La Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux

CINQUIÈME DIALOGUE

DOLMANCÉ, LE CHEVALIER, AUGUSTIN,EUGÉNIE, MME DE SAINT-ANGE

MME DE SAINT-ANGE, amenant Augustin&|160;: Voilà l’homme dont jevous ai parlé&|160;; allons mes amis, amusons-nous&|160;: queserait la vie sans le plaisir… Approche, benêt… Oh&|160;! lesot&|160;; croyez-vous qu’il y a six mois, que je travaille àdébourrer ce gros cochon, sans pouvoir en venir à bout&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ma fig, Madame, vous dites pourtant quelquefoiscomme ça que je commence à ne pas si mal aller à présent, et quandy a du terrain en friche, c’est toujours à moi que vous ledonnez.

DOLMANCÉ, riant&|160;: Ah&|160;! charmant… charmant… Lecher ami, il est aussi franc qu’il est frais… (MontrantEugénie&|160;:) Augustin, voilà une banquette de fleurs enfriche, veux-tu l’entreprendre&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! tatiguai, Monsieur, de si gentilsmorceaux ne sont pas faits pour nous.

DOLMANCÉ&|160;: Allons, mademoiselle.

EUGÉNIE, rougissant&|160;: Oh ciel&|160;! je suis d’unehonte&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Éloignez de vous ce sentiment pusillanime&|160;;toutes nos actions, et surtout celles du libertinage, nous étantinspirées par la nature, il n’en est aucune, de quelque espèce quevous puissiez la supposer, dont nous devions concevoir de lahonte&|160;; allons, Eugénie, faites acte de putanisme avec cejeune homme&|160;; songez que toute provocation, faite par unefille à un garçon est une offrande à la nature, et que votre sexene la sert jamais mieux, que quand il se prostitue au nôtre&|160;;que c’est en un mot, pour être foutue que vous êtes née et quecelle qui se refuse à cette intention de la nature sur elle, nemérite pas de voir le jour. Rabaissez vous-même la culotte de cejeune homme jusqu’au bas de ses belles cuisses&|160;; roulez sachemise sous sa veste&|160;; que le devant… et le derrière, qu’ila, par parenthèse, fort beau, se trouvent à votre disposition…Qu’une de vos mains s’empare maintenant de cet ample morceau dechair qui bientôt, je le vois, va vous effrayer par sa forme, etque l’autre se promène sur les fesses, et chatouille, ainsi,l’orifice du cul… Oui, de cette manière. (Pour faire voir àEugénie ce dont il s’agit, il socratise Augustin lui-même.)Décalottez bien cette tête rubiconde&|160;; ne la recouvrez jamaisen polluant, tenez-la nue… tendez le filet, au point de le rompre…Eh bien&|160;! voyez-vous déjà l’effet de mes leçons… Et toi, monenfant, je t’en conjure, ne reste pas ainsi les mains jointes, n’ya-t-il donc pas là de quoi les occuper&|160;; promène-les sur cebeau sein, sur ces belles fesses.

AUGUSTIN&|160;: Monsieur, est-ce que je ne pourrions pas baisercette demoiselle qui me fait tant de plaisir&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh&|160;! baise-la, imbécile, baise-latant que tu voudras&|160;; ne me baises-tu pas, moi, quand jecouche avec toi&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! tatiguai, la belle bouche, comme çavous est frais&|160;; il me semble avoir le nez sur les roses denot jardin. (Montrant son vit bandant&|160;:) Aussi,voyez-vous, Monsieur, v’là l’effet que ça produit.

EUGÉNIE&|160;: Oh ciel&|160;! comme il s’allonge.

DOLMANCÉ&|160;: Que vos mouvements deviennent, à présent, plusréglés, plus énergiques… Cédez-moi la place un instant, et regardezbien comme je fais. (Il branle Augustin.) Voyez-vous commeces mouvements-là sont plus fermes et en même temps plus moelleux…Là, reprenez, et surtout ne recalottez pas… Bon, le voilà danstoute son énergie&|160;; examinons maintenant s’il est vrai qu’ill’ait plus gros que le Chevalier.

EUGÉNIE&|160;: N’en doutons pas, vous voyez bien que je ne puisl’empoigner.

DOLMANCÉ mesure&|160;: Oui, vous avez raison, treize delongueur sur huit et demi de circonférence&|160;; je n’en ai jamaisvu de plus gros&|160;; voilà ce qu’on appelle un superbe vit&|160;;et vous vous en servez, madame&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Régulièrement toutes les nuits quand jesuis à cette campagne.

DOLMANCÉ&|160;: Mais pas dans le cul, j’espère&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Un peu plus souvent que dans lecon.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! sacredieu, quel libertinage… Ehbien&|160;! en honneur, je ne sais pas si je le soutiendrais.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ne faites donc pas l’étroit, Dolmancé,il entrera dans votre cul comme dans le mien.

DOLMANCÉ&|160;: Nous verrons cela&|160;; je me flatte que monAugustin me fera l’honneur de me lancer un peu de foutre dans lederrière, je le lui rendrai&|160;; mais continuons notre leçon…Allons, Eugénie, le serpent va vomir son venin,préparez-vous&|160;; que vos yeux se fixent sur la tête de cesublime membre&|160;; et quand, pour preuve de sa prompteéjaculation, vous allez le voir se gonfler, se nuancer du plus beaupourpre, que vos mouvements alors acquièrent toute l’énergie dontils sont susceptibles&|160;; que les doigts qui chatouillentl’anus, s’y enfoncent le plus avant que faire se pourra&|160;;livrez-vous tout entière au libertin qui s’amuse de vous&|160;;cherchez sa bouche, afin de la sucer&|160;: que vos attraitsvolent, pour ainsi dire, au-devant de ses mains… il décharge,Eugénie, voilà l’instant de votre triomphe.

AUGUSTIN&|160;: Ahe, ahe, ahe, Mameselle, je me meurs… je nepuis plus, allez donc plus fort, je vous en conjure… Ah, sacrédié,je n’y vois plus clair&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Redoublez, redoublez, Eugénie, ne le ménagezplus, il est dans l’ivresse, ah, quelle abondance de sperme, avecquelle vigueur il s’est élancé, voyez les traces du premier jet, ila sauté à plus de dix pieds… Foutredieu, la chambre en est pleine,je n’ai jamais vu décharger comme cela, et il vous a, dites-vous,foutue, cette nuit, madame&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Neuf ou dix coups, je crois, il y alongtemps que nous ne comptons plus.

LE CHEVALIER&|160;: Belle Eugénie, vous en êtes couverte.

EUGÉNIE&|160;: Je voudrais en être inondée. (ÀDolmancé&|160;:) Eh bien&|160;! mon maître, es-tucontent&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Fort bien pour un début&|160;; mais il estencore quelques épisodes que vous avez négligés.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Attendons, ils ne peuvent être en elleque le fruit de l’expérience&|160;; pour moi, je l’avoue, je suisfort contente de mon Eugénie&|160;; elle annonce les plus heureusesdispositions, et je crois que nous devons maintenant la faire jouird’un autre spectacle, faisons-lui voir les effets d’un vit dans lecul&|160;; Dolmancé, je vais vous offrir le mien, je serai dans lesbras de mon frère&|160;; il m’enconnera&|160;; vous m’enculerez, etc’est Eugénie qui préparera votre vit&|160;; qui le placera dansmon cul, qui en réglera tous les mouvements&|160;; qui les étudieraafin de se rendre familière à cette opération, que nous lui feronsensuite subir à elle-même par l’énorme vit de cet hercule.

DOLMANCÉ&|160;: Je m’en flatte, et ce joli petit derrière serabientôt déchiré sous nos yeux par les secousses violentes du braveAugustin, j’approuve en attendant ce que vous proposez,madame&|160;; mais si vous voulez que je vous traite bien,permettez-moi d’y mettre une clause&|160;; Augustin, que je vaisfaire rebander en deux tours de poignet, m’enculera, pendant que jevous sodomiserai.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’approuve fort cet arrangement, j’ygagnerai, et ce sera pour mon écolière, deux excellentes leçons aulieu d’une.

DOLMANCÉ, s’emparant d’Augustin&|160;: Viens, mon grosgarçon, que je te ranime… comme il est beau… Baise-moi, cher ami,tu es encore tout mouillé de foutre, et c’est du foutre que je tedemande… Ah&|160;! sacredieu&|160;! il faut que je lui gamahuche lecul, tout en le branlant&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Approche, ma sœur, afin de répondre aux vuesde Dolmancé et aux tiennes, je vais m’étendre sur ce lit, tu tecoucheras dans mes bras, en lui exposant tes belles fesses dans leplus grand écartement possible… oui, c’est cela&|160;: nouspourrions toujours commencer.

DOLMANCÉ&|160;: Non pas vraiment, attendez-moi, il faut d’abordque j’encule ta sœur, puisque Augustin me l’insinue&|160;; ensuiteje vous marierai&|160;: ce sont mes doigts qui doivent vouslier&|160;; ne manquons à aucun des principes, songeons qu’uneécolière nous regarde, et que nous lui devons des leçonsexactes&|160;; Eugénie, venez me branler pendant que je déterminel’énorme engin de ce mauvais sujet&|160;; soutenez l’érection demon vit, en le polluant avec légèreté sur vos fesses…

Elle exécute.

EUGÉNIE&|160;: Fais-je bien&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Il y a toujours trop de mollesse dans vosmouvements, serrez beaucoup plus le vit que vous branlez,Eugénie&|160;; si la masturbation n’est agréable qu’en ce qu’ellecomprime davantage que la jouissance, il faut donc que la main quicoopère, devienne pour l’engin qu’elle travaille, un localinfiniment plus étroit qu’aucune autre partie du corps… Mieux,c’est mieux, cela, écartez le derrière un peu plus, afin qu’àchaque secousse la tête de mon vit touche au trou de votrecul&|160;; oui, c’est cela, branle ta sœur en attendant&|160;;Chevalier, nous sommes à toi dans la minute… Ah bon&|160;! voilàmon homme qui bande… allons, préparez-vous, madame, ouvrez ce culsublime à mon ardeur impure&|160;; guide le dard Eugénie&|160;; ilfaut que ce soit ta main qui le conduise sur la brèche&|160;; ilfaut que ce soit elle qui le fasse pénétrer, dès qu’il sera dedans,tu t’empareras de celui d’Augustin, dont tu rempliras mesentrailles&|160;; tout cela sont là des devoirs de novice, il y ade l’instruction à recevoir à tout cela&|160;; voilà pourquoi je tele fais faire.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mes fesses sont-elles bien à toi,Dolmancé&|160;? Ah mon ange, si tu savais combien je te désire,combien il y a de temps que je veux être enculée par unbougre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Vos vœux vont être exaucés, madame, maissouffrez que je m’arrête un instant aux pieds de l’idole&|160;: jeveux la fêter avant que de m’introduire au fond de son sanctuaire…Quel cul divin&|160;!… que je le baise, que je le lèche mille etmille fois. Tiens, le voilà, ce vit que tu désires, le sens-tucoquine&|160;? dis, dis&|160;; sens-tu comme il pénètre&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! mets-le-moi jusqu’au fond desentrailles… douce volupté, quel est donc ton empire&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Voilà un cul comme je n’en foutis de mesjours&|160;; il est digne de Ganymède lui-même&|160;; allons,Eugénie, par vos soins qu’Augustin m’encule à l’instant.

EUGÉNIE&|160;: Le voilà, je vous l’apporte. (ÀAugustin&|160;:) Tiens, bel ange, vois-tu le trou qu’il tefaut perforer&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Je le voyons bien… dame, y a de la place là,j’entrerai mieux là-dedans que chez vous, au moins,Mam’selle&|160;; baisez-moi donc un peu pour qu’il entre mieux.

EUGÉNIE, l’embrassant&|160;: Oh&|160;! tant que tuvoudras, tu es si frais&|160;; mais pousse donc… Comme la tête s’yest engloutie, tout de suite… Ah&|160;! il me paraît que le restene tardera pas.

DOLMANCÉ&|160;: Pousse, pousse, mon ami&|160;; déchire-moi, s’ille faut… Tiens, vois mon cul, comme il se prête… Ah&|160;!sacredieu, quelle massue&|160;! je n’en reçus jamais de pareil…combien reste-t-il de pouces au-dehors, Eugénie&|160;?

EUGÉNIE&|160;: À peine deux.

DOLMANCÉ&|160;: J’en ai donc onze dans le cul… quelles délices…Il me crève, je n’en puis plus… Allons, Chevalier, es-tuprêt&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tâte, et dis ce que tu en penses.

DOLMANCÉ&|160;: Venez mes enfants, que je vous marie… que jecoopère de mon mieux à ce divin inceste.

Il introduit le vit du Chevalier dans le con de sasœur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! mes amis, me voilà doncfoutue des deux côtés… sacredieu, quel divin plaisir&|160;! non, iln’en est pas de semblable au monde… Ah&|160;! foutre, que je plainsla femme qui ne l’a pas goûté&|160;; secoue-moi, Dolmancé,secoue-moi&|160;; force-moi, par la violence de tes mouvements à meprécipiter sur le glaive de mon frère&|160;; et toi, Eugénie,contemple-moi, viens me regarder dans le vice&|160;; viensapprendre à mon exemple, à le goûter, avec transport, à le savoureravec délices… Vois mon amour, vois tout ce que je fais à la fois,scandale, séduction, mauvais exemple, inceste, adultère, sodomie… ÔLucifer&|160;! seul et unique dieu de mon âme, inspire-moi quelquechose de plus, offre à mon cœur de nouveaux écarts, et tu verrascomme je m’y plongerai&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Voluptueuse créature comme tu détermines monfoutre, comme tu en presses la décharge par tes propos et l’extrêmechaleur de ton cul… tout va me faire partir à l’instant. Eugénie,échauffe le courage de mon fouteur&|160;; presse ses flancs,entrouvre ses fesses&|160;; tu connais maintenant l’art de ranimerdes désirs vacillants… Ta seule approche donne de l’énergie au vitqui me fout… Je le sens, ses secousses sont plus vives… Friponne,il faut que je te cède ce que je n’aurais voulu devoir qu’à moncul. Chevalier, tu t’emportes, je le sens… attends-moi…attends-nous. Ô mes amis, ne déchargeons qu’ensemble, c’est le seulbonheur de la vie.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! foutre… foutre, partez quandvous voudrez… pour moi, je n’y tiens plus&|160;! Double nom d’undieu, dont je me fous… sacré bougre de dieu&|160;! je décharge…inondez-moi, mes amis… inondez votre putain, lancez les flots devotre foutre écumeux, jusqu’au fond de son âme embrasée, ellen’existe que pour les recevoir… ahe, ahe, ahe, foutre… foutre, quelincroyable excès de volupté, je me meurs&|160;; Eugénie, que je tebaise, que je te mange… que je dévore ton foutre, en perdant lemien.

Augustin, Dolmancé et le Chevalier font chorus, la crainted’être monotone nous empêche de rendre des expressions qui, dans detels instants, se ressemblent toutes.

DOLMANCÉ&|160;: Voilà une des bonnes jouissances que j’aie euesde ma vie. (Montrant Augustin&|160;:) Ce bougre-là m’arempli de sperme… mais je vous l’ai bien rendu, madame.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! ne m’en parlez pas, j’en suisinondée.

EUGÉNIE&|160;: Je n’en peux pas dire autant, moi. (Se jetanten folâtrant dans les bras de son amie&|160;:) Tu dis que tuas fait bien des péchés, ma bonne, mais pour moi, dieu merci, pasun seul&|160;; ah&|160;! si je mange longtemps mon pain à la fumée,comme cela, je n’aurai pas d’indigestion.

MME DE SAINT-ANGE, éclatant de rire&|160;: La drôle decréature&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Elle est charmante, venez ici, petite fille, queje vous fouette. (Il lui claque le cul.) Baisez-moi, vousaurez bientôt votre tour.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il ne faut à l’avenir s’occuper qued’elle seule, mon frère, considère-la, c’est ta proie… examine cecharmant pucelage, il va bientôt t’appartenir.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! non, pas par-devant, cela me feraittrop de mal, par-derrière tant que vous voudrez, comme Dolmancé mel’a fait tout à l’heure.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La naïve et délicieuse fille… Elle vousdemande précisément ce qu’on a tant de peine à obtenir desautres.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! ce n’est pas sans un peu deremords&|160;; car vous ne m’avez point rassurée sur le crimeénorme que j’ai toujours entendu dire qu’il y avait à cela, etsurtout à le faire d’homme à homme, comme cela vient d’arriver àDolmancé et à Augustin&|160;; voyons, voyons, monsieur, commentvotre philosophie explique cette sorte de délit. Il est affreux,n’est-ce pas&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Commencez à partir d’un point, Eugénie, c’estque rien n’est affreux en libertinage, parce que tout ce que lelibertinage inspire l’est également par la nature&|160;; lesactions les plus extraordinaires, les plus bizarres, celles quiparaissent choquer le plus évidemment toutes les lois, toutes lesinstitutions humaines (car pour du ciel, je n’en parle pas), ehbien&|160;! Eugénie, celles-là même ne sont point affreuses, et iln’en est pas une d’elles qui ne puisse se démontrer dans lanature&|160;; il est certain que celle dont vous me parlez, belleEugénie, est la même relativement à laquelle on trouve une fable sisingulière dans le plat roman de l’Écriture sainte, fastidieusecompilation d’un juif ignorant, pendant la captivité de Babylone,mais il est faux, hors de toute vraisemblance, que ce soit enpunition de ces écarts que ces villes, ou plutôt ces bourgadesaient péri par le feu&|160;; placées sur le cratère de quelquesanciens volcans, Sodome, Gomorrhe, périrent comme ces villes del’Italie qu’engloutirent les laves du Vésuve&|160;; voilà tout lemiracle, et ce fut pourtant de cet événement tout simple que l’onpartit pour inventer barbarement le supplice du feu, contre lesmalheureux humains qui se livreraient dans une partie de l’Europe àcette naturelle fantaisie.

