peter Lord s’écria :
— Ma voiture ! Ce n’était pas la mienne. Ce matin-là, je roulais sur la route de Withenbury et suis revenu seulement à deux heures.
Horlick demeura interloqué.
— Je me suis pourtant assuré que c’était bien votre voiture.
Vivement, Peter Lord lui dit :
— Ma foi, peu importe ! Au revoir, Horlick.
Le médecin et Poirot s’éloignèrent. Horlick les suivit des yeux pendant quelques instants, puis, lentement, reprit sa brouette.
Peter Lord, très agité, observa :
— Enfin… quelque chose ! A qui appartenait la voiture qui stationnait dans l’allée ce matin-là ?
— De quelle marque est votre auto, cher ami ? lui demanda Poirot.
— C’est une Ford 10… verte, comme on en rencontre beaucoup.
— Et vous affirmez que ce n’était pas la vôtre ? Vous seriez-vous trompé de jour ?
— Non. Je suis absolument certain de ce que J’avance. Je me suis rendu à Withenbury, d’où je suis rentré assez tard. Je mangeais sur le pouce lorsqu’on m’a téléphoné au sujet de Mary Gerrard et je suis accouru tout de suite au château.
Doucement, Poirot lui dit :
— En ce cas, cher ami, il semblerait que nous venons de découvrir un renseignement de premier ordre.
— Quelqu’un est venu au château ce matin-là, prononça Peter Lord… outre Elinor Carlisle, Mary Gerrard et l’infirmière Hopkins…
— Voilà qui est fort intéressant. Entrons pour faire notre enquête. Voyons comment s’y prendrait une personne cherchant à pénétrer dans la maison sans être vue.
A mi-chemin de l’allée, un sentier s’enfonçait dans une charmille. Ils le prirent. A un certain tournant, Peter Lord saisit le bras de Poirot et lui indiqua une fenêtre.
— Voilà, dit-il, la fenêtre de l’office où Elinor Carlisle préparait les sandwiches.
Poirot murmura :
— De cet endroit, on pouvait la voir. La fenêtre était ouverte, si j’ai bonne mémoire.
— Oui, grande ouverte. Il faisait très chaud, je m’en souviens.
Rêveur, Hercule Poirot remarqua :
— Si quelqu’un avait voulu surveiller ce qui se passait dans l’office sans se faire voir, il se serait posté ici de préférence.
Les deux hommes fouillèrent la charmille. Peter Lord annonça :
— Derrière ces buissons, voici un endroit qui a été piétiné. L’herbe s’est redressée, mais on distingue encore des traces de pas.
Poirot le rejoignit.
— Le coin est bien choisi, en effet. On y est bien caché et cette brèche dans le feuillage permet de voir parfaitement la fenêtre. Que faisait ici notre inconnu ? Fumait-il ?
Ils se baissèrent, examinèrent le sol, écartant feuilles et branches.
Hercule Poirot poussa soudain un grognement et Peter Lord se redressa :
— Qu’est-ce donc ?
— Une boîte d’allumettes, cher ami. Une boîte vide, écrasée à terre, mouillée et à demi pourrie.
Délicatement, Poirot ramassa l’objet et le posa sur une feuille de papier qu’il prit dans sa poche.
— Ma parole ! s’exclama Peter Lord, ce ne sont pas des allumettes anglaises, mais des allemandes.
— Et Mary Gerrard était revenue récemment d’Allemagne ! s’écria Poirot.
— Cette fois, nous tenons un indice ! Convenez-en, Poirot.
— Peut-être…
— Mais, sacré tonnerre, qui diable dans ce pays posséderait des allumettes étrangères ?
— Je sais… je sais, dit Poirot.
Perplexe, il regarda, à travers la brèche, la fenêtre du pavillon.
— Le problème n’est pas aussi simple qu’il le paraît, ajouta-t-il. Une grosse difficulté se présente à nous. Ne la distinguez-vous pas vous-même ?
— Quoi ? Parlez.
— Si vous ne vous en rendez pas compte… Mais venez, poursuivons notre chemin.
Ils allèrent jusqu’au château. Peter Lord ouvrit la porte de service au moyen d’une clef.
Il conduisit Poirot dans la cuisine. Puis ils suivirent un long couloir où se trouvaient d’un côté un vestiaire et, de l’autre, l’office du maître d’hôtel, que les deux hommes inspectèrent.
On y voyait l’habituel buffet aux portes vitrées à coulisses, renfermant la verrerie et la porcelaine. Sur une étagère étaient rangés un réchaud à gaz, deux casseroles et des boîtes à thé et à café. On remarquait un évier, une planche à égoutter, une bassine et, devant la fenêtre, une table.
— Sur cette table, Elinor Carlisle découpa les sandwiches. Le fragment d’étiquette du tube à morphine fut trouvé dans une fissure du parquet sous l’évier, dit Peter Lord.
— Les policiers sont d’admirables chercheurs. Rien ne leur échappe.
Peter Lord protesta :
— Il n’existe aucune preuve, sachez-le, qu’Elinor ait touché à ce tube ! Quelqu’un, posté dans la charmille, la surveillait. Lorsqu’elle descendit au pavillon, il en profita pour se glisser à l’office, déboucha le tube, écrasa quelques comprimés de morphine et en saupoudra le sandwich du dessus. Mais il ne s’aperçut point qu’il avait déchiré un morceau de l’étiquette du tube et que le papier était tombé à terre. Il sortit en hâte, remit sa voiture en marche et, disparut.
Poirot soupira :
— Et dire que vous ne voyez encore rien ! C’est extraordinaire comme un homme intelligent peut être parfois stupide !
Furieux, Peter Lord demanda :
— Alors, vous ne croyez pas qu’un observateur se tenait parmi ces buissons et surveillait la fenêtre ?
— Si, si, je le crois.
— Il nous reste donc à découvrir l’identité de cette personne.
— Nous n’aurons pas à chercher loin, ce me semble.
— Vous la connaissez donc ?
— J’ai là-dessus mon idée personnelle.
— Alors, vos émissaires chargés de l’enquête en Allemagne vous ont rapporté des renseignements…
Se frappant le front, Hercule Poirot répondit :
— Mon ami, je possède tout cela dans ma tête… Entrons vite dans la maison pour y jeter un coup d’œil.