EUGÉNIE&|160;: Oh, naturelle&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Oui, naturelle, je le soutiens, la nature n’apas deux voix, dont l’une fasse journellement le métier decondamner ce que l’autre inspire, et il est bien certain que cen’est que par son organe, que les hommes entichés de cette maniereçoivent les impressions qui les y portent. Ceux qui veulentproscrire ou condamner ce goût, prétendent qu’il nuit à lapopulation&|160;; qu’ils sont plats, ces imbéciles qui n’ont jamaisque cette idée de population dans la tête, et qui ne voient jamaisque du crime à tout ce qui s’éloigne de là&|160;; est-il doncdémontré que la nature ait de cette population un aussi grandbesoin qu’ils voudraient nous le faire croire&|160;? est-il biencertain qu’on l’outrage chaque fois qu’on s’écarte de cette stupidepropagation&|160;? Scrutons un instant, pour nous en convaincre, etsa marche et ses lois. Si la nature ne faisait que créer, etqu’elle ne détruisît jamais, je pourrais croire avec ces fastidieuxsophistes que le plus sublime de tous les actes serait detravailler sans cesse à celui qui produit, et je leur accorderais àla suite de cela que le refus de produire devrait nécessairementêtre un crime, mais le plus léger coup d’œil sur les opérations dela nature ne prouve-t-il pas que les destructions sont aussinécessaires à ses plans que les créations&|160;; que l’une etl’autre de ces opérations se lient et s’enchaînent même siintimement qu’il devient impossible que l’une puisse agir sansl’autre&|160;; que rien ne naîtrait, rien ne se régénérerait sansdes destructions&|160;? La destruction est donc une des lois de lanature comme la création&|160;; ce principe admis, comment puis-jeoffenser cette nature, en refusant de créer&|160;; ce qui, àsupposer un mal à cette action, en deviendrait un infiniment moinsgrand, sans doute, que celui de détruire qui, pourtant se trouvedans ses lois, ainsi que je viens de le prouver&|160;; si d’un côtéj’admets donc le penchant que la nature me donne à cette perte, quej’examine de l’autre qu’il lui est nécessaire, et que je ne faisqu’entrer dans ses vues en m’y livrant&|160;; où sera le crimealors, je vous le demande&|160;? Mais, vous objectent encore lessots et les populateurs, ce qui est synonyme, ce sperme productifne peut être placé dans vos reins à aucun autre usage que pourcelui de la propagation, l’en détourner est une offense, je viensd’abord de prouver que non, puisque cette perte n’équivaudrait mêmepas à une destruction et que la destruction bien plus importanteque la perte ne serait pas elle-même un crime&|160;; secondement ilest faux que la nature veuille que cette liqueur spermatique soitabsolument et entièrement destinée à produire, si cela était, nonseulement, elle ne permettrait pas que cet écoulement eût lieu danstout autre cas, comme nous le prouve l’expérience, puisque nous laperdons, et quand nous voulons et où nous voulons, et ensuite elles’opposerait à ce que ces pertes eussent lieu sans coït, comme ilarrive et dans nos rêves et dans nos souvenirs&|160;; avare d’uneliqueur aussi précieuse, ce ne serait jamais que dans le vase de lapropagation qu’elle en permettrait l’écoulement&|160;; elle nevoudrait assurément pas que cette volupté dont elle nous couronnealors, pût être ressentie, quand nous détournerionsl’hommage&|160;; car il ne serait pas raisonnable de supposerqu’elle consentît à nous donner du plaisir même au moment où nousl’accablerions d’outrages&|160;; allons plus loin&|160;; si lesfemmes n’étaient nées que pour produire, ce qui serait assurément,si cette production était si chère à la nature, arriverait-il que,sur la plus longue vie d’une femme, il ne se trouve cependant quesept ans, toute déduction faite, où elle soit en état de donner lavie à son semblable&|160;? Quoi, la nature est avide depropagations, tout ce qui ne tend pas à ce but l’offense&|160;; etsur cent ans de vie, le sexe destiné à produire ne le pourra quependant sept ans&|160;? La nature ne veut que des propagations etla semence qu’elle prête à l’homme pour servir ces propagations, seperd tant qu’il plaît à l’homme&|160;; il trouve le même plaisir àcette perte qu’à l’emploi utile, et jamais le moindreinconvénient&|160;?… Cessons, mes amis, cessons de croire à detelles absurdités&|160;; elles font frémir le bon sens&|160;;ah&|160;! loin d’outrager la nature, persuadons-nous bien aucontraire que le sodomite et la tribade la servent, en se refusantopiniâtrement à une conjonction, dont il ne résulte qu’uneprogéniture fastidieuse pour elle. Cette propagation, ne noustrompons point, ne fut jamais une de ses lois, mais une tolérancetout au plus, je vous l’ai dit&|160;; et que lui importe que larace des hommes s’éteigne ou s’anéantisse sur la terre&|160;; ellerit de notre orgueil à nous persuader que tout finirait si cemalheur avait lieu&|160;; mais elle ne s’en apercevrait seulementpas. S’imagine-t-on qu’il n’y ait pas déjà des raceséteintes&|160;; Buffon en compte plusieurs, et la nature muette àune perte aussi précieuse, ne s’en aperçoit seulement pas, l’espèceentière s’anéantirait que ni l’air n’en serait moins pur, nil’astre moins brillant, la marche de l’univers moins exacte. Qu’ilfallait d’imbécillité, cependant, pour croire que notre espèce esttellement utile au monde, que celui qui ne travaillerait pas à lapropager ou celui qui troublerait cette propagation, devîntnécessairement un criminel. Cessons de nous aveugler à cepoint&|160;; et que l’exemple des peuples plus raisonnables quenous, serve à nous persuader de nos erreurs&|160;; il n’y a pas unseul coin sur la terre où ce prétendu crime de sodomie n’ait eu destemples et des sectateurs, les Grecs, qui en faisaient pour ainsidire une vertu, lui érigèrent une statue sous le nom de VénusCallipyge&|160;; Rome envoya chercher des lois à Athènes, et elleen rapporta ce goût divin. Quel progrès ne lui voyons-nous pasfaire sous les empereurs, à l’abri des aigles romaines, il s’étendd’un bout de la terre à l’autre, à la destruction de l’empire, ilse réfugie près de la tiare, il suit les arts en Italie, il nousparvient quand nous nous poliçons. Découvrons-nous un hémisphère,nous y trouvons la sodomie. Cook mouille dans un nouveau monde,elle y règne&|160;; si nos ballons eussent été dans la lune, elles’y serait trouvée tout de même. Goût délicieux, enfant de lanature et du plaisir, vous devez être partout où se trouveront deshommes, et partout où l’on vous aura connu, l’on vous érigera desautels&|160;; ô mes amis, peut-il être une extravagance pareille àcelle d’imaginer qu’un homme doit être un monstre digne de perdrela vie, parce qu’il a préféré dans sa jouissance le trou d’un cul àcelui d’un con, parce qu’un jeune homme avec lequel il trouve deuxplaisirs, celui d’être à la fois amant et maîtresse, lui a parupréférable à une fille qui ne lui promet qu’une jouissance&|160;;il sera un scélérat, un monstre&|160;; pour avoir voulu jouer lerôle d’un sexe qui n’est pas le sien, et pourquoi la naturel’a-t-elle créé sensible à ce plaisir&|160;? Examinez saconformation&|160;; vous y observerez des différences totales aveccelle des hommes qui n’ont pas reçu ce goût en partage&|160;; sesfesses seront plus blanches, plus potelées&|160;; pas un poiln’ombragera l’autel du plaisir dont l’intérieur tapissé d’unemembrane plus délicate, plus sensuelle, plus chatouilleuse, setrouvera positivement du même genre que l’intérieur du vagin d’unefemme&|160;; le caractère de cet homme encore différent de celuides autres, aura plus de mollesse, plus de flexibilité&|160;; vouslui trouverez presque tous les vices et toutes les vertus d’unefemme. Vous y reconnaîtrez jusqu’à leur faiblesse&|160;; tousauront leur manie et quelques-uns de leurs traits. Serait-il doncpossible que la nature, en les assimilant de cette manière à desfemmes, pût s’irriter de ce qu’ils ont leurs goûts&|160;? n’est-ilpas clair que c’est une classe d’hommes différente de l’autre, etque la nature créa ainsi pour diminuer cette propagation dont latrop grande étendue lui nuirait infailliblement… ah ma chèreEugénie, si vous saviez comme on jouit délicieusement, quand ungros vit nous remplit le derrière, lorsque enfoncé jusqu’auxcouillons, il s’y trémousse avec ardeur&|160;; que ramené jusqu’auprépuce, il s’y renfonce jusqu’au poil&|160;; non, non, il n’estpoint dans le monde entier une jouissance qui vaillecelle-là&|160;: c’est celle des philosophes, c’est celle des héros,ce serait celle des dieux, si les parties de cette divinejouissance n’étaient pas elles-mêmes les seuls dieux que nousdevions adorer sur la terre[10]&|160;!

EUGÉNIE, très animée&|160;: Oh&|160;! mes amis, quel’on m’encule… Tenez, voilà mes fesses… je vous les offre…Foutez-moi, je décharge&|160;!

Elle tombe en prononçant ces mots, dans les bras deMme&|160;de&|160;Saint-Ange qui la serre, l’embrasse etoffre les reins élevés de cette jeune fille à Dolmancé.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Divin instituteur, résisterez-vous àcette proposition&|160;? Ce sublime derrière ne vous tentera-t-ilpas&|160;; voyez comme il bâille, et comme ils’entrouvre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Je vous demande pardon, belle Eugénie&|160;; cene sera pas moi, si vous le voulez bien, qui me chargeraid’éteindre les feux que j’allume. Chère enfant, vous avez à mesyeux le grand tort d’être femme. J’ai bien voulu oublier touteprévention pour cueillir vos prémices, trouvez bon que j’en restelà&|160;; le Chevalier va se charger de la besogne&|160;; sa sœur,armée de ce godemiché, portera au cul de son frère les coups lesplus redoutables, tout en présentant son beau derrière à Augustin,qui l’enculera et que je foutrai pendant ce temps-là&|160;; car, jene vous le cache pas, le cul de ce beau garçon me tente depuis uneheure et je veux absolument lui rendre ce qu’il m’a fait.

EUGÉNIE&|160;: J’adopte le change, mais en vérité, Dolmancé, lafranchise de votre aveu n’en soustrait pas l’impolitesse.

DOLMANCÉ&|160;: Mille pardons, mademoiselle&|160;; mais nousautres bougres, nous ne nous piquons que de franchise etd’exactitude dans nos principes.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La réputation de franchise n’estpourtant pas celle que l’on donne à ceux qui, comme vous, sontaccoutumés à ne prendre les gens que par-derrière.

DOLMANCÉ&|160;: Un peu traître… oui, un peu faux&|160;; vouscroyez. Eh bien&|160;! madame, je vous ai démontré que ce caractèreétait indispensable dans la société, condamnés à vivre avec desgens qui ont le plus grand intérêt à se cacher à nos yeux, à nousdéguiser les vices qu’ils ont, pour ne nous offrir que les vertusqu’ils n’encensèrent jamais&|160;; il y aurait à nous, le plusgrand danger à ne leur montrer que de la franchise car alors il estclair que vous leur donneriez sur vous tous les avantages qu’ilsvous refusent, et la duperie serait manifeste&|160;; ladissimulation et l’hypocrisie sont des besoins que la société nousa faits&|160;: cédons-y. Permettez-moi de m’offrir à vous uninstant pour exemple&|160;; madame, il n’est assurément dans lemonde aucun être plus corrompu, eh bien&|160;! mes contemporainss’y trompent&|160;: demandez-leur ce qu’ils pensent de moi, tousvous diront que je suis un honnête homme, tandis qu’il n’est pas unseul crime dont je n’aie fait mes plus chères délices.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! vous ne me persuaderez pasque vous en ayez commis d’atroces.

DOLMANCÉ&|160;: D’atroces…, en vérité, madame, j’ai fait deshorreurs.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh bien&|160;! oui, vous êtes commecelui qui disait à son confesseur&|160;: «&|160;Le détail estinutile, monsieur, excepté le meurtre et le vol, vous pouvez êtresûr que j’ai tout fait.&|160;»

DOLMANCÉ&|160;: Oui, madame, je dirai la même chose, mais àl’exception près.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quoi, libertin, vous vous êtespermis…

DOLMANCÉ&|160;: Tout, madame, tout&|160;; se refuse-t-on quelquechose avec mon tempérament et mes principes&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! foutons, foutons&|160;; je nepuis plus tenir à ces propos&|160;; nous y reviendrons,Dolmancé&|160;; mais, pour ajouter plus de foi à vos aveux, je neveux les entendre qu’à tête fraîche&|160;; quand vousbandez, vous aimez à dire des horreurs, et peut-être nousdonneriez-vous ici pour des vérités, les libertins prestiges devotre imagination enflammée.

On s’arrange.

DOLMANCÉ&|160;: Attends, Chevalier, attends&|160;; c’estmoi-même qui vais l’introduire&|160;; mais il faut préalablement,j’en demande pardon à la belle Eugénie, il faut qu’elle me permettede la fouetter pour la mettre en train.

Il la fouette.

EUGÉNIE&|160;: Je vous réponds que cette cérémonie étaitinutile… Dites, Dolmancé, qu’elle satisfait votre luxure&|160;;mais, en y procédant, n’ayez pas l’air, je vous prie, de rien fairepour moi.

DOLMANCÉ, toujours fouettant&|160;: Ah&|160;! tout àl’heure, vous m’en direz des nouvelles&|160;; vous ne connaissezpas l’empire de ce préliminaire… allons, allons, petite coquine,vous serez fustigée.

EUGÉNIE&|160;: Oh, ciel&|160;! comme il y va&|160;; mes fessessont en feu&|160;; mais vous me faites mal, en vérité.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je vais te venger, ma mie&|160;; jevais le lui rendre.

Elle fouette Dolmancé.

DOLMANCÉ&|160;: Oh&|160;! de tout mon cœur&|160;; je ne demandequ’une grâce à Eugénie, c’est de trouver bon que je la fouetteaussi fort que je désire l’être moi-même&|160;; vous voyez comme mevoilà dans la loi de la nature&|160;; mais attendez, arrangeonscela, qu’Eugénie monte sur vos reins, madame&|160;; elles’accrochera à votre col, comme ces mères qui portent leurs enfantssur leur dos&|160;; là j’aurai deux culs sous ma main&|160;; je lesétrillerai ensemble&|160;; le Chevalier et Augustin me le rendront,en frappant à la fois tous deux sur mes fesses… Oui, c’est aussi,ah&|160;! nous y voilà&|160;!… Quelles délices&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: N’épargnez pas cette petite coquine, jevous en conjure, et comme je ne vous demande point de grâce, je neveux pas que vous lui en fassiez aucune.

EUGÉNIE&|160;: Ahe&|160;! ahe&|160;! ahe&|160;! en vérité, jecrois que mon sang coule.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il embellira mes fesses en lescolorant…, courage, mon ange, courage&|160;; souviens-toi que c’estpar les peines qu’on arrive toujours aux plaisirs.

EUGÉNIE&|160;: En vérité, je n’en puis plus.

DOLMANCÉ suspend une minute pour contempler sonouvrage&|160;; puis reprenant&|160;: Encore une soixantaine,Eugénie, oui, oui, soixante encore sur chaque cul… Oh&|160;!coquines comme vous allez avoir du plaisir à foutremaintenant&|160;!

La posture se défait.

MME DE SAINT-ANGE, examinant les fessesd’Eugénie&|160;: Ah&|160;! la pauvre petite, son derrière esten sang&|160;! scélérat, comme tu as du plaisir à baiser ainsi lesvestiges de ta cruauté&|160;!

DOLMANCÉ, se polluant&|160;: Oui, je ne le cache pas,et mes baisers seraient plus ardents, si les vestiges étaient pluscruels.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! vous êtes un monstre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: J’en conviens.

LE CHEVALIER&|160;: Il y a de la bonne foi au moins.

DOLMANCÉ&|160;: Allons, sodomise-la, Chevalier…

LE CHEVALIER&|160;: Contiens ses reins, et dans trois secousses,il y est.

EUGÉNIE&|160;: Oh ciel, vous l’avez plus gros queDolmancé&|160;; Chevalier, vous me déchirez… ménagez-moi, je vousen conjure.

LE CHEVALIER&|160;: Cela est impossible, mon ange, je doisatteindre le but… Songez que je suis ici sous les yeux de monmaître&|160;; il faut que je me rende digne de ses leçons.

DOLMANCÉ&|160;: Il y est, j’aime prodigieusement à voir le poild’un vit frotter les parois d’un anus… Allons, madame, enculezvotre frère… Voilà le vit d’Augustin tout prêt à s’introduire envous et moi, je vous réponds de ne pas ménager votre fouteur…Ah&|160;! bon, il me semble que voilà le chapelet forme&|160;; nepensons plus qu’à décharger maintenant.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Examinez donc cette petite gueuse,comme elle frétille.

EUGÉNIE&|160;: Est-ce ma faute&|160;; je meurs de plaisirs…Cette fustigation… ce vit immense… et cet aimable Chevalier qui mebranle encore pendant ce temps-là… ma bonne, ma bonne, je n’en puisplus&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Sacredieu, je t’en livre autant, jedécharge&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Un peu d’ensemble, mes amis&|160;; si vousvouliez seulement m’accorder deux minutes, je vous aurais bientôtatteints, et nous partirions tous à la fois.

LE CHEVALIER&|160;: Il n’est plus temps, mon foutre coule dansle cul de la belle Eugénie… je me meurs… ah&|160;! sacré nom d’unDieu, que de plaisirs&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Je vous suis, mes amis… je vous suis&|160;; lefoutre m’aveugle également…

AUGUSTIN&|160;: Et moi donc&|160;!… Et moi donc&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quelle scène&|160;!… Ce bougre-là m’arempli le cul.

LE CHEVALIER&|160;: Au bidet, mesdames, au bidet&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Non, en vérité, j’aime cela moi, j’aimeà me sentir du foutre dans le cul, je ne le rends jamais quand j’enai.

EUGÉNIE&|160;: En vérité, je n’en puis plus… dites-moimaintenant, mes amis, si une femme doit toujours accepter laproposition d’être ainsi foutue quand on la lui fait&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Toujours, ma chère, toujours elle doitfaire plus&|160;; même comme cette manière de foutre estdélicieuse, elle doit l’exiger de ceux dont elle se sert, mais sielle dépend de celui avec lequel elle s’amuse, si elle espère enobtenir des faveurs, des présents ou des grâces, qu’elle se fassevaloir, qu’elle se fasse presser&|160;; il n’y a pas d’homme de cegoût, qui dans pareil cas, ne se ruine avec une femme assez adroitepour ne lui faire de refus qu’avec le dessein de l’enflammerdavantage&|160;; elle en tirera tout ce qu’elle voudra, si ellepossède bien l’art de n’accorder qu’à propos ce qu’on luidemande.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! petit ange, es-tuconvertie&|160;; cesses-tu de croire que la sodomie soit uncrime&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Et quand elle en serait un, que m’importe&|160;?Ne m’avez-vous pas démontré le néant des crimes&|160;? Il est bienpeu d’actions maintenant qui soient criminelles à mes yeux.

DOLMANCÉ&|160;: Il n’est de crime à rien, chère fille, à quoique ce soit au monde, la plus monstrueuse des actions n’a-t-ellepas un côté par lequel elle nous est propice&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Qui en doute&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! de ce moment elle cesse d’être uncrime&|160;; car pour que ce qui sert l’un, en nuisant à l’autre,fût un crime, il faudrait démontrer que l’être lésé est plusprécieux à la nature que l’être servi&|160;: or tous les individusétant égaux aux yeux de la nature, cette prédilection estimpossible&|160;; donc l’action qui sert à l’un en nuisant àl’autre est d’une indifférence parfaite à la nature.

EUGÉNIE&|160;: Mais si l’action nuisait à une très grandequantité d’individus, et qu’elle ne nous rapportât à nous, qu’unetrès légère dose de plaisir, ne serait-il pas affreux de s’y livreralors&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pas davantage, parce qu’il n’y a aucunecomparaison entre ce qu’éprouvent les autres et ce que nousressentons&|160;: la plus forte dose de douleur chez les autresdoit assurément être nulle pour nous, et le plus légerchatouillement de plaisir, éprouvé par nous, nous touche&|160;;donc nous devons à tel prix que ce soit, préférer ce légerchatouillement qui nous délecte, à cette somme immense des malheursd’autrui, qui ne saurait nous atteindre&|160;; mais s’il arrive aucontraire que la singularité de nos organes, une constructionbizarre, nous rendent agréables les douleurs du prochain, ainsi quecela arrive souvent, qui doute alors que nous ne devionsincontestablement préférer cette douleur d’autrui qui nous amuse àl’absence de cette douleur qui deviendrait une privation pournous&|160;? La source de toutes nos erreurs en morale vient del’admission ridicule de ce fil de fraternité qu’inventèrent leschrétiens, dans leur siècle d’infortune et de détresse&|160;;contraints à mendier la pitié des autres, il n’était pas maladroitd’établir qu’ils étaient tous frères&|160;; comment refuser dessecours d’après une telle hypothèse&|160;; mais il est impossibled’admettre cette doctrine&|160;! Ne naissons-nous pas tousisolés&|160;; je dis plus, tous ennemis les uns des autres, tousdans un état de guerre perpétuelle et réciproque&|160;? Or je vousdemande si cela serait, dans la supposition que les vertus exigéespar ce prétendu fil de fraternité fussent réellement dans lanature&|160;; si sa voix les inspirait aux hommes, ils leséprouveraient dès en naissant, dès lors, la pitié, la bienfaisance,l’humanité seraient des vertus naturelles dont il serait impossiblede se défendre, et qui rendraient cet état primitif de l’hommesauvage totalement contraire à ce que nous le voyons.

EUGÉNIE&|160;: Mais si, comme vous le dites, la nature faitnaître les hommes isolés, tous indépendants les uns des autres, aumoins m’accorderez-vous que les besoins, en les rapprochant, ont dûnécessairement établir quelques liens entre eux&|160;; de là, ceuxdu sang nés de leur alliance réciproque, ceux de l’amour, del’amitié, de la reconnaissance&|160;; vous respecterez au moinsceux-là, j’espère&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pas plus que les autres, en vérité&|160;; maisanalysons-les, je le veux, un coup d’œil rapide, Eugénie, surchacun en particulier&|160;; direz-vous, par exemple, que le besoinde me marier ou pour voir prolonger ma race, ou pour arranger mafortune, doit établir des liens indissolubles ou sacrés avecl’objet auquel je m’allie&|160;; ne serait-ce pas, je vous ledemande, une absurdité que de soutenir cela&|160;; tant que durel’acte du coït, je peux, sans doute, avoir besoin de cet objet poury participer&|160;; mais sitôt qu’il est satisfait, que reste-t-il,je vous prie, entre lui et moi&|160;? et quelle obligation réelleenchaînera à lui ou à moi les résultats de ce coït&|160;? cesderniers liens furent les fruits de la frayeur qu’eurent lesparents d’être abandonnés dans leur vieillesse, et les soinsintéressés qu’ils ont de nous dans notre enfance, ne sont que pourmériter ensuite les mêmes attentions dans leur dernier âge&|160;;cessons d’être la dupe de tout cela, nous ne devons rien à nosparents… Pas la moindre chose, Eugénie, et comme c’est bien moinspour nous que pour eux qu’ils ont travaillé, il nous est permis deles détester, et de nous en défaire même, si leur procédé nousirrite, nous ne devons les aimer que s’ils agissent bien avec nous,et cette tendresse, alors, ne doit pas avoir un degré de plus quecelle que nous aurions pour d’autres amis, parce que les droits dela naissance n’établissent rien, ne fondent rien, et qu’en lesscrutant avec sagesse et réflexion, nous n’y trouverons sûrementque des raisons de haine pour ceux qui ne songeant qu’à leursplaisirs, ne nous ont donné souvent qu’une existence malheureuse oumalsaine&|160;; vous me parlez des liens de l’amour, Eugénie,puissiez-vous ne les jamais connaître, ah&|160;! qu’un telsentiment, pour le bonheur que je vous souhaite, n’approche jamaisde votre cour&|160;; qu’est-ce que l’amour&|160;? On ne peut leconsidérer, ce me semble, que comme l’effet résultatif des qualitésd’un bel objet sur nous&|160;: ces effets nous transportent&|160;;ils nous enflamment, si nous possédons cet objet, nous voilàcontents, s’il nous est impossible de l’avoir, nous nousdésespérons&|160;; mais quelle est la base de ce sentiment&|160;?…Le désir&|160;: quelles sont les suites de ce sentiment&|160;? Lafolie&|160;; tenons-nous-en donc au motif, et garantissons-nous deseffets&|160;; le motif est de posséder l’objet&|160;; ehbien&|160;! tâchons de réussir, mais avec sagesse&|160;;jouissons-en, dès que nous l’avons&|160;; consolons-nous&|160;:dans le cas contraire, mille autres objets semblables, et souventbien meilleurs, nous consoleront de la perte de celui-là&|160;;tous les hommes, toutes les femmes se ressemblent, il n’y a pointd’amour qui résiste aux effets d’une réflexion saine&|160;:oh&|160;! quelle duperie que cette ivresse qui, absorbant en nousle résultat des sens, nous met dans un tel état que nous ne voyonsplus, que nous n’existons plus que par cet objet follementadoré&|160;; est-ce donc là vivre&|160;; n’est-ce pas bien plutôtse priver volontairement de toutes les douceurs de la vie&|160;?N’est-ce pas vouloir rester dans une fièvre brûlante qui nousabsorbe et qui nous dévore, sans nous laisser d’autre bonheur quedes jouissances métaphysiques si ressemblantes aux effets de lafolie&|160;: si nous devions toujours l’aimer cet objet adorable,s’il était certain que nous ne dussions jamais l’abandonner, ceserait encore une extravagance, sans doute, mais excusable aumoins&|160;: cela arrive-t-il&|160;? a-t-on beaucoup d’exemples deces liaisons éternelles qui ne se sont jamais démenties&|160;?Quelques mois de jouissance remettant bientôt l’objet à savéritable place, nous font rougir de l’encens que nous avons brûlésur ses autels, et nous arrivons souvent à ne pas même concevoirqu’il ait pu nous séduire à ce point. Ô filles voluptueuses,livrez-nous donc vos corps tant que vous le pourrez&|160;! foutez,divertissez-vous, voilà l’essentiel mais fuyez avec soin l’amour,il n’y a de bon que son physique, disait le naturalisteBuffon, et ce n’était pas sur cela seul qu’il raisonnaiten bon philosophe. Je le répète, amusez-vous&|160;: mais n’aimezpoint, ne vous embarrassez pas davantage de l’être&|160;: ce n’estpas de s’exténuer en lamentations, en soupirs, en œillades, enbillets doux qu’il faut, c’est de foutre, c’est de multiplier et dechanger souvent ses fouteurs, c’est de s’opposer fortement surtoutà ce qu’un seul veuille vous captiver parce que le but de ceconstant amour serait en vous liant à lui, de vous empêcher de vouslivrer à un autre, égoïsme cruel qui deviendrait bientôt fatal àvos plaisirs. Les femmes ne sont pas faites pour un seul homme,c’est pour tous que les a créées la nature, n’écoutant que cettevoix sacrée, qu’elles se livrent indifféremment à tous ceux quiveulent d’elles, toujours putains, jamais amantes, fuyant l’amour,adorant le plaisir, ce ne seront plus que des roses qu’ellestrouveront dans la carrière de la vie&|160;: ce ne seront plus quedes fleurs qu’elles nous prodigueront&|160;; demandez, Eugénie,demandez à la femme charmante qui veut bien se charger de votreéducation, le cas qu’il faut faire d’un homme quand on en a joui.(Assez bas pour n’être pas entendu d’Augustin&|160;:)Demandez-lui si elle ferait un pas pour conserver cet Augustin quifait aujourd’hui ses délices, dans l’hypothèse où l’on voudrait lelui enlever&|160;: elle en prendrait un autre, ne penserait plus àcelui-ci, et bientôt lasse du nouveau, elle l’immolerait elle-mêmedans deux mois si de nouvelles jouissances devaient naître de cesacrifice.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Que ma chère Eugénie soit bien sûre queDolmancé lui explique ici mon cœur ainsi que celui de toutes lesfemmes, comme si nous lui en ouvrions les replis.

DOLMANCÉ&|160;: La dernière partie de mon analyse porte donc surles liens de l’amitié et sur ceux de la reconnaissance&|160;:respectons les premiers, j’y consens tant qu’ils nous sontutiles&|160;; gardons nos amis tant qu’ils nous servent&|160;;oublions-les dès que nous n’en tirons plus rien&|160;; ce n’estjamais que pour soi qu’il faut aimer les gens&|160;: les aimer poureux-mêmes n’est qu’une duperie, jamais il n’est dans la natured’inspirer aux hommes d’autres mouvements, d’autres sentiments queceux qui doivent leur être bons à quelque chose&|160;; rien n’estégoïste comme la nature, soyons-le donc aussi, si nous voulonsaccomplir ses lois.

Quant à la reconnaissance, Eugénie, c’est le plus faible de tousles liens sans doute. Est-ce donc pour nous que les hommes nousobligent&|160;; n’en croyons rien, ma chère&|160;; c’est parostentation, par orgueil&|160;; n’est-il donc pas humiliant dèslors, de devenir ainsi le jouet de l’amour-propre des autres&|160;?Ne l’est-il pas encore davantage d’être obligé&|160;? Rien de plusà charge qu’un bienfait reçu&|160;; point de milieu, il faut lerendre, ou en être avili&|160;: les âmes fières se font mal aupoids du bienfait&|160;; il pèse sur elles avec tant de violenceque le seul sentiment qu’elles exhalent est de la haine pour lebienfaiteur.

Quels sont donc maintenant, à votre avis, les liens quisuppléent à l’isolement où nous a créés la nature&|160;; quels sontceux qui doivent établir des rapports entre les hommes, à quelstitres les aimerons-nous&|160;: les chérirons-nous, lespréférerons-nous à nous-mêmes&|160;; de quel droit soulagerons-nousleur infortune&|160;? Où sera maintenant dans nos âmes le berceaude vos belles et inutiles vertus de bienfaisance, d’humanité, decharité, indiquées dans le code absurde de quelques religionsimbéciles, qui, prêchées par des imposteurs ou par des mendiants,durent nécessairement conseiller ce qui pouvait les soutenir ou lestolérer&|160;?

Eh bien&|160;! Eugénie, admettez-vous encore quelque chose desacré parmi les hommes&|160;? Concevez-vous quelques raisons de nepas toujours nous préférer à eux&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Ces leçons que mon cœur devance, me flattent troppour que mon esprit les récuse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Elles sont dans la nature,Eugénie&|160;; la seule approbation que tu leur donnes, leprouve&|160;; à peine éclose de son sein, comment ce que tu sens,pourrait-il être le fruit de la corruption&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Mais si toutes les erreurs que vous préconisez,sont dans la nature, pourquoi les lois s’yopposent-elles&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Parce que les lois ne sont pas faites pour leparticulier, mais pour le général, ce qui les met dans uneperpétuelle contradiction avec l’intérêt personnel, attendu quel’intérêt personnel l’est toujours avec l’intérêt général. Mais leslois bonnes pour la société, sont très mauvaises pour l’individuqui la compose&|160;: car pour une fois qu’elles le protègent ou legarantissent, elles le gênent et le captivent les trois quarts desa vie&|160;; aussi l’homme sage et plein de mépris pour elles lestolère-t-il, comme il fait des serpents et des vipères qui bienqu’elles blessent ou qu’elles empoisonnent, servent pourtantquelquefois dans la médecine&|160;; il se garantira des lois commeil fera de ces bêtes venimeuses&|160;; il s’en mettra à l’abri pardes précautions, par des mystères, toutes choses faciles à larichesse et à la prudence. Que la fantaisie de quelques crimesvienne enflammer votre âme, Eugénie, et soyez bien certaine de lescommettre en paix entre votre amie et moi.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! cette fantaisie est déjà dans moncœur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quel caprice t’agite, Eugénie&|160;?dis-nous-le avec confiance&|160;!

EUGÉNIE, égarée&|160;: Je voudrais une victime.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et de quel sexe ladésires-tu&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Du mien.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! madame, êtes-vous contente devotre élève&|160;; ses progrès sont-ils assez rapides&|160;?

EUGÉNIE (comme ci-dessus)&|160;: Une victime, ma bonne,une victime&|160;; oh dieux&|160;! cela ferait le bonheur de mavie&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et que lui ferais-tu&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tout… tout… tout ce qui pourrait la rendre laplus malheureuse des créatures&|160;; oh&|160;! ma bonne, ma bonne,aie pitié de moi&|160;; je n’en puis plus.

DOLMANCÉ&|160;: Sacredieu, quelle imagination… viens, Eugénie,tu es délicieuse&|160;; viens que je te baise mille et mille fois.(Il la reprend dans ses bras.) Tenez, madame, tenez&|160;;regardez cette libertine, comme elle décharge de tête,sans qu’on la touche… Il faut absolument que je l’encule encore unefois.

EUGÉNIE&|160;: Aurai-je après ce que je demande&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Oui, folle, oui, l’on t’en répond.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! mon ami, voilà mon cul, faites-en ceque vous voudrez.

DOLMANCÉ&|160;: Attendez que je dispose cette jouissance d’unemanière un peu luxurieuse. (Tout s’exécute à mesure queDolmancé indique&|160;:) Augustin, étends-toi, sur le bord dece lit&|160;; qu’Eugénie se couche dans tes bras, pendant que je lasodomiserai&|160;; je branlerai son clitoris avec la superbe têtedu vit d’Augustin qui, pour ménager son foutre, aura soin de ne pasdécharger&|160;; le cher Chevalier qui, sans dire un mot, se branletout doucement en nous écoutant, voudra bien s’étendre sur lesépaules d’Eugénie, en exposant ses belles fesses à mes baisers, jele branlerai en dessous&|160;; ce qui fait qu’ayant mon engin dansun cul, je polluerai un vit de chaque main&|160;; et vous, madame,après avoir été votre mari, je veux que vous deveniez lemien&|160;; revêtissez-vous du plus énorme de vos godemichés.(Mme&|160;de&|160;Saint-Ange ouvre une cassette quien est remplie, et notre héros choisit le plus redoutable.)Bon, celui-ci, dit le numéro, a quatorze pouces de long sur dix detour&|160;; arrangez-vous cela autour des reins, madame, etportez-moi maintenant les plus terribles coups.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: En vérité, Dolmancé, vous êtes fou, etje vais vous estropier avec cela.

DOLMANCÉ&|160;: Ne craignez rien&|160;; poussez, pénétrez, monange, je n’enculerai votre chère Eugénie que quand votre membreénorme sera bien avant dans mon cul… Il y est&|160;; il y est,sacredieu, ah&|160;! tu me mets aux nues&|160;; point de pitié, mabelle, je vais, je te le déclare, foutre ton cul sans préparation…Ah&|160;! sacredieu, le beau derrière&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! mon ami, tu me déchires… Prépare aumoins les voies.

DOLMANCÉ&|160;: Je m’en garderai pardieu bien&|160;; on perd lamoitié du plaisir avec ces sottes attentions&|160;; songe à nosprincipes, Eugénie, je travaille pour moi, maintenant victime unmoment, mon bel ange, et tout à l’heure persécutrice… Ah&|160;!sacredieu, il entre&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Tu me fais mourir&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Oh&|160;! foutredieu, je touche au but.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! fais ce que tu voudras à présent, il yest, je ne sens que du plaisir&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Que j’aime à branler ce gros vit sur le clitorisd’une vierge… toi, Chevalier, fais-moi beau cul… te branlé-je bien,libertin&|160;?… Et vous madame, foutez-moi, foutez votregarce&|160;: oui, je la suis, et je veux l’être… Eugénie, décharge,mon ange, oui décharge&|160;; Augustin, malgré lui, me remplit defoutre… Je reçois celui du Chevalier, le mien s’y joint… Je n’yrésiste plus&|160;; Eugénie, agite tes fesses&|160;; que ton anuspresse mon vit&|160;: fais élancer au fond de tes entrailles lefoutre brûlant qui s’exhale… Ah foutu bougre de dieu&|160;! je memeurs&|160;! (Il se retire&|160;; l’attitude se rompt.)Tenez, madame, voilà votre petite libertine encore pleine defoutre&|160;; l’entrée de son con en est inondée&|160;; branlez-la,secouez vigoureusement son clitoris tout mouillé de sperme, c’estune des plus délicieuses choses qui puissent se faire.

EUGÉNIE, palpitant&|160;: Oh&|160;! ma mie, que de plaisir tu meferas… ah&|160;! cher amour, je brûle de lubricité.

Cette posture s’arrange.

DOLMANCÉ&|160;: Chevalier, comme c’est toi qui vas dépuceler cebel enfant&|160;; joins tes secours à ceux de ta sœur pour la fairepâmer dans tes bras et par ton attitude, présente-moi lesfesses&|160;: je vais te foutre pendant qu’Augustin m’enculera.

Tout se dispose.

LE CHEVALIER&|160;: Me trouves-tu bien de cettemanière&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Le cul tant soit peu plus haut, mon amour&|160;:là, bien… sans préparation, Chevalier.

LE CHEVALIER&|160;: Ma foi&|160;! comme tu voudras&|160;;puis-je sentir autre chose que du plaisir au sein de cettedélicieuse fille&|160;?

Il la baise et la branle en lui enfonçant légèrement undoigt dans le con pendant queMme&|160;de&|160;Saint-Ange chatouille le clitorisd’Eugénie.

DOLMANCÉ&|160;: Pour quant à moi, mon cher, j’en prends, sois-enassuré, beaucoup davantage avec toi, que je n’en pris avecEugénie&|160;; il y a tant de différence entre le cul d’un garçonet celui d’une fille&|160;; encule-moi donc Augustin&|160;! que depeine tu as à te décider&|160;!

AUGUSTIN&|160;: Dame, monseu, c’est que ça venoit de couler toutprès du chose d’cette gentille tourterelle&|160;; et vous voulezque ça dresse tout d’suite pour vot cul qui n’est vraiment pas sijoli, dâ.

DOLMANCÉ&|160;: L’imbécile&|160;! mais pourquoi seplaindre&|160;! voilà la nature, chacun prêche pour sonsaint&|160;; allons, allons, pénètre toujours, véridique Augustin,et quand tu auras un peu plus d’expérience, tu me diras si les culsne valent pas mieux que les cons… Eugénie, rends donc au Chevalier,ce qu’il te fait&|160;; tu ne t’occupes que de toi, tu as raison,libertine&|160;; mais pour l’intérêt de tes plaisirs mêmes,branle-le, puisqu’il va cueillir tes prémices.

EUGÉNIE&|160;: Eh bien&|160;! je le branle, je le baise, jeperds la tête… ahe&|160;! ahe&|160;! ahe&|160;! mes amis, je n’enpuis plus, ayez pitié de mon état&|160;; je me meurs&|160;; jedécharge… sacredieu, je suis hors de moi.

DOLMANCÉ&|160;: Pour moi je serai sage, je ne voulais que meremettre en train dans ce beau cul, je garde pourMme&|160;de&|160;Saint-Ange le foutre qui s’y estallumé&|160;; rien ne m’amuse comme de commencer dans un cul,l’opération que je veux terminer dans un autre&|160;; eh bien,Chevalier, te voilà bien en train… Dépucelons-nous&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh, Ciel&|160;! non je ne veux pas l’être parlui, j’en mourrais, le vôtre est plus petit, Dolmancé que ce soit àvous que je doive cette opération, je vous en conjure&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Cela n’est pas possible, mon ange&|160;; je n’aijamais foutu de con de ma vie&|160;; vous me permettrez de ne pascommencer à mon âge. Vos prémices appartiennent au Chevalier, luiseul ici est digne de les cueillir, ne lui ravissons pas sesdroits.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Refuser un pucelage… aussi frais, aussijoli que celui-là, car je défie qu’on puisse dire que mon Eugénien’est pas la plus belle fille de Paris&|160;! Oh&|160;! monsieur…monsieur, en vérité, voilà ce qui s’appelle tenir un peu trop à sesprincipes.

DOLMANCÉ&|160;: Pas autant que je le devrais, madame&|160;; caril est tout plein de mes confrères qui ne vous enculeraientassurément pas… Moi, je l’ai fait et je vais le refaire&|160;; cen’est donc point comme vous m’en soupçonnez porter mon cultejusqu’au fanatisme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Allons donc, Chevalier, mais ménage-la,regarde la petitesse du détroit que tu vas enfiler&|160;; est-ilquelque proportion entre le contenu et le contenant&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! j’en mourrai, cela est inévitable… Maisle désir ardent que j’ai d’être foutue, me fait tout hasarder sansrien craindre… Va, pénètre, mon cher, je m’abandonne à toi.

LE CHEVALIER, tenant à pleine main son vitbandant&|160;: Oui, foutre, il faut qu’il y pénètre… Ma sœur…Dolmancé, tenez-lui chacun une jambe… Ah&|160;! sacredieu&|160;!quelle entreprise&|160;!… Oui, oui, dût-elle en être pourfendue,déchirée, il faut double Dieu, qu’elle y passe.

EUGÉNIE&|160;: Doucement, doucement, je n’y puis tenir…(Elle crie, les pleurs coulent sur ses joues…) À monsecours, ma bonne amie… (Elle se débat.) Non, je ne veuxpas qu’il entre&|160;; je crie au meurtre, si vouspersistez&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Crie tant que tu voudras, petite coquine, jete dis qu’il faut qu’il entre, en dusses-tu crever mille fois.

EUGÉNIE&|160;: Quelle barbarie&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! foutre&|160;! est-on délicat, quand onbande&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tenez-la, il y est…, il y est, sacredieu…foutre, voilà le pucelage au diable&|160;; regardez son sang, commeil coule&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Va, tigre… va, déchire-moi si tu veux maintenant,je m’en moque, baise-moi, bourreau, baise-moi, je t’adore…ah&|160;! ce n’est plus rien, quand il est dedans&|160;; toutes lesdouleurs sont oubliées… Malheur aux jeunes filles quis’effaroucheraient d’une telle attaque… Que de grands plaisirselles refuseraient pour une bien petite peine… pousse, pousse,Chevalier, je décharge&|160;; arrose de ton foutre les plaies donttu m’as couverte&|160;; pousse-le donc au fond de ma matrice&|160;;ah&|160;! la douleur cède au plaisir&|160;; je suis prête àm’évanouir.

Le Chevalier décharge, pendant qu’il a foutu, Dolmancé lui abranlé le cul et les couilles etMme&|160;de&|160;Saint-Ange a chatouillé le clitorisd’Eugénie, la posture se rompt.

DOLMANCÉ&|160;: Mon avis serait que, pendant que les voies sontouvertes, la petite friponne fût à l’instant foutue parAugustin.

EUGÉNIE&|160;: Par Augustin… un vit de cette taille… ah&|160;!tout de suite… Quand je saigne encore… avez-vous donc envie de metuer&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cher amour… baise-moi, je te plains…mais la sentence est prononcée&|160;; elle est sans appel, moncœur, il faut que tu la subisses.

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! jerdinieu, me voilà prêt, dès qu’ils’agit d’enfiler c’te petite fille, je vinrois pardieu de Rome àpied.

LE CHEVALIER, empoignant le vit énormed’Augustin&|160;: Tiens, Eugénie, vois comme il bande… commeil est digne de me remplacer.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! juste ciel&|160;! quel arrêt… Oh&|160;!vous voulez me tuer, cela est clair.

AUGUSTIN, s’emparant d’Eugénie&|160;: Oh&|160;! quenon, mameselle&|160;: ça n’a jamais fait mourir personne.

DOLMANCÉ&|160;: Un moment, beau fils, un moment&|160;; il fautqu’elle me présente le cul, pendant que tu vas foutre… Oui, ainsi,approchez-vous, madame de Saint-Ange&|160;; je vous ai promis devous enculer&|160;; je tiendrai parole&|160;; mais placez-vous demanière qu’en vous foutant, je puisse être à portée de fouetterEugénie&|160;; que le Chevalier me fouette pendant ce temps-là.

Tout s’arrange.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! foutre, il me crève… Va donc doucement,gros butor… Ah&|160;! le bougre… il enfonce… l’y voilà, lejean-foutre, il est tout au fond, je me meurs&|160;!… Oh&|160;!Dolmancé, comme vous frappez&|160;; c’est m’allumer des deuxcôtés&|160;: vous me mettez les fesses en feu.

DOLMANCÉ, fouettant à tour de bras&|160;: Tu en auras…tu en auras, petite coquine&|160;; tu n’en déchargeras que plusdélicieusement&|160;; comme vous la branlez, Saint-Ange, comme cedoigt léger doit adoucir les maux qu’Augustin et moi lui faisons…mais votre anus se resserre&|160;; je le vois, madame, nous allonsdécharger ensemble&|160;; ah&|160;! comme il est divin d’être ainsientre le frère et la sœur.

MME DE SAINT-ANGE, à Dolmancé&|160;: Fous, mon astre,fous&|160;; jamais, je crois je n’eus tant de plaisirs&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Dolmancé, changeons de main&|160;; passelestement du cul de ma sœur dans celui d’Eugénie, pour lui faireconnaître les plaisirs de l’entre-deux, et moi j’enculerai ma sœur,qui pendant ce temps rendra sur tes fesses les coups de verges donttu viens d’ensanglanter celles d’Eugénie.