III

Les deux hommes se tenaient enfin dans la pièce où Mary Gerrard était morte. La maison, imprégnée d’une étrange atmosphère, semblait vibrer de souvenirs et de mauvais présages.
Peter Lord ouvrit en grand une des fenêtres et dit en frémissant :
— Cet endroit ressemble à une tombe…
— Si les murs pouvaient parler ! murmura Poirot. Toute l’histoire commence ici, dans cette maison. C’est dans cette pièce que Mary Gerrard a été empoisonnée.
— Elles l’ont trouvée assise dans ce fauteuil près de la fenêtre.
— Cette jeune fille, belle et romanesque, était-elle intrigante ? dit pensivement Poirot Etait-ce une personne supérieure qui jouait à la grande dame ? Etait-elle douce, simple et gentille… un bourgeon sur le point d’éclore…
— Quelle que fût sa personnalité, fit Peter Lord, quelqu’un souhaitait sa mort.
— Je me demande… commença Poirot.
— Quoi ?
Le détective belge hocha la tête :
— Il est encore trop tôt pour vous l’apprendre. Nous venons d’inspecter le château de fond en comble. Nous avons vu tout ce qu’on peut y voir. Rendons-nous maintenant au pavillon.
Ici, tout se trouvait également en ordre : les pièces étaient poussiéreuses, mais vides d’objets personnels. Les deux hommes n’y restèrent que quelques minutes. Comme ils sortaient au soleil, Poirot toucha les feuilles d’un rosier grimpant sur un treillis ; les fleurs en étaient roses et parfumées.
Il murmura :
— Connaissez-vous le nom de cette rose ? C’est la Zéphirine Droughin, cher ami.
— Et après ? fit Peter Lord, irrité.
— Lorsque je fis ma visite à Elinor Carlisle, elle me parla de roses. A ce moment, je commençai à voir… non pas le jour, mais la lueur qu’on aperçoit d’un train qui va sortir d’un tunnel. Ce n’est pas encore la pleine clarté, mais une promesse de lumière.
— Que vous a-t-elle dit ? demanda Peter Lord, d’une voix rauque.
— Elle me parla de son enfance, de ses jeux dans ce jardin, où elle et Roderick Welman se taquinaient. Ils se fâchèrent, car il préférait la rose blanche d’York… froide et austère, et elle adorait la rose rouge de Lancastre, cette rose rouge qui dégage du parfum, de la couleur, de la passion et de la chaleur. Tel était le léger différend entre Elinor Carlisle et Roderick Welman.
— Cela n’explique rien !
— Mais si ! Cela explique qu’Elinor Carlisle, passionnée et fière, s’attachait désespérément à un homme incapable de l’aimer.
— Je ne comprends pas.
— Moi, je comprends très bien… Je les comprends tous les deux. Maintenant, cher ami, retournons à la charmille.
Ils s’y rendirent en silence. Peter Lord paraissait troublé et furieux. Une fois dans la cachette, Poirot demeura immobile quelques instants, sous l’œil observateur de Peter Lord.
Soudain, le petit détective poussa un soupir.
— Comme c’est simple ! Vraiment, mon cher, votre raisonnement ne tient pas debout. Selon vous, un homme qui aurait connu Mary Gerrard en Allemagne vint ici dans l’intention de la tuer. Mais regardez, cher ami, regardez ! Servez-vous des yeux de votre corps, puisque ceux de votre esprit ne vous sont d’aucune utilité. Qu’apercevez-vous ? Une fenêtre, n’est-ce pas ? Et à cette fenêtre… une jeune fille. Une jeune fille en train de préparer des sandwiches. En d’autres termes, Elinor Carlisle. Voyons, réfléchissez un peu. Comment diable l’observateur aurait-il pu deviner que ces sandwiches allaient être offerts à Mary Gerrard ? Nul ne le savait, à l’exception d’Elinor Carlisle elle-même. Personne ! Pas même Mary Gerrard, ni l’infirmière Hopkins.
« Que se serait-il passé… Un homme posté ici se serait ensuite introduit dans la maison par la fenêtre et aurait manipulé les sandwiches ? Que pensait-il ? Sinon que les sandwiches allaient être mangés par Elinor Carlisle en personne.

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