DOLMANCÉ, exécutant&|160;: J’accepte… tiens, mon ami,se peut-il faire un changement plus leste que celui-là&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Quoi, tous les deux sur moi, juste Ciel&|160;! jene sais plus auquel entendre&|160;; j’avais bien assez de cebutor&|160;! Ah&|160;! que de foutre va me coûter cette doublejouissance&|160;: il coule déjà&|160;; sans cette sensuelleéjaculation, je serais, je crois, déjà morte… Eh&|160;! quoi, mabonne, tu m’imites&|160;?… oh, comme elle jute, la coquine…Dolmancé décharge… décharge, mon amour, ce gros paysanm’inonde&|160;: il me l’élance au fond de mes entrailles… Ah&|160;!mes fouteurs, quoi tous deux à la fois… Sacredieu… mes amis,recevez mon foutre, il se joint au vôtre… je suis anéantie…(Les attitudes se rompent.) Eh bien&|160;! ma bonne, es-tucontente de ton écolière&|160;; suis-je assez putain, maintenant…Mais vous m’avez mise dans un état… dans une agitation… Oh&|160;!oui, je jure que dans l’ivresse où me voilà, j’irais s’il lefallait, me faire foutre au milieu des rues.

DOLMANCÉ&|160;: Comme elle est belle ainsi&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Je vous déteste, vous m’avez refusée.

DOLMANCÉ&|160;: Pouvais-je contrarier mes dogmes&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Allons, je vous pardonne, et je dois respecterdes principes qui conduisent à des égarements. Comment ne lesadopterais-je pas, moi qui ne veux plus vivre que dans lecrime&|160;; asseyons-nous et jasons un instant. Je n’en puis plus.Continuez mon instruction, Dolmancé, et dites-moi quelque chose quime console des excès où me voilà livrée&|160;; éteignez mesremords&|160;; encouragez-moi.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cela est juste, il faut qu’un peu dethéorie succède à la pratique&|160;; c’est le moyen d’en faire uneécolière parfaite.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! quel est l’objet, Eugénie, surlequel vous voulez qu’on vous entretienne&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Je voudrais savoir si les mœurs sont vraimentnécessaires dans un gouvernement, si leur influence est de quelquepoids sur le génie d’une nation&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! parbleu, en partant ce matin, j’aiacheté au palais de l’Égalité une brochure qui, s’il faut en croirele titre, doit nécessairement répondre à votre question… À peinesort-elle de la presse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Voyons (elle lit) Français, encoreun effort si vous voulez être républicains. Voilà, sur maparole un singulier titre, il promet&|160;; Chevalier, toi quipossèdes un bel organe, lis-nous cela.

DOLMANCÉ&|160;: Ou je me trompe, ou cela doit parfaitementrépondre à la question d’Eugénie.

EUGÉNIE&|160;: Assurément.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Sors, Augustin, ceci n’est pas faitpour toi&|160;; mais ne t’éloigne pas, nous sonnerons dès qu’ilfaudra que tu reparaisses.

LE CHEVALIER&|160;: Je commence.

FRANÇAIS,

Encore un effort si vous voulez être républicains

LA RELIGION

Je viens offrir de grandes idées, on les écoutera, elles serontréfléchies&|160;; si toutes ne plaisent pas, au moins enrestera-t-il quelques-unes&|160;; j’aurai contribué en quelquechose, au progrès des lumières, et j’en serai content.

Je ne le cache point, c’est avec peine que je vois la lenteuravec laquelle nous tâchons d’arriver au but, c’est avec inquiétudeque je sens que nous sommes à la veille de le manquer encore unefois&|160;; croit-on que ce but sera atteint quand on nous auradonné des lois&|160;? Qu’on ne l’imagine pas&|160;; queferions-nous de lois sans religion&|160;; il nous faut un culte etun culte fait pour le caractère d’un républicain, bien éloigné dejamais pouvoir reprendre celui de Rome&|160;; dans un siècle oùnous sommes aussi convaincus que la religion doit être appuyée surla morale, et non pas la morale sur la religion, il faut unereligion qui aille aux mœurs, qui en soit comme le développement,comme la suite nécessaire et qui puisse, en élevant l’âme, la tenirperpétuellement à la hauteur de cette liberté précieuse dont ellefait aujourd’hui son unique idole&|160;; or je demande si l’on peutsupposer que celle d’un esclave de Titus, que celle d’un vilhistrion de Judée, puisse convenir à une nation libre et guerrière,qui vient de se régénérer&|160;; non, mes compatriotes, non, vousne le croyez pas&|160;: et malheureusement pour lui le Françaiss’ensevelissait encore dans les ténèbres du christianisme, d’uncôté l’orgueil, la tyrannie, le despotisme des prêtres, vicestoujours renaissants dans cette horde impure, de l’autre labassesse, les petites vues, les platitudes des dogmes et desmystères de cette indigne et fabuleuse religion, en émoussant lafierté de l’âme républicaine l’auraient bientôt ramenée sous lejoug que son énergie vient de briser, ne perdons pas de vue quecette puérile religion était une des meilleures armes des mains denos tyrans, un de ses premiers dogmes était de rendre à Césarce qui appartient à César&|160;; mais nous avons détrôné Césaret nous ne voulons plus rien lui rendre&|160;; Français, ce seraiten vain que vous vous flatteriez que l’esprit d’un clergéassermenté ne doit plus être celui d’un clergé réfractaire, il estdes vices d’état dont on ne se corrige jamais, avant dix ans, aumoyen de la religion chrétienne, de sa superstition, de sespréjugés, vos prêtres, malgré leur serment, malgré leur pauvreté,ils reprendraient sur les âmes l’empire qu’ils avaient envahi, ilsvous renchaîneraient à des rois, parce que la puissance de ceux-ciétaya toujours celle de l’autre, et votre édifice républicains’écroulerait faute de bases. Ô vous qui avez la faux à la main,portez le dernier coup à l’arbre de la superstition, ne vouscontentez pas d’élaguer les branches, déracinez tout à fait uneplante dont les effets sont si contagieux, soyez parfaitementconvaincus que votre système de liberté et d’égalité contrarie tropouvertement les ministres des autels du Christ, pour qu’il en soitjamais un seul, ou qui l’adopte de bonne foi, ou qui ne cherche pasà l’ébranler s’il parvient à reprendre quelque empire sur lesconsciences. Quel sera le prêtre qui comparant l’état où l’on vientde le réduire avec celui dont il jouissait autrefois, ne fera pastout ce qui dépendra de lui pour recouvrer et la confiance, etl’autorité qu’on lui a fait perdre&|160;? Et que d’êtres faibles etpusillanimes redeviendront bientôt les esclaves de cet ambitieuxtonsuré&|160;; pourquoi n’imagine-t-on pas que les inconvénientsqui ont existé peuvent encore renaître&|160;? Dans l’enfance del’Église chrétienne, les prêtres n’étaient-ils pas ce qu’ils sontaujourd’hui&|160;? Vous voyez où ils étaient parvenus, qui pourtantles avaient conduits là&|160;: n’étaient-ce pas les moyens que leurfournissait la religion&|160;? Or si vous ne la défendez pasabsolument, cette religion, ceux qui la prêchent ayant toujours lesmêmes moyens, arriveront bientôt au même but.

Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jourvotre ouvrage&|160;; songez que le fruit de vos travaux n’étantréservés qu’à vos neveux, il est de votre devoir, de votre probité,de ne leur laisser aucun de ces germes dangereux qui pourraient lesreplonger dans le chaos dont nous avons tant de peine àsortir&|160;; déjà nos préjugés se dissipent, déjà le peuple abjureles absurdités catholiques, il a déjà supprimé les temples, il aculbuté les idoles, il est convenu que le mariage n’est plus qu’unacte civil. Les confessionnaux brisés servent aux foyerspublics&|160;: les prétendus fidèles, désertant le banquetapostolique, laissent les dieux de farine aux souris. Français, nevous arrêtez point, l’Europe entière, une main déjà sur le bandeauqui fascine ses yeux, attend de vous l’effort qui doit l’arracherde son front&|160;; hâtez-vous, ne laissez pas à Rome la sainte,s’agitant en tous sens pour réprimer votre énergie, le temps de seconserver peut-être encore quelques prosélytes. Frappez sansménagement sa tête altière et frémissante, et qu’avant deux moisl’arbre de la liberté, ombrageant les débris de la chaire de SaintPierre, couvre du poids de ses rameaux victorieux, toutes cesméprisables idoles du christianisme effrontément élevées sur lescendres des Catons et des Brutus. Français, je vous le répète,l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et del’encensoir&|160;; songez qu’il vous est impossible de l’affranchirde la tyrannie royale, sans lui faire briser en même temps lesfreins de la superstition religieuse&|160;; les liens de l’une sonttrop intimement unis à l’autre, pour qu’en en laissant subsister undes deux, vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui quevous aurez négligé de dissoudre&|160;; ce n’est plus ni aux genouxd’un être imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur, qu’unrépublicain doit fléchir&|160;; ses uniques dieux doivent êtremaintenant le courage et la liberté. Rome disparut dès que lechristianisme s’y prêcha, et la France est perdue s’il s’y révèreencore. Qu’on examine avec attention les dogmes absurdes, lesmystères effrayants, les cérémonies monstrueuses, la moraleimpossible de cette dégoûtante religion, et l’on verra si elle peutconvenir à une république&|160;; croyez-vous de bonne foi que je melaisserais dominer par l’opinion d’un homme que je viendrais devoir aux pieds de l’imbécile prêtre de Jésus&|160;? non, ou certes,cet homme toujours vil tiendra toujours par la bassesse de ses vuesaux atrocités de l’ancien régime&|160;; dès lors qu’il peut sesoumettre aux stupidités d’une religion aussi plate que celle quenous avions la folie d’admettre, il ne peut plus ni me dicter deslois, ni me transmettre des lumières, je ne le vois plus que commeun esclave des préjugés et de la superstition&|160;; jetons lesyeux, pour nous convaincre de cette vérité, sur le peu d’individusqui restent attachés au culte insensé de nos pères, nous verrons sice ne sont pas tous des ennemis irréconciliables du système actuel,nous verrons si ce n’est pas dans leur nombre qu’est entièrementcomprise cette caste si justement méprisée de royalisteset d’aristocrates. Que l’esclave d’un brigand couronnéfléchisse s’il le veut aux pieds d’une idole de pâte, un tel objetest fait pour son âme de boue, qui peut servir des rois doit adorerdes dieux&|160;; mais nous, Français, mais nous mes compatriotes,nous ramper encore humblement sous des freins aussi méprisables,plutôt mourir mille fois que de nous y asservir de nouveau&|160;;puisque nous croyons un culte nécessaire, imitons celui desRomains&|160;: les actions, les passions, les héros, voilà quels enétaient les respectables objets&|160;; de telles idoles élevaientl’âme, elles l’électrisaient, elles faisaient plus, elles luicommuniquaient les vertus de l’être respecté&|160;; l’adorateur deMinerve voulait être prudent. Le courage était dans le cœur decelui qu’on voyait aux pieds de Mars, pas un seul dieu de cesgrands hommes n’était privé d’énergie, tous faisaient passer le feudont ils étaient eux-mêmes embrasés dans l’âme de celui qui lesvénérait&|160;; et, comme on avait l’espoir d’être adoré soi-mêmeun jour, on aspirait à devenir au moins aussi grand que celui qu’onprenait pour modèle. Mais que trouvons-nous au contraire dans lesvains dieux du christianisme, que vous offre, je le demande, cetteimbécile religion[11] &|160;?Le plat imposteur de Nazareth vous fait-il naître quelques grandesidées&|160;? Sa sale et dégoûtante mère, l’impudique Marie, vousinspire-t-elle quelques vertus&|160;? et trouvez-vous dans lessaints dont est garni son Élysée quelque modèle de grandeur, oud’héroïsme ou de vertus&|160;? Il est si vrai que cette stupidereligion ne prête rien aux grandes idées, qu’aucun artiste n’enpeut employer les attributs dans les monuments qu’il élève&|160;; àRome même, la plupart des embellissements ou des ornements dupalais des papes ont leurs modèles dans le paganisme, et tant quele monde subsistera, lui seul échauffera la verve des grandshommes.

Sera-ce dans le théisme pur que nous trouverons plus de motifsde grandeur et d’élévation&|160;? Sera-ce l’adoption d’une chimère,qui donnant à notre âme ce degré d’énergie essentiel aux vertusrépublicaines, portera l’homme à les chérir, ou à lespratiquer&|160;? ne l’imaginons pas, on est revenu de ce fantôme,et l’athéisme est à présent le seul système de tous les gens quisavent raisonner&|160;; à mesure que l’on s’est éclairé, on a sentique le mouvement étant inhérent à la matière, l’agent nécessaire àimprimer ce mouvement devenait un être illusoire et que tout ce quiexistait devant être en mouvement par essence, le moteur étaitinutile&|160;; on a senti que ce dieu chimérique prudemment inventépar les premiers législateurs, n’était entre leurs mains qu’unmoyen de plus pour nous enchaîner, et que se réservant le droit defaire parler seul ce fantôme, ils sauraient bien ne lui faire direque ce qui viendrait à l’appui des lois ridicules par lesquellesils prétendaient nous asservir. Lycurgue, Numa, Moïse,Jésus-Christ, Mahomet, tous ces grands fripons, tous ces grandsdespotes de nos idées, surent associer les divinités qu’ilsfabriquaient à leur ambition démesurée, et certains de captiver lespeuples avec la sanction de ces dieux, ils avaient, comme on sait,toujours soin ou de ne les interroger qu’à-propos, ou de ne leurfaire répondre que ce qu’ils croyaient pouvoir les servir. Tenonsdonc aujourd’hui dans le même mépris, et le dieu vain que desimposteurs ont prêché, et toutes les subtilités religieuses quidécoulent de sa ridicule adoption, ce n’est plus avec ce hochetqu’on peut amuser des hommes libres&|160;; que l’extinction totaledes cultes entre donc dans les principes que nous propageons dansl’Europe entière, ne nous contentons pas de briser les sceptres,pulvérisons à jamais les idoles&|160;; il n’y eut jamais qu’un pasde la superstition au royalisme[12] , ilfaut bien que cela soit sans doute, puisqu’un des premiers articlesdu sacre des rois, était toujours le maintien de la religiondominante, comme une des bases politiques qui devaient le mieuxsoutenir leur trône, mais dès qu’il est abattu ce trône, dès qu’ill’est heureusement pour jamais, ne redoutons point d’extirper demême ce qui en formait les appuis&|160;; oui, citoyens, la religionest incohérente au système de la liberté&|160;; vous l’avez senti,jamais l’homme libre ne se courbera près des dieux duchristianisme, jamais ses dogmes, jamais ses rites, ses mystères ousa morale ne conviendront à un républicain&|160;; encore un effort,puisque vous travaillez à détruire tous les préjugés, n’en laissezsubsister aucun, s’il n’en faut qu’un seul pour les ramenertous&|160;; combien devons-nous être plus certains de leur retour,si celui que vous laissez vivre est positivement le berceau de tousles autres&|160;?

Cessons de croire que la religion puisse être utile à l’homme,ayons de bonnes lois, et nous saurons nous passer de religion. Maisil en faut une au peuple, assure-t-on, elle l’amuse, elle lecontient, à la bonne heure&|160;; donnez-nous donc, en ce cas,celle qui convient à des hommes libres. Rendez-nous les dieux dupaganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou Pallas,mais nous ne voulons plus du fabuleux auteur d’un univers qui semeut lui-même, nous ne voulons plus d’un dieu sans étendue et quipourtant remplit tout de son immensité, d’un dieu tout-puissant, etqui n’exécute jamais ce qu’il désire, d’un être souverainement bon,et qui ne fait que des mécontents, d’un être ami de l’ordre, etdans le gouvernement duquel tout est en désordre. Non, nous nevoulons plus d’un dieu qui dérange la nature, qui est le père de laconfusion, qui meut l’homme au moment où l’homme se livre à deshorreurs&|160;; un tel dieu nous fait frémir d’indignation, et nousle reléguons pour jamais dans l’oubli, d’où l’infâme Robespierre avoulu le sortir[13] .

Français, à cet indigne fantôme, substituons les simulacresimposants qui rendaient Rome maîtresse de l’univers, traitonstoutes les idoles chrétiennes comme nous avons traité celles de nosrois&|160;; nous avons replacé les emblèmes de la liberté sur lesbases qui soutenaient autrefois des tyrans, réédifions de mêmel’effigie des grands hommes sur les piédestaux de ces polissonsadorés par le christianisme[14] ,cessons de redouter, pour nos campagnes, l’effet del’athéisme&|160;; les paysans n’ont-ils pas senti la nécessité del’anéantissement du culte catholique si contradictoire aux vraisprincipes de la liberté&|160;? N’ont-ils pas vu sans effroi, commesans douleur, culbuter leurs autels et leurs presbytères&|160;? Ahcroyez qu’ils renonceront de même à leur ridicule dieu&|160;; lesstatues de Mars, de Minerve et de la Liberté seront mises auxendroits les plus remarquables de leurs habitations, une fêteannuelle s’y célébrera tous les ans, la couronne civique y seradécernée au citoyen qui aura le mieux mérité de la patrie&|160;; àl’entrée d’un bois solitaire, Vénus, l’Hymen et l’Amour érigés sousun temple agreste, recevront l’hommage des amants&|160;; là ce serapar la main des grâces que la beauté couronnera la constance, il nes’agira pas seulement d’aimer pour être digne de cette couronne, ilfaudra encore avoir mérité de l’être&|160;; l’héroïsme, lestalents, l’humanité, la grandeur d’âme, un civisme àl’épreuve&|160;; voilà les titres qu’aux pieds de sa maîtresse seraforcé d’établir l’amant&|160;; et ceux-là vaudront bien ceux de lanaissance et de la richesse, qu’un sot orgueil exigeait autrefois.Quelques vertus au moins écloront de ce culte, tandis qu’il ne naîtque des crimes de celui que nous avons eu la faiblesse deprofesser. Ce culte s’alliera avec la liberté que nous servons, ill’animera, l’entretiendra, l’embrassera, au lieu que le théisme estpar son essence et par sa nature la plus mortelle ennemie de laliberté que nous servons.

En coûta-t-il une goutte de sang, quand les idoles païennesfurent détruites sous le Bas-Empire&|160;? La révolution préparéepar la stupidité d’un peuple redevenu esclave, s’opéra sans lemoindre obstacle&|160;; comment pouvons-nous redouter que l’ouvragede la philosophie soit plus pénible que celui du despotisme&|160;?Ce sont les prêtres seuls qui captivent encore aux pieds de leurdieu chimérique ce peuple que vous craignez tant d’éclairer,éloignez-les de lui et le voile tombera naturellement&|160;; croyezque ce peuple bien plus sage que vous ne l’imaginez, dégagé desfers de la tyrannie, le sera bientôt de ceux de lasuperstition&|160;; vous le redoutez, s’il n’a pas ce frein, quelleextravagance&|160;! ah&|160;! croyez-le, citoyens, celui que leglaive matériel des lois n’arrête point, ne le sera pas davantagepar la crainte morale des supplices de l’enfer dont il se moquedepuis son enfance&|160;; votre théisme, en un mot, a faitcommettre beaucoup de forfaits, mais il n’en arrêta jamais unseul&|160;; s’il est vrai que les passions aveuglent, que leureffet soit d’élever sur nos yeux un nuage qui nous déguise lesdangers dont elles sont environnées, comment pouvons-nous supposerque ceux qui, loin de nous, comme le sont les punitions annoncéespar votre dieu, puissent parvenir à dissiper ce nuage que ne peutdissoudre le glaive même des lois toujours suspendu sur lespassions&|160;? S’il est donc prouvé que ce supplément de freinsimposé par l’idée d’un dieu, devienne inutile, s’il est démontréqu’il est dangereux par ses autres effets, je demande à quel usageil peut donc servir, et de quels motifs nous pourrions nous appuyerpour en prolonger l’existence&|160;? Me dira-t-on que nous nesommes pas assez mûrs pour consolider encore notre révolution d’unemanière aussi éclatante&|160;? Ah&|160;! mes concitoyens, le cheminque nous avons fait depuis 89 est bien autrement difficile quecelui qui nous reste à faire, et nous avons bien moins à travaillerl’opinion dans ce que je vous propose, que nous ne l’avonstourmentée en tout sens, depuis l’époque du renversement de laBastille&|160;; croyons qu’un peuple assez sage, assez courageux,pour conduire un monarque impudent du faîte des grandeurs aux piedsde l’échafaud, qui dans ce peu d’années sut vaincre autant depréjugés, sut briser tant de freins ridicules, le sera suffisammentpour immoler au bien de la chose, à la prospérité de la républiqueun fantôme bien plus illusoire encore que ne pouvait l’être celuid’un roi. Français, vous frapperez les premiers coups, votreéducation nationale fera le reste&|160;; mais travaillezpromptement à cette besogne, qu’elle devienne un de vos soins leplus important&|160;; qu’elle ait surtout pour base cette moraleessentielle, si négligée dans l’éducation religieuse&|160;;remplacez les sottises déifiques, dont vous fatiguiez les jeunesorganes de vos enfants, par d’excellents principes sociaux&|160;;qu’au lieu d’apprendre à réciter de futiles prières qu’il feragloire d’oublier dès qu’il aura seize ans, il soit instruit de sesdevoirs dans la société&|160;; apprenez-lui à chérir des vertusdont vous lui parliez à peine autrefois, et qui, sans vos fablesreligieuses suffisent à son bonheur individuel&|160;; faites-leursentir que ce bonheur consiste à rendre les autres aussi fortunésque nous désirons l’être nous-mêmes, si vous asseyez ces véritéssur des chimères chrétiennes comme vous aviez la folie de le faireautrefois&|160;: à peine vos élèves auront-ils reconnu la futilitédes bases, qu’ils feront crouler l’édifice, et ils deviendrontscélérats seulement, parce qu’ils croiront que la religion qu’ilsont culbutée, leur défendait de l’être. En leur faisant sentir aucontraire la nécessité de la vertu uniquement parce que leur proprebonheur en dépend, ils seront honnêtes gens par égoïsme, et cetteloi qui régit tous les hommes sera toujours la plus sûre detoutes&|160;; que l’on évite donc avec le plus grand soin de mêleraucune fable religieuse dans cette éducation nationale, ne perdonsjamais de vue que ce sont des hommes libres que nous voulonsformer, et non de vils adorateurs d’un dieu&|160;; qu’un philosophesimple instruise ces nouveaux élèves des sublimitésincompréhensibles de la nature, qu’il leur prouve que laconnaissance d’un dieu, souvent très dangereuse aux hommes, neservit jamais à leur bonheur, et qu’ils ne seront pas plus heureuxen admettant comme cause de ce qu’ils ne comprennent pas quelquechose qu’ils comprendront encore moins&|160;; qu’il est bien moinsessentiel d’entendre la nature que d’en jouir, et d’en respecterles lois&|160;; que ces lois sont aussi sages que simples, qu’ellessont écrites dans le cœur de tous les hommes, et qu’il ne fautqu’interroger ce cœur, pour en démêler l’impulsion&|160;; s’ilsveulent qu’absolument vous leur parliez d’un créateur, répondez queles choses ayant toujours été ce qu’elles sont, n’ayant jamais eude commencement et ne devant jamais avoir de fin, il devient aussiinutile qu’impossible à l’homme de pouvoir remonter à une origineimaginaire qui n’expliquerait rien et n’avancerait à rien,dites-leur qu’il est impossible aux hommes d’avoir des idées vraiesd’un être qui n’agit sur aucun de nos sens&|160;; toutes nos idéessont des représentations des objets qui nous frappent&|160;;qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de dieu qui estévidemment une idée sans objet, une telle idée, leurajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sanscause&|160;? Une idée sans prototype, est-elle autre chose qu’unechimère&|160;? Quelques docteurs, poursuivrez-vous, assurent quel’idée de dieu est innée, et que les hommes [ont] cette idée dès leventre de leur mère&|160;; mais cela est faux, leur ajouterez-vous,tout principe est un jugement&|160;; tout jugement est l’effet del’expérience, et l’expérience ne s’acquiert que par l’exercice dessens, d’où suit que les principes religieux ne portent évidemmentsur rien et ne sont point innés&|160;; comment, poursuivrez-vous,a-t-on pu persuader à des êtres raisonnables que la chose la plusdifficile à comprendre était la plus essentielle pour eux, c’estqu’on les a grandement effrayés, c’est que quand on a peur, oncesse de raisonner, c’est qu’on leur a surtout recommandé de sedéfier de leur raison, et que quand la cervelle est troublée, oncroit tout et n’examine rien&|160;; l’ignorance et la peur, leurdirez-vous encore, voilà les deux bases de toutes les religions,l’incertitude où l’homme se trouve par rapport à son dieu, estprécisément le motif qui l’attache à sa religion&|160;; l’homme apeur dans les ténèbres tant au physique qu’au moral, sa peurdevient habituelle en lui et se change en besoin&|160;; il croiraitqu’il lui manquerait quelque chose, s’il n’avait plus rien àespérer ou à craindre. Revenez ensuite à l’utilité de la morale,donnez-leur sur ce grand objet beaucoup plus d’exemples que deleçons, beaucoup plus de preuves que de livres, et vous en ferez debons citoyens, vous en ferez de bons guerriers, de bons pères, debons époux&|160;; vous en ferez des hommes d’autant plus attachés àla liberté de leur pays, qu’aucune idée de servitude ne pourra plusse présenter à leur esprit, qu’aucune terreur religieuse ne viendratroubler leur génie&|160;; alors le véritable patriotisme éclateradans toutes les âmes, il y régnera dans toute sa force et danstoute sa pureté, parce qu’il y deviendra le seul sentimentdominant, et qu’aucune idée étrangère n’en attiédira l’énergie.Alors votre seconde génération est sûre et votre ouvrage consolidépar elle va devenir la loi de l’univers&|160;; mais si par crainteou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis, si l’on laissesubsister les bases de l’édifice que l’on avait cru détruire,qu’arrivera-t-il&|160;? on rebâtira sur ces bases, et l’on yplacera les mêmes colosses, à la cruelle différence qu’ils y serontcette fois cimentés d’une telle force, que ni votre génération nicelles qui la suivront ne réussiront à les culbuter. Qu’on ne doutepas que les religions ne soient le berceau du despotisme, lepremier de tous les despotes fut un prêtre&|160;; le premier roi etle premier empereur de Rome, Numa et Auguste, s’associèrent l’un etl’autre au sacerdoce&|160;; Constantin et Clovis furent plutôt desabbés que des souverains&|160;; Héliogabale fut prêtre du soleil.De tous les temps, dans tous les siècles il y eut, dans ledespotisme et dans la religion, une telle connexité, qu’il resteplus que démontré qu’en détruisant l’un, l’on doit saper l’autre,par la grande raison que le premier servira toujours de loi ausecond&|160;; je ne propose cependant ni massacres niexportations&|160;; toutes ces horreurs sont trop loin de mon âmepour oser seulement les concevoir une minute&|160;; non,n’assassinez point&|160;; n’exportez point, ces atrocités sontcelles des rois, ou des scélérats qui les imitèrent, ce n’est pointen faisant comme eux que vous forcerez de prendre en horreur ceuxqui les exerçaient&|160;; n’employons la force que pour les idoles,il ne faut que des ridicules pour ceux qui les servent&|160;; lessarcasmes de Julien nuisirent plus à la religion chrétienne, quetous les supplices de Néron&|160;; oui, détruisons à jamais toutel’idée de dieu, et faisons des soldats de ses prêtres, quelques-unsle sont déjà, qu’ils s’en tiennent à ce métier si noble pour unrépublicain, mais qu’ils ne nous parlent plus ni de leur êtrechimérique, ni de sa religion fabuleuse, unique objet de nosmépris&|160;; condamnons à être bafoué, ridiculisé, couvert de bouedans tous les carrefours des plus grandes villes de France, lepremier de ces charlatans bénis qui viendra nous parler encore oude dieu ou de religion&|160;; une éternelle prison sera la peine decelui qui retombera deux fois dans les mêmes fautes&|160;; que lesblasphèmes les plus insultants, les ouvrages les plus athées soientensuite autorisés pleinement, afin d’achever d’extirper dans lecœur et la mémoire des hommes ces effrayants jouets de notreenfance&|160;; que l’on mette au concours l’ouvrage le plus capabled’éclairer enfin les Européens sur une matière aussi importante, etqu’un prix considérable, et décerné par la nation, soit larécompense de celui qui ayant tout dit, tout démontré sur cettematière, ne laissera plus à ses compatriotes qu’une faux pourculbuter tous ces fantômes, et qu’un cœur droit pour les haïr. Danssix mois tout sera fini&|160;: votre infâme dieu sera dans le néantet cela sans cesser d’être juste, jaloux de l’estime des autres,sans cesser de redouter le glaive des lois, et d’être honnêtehomme, parce qu’on aura senti que le véritable ami de la patrie nedoit point, comme l’esclave des rois, être mené par des chimères,que ce n’est en un mot, ni l’espoir frivole d’un monde meilleur nila crainte de plus grands maux que ceux que nous envoya la nature,qui doivent conduire un républicain dont le seul guide est lavertu, comme l’unique frein le remords.

LES MŒURS

Après avoir démontré que le théisme ne convient nullement à ungouvernement républicain, il me paraît nécessaire de prouver queles mœurs françaises ne lui conviennent pas davantage. Cet articleest d’autant plus essentiel, que ce sont les mœurs qui vont servirde motifs aux lois qu’on va promulguer.

Français vous êtes trop éclairés pour ne pas sentir qu’unnouveau gouvernement va nécessiter de nouvelles mœurs, il estimpossible que le citoyen d’un État libre se conduise commel’esclave d’un roi despote, ces différences de leurs intérêts, deleurs devoirs, de leurs relations entre eux, déterminentessentiellement une manière tout autre de se comporter dans lemonde&|160;; une foule de petites erreurs, de petits délits sociauxconsidérés comme très essentiels sous le gouvernement des rois, quidevaient exiger d’autant plus, qu’ils avaient plus besoin d’imposerdes freins pour se rendre respectables ou inabordables à leurssujets, vont devenir nuls ici&|160;; d’autres forfaits connus sousles noms de régicide ou de sacrilège, sous un gouvernement qui neconnaît plus ni rois ni religion, doivent s’anéantir de même dansun État républicain. En accordant la liberté de conscience et cellede la presse, songez, citoyens, qu’à bien peu de chose près, ondoit accorder celle d’agir, et qu’excepté ce qui choque directementles bases du gouvernement, il vous reste on ne saurait moins decrimes à punir, parce que dans le fait, il est fort peu d’actionscriminelles dans une société dont la liberté et l’égalité font lesbases, et qu’à bien peser et bien examiner les choses, il n’y avraiment de criminel que ce que réprouve la loi, car la nature nousdictant également des vices et des vertus, en raison de notreorganisation, ou plus philosophiquement encore en raison du besoinqu’elle a de l’un ou de l’autre, ce qu’elle nous inspiredeviendrait une mesure très incertaine pour régler avec précisionce qui est bien ou ce qui est mal. Mais pour mieux développer mesidées sur un objet aussi essentiel, nous allons classer lesdifférentes actions de la vie [de] l’homme, que l’on était convenujusqu’à présent de nommer criminelles, et nous lestoiserons ensuite aux vrais devoirs d’un républicain.

On a considéré de tout temps les devoirs de l’homme sous lestrois différents rapports suivants&|160;:

1° ceux que sa conscience et sa crédulité lui imposent enversl’Être suprême&|160;;

2° ceux qu’il est obligé de remplir avec ses frères&|160;;

3° enfin ceux qui n’ont de relation qu’avec lui.

La certitude où nous devons être qu’aucun dieu ne s’est mêlé denous, et que créatures nécessitées de la nature comme les planteset les animaux, nous sommes ici parce qu’il était impossible quenous n’y fussions pas, cette certitude sans doute anéantit comme onle voit tout d’un coup la première partie de ces devoirs, je veuxdire ceux dont nous nous croyons faussement responsables envers ladivinité&|160;; avec eux disparaissent tous les délits religieux,tous ceux connus sous les noms vagues et indéfinisd’impiété, de sacrilège, de blasphème,d’athéisme etc., tous ceux en un mot qu’Athènes punit avectant d’injustice dans Alcibiade et la France dans l’infortunéLabarre. S’il y a quelque chose d’extravagant dans lemonde, c’est de voir des hommes qui ne connaissent leur Dieu et ceque peut exiger ce Dieu, que d’après leurs idées bornées&|160;;vouloir néanmoins décider sur la nature de ce qui contente ou de cequi fâche ce ridicule fantôme de leur imagination, ce ne seraitdonc point à permettre indifféremment tous les cultes que jevoudrais qu’on se bornât, je désirerais qu’on fût libre de se rireou de se moquer de tous, que des hommes réunis dans un templequelconque pour invoquer l’éternel à leur guise, fussent vus commedes comédiens sur un théâtre, au jeu desquels il est permis àchacun d’aller rire&|160;; si vous ne voyez pas les religions sousce rapport, elles reprendront le sérieux qui les rend importantes,elles protégeront bientôt les opinions, et l’on ne se sera pas plustôt disputé sur les religions, que l’on se rebattra pour lesreligions[15] , l’égalité détruite par la préférenceou la protection accordée à l’une d’elles disparaîtra bientôt dugouvernement, et de la théocratie réédifiée, renaîtra bientôtl’aristocratie. Je ne saurais donc trop le répéter, plus de Dieux,Français, plus de Dieux, si vous ne voulez pas que leur funesteempire vous replonge bientôt dans toutes les horreurs dudespotisme, mais ce n’est qu’en vous en moquant que vous lesdétruirez, tous les dangers qu’ils traînent à leur suite renaîtrontaussitôt en foule si vous y menez de l’humeur ou de l’importance.Ne renversez point leurs idoles en colère pulvérisez-les en jouant,et l’opinion tombera d’elle-même.

En voilà suffisamment, je l’espère, pour démontrer qu’il ne doitêtre promulgué aucune loi contre les délits religieux, parce quequi offense une chimère n’offense rien, et qu’il serait de ladernière inconséquence de punir ceux qui outragent ou qui méprisentun culte dont rien ne vous démontre avec évidence la priorité surles autres&|160;; ce serait nécessairement adopter un parti, etinfluencer dès lors la balance de l’égalité, première loi de votrenouveau gouvernement.

Passons aux seconds devoirs de l’homme, ceux qui le lient avecses semblables&|160;; cette classe est la plus étendue sansdoute.

La morale chrétienne trop vague sur les rapports de l’homme avecses semblables, pose des bases si pleines de sophismes, qu’il nousest impossible de les admettre&|160;; parce que, lorsqu’on veutédifier des principes, il faut bien se garder de leur donner dessophismes pour bases. Elle nous dit, cette absurde morale, d’aimernotre prochain comme nous-même&|160;; rien ne serait assurémentplus sublime, s’il était possible que ce qui est faux, pût jamaisporter les caractères de la beauté&|160;; il ne s’agit pas d’aimerses semblables comme soi-même, puisque cela est contre toutes leslois de la nature, et que son seul organe doit diriger toutes lesactions de notre vie&|160;; il n’est question que d’aimer nossemblables comme des frères, comme des amis que la nature nousdonne, et avec lesquels nous devons vivre d’autant mieux dans unÉtat républicain, que la disparution[16] desdistances doit nécessairement resserrer les liens.

Que l’humanité, la fraternité, la bienfaisance nous prescriventd’après cela nos devoirs réciproques, et remplissons-lesindividuellement dans le simple degré d’énergie que nous a sur cepoint donné la nature, sans blâmer et surtout sans punir ceux qui,plus froids ou plus atrabilaires, n’éprouvent pas dans ces liensnéanmoins si touchants toutes les douceurs que d’autres yrencontrent&|160;; car on en conviendra, ce serait ici uneabsurdité palpable que de vouloir prescrire des loisuniverselles&|160;; ce procédé serait aussi ridicule que celui d’ungénéral d’armée qui voudrait que tous ses soldats fussent vêtusd’un habit fait sur la même mesure&|160;; c’est une injusticeeffrayante que d’exiger que des hommes de caractères inégaux seplient à des lois égales&|160;; ce qui va à l’un ne va point àl’autre, je conviens que l’on ne peut pas faire autant de loisqu’il y a d’hommes&|160;; mais les lois peuvent être si douces, ensi petit nombre, que tous les hommes de quelque caractère qu’ilssoient, puissent facilement s’y plier, encore exigerais-je que cepetit nombre de lois fût d’espèce à pouvoir s’adapter facilement àtous les différents caractères&|160;; l’esprit de celui qui lesdirigerait, serait de frapper plus ou moins, en raison del’individu qu’il faudrait atteindre&|160;; il est démontré qu’il ya telle vertu dont la pratique est impossible à certains hommes,comme il y a tel remède qui ne saurait convenir à teltempérament&|160;; or quel sera le comble de votre injustice, sivous frappez de la loi celui auquel il est impossible de se plier àla loi&|160;; l’iniquité que vous commettriez en cela, neserait-elle pas égale à celle dont vous vous rendriez coupable, sivous vouliez forcer un aveugle à discerner les couleurs&|160;? deces premiers principes il découle, on le sent, la nécessité defaire des lois douces, et surtout d’anéantir pour jamais l’atrocitéde la peine de mort, parce que la loi qui attente à la vie d’unhomme, est impraticable, injuste, inadmissible&|160;; ce n’est pas,ainsi que je le dirai tout à l’heure, qu’il n’y ait une infinité decas où, sans outrager la nature (et c’est ce que je démontrerai),les hommes n’aient reçu de cette mère commune l’entière libertéd’attenter à la vie les uns des autres, mais c’est qu’il estimpossible que la loi puisse obtenir le même privilège, parce quela loi froide par elle-même, ne saurait être accessible auxpassions qui peuvent légitimer dans l’homme la cruelle action dumeurtre&|160;; l’homme reçoit de la nature les impressions quipeuvent lui faire pardonner cette action, et la loi au contraire,toujours en opposition à la nature et ne recevant rien d’elle, nepeut être autorisée à se permettre les mêmes écarts&|160;; n’ayantpas les mêmes motifs, il est impossible qu’elle ait les mêmesdroits, voilà de ces distinctions savantes et délicates quiéchappent à beaucoup de gens, parce que fort peu de gensréfléchissent&|160;; mais elles seront accueillies des gensinstruits à qui je les adresse, et elles influeront, je l’espère,sur le nouveau Code que l’on nous prépare.

La seconde raison pour laquelle on doit anéantir la peine demort, c’est qu’elle n’a jamais réprimé le crime, puisqu’on lecommet chaque jour aux pieds de l’échafaud.

On doit supprimer cette peine, en un mot, parce qu’il n’y apoint de plus mauvais calcul que celui de faire mourir un hommepour en avoir tué un autre, puisqu’il résulte évidemment de ceprocédé, qu’au lieu d’un homme de moins, en voilà tout d’un coupdeux et qu’il n’y a que des bourreaux ou des imbéciles auxquels unetelle arithmétique puisse être familière.

Quoi qu’il en soit enfin, les forfaits que nous pouvonscommettre envers nos frères se réduisent à quatre principaux&|160;:la calomnie, le vol, les délits qui, causés parl’impureté, peuvent atteindre désagréablement les autres,et le meurtre.

Toutes ces actions considérées comme capitales dans ungouvernement monarchique, sont-elles aussi graves dans un Étatrépublicain&|160;? C’est ce que nous allons analyser avec leflambeau de la philosophie, car c’est à sa seule lumière qu’un telexamen doit s’entreprendre&|160;; qu’on ne me taxe point d’être unnovateur dangereux, qu’on ne dise pas qu’il y a du risque àémousser, comme le feront peut-être ces écrits, le remords dansl’âme des malfaiteurs, qu’il y a le plus grand mal à augmenter parla douceur de ma morale le penchant que ces mêmes malfaiteurs ontaux crimes&|160;; j’atteste ici formellement n’avoir aucune de cesvues perverses&|160;; j’expose les idées qui depuis l’âge de raisonse sont identifiées avec moi et au jet desquelles l’infâmedespotisme des tyrans s’était opposé tant de siècles. Tant pis pourceux que ces grandes idées corrompraient, tant pis pour ceux qui nesavent saisir que le mal dans des opinions philosophiques,susceptibles de se corrompre à tout&|160;; qui sait s’ils ne segangrèneraient peut-être pas aux lectures de Sénèque et deCharron, ce n’est point à eux que je parle&|160;: je nem’adresse qu’à des génies capables de m’entendre, et ceux-là meliront sans danger.

J’avoue avec la plus extrême franchise, que je n’ai jamais cruque la calomnie fût un mal, et surtout dans un gouvernement commele nôtre, où tous les hommes plus liés, plus rapprochés, ontévidemment un plus grand intérêt à se bien connaître&|160;; de deuxchoses l’une, ou la calomnie porte sur un homme véritablementpervers, ou elle tombe sur un être vertueux. On conviendra que dansle premier cas, il devient à peu près indifférent que l’on dise unpeu plus de mal d’un homme connu pour en faire beaucoup, peut-êtremême alors le mal qui n’existe pas, éclairera-t-il sur celui quiest, et voilà le malfaiteur mieux connu.

S’il règne, je le suppose, une influence malsaine à Hanovre,mais que je ne doive courir d’autres risques, en m’exposant à cetteinclémence de l’air, que de gagner un accès de fièvre, pourrai-jesavoir mauvais gré à l’homme qui, pour m’empêcher d’y aller,m’aurait dit qu’on y mourait dès en arrivant&|160;? non sans doute,car en m’effrayant par un grand mal, il m’a empêché d’en éprouverun petit.

La calomnie porte-t-elle au contraire sur un homme vertueux,qu’il ne s’en alarme pas, qu’il se montre, et tout le venin ducalomniateur retombera bientôt sur lui-même. La calomnie, pour detelles gens, n’est qu’un scrutin épuratoire dont leur vertu nesortira que plus brillante, il y a même ici du profit pour la massedes vertus de la république&|160;; car cet homme vertueux etsensible, piqué de l’injustice qu’il vient d’éprouver, s’appliqueraà mieux faire encore&|160;; il voudra surmonter cette calomnie dontil se croyait à l’abri, et ses belles actions n’acquerront qu’undegré d’énergie de plus. Ainsi, dans le premier cas, lecalomniateur aura produit d’assez bons effets, en grossissant lesvices de l’homme dangereux&|160;; dans le second, il en auraproduit d’excellents, en contraignant la vertu à s’offrir à noustout entière. Or, je demande maintenant sous quel rapport lecalomniateur pourra vous paraître à craindre, dans un gouvernementsurtout où il est si essentiel de connaître les méchants etd’augmenter l’énergie des bons&|160;? Que l’on se garde donc biende prononcer aucune peine contre la calomnie, considérons-la sousle double rapport d’un fanal et d’un stimulant, et dans tous lescas comme quelque chose de très utile&|160;; le législateur, donttoutes les idées doivent être grandes comme l’ouvrage auquel ils’applique, ne doit jamais étudier l’effet du délit qui ne frappequ’individuellement&|160;; c’est son effet en masse qu’il doitexaminer, et quand il observera de cette manière les effets quirésultent de la calomnie, je le défie d’y trouver rien depunissable, je défie qu’il puisse placer quelque ombre de justice àla loi qui la punirait, il devient au contraire l’homme le plusjuste et le plus intègre, s’il la favorise ou la récompense.

Le vol est le second des délits moraux dont nous nous sommesproposé l’examen.

Si nous parcourons l’Antiquité, nous verrons le vol permis,récompensé dans toutes les républiques de la Grèce&|160;; Sparte ouLacédémone le favorisait ouvertement&|160;; quelques autres peuplesl’ont regardé comme une vertu guerrière&|160;; il est certain qu’ilentretient le courage, la force, l’adresse, toutes les vertus, enun mot, utiles à un gouvernement républicain, et par conséquent aunôtre&|160;; j’oserai demander, sans partialité maintenant, si levol, dont l’effet est d’égaliser les richesses, est un grand maldans un gouvernement dont le but est l’égalité&|160;: non sansdoute, car s’il entretient l’égalité d’un côté, de l’autre il rendplus exact à conserver son bien. Il y avait un peuple quipunissait, non pas le voleur, mais celui qui s’était laissé voler,afin de lui apprendre à soigner ses propriétés&|160;: ceci nousamène à des réflexions plus étendues.

À dieu ne plaise que je veuille attaquer ou détruire ici leserment du respect des propriétés que vient de prononcer lanation&|160;; mais me permettra-t-on quelques idées sur l’injusticede ce serment&|160;? Quel est l’esprit d’un serment prononcé partous les individus d’une nation&|160;? N’est-il pas de maintenirune parfaite égalité parmi les citoyens, de les soumettre touségalement à la loi protectrice des propriétés de tous&|160;? Or jevous demande maintenant si elle est bien juste, la loi qui ordonneà celui qui n’a rien de respecter celui qui a tout&|160;? Quelssont les éléments du pacte social&|160;? Ne consiste-t-il pas àcéder un peu de sa liberté et de ses propriétés, pour assurer etmaintenir ce que l’on conserve de l’un et de l’autre&|160;? Toutesles lois sont assises sur ces bases, elles sont les motifs despunitions infligées à celui qui abuse de sa liberté, ellesautorisent de même les impositions&|160;; ce qui fait qu’un citoyenne se récrie pas lorsqu’on les exige de lui, c’est qu’il sait qu’aumoyen de ce qu’il donne, on lui conserve ce qui lui reste&|160;;mais, encore une fois, de quel droit celui qui n’a riens’enchaînera-t-il sous un pacte qui ne protège que celui qui atout&|160;? Si vous faites un acte d’équité en conservant, parvotre serment, les propriétés du riche, ne faites-vous pas uneinjustice en exigeant ce serment du conservateur qui n’arien&|160;? Quel intérêt celui-ci a-t-il à votre serment&|160;? Etpourquoi voulez-vous qu’il promette une chose uniquement favorableà celui qui diffère autant de lui par ses richesses&|160;? Il n’estassurément rien de plus injuste, un serment doit avoir un effetégal sur tous les individus qui le prononcent&|160;; il estimpossible qu’il puisse enchaîner celui qui n’a aucun intérêt à sonmaintien, parce qu’il ne serait plus alors le pacte d’un peuplelibre, il serait l’arme du fort sur le faible, contre lequelcelui-ci devrait se révolter sans cesse&|160;; or c’est ce quiarrive dans le serment du respect des propriétés que vient d’exigerla nation, le riche seul y enchaîne le pauvre, le riche seul aintérêt au serment que prononce le pauvre avec tantd’inconsidération, qu’il ne voit pas qu’au moyen de ce sermentextorqué à sa bonne foi, il s’engage à faire une chose qu’on nepeut pas faire vis-à-vis de lui. Convaincus ainsi que vous devezl’être, de cette barbare inégalité, n’aggravez donc pas votreinjustice en punissant celui qui n’a rien, d’avoir osé déroberquelque chose à celui qui a tout, votre inéquitable serment lui endonne plus de droit que jamais&|160;; en le contraignant au parjurepar ce serment absurde pour lui, vous légitimez tous les crimes oùle portera ce parjure, il ne vous appartient donc plus de punir cedont vous avez été la cause&|160;; je n’en dirai pas davantage pourfaire sentir la cruauté horrible qu’il y a à punir les voleurs.Imitez la loi sage du peuple dont je viens de parler, punissezl’homme assez négligent pour se laisser voler, mais ne prononcezaucune espèce de peine contre celui qui vole, songez que votreserment l’autorise à cette action, et qu’il n’a fait en s’ylivrant, que suivre le premier et le plus sage des mouvements de lanature, celui de conserver sa propre existence, n’importe auxdépens de qui.

Les délits que nous devons examiner dans cette seconde classedes devoirs de l’homme envers ses semblables, consistent dans lesactions que peut faire entreprendre le libertinage, parmilesquelles se distinguent particulièrement, comme plusattentatoires à ce que chacun doit aux autres, laprostitution, l’adultère, l’inceste, leviol et la sodomie. Nous ne devons certainementpas douter un moment, que tout ce qui s’appelle crimes moraux,c’est-à-dire toutes les actions de l’espèce de celles que nousvenons de citer, ne soient parfaitement indifférentes dans ungouvernement, dont le seul devoir consiste à conserver, par telmoyen que ce puisse être, la forme essentielle à sonmaintien&|160;: voilà l’unique morale d’un gouvernementrépublicain&|160;; or, puisqu’il est toujours contrarié par lesdespotes qui l’environnent, on ne saurait imaginer raisonnablementque ses moyens conservateurs puissent être des moyensmoraux&|160;; car il ne se conservera que par la guerre, etrien n’est moins moral que la guerre&|160;; maintenant je demandecomment on parviendra à démontrer que, dans un étatimmoral par ses obligations, il soit essentiel que lesindividus soient moraux, je dis plus, il est bon qu’ils nele soient pas, les législateurs de la Grèce avaient parfaitementsenti l’importante nécessité de gangrener les membres pour que,leur dissolution morale influant sur celle utile à lamachine, il en résultât l’insurrection toujours indispensable dansun gouvernement qui, parfaitement heureux comme le gouvernementrépublicain, doit nécessairement exciter la haine et la jalousie detout ce qui l’entoure. L’insurrection, pensaient ces sageslégislateurs, n’est point un état moral&|160;; il doitêtre pourtant l’état permanent d’une république&|160;; il seraitdonc aussi absurde que dangereux d’exiger que ceux qui doiventmaintenir le perpétuel ébranlement immoral de la machine,fussent eux-mêmes des êtres très moraux, parce que l’étatmoral d’un homme est un état de paix et de tranquillité,au lieu que son état immoral est un état de mouvementperpétuel qui le rapproche de l’insurrection nécessaire danslaquelle il faut que le républicain tienne toujours le gouvernementdont il est membre.

Détaillons maintenant, et commençons par analyser la pudeur, cemouvement pusillanime, contradictoire aux affections impures. S’ilétait dans les intentions de la nature que l’homme fût pudique,assurément elle ne l’aurait pas fait naître nu&|160;; une infinitéde peuples, moins dégradés que nous par la civilisation, vont nuset n’en éprouvent aucune honte&|160;; il ne faut pas douter quel’usage de se vêtir n’ait eu pour unique base et l’inclémence del’air et la coquetterie des femmes&|160;; elles sentirent qu’ellesperdraient bientôt tous les effets du désir, si elles lesprévenaient, au lieu de les laisser naître, elles conçurent que lanature d’ailleurs ne les ayant pas créées sans défauts, elless’assureraient bien mieux tous les moyens de plaire, en déguisantces défauts par des parures&|160;; ainsi la pudeur, loin d’être unevertu, ne fut donc plus qu’un des premiers effets de la corruption,qu’un des premiers moyens de la coquetterie des femmes. Lycurgue etSolon, bien pénétrés que les résultats de l’impudeur tiennent lecitoyen dans l’état immoral essentiel aux lois dugouvernement républicain, obligèrent les jeunes filles à se montrernues aux théâtres[17] . Romeimita bientôt cet exemple, on dansait nu aux jeux de Flore, la plusgrande partie des mystères païens se célébraient ainsi, la nuditépassa même pour vertu chez quelques peuples. Quoi qu’il en soit, del’impudeur naissent des penchants luxurieux, ce qui résulte de cespenchants compose les prétendus crimes que nous analysons, dont laprostitution est le premier effet. Maintenant que nous sommesrevenus sur tout cela de la foule d’erreurs religieuses qui nouscaptivaient et que, plus rapprochés de la nature par la quantité depréjugés que nous venons d’anéantir, nous n’écoutons que sa voix,bien assurés que s’il y avait du crime à quelque chose, ce seraitbien plutôt à résister aux penchants qu’elle nous inspire, qu’à lescombattre, persuadés que la luxure étant une suite de cespenchants, il s’agit bien moins d’éteindre cette passion dans nous,que de régler les moyens d’y satisfaire en paix&|160;; nous devonsdonc nous attacher à mettre de l’ordre dans cette partie, à yétablir toute la sûreté nécessaire à ce que le citoyen, que lebesoin rapproche des objets de luxure, puisse se livrer avec cesobjets à tout ce que ses passions lui prescrivent, sans jamais êtreenchaîné par rien, parce qu’il n’est aucune passion dans l’hommequi ait plus besoin de toute l’extension de la liberté, quecelle-là. Différents emplacements sains, vastes, proprementmeublés, et sûrs dans tous les points, seront érigés dans lesvilles&|160;; là, tous les sexes, tous les âges, toutes lescréatures seront offertes aux caprices des libertins qui viendrontjouir, et la plus entière subordination sera la règle des individusprésentés&|160;; le plus léger refus sera puni aussitôtarbitrairement par celui qui l’aura éprouvé, je dois encoreexpliquer ceci, le mesurer aux mœurs républicaines&|160;; j’aipromis partout la même logique, je tiendrai parole. Si, comme jeviens de le dire tout à l’heure, aucune passion n’a plus besoin detoute l’extension de la liberté que celle-là, aucune sans douten’est aussi despotique&|160;; c’est là que l’homme aime àcommander, à être obéi, à s’entourer d’esclaves contraints à lesatisfaire&|160;; or, toutes les fois que vous ne donnerez pas àl’homme le moyen secret d’exhaler la dose de despotisme que lanature mit au fond de son cœur, il se rejettera, pour l’exercer,sur les objets qui l’entoureront, il troublera le gouvernement.Permettez, si vous voulez éviter ce danger, un libre essor à cesdésirs tyranniques qui, malgré lui, le tourmentent sanscesse&|160;; content d’avoir pu exercer sa petite souveraineté aumilieu du harem d’icoglans ou de sultanes que vos soins et sonargent lui soumettent, il sortira satisfait, et sans aucun désir detroubler un gouvernement qui lui assure aussi complaisamment tousles moyens de sa concupiscence&|160;; exercez, au contraire, desprocédés différents, imposez sur ces objets de la luxure publique,les ridicules entraves jadis inventées par la tyrannieministérielle et par la lubricité de nos Sardanapales[18] . L’homme, bientôt aigri contre votregouvernement, bientôt jaloux du despotisme qu’il vous voit exercertout seul, secouera le joug que vous lui imposez et las de votremanière de le régir, en changera comme il vient de le faire. Voyezcomme les législateurs grecs, bien pénétrés de ces idées,traitaient la débauche à Lacédémone, à Athènes, ils en enivraientle citoyen, bien loin de la lui interdire&|160;; aucun genre delubricité ne lui était défendu, et Socrate, déclaré par l’oracle leplus sage des philosophes de la terre, passant indifféremment desbras d’Aspasie dans ceux d’Alcibiade, n’en étaitpas moins la gloire de la Grèce. Je vais aller plus loin, etquelque contraires que soient mes idées à nos coutumes actuelles,comme mon objet est de prouver que nous devons nous presser dechanger ces coutumes, si nous voulons conserver le gouvernementadopté, je vais essayer de vous convaincre que la prostitution desfemmes connues sous le nom d’honnêtes, n’est pas plus dangereuseque celle des hommes, et que non seulement nous devons les associeraux luxures exercées dans les maisons que j’établis, mais que nousdevons même en ériger pour elles, où leurs caprices et les besoinsde leur tempérament, bien autrement ardent que le nôtre, puissentde même se satisfaire avec tous les sexes.

De quel droit prétendez-vous d’abord que les femmes doivent êtreexceptées de l’aveugle soumission que la nature leur prescrit auxcaprices des hommes, et ensuite par quel autre droit prétendez-vousles asservir à une continence impossible à leur physique, etabsolument inutile à leur honneur&|160;?

Je vais traiter séparément l’une et l’autre de ces questions. Ilest certain que, dans l’état de nature, les femmes naissentvulgivagues, c’est-à-dire jouissant des avantages desautres animaux femelles et appartenant, comme elles et sans aucuneexception, à tous les mâles&|160;; telles furent sans aucun doute,et les premières lois de la nature, et les seules institutions despremiers rassemblements que les hommes firent. L’intérêt,l’égoïsme et l’amour dégradèrent ces premièresvues si simples et si naturelles&|160;; on crut s’enrichir enprenant une femme, et avec elle le bien de sa famille&|160;; voilàles deux premiers sentiments que je viens d’indiquer satisfaits,plus souvent encore on enleva cette femme, et on s’y attacha&|160;;voilà le second motif en action et, dans tous les cas, del’injustice. Jamais un acte de possession ne peut être exercé surun être libre&|160;; il est aussi injuste de posséder exclusivementune femme, qu’il l’est de posséder des esclaves&|160;; tous leshommes sont nés libres, tous sont égaux en droit, ne perdons jamaisde vue ces principes&|160;; il ne peut donc être jamais donné,d’après cela, de droit légitime à un sexe de s’emparerexclusivement de l’autre, et jamais l’un de ces sexes, ou l’une deces classes, ne peut posséder l’autre arbitrairement. Une femmemême, dans la pureté des lois de la nature, ne peut alléguer pourmotif du refus qu’elle fait à celui qui la désire, l’amour qu’ellea pour un autre, parce que ce motif en devient un d’exclusion, etqu’aucun homme ne peut être exclu de la possession d’une femme, dumoment qu’il est clair qu’elle appartient décidément à tous leshommes. L’acte de possession ne peut être exercé que sur unimmeuble ou sur un animal, jamais il ne peut l’être sur un individuqui nous ressemble, et tous les liens qui peuvent enchaîner unefemme à un homme, de telle espèce que vous puissiez les supposer,sont aussi injustes que chimériques. S’il devient doncincontestable que nous avons reçu de la nature le droit d’exprimernos vœux indifféremment à toutes les femmes, il le devient de mêmeque nous avons celui de l’obliger de se soumettre à nos vœux, nonpas exclusivement, je me contrarierais, mais momentanément[19] . Il est incontestable que nous avonsle droit d’établir des lois qui la contraignent de céder aux feuxde celui qui la désire&|160;; la violence même étant un des effetsde ce droit, nous pouvons l’employer légalement. Eh&|160;! lanature n’a-t-elle pas prouvé que nous avions ce droit, en nousdépartissant la force nécessaire à les soumettre à nosdésirs&|160;?

En vain les femmes doivent-elles faire parler pour leur défense,ou la pudeur ou leur attachement à d’autres hommes&|160;; cesmoyens chimériques sont nuls&|160;; nous avons vu plus haut combienla pudeur était un sentiment factice et méprisable&|160;; l’amour,qu’on peut appeler la folie de l’âme, n’a pas plus detitres pour légitimer leur constance, ne satisfaisant que deuxindividus, l’être aimé et l’être aimant&|160;; il ne peut servir aubonheur des autres, et c’est pour le bonheur de tous, et non pourun bonheur égoïste et privilégié, que nous ont été données lesfemmes. Tous les hommes ont donc un droit de jouissance égal surtoutes les femmes&|160;; il n’est donc aucun homme qui, d’après leslois de la nature, puisse s’ériger sur une femme un droit unique etpersonnel&|160;; la loi qui les obligera de se prostituer, tant quenous le voudrons, aux maisons de débauche dont il vient d’êtrequestion, et qui les y contraindra si elles s’y refusent, qui lespunira si elles y manquent, est donc une loi des plus équitables,et contre laquelle aucun motif légitime ou juste ne sauraitréclamer. Un homme qui voudra jouir d’une femme ou d’une fillequelconque, pourra donc, si les lois que vous promulguez sontjustes, la faire sommer de se trouver dans l’une des maisons dontj’ai parlé et là, sous la sauvegarde des matrones de ce temple deVénus, elle lui sera livrée pour satisfaire, avec autant d’humilitéque de soumission, tous les caprices qu’il lui plaira de se passeravec elle, de quelque bizarrerie ou de quelque irrégularité qu’ilspuissent être, parce qu’il n’en est aucun qui ne soit dans lanature, aucun qui ne soit avoué par elle. Il ne s’agirait plus icique de fixer l’âge&|160;; or, je prétends qu’on ne le peut, sansgêner la liberté de celui qui désire la jouissance d’une fille detel ou tel âge. Celui qui a le droit de manger le fruit d’un arbre,peut assurément le cueillir mûr ou vert, suivant les inspirationsde son goût&|160;; mais, objectera-t-on, il est un âge où lesprocédés de l’homme nuiront décidément à la santé de lafille&|160;; cette considération est sans aucune valeur, dès quevous m’accordez le droit de propriété sur la jouissance, ce droitest indépendant des effets produits par la jouissance, de ce momentil devient égal que cette jouissance soit avantageuse ou nuisible àl’objet qui doit s’y soumettre. N’ai-je pas déjà prouvé qu’il étaitégal de contraindre la volonté d’une femme sur cet objet, etqu’aussitôt qu’elle inspirait le désir de la jouissance, elledevait se soumettre à cette jouissance, abstraction faite de toutsentiment égoïste&|160;; il en est de même de sa santé, dès que leségards qu’on aurait pour cette considération détruiraient ouaffaibliraient la jouissance de celui qui la désire, et qui a ledroit de se l’approprier, cette considération d’âge devient nulle,parce qu’il ne s’agit nullement ici de ce que peut éprouver l’objetcondamné par la nature et par la loi à l’assouvissement momentanédes désirs de l’autre, il n’est question, dans cet examen, que dece qui convient à celui qui désire&|160;; nous rétablirons labalance.

Oui, nous la rétablirons, nous le devons sans doute&|160;; cesfemmes que nous venons d’asservir si cruellement, nous devonsincontestablement les dédommager, et c’est ce qui va former laréponse à la seconde question que je me suis proposée.

Si nous admettons, comme nous venons de le faire, que toutes lesfemmes doivent être soumises à nos désirs, assurément nous pouvonsleur permettre de même de satisfaire amplement tous lesleurs&|160;; nos lois doivent favoriser sur cet objet leurtempérament de feu, et il est absurde d’avoir placé et leur honneuret leur vertu dans la force antinaturelle qu’elles mettent àrésister aux penchants qu’elles ont reçus avec bien plus deprofusion que nous&|160;; cette injustice de nos mœurs est d’autantplus criante, que nous consentons à la fois à les rendre faibles àforce de séduction, et à les punir ensuite de ce qu’elles cèdent àtous les efforts que nous avons faits pour les provoquer à lachute. Toute l’absurdité de nos mœurs est gravée, ce me semble,dans cette inéquitable atrocité, et ce seul exposé devrait nousfaire sentir l’extrême besoin que nous avons de les changer pour deplus pures.

Je dis donc que les femmes, ayant reçu des penchants bien plusviolents que nous aux plaisirs de la luxure, pourront s’y livrertant qu’elles le voudront, absolument dégagées de tous les liens del’hymen, de tous les faux préjugés de la pudeur, absolument renduesà l’état de nature&|160;; je veux que les lois leur permettent dese livrer à autant d’hommes que bon leur semblera&|160;; je veuxque la jouissance de tous les sexes et de toutes les parties deleur corps leur soit permise comme aux hommes, et sous la clausespéciale de se livrer de même à tous ceux qui le désireront, ilfaut qu’elles aient la liberté de jouir également de tous ceuxqu’elles croiront dignes de les satisfaire. Quels sont, je ledemande, les dangers de cette licence&|160;? Des enfants quin’auront point de pères&|160;? et qu’importe dans une république oùtous les individus ne doivent avoir d’autre mère que la patrie, oùtous ceux qui naissent, sont tous enfants de la patrie&|160;?Ah&|160;! combien l’aimeraient mieux ceux qui, n’ayant jamais connuqu’elle, sauront dès en naissant que ce n’est que d’elle qu’ilsdoivent tout attendre&|160;; n’imaginez pas de faire de bonsrépublicains tant que vous isolerez dans leurs familles les enfantsqui ne doivent appartenir qu’à la république, en donnant làseulement à quelques individus, la dose d’affection qu’ils doiventrépartir sur tous leurs frères, ils adoptent inévitablement lespréjugés souvent dangereux de ces individus, leurs opinions, leursidées s’isolent, se particularisent, et toutes les vertus d’unhomme d’État leur deviennent absolument impossibles&|160;;abandonnant enfin leur cœur tout entier à ceux qui les ont faitnaître&|160;; ils ne trouvent plus dans ce cœur aucune affectionpour celle qui doit les faire vivre, les faire connaître et lesillustrer. Comme si ces seconds bienfaits n’étaient pas plusimportants que le premier&|160;; s’il y a le plus grandinconvénient à laisser des enfants sucer ainsi dans leurs famillesdes intérêts souvent bien différents de ceux de la patrie, il y adonc le plus grand avantage à les en séparer&|160;; ne le sont-ilspas naturellement par les moyens que je propose, puisqu’endétruisant absolument tous les liens de l’hymen il ne naît plusd’autres fruits des plaisirs de la femme que des enfants auxquelsla connaissance de leur père est absolument interdite, et avec celales moyens de ne plus appartenir qu’à une même famille, au lieud’être ainsi qu’ils le doivent uniquement les enfants de lapatrie&|160;?

Il y aura donc des maisons destinées au libertinage des femmes,et, comme celles des hommes, sous la protection dugouvernement&|160;; là, leur seront fournis tous les individus del’un et l’autre sexe qu’elles pourront désirer, et plus ellesfréquenteront ces maisons, plus elles seront estimées&|160;; il n’ya rien de si barbare et de si ridicule que d’avoir attachél’honneur et la vertu des femmes à la résistance qu’elles mettent àdes désirs qu’elles ont reçus de la nature, et qu’échauffent sanscesse ceux qui ont la barbarie de les blâmer&|160;; dès l’âge leplus tendre[20] , une fille dégagée des lienspaternels, n’ayant plus rien à conserver pour l’hymen (absolumentaboli par les sages lois que je désire), au-dessus du préjugéenchaînant autrefois son sexe, pourra donc se livrer à tout ce quelui dictera son tempérament, dans les maisons établies à ce sujet.Elle y sera reçue avec respect, satisfaite avec profusion, et deretour dans la société, elle y pourra parler aussi publiquement desplaisirs qu’elle aura goûtés, qu’elle le fait aujourd’hui d’un balou d’une promenade&|160;; sexe charmant, vous serez libre&|160;;vous jouirez comme les hommes de tous les plaisirs dont la naturevous fait un devoir&|160;; vous ne vous contraindrez sur aucun, laplus divine partie de l’humanité doit-elle donc recevoir des fersde l’autre&|160;? Ah&|160;! brisez-les, la nature le veut&|160;;n’ayez plus d’autres freins que celui de vos penchants, d’autreslois que vos seuls désirs, d’autre morale que celle de lanature&|160;; ne languissez pas plus longtemps dans des préjugésbarbares qui flétrissaient vos charmes, et captivaient les élansdivins de vos cœurs[21] &|160;;vous êtes libres comme nous, et la carrière des combats de Vénusvous est ouverte comme à nous&|160;; ne redoutez plus d’absurdesreproches&|160;; le pédantisme et la superstition sontanéantis&|160;; on ne vous verra plus rougir de vos charmantsécarts. Couronnées de myrtes et de roses, l’estime que nousconcevrons pour vous, ne sera plus qu’en raison de la plus grandeétendue que vous vous serez permis de leur donner.

Ce qui vient d’être dit, devrait nous dispenser sans douted’examiner l’adultère&|160;; jetons-y néanmoins un coup d’œil,quelque nul qu’il soit après les lois que j’établis&|160;; à quelpoint il était ridicule de le considérer comme criminel dans nosanciennes institutions&|160;; s’il y avait quelque chose d’absurdedans le monde, c’était bien sûrement l’éternité des liensconjugaux&|160;; il ne fallait, ce me semble, qu’examiner ou quesentir toute la lourdeur de ces liens pour cesser de voir comme uncrime l’action qui les allégeait&|160;; la nature, comme nousl’avons dit tout à l’heure, ayant doué les femmes d’un tempéramentplus ardent, d’une sensibilité plus profonde qu’elle n’a fait desindividus de l’autre sexe, c’était pour elles sans doute que lejoug d’un hymen éternel était plus pesant&|160;; femmes tendres etembrasées du feu de l’amour, dédommagez-vous maintenant sanscrainte&|160;; persuadez-vous qu’il ne peut exister aucun mal àsuivre les impulsions de la nature, que ce n’est pas pour un seulhomme qu’elle vous a créées, mais pour plaire indifféremment àtous, qu’aucun frein ne vous arrête&|160;; imitez les républicainesde la Grèce&|160;; jamais les législateurs qui leur donnèrent deslois, n’imaginèrent de leur faire un crime de l’adultère et presquetous autorisèrent le désordre des femmes. Thomas Morusprouve, dans son Utopie, qu’il est avantageux aux femmesde se livrer à la débauche, et les idées de ce grand hommen’étaient pas toujours des rêves[22] &|160;;chez les Tartares, plus une femme se prostituait, plus elle étaithonorée&|160;; elle portait publiquement au col les marques de sonimpudicité, et l’on n’estimait point celles qui n’en étaient pointdécorées&|160;; au Pégu, les familles elles-mêmes livrent leursfemmes ou leurs filles aux étrangers qui y voyagent&|160;; on lesloue à tant par jour comme des chevaux et des voitures&|160;; desvolumes enfin ne suffiraient pas à démontrer que jamais la luxurene fut considérée comme criminelle chez aucun des peuples sages dela terre, tous les philosophes savent bien que ce n’est qu’auximposteurs chrétiens que nous devons de l’avoir érigé[e] encrime&|160;; les prêtres avaient bien leur motif, en nousinterdisant la luxure&|160;; cette recommandation en leur réservantla connaissance et l’absolution de ces péchés secrets, leur donnaitun incroyable empire sur les femmes, et leur ouvrait une carrièrede lubricité dont l’étendue n’avait point de bornes. On saitcomment ils en profitèrent, et comme ils en abuseraient encore sileur crédit n’était pas perdu sans ressource.

L’inceste est-il plus dangereux&|160;? Non, sans doute, il étendles liens des familles, et rend par conséquent plus actif l’amourdes citoyens pour la patrie, il nous est dicté par les premièreslois de la nature, nous l’éprouvons, et la jouissance des objetsqui nous appartiennent, nous sembla toujours plus délicieuse&|160;;les premières institutions favorisent l’inceste&|160;; on le trouvedans l’origine des sociétés&|160;; il est consacré dans toutes lesreligions&|160;; toutes les lois l’ont favorisé&|160;; si nousparcourons l’univers, nous trouverons l’inceste établipartout&|160;; les nègres de la Côte-du-Poivre et de Rio-Gabonprostituent leurs femmes à leurs propres enfants&|160;; l’aîné desfils au royaume de Juda, doit épouser la femme de son père&|160;;les peuples du Chili couchent indifféremment avec leurs sœurs,leurs filles, et épousent souvent à la fois et la mère et lafille&|160;; j’ose assurer en un mot que l’inceste devrait être laloi de tout gouvernement dont la fraternité fait la base&|160;;comment des hommes raisonnables purent-ils porter l’absurdité aupoint de croire que la jouissance de sa mère, de sa sœur, ou de safille pourrait jamais devenir criminelle, n’est-ce pas, je vous ledemande, un abominable préjugé que celui qui paraît faire un crimeà un homme d’estimer plus pour sa jouissance, l’objet dont lesentiment de la nature le rapproche davantage, il vaudrait autantdire qu’il nous est défendu d’aimer trop les individus que lanature nous enjoint d’aimer le mieux, et que plus elle nous donnede penchants pour un objet, plus elle nous ordonne en même temps denous en éloigner&|160;; ces contrariétés sont absurdes&|160;; iln’y a que des peuples abrutis par la superstition, qui puissent lescroire ou les adopter&|160;; la communauté des femmes quej’établis, entraînant nécessairement l’inceste, il reste peu dechose à dire sur un prétendu délit dont la nullité est tropdémontrée pour s’y appesantir davantage, et nous allons passer auviol, qui semble être au premier coup d’œil de tous les écarts dulibertinage, celui dont la lésion est la mieux établie, en raisonde l’outrage qu’il paraît faire. Il est pourtant certain que leviol, action si rare et si difficile à prouver, fait moins de tortau prochain que le vol, puisque celui-ci envahit la propriété quel’autre se contente de détériorer&|160;; qu’aurez-vous d’ailleurs àobjecter au violateur, s’il vous répond qu’au fait le mal qu’il acommis est bien médiocre, puisqu’il n’a fait que placer un peu plustôt l’objet dont il a abusé, au même état où l’aurait bientôt misl’hymen ou l’amour&|160;?

Mais la sodomie, mais ce prétendu crime qui attira le feu duciel sur les villes qui y étaient adonnées, n’est-il point unégarement monstrueux, dont le châtiment ne saurait être assezfort&|160;? Il est sans doute bien douloureux pour nous d’avoir àreprocher à nos ancêtres les meurtres judiciaires qu’ils ont osé sepermettre à ce sujet&|160;; est-il possible d’être assez barbarepour oser condamner à mort un malheureux individu dont tout lecrime est de ne pas avoir les mêmes goûts que vous&|160;? On frémitlorsqu’on pense qu’il n’y a pas encore quarante ans que l’absurditédes législateurs en était encore là. Consolez-vous, citoyens, detelles absurdités n’arriveront plus, la sagesse de vos législateursvous en répond. Entièrement éclairci sur cette faiblesse dequelques hommes, on sent bien aujourd’hui qu’une telle erreur nepeut être criminelle, et que la nature ne saurait avoir mis aufluide qui coule dans nos reins une assez grande importance, pourse courroucer sur le chemin qu’il nous plaît de faire prendre àcette liqueur. Quel est le seul crime qui puisse exister ici&|160;?Assurément ce n’est pas de se placer dans tel ou tel lieu, à moinsqu’on ne voulût soutenir que toutes les parties du corps ne seressemblent point, et qu’il en est de pures et de souillées&|160;;mais comme il est impossible d’avancer de telles absurdités, leseul prétendu délit ne saurait consister ici que dans la perte dela semence&|160;; or, je demande s’il est vraisemblable que cettesemence soit tellement précieuse aux yeux de la nature, qu’ildevienne impossible de la perdre sans crime, procéderait-elle tousles jours à ces pertes si cela était&|160;? et n’est-ce pas lesautoriser que de les permettre dans les rêves, dans l’acte de lajouissance d’une femme grosse&|160;? Est-il possible d’imaginer quela nature nous donnât la possibilité d’un crime quil’outragerait&|160;? est-il possible qu’elle consente à ce que leshommes détruisent ses plaisirs, et deviennent par là plus fortsqu’elle&|160;? Il est inouï dans quel gouffre d’absurdités l’on sejette, quand on abandonne, pour raisonner, les secours du flambeaude la raison. Tenons-nous donc pour bien assurés qu’il est aussisimple de jouir d’une femme d’une manière que de l’autre, qu’il estabsolument indifférent de jouir d’une fille ou d’un garçon, etqu’aussitôt qu’il est constant qu’il ne peut exister en nousd’autres penchants que ceux que nous tenons de la nature, elle esttrop sage et trop conséquente pour en avoir mis dans nous quipuissent jamais l’offenser.

Celui de la sodomie est le résultat de l’organisation, et nousne contribuons pour rien à cette organisation&|160;; des enfants del’âge le plus tendre annoncent ce goût, et ne s’en corrigentjamais, quelquefois il est le fruit de la satiété&|160;; mais, dansce cas même, en appartient-il moins à la nature&|160;? Sous tousles rapports il est son ouvrage, et, dans tous les cas, ce qu’elleinspire doit être respecté par les hommes. Si, par un recensementexact, on venait à prouver que ce goût affecte infiniment plus quel’autre, que les plaisirs qui en résultent sont beaucoup plus vifs,et qu’en raison de cela ses sectateurs sont mille fois plusnombreux que ses ennemis, ne serait-il pas possible de conclurealors que, loin d’outrager la nature, ce vice servirait ses vues,et qu’elle tient bien moins à la progéniture que nous n’avons lafolie de le croire&|160;; or, en parcourant l’univers, que depeuples ne voyons-nous pas mépriser les femmes&|160;; il en est quine s’en servent absolument que pour avoir l’enfant nécessaire à lesremplacer. L’habitude que les hommes ont de vivre ensemble dans lesrépubliques, y rendra toujours ce vice plus fréquent, mais il n’estcertainement pas dangereux. Les législateurs de la Grècel’auraient-ils introduit dans leur République, s’ils l’avaient crutel&|160;? Bien loin de là, ils le croyaient nécessaire à un peupleguerrier. Plutarque nous parle avec enthousiasme du bataillon desamants et des aimés, eux seuls défendirentlongtemps la liberté de la Grèce. Ce vice régna dans l’associationdes frères d’armes, il la cimenta, les plus grands hommes y furentenclins. L’Amérique entière, lorsqu’on la découvrit, se trouvapeuplée de gens de ce goût&|160;; à la Louisiane, chez lesIllinois, des Indiens vêtus en femmes se prostituaient comme descourtisanes&|160;; les nègres de Bengale entretiennent publiquementdes hommes, presque tous les sérails d’Alger ne sont plusaujourd’hui peuplés que de jeunes garçons. On ne se contentait pasde tolérer, on ordonnait à Thèbes l’amour des garçons&|160;; lephilosophe de Chéronée le prescrivit pour adoucir lesmœurs des jeunes gens&|160;; nous savons à quel point il régna dansRome&|160;: on y trouvait des lieux publics où de jeunes garçons seprostituaient sous l’habit de filles, et de jeunes filles souscelui de garçons. Martial, Catulle, Tibulle, Horace et Virgileécrivaient à des hommes comme à leurs maîtresses, et nous lisonsenfin dans Plutarque[23] que lesfemmes ne doivent avoir aucune part à l’amour des hommes. LesAmasiens de l’île de Crète enlevaient autrefois des jeunes garçonsavec les plus singulières cérémonies. Quand ils en aimaient un, ilsen faisaient part aux parents le jour où le ravisseur voulaitl’enlever&|160;; le jeune homme faisait quelque résistance si sonamant ne lui plaisait pas&|160;; dans le cas contraire, il partaitavec lui, et le séducteur le renvoyait à sa famille sitôt qu’ils’en était servi&|160;; car dans cette passion, comme dans celledes femmes, on en a toujours trop dès qu’on en a assez. Strabonnous dit que dans cette même île, ce n’était qu’avec des garçonsque l’on remplissait les sérails, on les prostituait publiquement.Veut-on une dernière autorité faite pour prouver combien ce viceest utile dans une république&|160;? Écoutons Jérôme lepéripatéticien&|160;; l’amour des garçons, nous dit-il, serépandit dans toute la Grèce, parce qu’il donnait du courage et dela force, et qu’il servait à chasser les tyrans&|160;; lesconspirations se formaient entre les amants, et ils se laissaientplutôt torturer, que de révéler leurs complices&|160;; lepatriotisme sacrifiait ainsi tout à la prospérité de l’État, onétait certain que ces liaisons affermissaient la République, ondéclamait contre les femmes, et c’était une faiblesse réservée audespotisme que de s’attacher à de telles créatures. Toujours lapédérastie fut le vice des peuples guerriers&|160;; César nousapprend que les Gaulois y étaient extraordinairement adonnés&|160;:les guerres qu’avaient à soutenir les Républiques, en séparant lesdeux sexes, propagèrent ce vice, et quand on y reconnut des suitessi utiles à l’État, la religion le consacra bientôt&|160;; on saitque les Romains sanctifièrent les amours de Jupiter et deGanymède&|160;; Sextus Empiricus nous assure que cettefantaisie était ordonnée chez les Perses&|160;; enfin les femmes,jalouses et méprisées, offrirent à leurs maris de leur rendre lemême service qu’ils recevaient des jeunes garçons, quelques-unsl’essayèrent, et revinrent à leurs anciennes habitudes, ne trouvantpas l’illusion possible. Les Turcs, fort enclins à cettedépravation que Mahomet consacra dans son Alcoran, assurentnéanmoins qu’une très jeune vierge peut assez bien remplacer ungarçon, et rarement les leurs deviennent femmes avant que d’avoirpassé par cette épreuve. Sixte-Quint et Sanchez permirent cettedébauche, ce dernier entreprit même de prouver qu’elle était utileà la propagation, et qu’un enfant créé après cette course préalableen devenait infiniment mieux constitué&|160;; enfin les femmes sedédommagèrent entre elles, cette fantaisie sans doute n’a pas plusd’inconvénients que l’autre, parce que le résultat n’en est que lerefus de créer, et que les moyens de ceux qui ont le goût de lapopulation sont assez puissants pour que les adversaires n’ypuissent jamais nuire&|160;; les Grecs appuyaient de même cetégarement des femmes, sur des raisons d’État&|160;; il en résultaitque se suffisant entre elles, leurs communications avec les hommesétaient moins fréquentes, et qu’elles ne nuisaient point ainsi auxaffaires de la république, Lucien nous apprend quel progrès fitcette licence, et ce n’est pas sans intérêt que nous la voyons dansSapho. Il n’est, en un mot, aucune sorte de danger dans toutes cesmanies, se portassent-elles même plus loin, allassent-elles jusqu’àcaresser des monstres et des animaux, ainsi que nous l’apprendl’exemple de plusieurs peuples&|160;; il n’y aurait pas dans toutesces fadaises le plus petit inconvénient, parce que la corruptiondes mœurs souvent très utile dans un gouvernement, ne saurait ynuire sous aucun rapport, et nous devons attendre de noslégislateurs assez de sagesse, assez de prudence pour être biensûrs qu’aucune loi n’émanera d’eux pour la répression de cesmisères, qui tenant absolument à l’organisation, ne sauraientjamais rendre plus coupable celui qui y est enclin, que ne l’estl’individu que la nature créa contrefait.

Il ne nous reste plus que le meurtre à examiner dans la secondeclasse des délits de l’homme envers son semblable, et nouspasserons ensuite à ses devoirs envers lui-même. De toutes lesoffenses que l’homme peut faire à son semblable, le meurtre est,sans contredit, la plus cruelle de toutes, puisqu’il lui enlève leseul bien qu’il ait reçu de la nature, le seul dont la perte soitirréparable. Plusieurs questions néanmoins se présentent ici,abstraction faite du tort que le meurtre cause à celui qui endevient la victime.

1° Cette action, eu égard aux seules lois de la nature, est-ellevraiment criminelle&|160;?

2° L’est-elle relativement aux lois de la politique&|160;?

3° Est-elle nuisible à la société&|160;?

4° Comment doit-elle être considérée dans un gouvernementrépublicain&|160;?

5° Enfin le meurtre doit-il être réprimé par lemeurtre&|160;?

Nous allons examiner séparément chacune de ces questions,l’objet est assez essentiel pour qu’on nous permette de nous yarrêter&|160;; on trouvera peut-être nos idées un peu fortes&|160;:qu’est-ce que cela fait&|160;? N’avons-nous pas acquis le droit detout dire&|160;? Développons aux hommes de grandes vérités, ils lesattendent de nous, il est temps que l’erreur disparaisse, il fautque son bandeau tombe à côté de celui des rois.

Le meurtre est-il un crime aux yeux de la nature&|160;? Telleest la première question proposée.

Nous allons sans doute humilier ici l’orgueil de l’homme, en lerabaissant au rang de toutes les autres productions de la nature,mais le philosophe ne caresse point les petites vanitéshumaines&|160;; toujours ardent à poursuivre la vérité, il ladémêle sous les sots préjugés de l’amour-propre, l’atteint, ladéveloppe et la montre hardiment à la terre étonnée.

Qu’est-ce que l’homme, et quelle différence y a-t-il entre luiet les autres plantes, entre lui et tous les autres animaux de lanature&|160;? Aucune assurément. Fortuitement placé, comme elles,sur ce globe, il est né comme elles, il se propage, croît etdécroît comme elles&|160;; il arrive comme elles à la vieillesse ettombe comme elles dans le néant, après le terme que la natureassigne à chaque espèce d’animaux, en raison de la construction deses organes. Si les rapprochements sont tellement exacts, qu’ildevienne absolument impossible à l’œil examinateur du philosophed’apercevoir aucune dissemblance, il y aura donc alors tout autantde mal à tuer un animal qu’un homme, ou tout aussi peu à l’un qu’àl’autre, et dans les préjugés de notre orgueil se trouveraseulement la distance, mais rien n’est malheureusement absurdecomme les préjugés de l’orgueil&|160;; pressons néanmoins laquestion. Vous ne pouvez disconvenir qu’il ne soit égal de détruireun homme ou une bête&|160;; mais la destruction de tout animal quia vie n’est-elle pas décidément un mal, comme le croyaient lespythagoriciens et comme le croient encore quelques habitants desbords du Gange&|160;? Avant de répondre à ceci, rappelons d’abordaux lecteurs que nous n’examinons la question que relativement à lanature&|160;; nous l’envisagerons ensuite par rapport auxhommes.

Or, je demande de quel prix peuvent être à la nature desindividus qui ne lui coûtent ni la moindre peine ni le moindresoin&|160;? L’ouvrier n’estime son ouvrage qu’en raison du travailqu’il lui coûte, du temps qu’il emploie à le créer Or, l’hommecoûte-t-il à la nature&|160;? et en supposant qu’il lui coûte, luicoûte-t-il plus qu’un singe ou qu’un éléphant&|160;? Je vais plusloin&|160;; quelles sont les matières génératrices de lanature&|160;? de quoi se composent les êtres qui viennent à lavie&|160;? les trois éléments qui les forment ne résultent-ils pasde la primitive destruction des autres corps&|160;? si tous lesindividus étaient éternels, ne deviendrait-il pas impossible à lanature d’en créer de nouveaux&|160;? Si l’éternité des êtres estimpossible à la nature, leur destruction devient donc une de seslois&|160;; or, si les destructions lui sont tellement utilesqu’elle ne puisse absolument s’en passer, et si elle ne peutparvenir à ses créations sans puiser dans ces masses de destructionque lui prépare la mort, de ce moment l’idée d’anéantissement quenous attachons à la mort ne sera donc plus réelle, il n’y aura plusd’anéantissement constaté&|160;; ce que nous appelons la fin del’animal qui a vie, ne sera plus une fin réelle, mais une simpletransmutation dont est la base le mouvement perpétuel, véritableessence de la matière, et que tous les philosophes modernesadmettent comme une de ses premières lois&|160;; la mort, d’aprèsces principes irréfutables, n’est donc plus qu’un changement deforme, qu’un passage imperceptible d’une existence à une autre, etvoilà ce que Pythagore appelait la métempsycose.

Ces vérités une fois admises, je demande si l’on pourra jamaisavancer que la destruction soit un crime. À dessein de conservervos absurdes préjugés, oserez-vous me dire que la transmutation estune destruction&|160;? Non, sans doute&|160;; car il faudrait pourcela prouver un instant d’inaction dans la matière, un moment derepos. Or, vous ne découvrirez jamais ce moment&|160;; de petitsanimaux se forment à l’instant que le grand animal a perdu lesouffle, et la vie de ces petits animaux n’est qu’un des effetsnécessaires et déterminés par le sommeil momentané du grand.Oserez-vous dire à présent que l’un plaît mieux à la nature quel’autre&|160;? Il faudrait prouver pour cela une choseimpossible&|160;: c’est que la forme longue ou carrée est plusutile, plus agréable à la nature que la forme oblongue outriangulaire&|160;; il faudrait prouver que, eu égard aux planssublimes de la nature, un fainéant qui s’engraisse dans l’inactionet dans l’indolence, est plus utile que le cheval dont le serviceest si essentiel, ou que le bœuf dont le corps est si précieux,qu’il n’en est aucune partie qui ne serve&|160;; il faudrait direque le serpent venimeux est plus nécessaire que le chien fidèle.Or, comme tous ces systèmes sont insoutenables, il faut doncabsolument consentir à admettre que, vu l’impossibilité où noussommes d’anéantir les ouvrages de la nature, qu’attendu lacertitude que la seule chose que nous faisons, en nous livrant à ladestruction, n’est que d’opérer une variation dans les formes, maisqui ne peut éteindre la vie, il devient alors au-dessus des forceshumaines de prouver qu’il puisse exister aucun crime dans laprétendue destruction d’une créature de quelque âge, de quelquesexe, de quelque espèce que vous la supposiez. Conduits plus avantencore par la série de nos conséquences, qui naissent toutes lesunes des autres, il faudra convenir enfin que, loin de nuire à lanature, l’action que vous commettez en variant les formes de sesdifférents ouvrages, est avantageuse pour elle, puisque vous luifournissez par cette action la matière première de sesreconstructions, dont le travail lui deviendrait impraticable, sivous n’anéantissiez pas. Eh laissez-la faire, vous dit-on,assurément il faut la laisser faire, mais ce sont ses impulsionsque suit l’homme quand il se livre à l’homicide, c’est la naturequi le lui conseille, et l’homme qui détruit son semblable, est àla nature ce que lui est la peste ou la famine, également envoyéespar sa main, laquelle se sert de tous les moyens possibles pourobtenir plus tôt cette matière première de destruction, absolumentessentielle à ses ouvrages, daignons éclairer un instant notre âmedu saint flambeau de la philosophie&|160;; quelle autre voix quecelle de la nature nous suggère les haines personnelles, lesvengeances, les guerres, en un mot tous ces motifs de meurtresperpétuels&|160;? or, si elle nous les conseille, elle en a doncbesoin. Comment donc pouvons-nous, d’après cela, nous supposercoupables envers elle, dès que nous ne faisons que suivre sesvues&|160;?

Mais en voilà plus qu’il ne faut pour convaincre tout lecteuréclairé qu’il est impossible que le meurtre puisse jamais outragerla nature.

Est-il un crime en politique&|160;? Osons avouer au contrairequ’il n’est malheureusement qu’un des plus grands ressorts de lapolitique. N’est-ce pas à force de meurtres que Rome est devenue lamaîtresse du monde&|160;? n’est-ce pas à force de meurtres que laFrance est libre aujourd’hui&|160;? Il est inutile d’avertir iciqu’on ne parle que des meurtres occasionnés par la guerre, et nondes atrocités commises par les factieux et lesdésorganisateurs&|160;; ceux-là, voués à l’exécration publique,n’ont besoin que d’être rappelés, pour exciter à jamais l’horreuret l’indignation générale. Quelle science humaine a plus besoin dese soutenir par le meurtre, que celle qui ne tend qu’àtromper&|160;? qui n’a pour but que l’accroissement d’une nationaux dépens d’une autre&|160;? Les guerres, uniques fruits de cettebarbare politique, sont-elles autre chose que les moyens dont ellese nourrit, dont elle se fortifie, dont elle s’étaie&|160;? etqu’est-ce que la guerre, sinon la science de détruire&|160;?Étrange aveuglement de l’homme, qui enseigne publiquement l’art detuer, qui récompense celui qui y réussit le mieux, et qui punitcelui qui, pour une cause particulière, s’est défait de sonennemi&|160;! N’est-il pas temps de revenir sur des erreurs sibarbares&|160;?

Enfin, le meurtre est-il un crime contre la société&|160;? Quiput jamais l’imaginer raisonnablement&|160;? Ah&|160;! qu’importe àcette nombreuse société qu’il y ait parmi elle un membre de plus oude moins&|160;? Ses lois, ses mœurs, ses coutumes en seront-ellesviciées&|160;? Jamais la mort d’un individu influa-t-elle sur lamasse générale&|160;? Et après la perte de la plus grande bataille,que dis-je, après l’extinction de la moitié du monde, de satotalité, si l’on veut, le petit nombre d’êtres qui pourraitsurvivre éprouverait-il la moindre altération matérielle&|160;?Hélas&|160;! non. La nature entière n’en éprouverait pas davantage,et le sot orgueil de l’homme qui croit que tout est fait pour lui,serait bien étonné après la destruction totale de l’espèce humaine,s’il voyait que rien ne varie dans la nature et que le cours desastres n’en est seulement pas retardé. Poursuivons.

Comment le meurtre doit-il être vu dans un État guerrier etrépublicain&|160;?

Il serait assurément du plus grand danger, ou de jeter de ladéfaveur sur cette action, ou de la punir, la fierté du républicaindemande un peu de férocité&|160;; s’il s’amollit, son énergie seperd, il sera bientôt subjugué. Une très singulière réflexion seprésente ici, mais comme elle est vraie malgré sa hardiesse, je ladirai. Une nation qui commence à se gouverner en république, ne sesoutiendra que par des vertus, parce que, pour arriver au plus, ilfaut toujours débuter par le moins&|160;; mais une nation déjàvieille et corrompue, qui courageusement secouera le joug de songouvernement monarchique pour en adopter un républicain, ne semaintiendra que par beaucoup de crimes&|160;; car elle est déjàdans le crime&|160;; et si elle voulait passer du crime à la vertu,c’est-à-dire d’un état violent dans un état doux, elle tomberaitdans une inertie dont sa ruine certaine serait bientôt le résultat.Que deviendrait l’arbre que vous transplanteriez d’un terrain pleinde vigueur, dans une plaine sablonneuse et sèche&|160;? Toutes lesidées intellectuelles sont tellement subordonnées à la physique dela nature, que les comparaisons fournies par l’agriculture ne noustromperont jamais en morale.

Les plus indépendants des hommes, les plus rapprochés de lanature, les sauvages, se livrent avec impunité journellement aumeurtre. À Sparte, à Lacédémone, on allait à la chasse des ilotes,comme nous allons en France à celle des perdrix&|160;; les peuplesles plus libres sont ceux qui l’accueillent davantage. À Mindanao,celui qui veut commettre un meurtre est élevé au rang des braves,on le décore aussitôt d’un turban&|160;; chez les Caraguos, il fautavoir tué sept hommes pour obtenir les honneurs de cettecoiffure&|160;; les habitants de Bornéo croient que tous ceuxqu’ils mettent à mort les serviront quand ils ne seront plus&|160;;les dévots espagnols même faisaient vœu à Saint-Jacques de Galicede tuer douze Américains par jour&|160;; dans le royaume de Tangut,on choisit un jeune homme fort et vigoureux, auquel il est permis,dans certains jours de l’année, de tuer tout ce qu’il rencontre.Était-il un peuple plus ami du meurtre que les Juifs&|160;? On levoit sous toutes les formes, à toutes les pages de leur histoire.L’empereur et les mandarins de la Chine prennent de temps en tempsdes mesures pour faire révolter le peuple, afin d’obtenir de sesmanœuvres le droit d’en faire un horrible carnage&|160;; que cepeuple mou et efféminé s’affranchisse du joug de ses tyrans, il lesassommera à son tour avec beaucoup plus de raison, et le meurtre,toujours adopté, toujours nécessaire, n’aura fait que changer devictimes&|160;; il était le bonheur des uns, il deviendra lafélicité des autres&|160;; une infinité de nations tolèrent lesassassinats publics, ils sont entièrement permis à Gênes, à Venise,à Naples, et dans toute l’Albanie&|160;; à Kachao, sur la rivièrede San Domingo, les meurtriers, sous un costume connu et avoué,égorgent à vos ordres et sous vos yeux l’individu que vous leurindiquez&|160;; les Indiens prennent de l’opium pour s’encouragerau meurtre&|160;; se précipitant ensuite au milieu des rues, ilsmassacrent tout ce qu’ils rencontrent&|160;; des voyageurs anglaisont retrouvé cette manie à Batavia.

Quel peuple fut à la fois plus grand et plus cruel que lesRomains, et quelle nation conserva plus longtemps sa splendeur etsa liberté&|160;? Le spectacle des gladiateurs soutint son courage,elle devenait guerrière par l’habitude de se faire un jeu dumeurtre, douze ou quinze cents victimes journalières remplissaientl’arène du cirque, et là les femmes, plus cruelles que les hommes,osaient exiger que les mourants tombassent avec grâce et sedessinassent encore sous les convulsions de la mort. Les Romainspassèrent de là aux plaisirs de voir des nains s’égorger devanteux&|160;; et quand le culte chrétien, en infectant la terre, vintpersuader aux hommes qu’il y avait du mal à se tuer, des tyransaussitôt enchaînèrent ce peuple, et les héros du monde en devinrentbientôt les jouets. Partout enfin on crut, avec raison, que lemeurtrier, c’est-à-dire l’homme qui étouffait sa sensibilité aupoint de tuer son semblable, et de braver la vengeance publique ouparticulière&|160;; partout, dis-je, on crut qu’un tel homme nepouvait être que très courageux, et par conséquent très précieuxdans un gouvernement guerrier et républicain. Parcourrons-nous desnations qui, plus féroces encore, ne se satisfirent qu’en immolantdes enfants, et bien souvent les leurs&|160;? Nous verrons cesactions universellement adoptées, faire même quelquefois partie deslois&|160;; plusieurs peuplades sauvages tuent leurs enfantsaussitôt qu’ils naissent&|160;; les mères sur les bords du fleuveOrénoque, dans la persuasion où elles étaient que leurs filles nenaissaient que pour être malheureuses, puisque leur destinationétait de devenir les épouses des sauvages de cette contrée, qui nepouvaient souffrir les femmes, les immolaient aussitôt qu’ellesleur avaient donné le jour. Dans la Trapobane et dans le royaume deSopit, tous les enfants difformes étaient immolés par les parentsmêmes&|160;; les femmes de Madagascar exposent aux bêtes sauvagesceux de leurs enfants nés certains jours de la semaine&|160;; dansles républiques de la Grèce, on examinait soigneusement tous lesenfants qui arrivaient au monde, et si l’on ne les trouvait pasconformés de manière à pouvoir défendre un jour la République, ilsétaient aussitôt immolés&|160;: là l’on ne jugeait pas qu’il fûtessentiel d’ériger des maisons richement dotées, pour conservercette vile écume de la nature humaine [24] .Jusqu’à la translation du siège de l’Empire, tous les Romains quine voulaient pas nourrir leurs enfants, les jetaient à lavoirie&|160;; les anciens législateurs n’avaient aucun scrupule dedévouer les enfants à la mort, et jamais aucun de leur code neréprima les droits qu’un père se crut toujours sur sa famille.Aristote conseillait l’avortement&|160;; et ces antiquesrépublicains remplis d’enthousiasme, d’ardeur pour la patrie,méconnaissaient cette commisération individuelle qu’on retrouveparmi les nations modernes&|160;; on aimait moins ses enfants, maison aimait mieux son pays. Dans toutes les villes de la Chine, ontrouve chaque matin une incroyable quantité d’enfants abandonnésdans les rues, un tombereau les enlève à la pointe du jour, et onles jette dans une fosse&|160;; souvent les accoucheuseselles-mêmes en débarrassent les mères, en étouffant aussitôt leursfruits dans des cuves d’eau bouillante ou les jetant dans larivière&|160;; à Pékin, on les met dans de petites corbeilles dejoncs que l’on abandonne sur les canaux, on écume chaque jour cescanaux, et le célèbre voyageur Du Halde évalue à plus detrente mille le nombre journalier qui s’enlève à chaquerecherche&|160;; on ne peut nier qu’il ne soit extraordinairementnécessaire, extrêmement politique de mettre une digue à lapopulation dans un gouvernement républicain&|160;; par des vuesabsolument contraires, il faut l’encourager dans unemonarchie&|160;; là les tyrans n’étant riches qu’en raison dunombre de leurs esclaves, assurément il leur faut des hommes&|160;;mais l’abondance de cette population, n’en doutons, pas, est unvice réel dans un gouvernement républicain&|160;; il ne fautpourtant pas l’égorger pour l’amoindrir, comme le disaient nosmodernes décemvirs, il ne s’agit que de ne pas lui laisser lesmoyens de s’étendre au-delà des bornes que sa félicité luiprescrit. Gardez-vous de multiplier trop un peuple dont chaque êtreest souverain, et soyez bien sûrs que les révolutions ne sontjamais les effets que d’une population trop nombreuse. Si, pour lasplendeur de l’État, vous accordez à vos guerriers le droit dedétruire des hommes, pour la conservation de ce même État, accordezde même à chaque individu de se livrer tant qu’il le voudra,puisqu’il le peut sans outrager la nature, au droit de se défairedes enfants qu’il ne peut nourrir, ou desquels le gouvernement nepeut tirer aucun secours&|160;; accordez-lui de même de se défaire,à ses risques et périls, de tous les ennemis qui peuvent lui nuire,parce que le résultat de toutes ces actions, absolument nulles enelles-mêmes, sera de tenir votre population dans un état modéré, etjamais assez nombreux pour bouleverser votre gouvernement&|160;;laissez dire aux monarchistes qu’un État n’est grand qu’en raisonde son extrême population, cet État sera toujours pauvre si sapopulation excède ses moyens de vivre, et il sera toujoursflorissant, si, contenu dans de justes bornes, il peut trafiquer deson superflu&|160;; n’élaguez-vous pas l’arbre quand il a trop debranches&|160;? et pour conserver le tronc, ne taillez-vous pas lesrameaux&|160;? Tout système qui s’écarte de ces principes, est uneextravagance dont les abus nous conduiraient bientôt aurenversement total de l’édifice que nous venons d’élever avec tantde peine&|160;; mais ce n’est pas quand l’homme est fait, qu’ilfaut le détruire afin de diminuer la population, il est injusted’abréger les jours d’un individu bien conformé, il ne l’est pas,je le dis, d’empêcher d’arriver à la vie un être qui certainementsera inutile au monde. L’espèce humaine doit être épurée dès leberceau&|160;; c’est ce que vous prévoyez ne pouvoir jamais êtreutile à la société qu’il faut retrancher de son sein&|160;; voilàles seuls moyens raisonnables d’amoindrir une population dont latrop grande étendue est, ainsi que nous venons de le prouver, leplus dangereux des abus.

Il est temps de se résumer.

Le meurtre doit-il être réprimé par le meurtre&|160;? Non, sansdoute&|160;; n’imposons jamais au meurtrier d’autre peine que cellequ’il peut encourir par la vengeance des amis ou de la famille decelui qu’il a tué&|160;; je vous accorde votre grâce,disait Louis XV à Charolais, qui venait de tuer un homme pour sedivertir, mais je la donne aussi à celui qui vous tuera.Toutes les bases de la loi contre les meurtriers se trouvent dansce mot sublime[25] .

En un mot, le meurtre est une horreur, mais une horreur souventnécessaire, jamais criminelle, essentielle à tolérer dans un Étatrépublicain&|160;; j’ai fait voir que l’univers entier en avaitdonné l’exemple&|160;; mais faut-il le considérer comme une actionfaite pour être punie de mort&|160;? Ceux qui répondront au dilemmesuivant auront satisfait à la question.

Le meurtre est-il un crime ou ne l’est-il pas&|160;? S’il n’enest pas un, pourquoi faire des lois qui le punissent&|160;? Et s’ilen est un, par quelle barbare et stupide inconséquence lepunirez-vous par un crime semblable&|160;?

Il nous reste à parler des devoirs de l’homme envers lui-même.Comme le philosophe n’adopte ces devoirs qu’autant qu’ils tendent àson plaisir ou à sa conservation, il est fort inutile de lui enrecommander la pratique, plus inutile encore de lui imposer despeines s’il y manque. Le seul délit que l’homme puisse commettre ence genre est le suicide&|160;; je ne m’amuserai point ici à prouverl’imbécillité des gens qui érigent cette action en crime, jerenvoie à la fameuse lettre de Rousseau ceux qui pourraient avoirencore quelques doutes sur cela&|160;; presque tous les anciensgouvernements autorisaient le suicide, par la politique et par lareligion&|160;; les Athéniens exposaient à l’Aréopage les raisonsqu’ils avaient de se tuer, ils se poignardaient ensuite&|160;;toutes les républiques de la Grèce tolérèrent le suicide, ilentrait dans le plan des anciens législateurs, on se tuait enpublic, et l’on faisait de sa mort un spectacle d’appareil&|160;;la république de Rome encouragea le suicide, les dévouements sicélèbres pour la patrie n’étaient que des suicides. Quand Rome futprise par les Gaulois, les plus illustres sénateurs se dévouèrent àla mort&|160;; en reprenant ce même esprit, nous adoptons les mêmesvertus. Un soldat s’est tué pendant la campagne de 92, du chagrinde ne pouvoir suivre ses camarades à l’affaire de Jemmapes.Incessamment placés à la hauteur de ces fiers républicains, noussurpasserons bientôt leurs vertus&|160;; c’est le gouvernement quifait l’homme, une si longue habitude du despotisme avait totalementénervé notre courage, il avait dépravé nos mœurs, nousrenaissons&|160;; on va bientôt voir de quelles actions sublimesest capable le génie, le caractère français, quand il estlibre&|160;; soutenons, au prix de nos fortunes et de nos vies,cette liberté qui nous coûte déjà tant de victimes, n’en regrettonsaucune si nous parvenons au but, elles-mêmes se sont toutesdévouées volontairement, ne rendons pas leur sang inutile&|160;;mais de l’union… de l’union, ou nous perdrons le fruit de toutesnos peines&|160;; asseyons d’excellentes lois sur les victoires quenous venons de remporter&|160;; nos premiers législateurs, encoreesclaves du despote qu’enfin nous avons abattu, ne nous avaientdonné que des lois dignes de ce tyran, qu’ils encensaient encore,refaisons leur ouvrage, songeons que c’est pour des républicains etpour des philosophes que nous allons enfin travailler&|160;; quenos lois soient douces comme le peuple qu’elles doiventrégir&|160;; en offrant ici, comme je viens de le faire, le néant,l’indifférence d’une infinité d’actions que nos ancêtres, séduitspar une fausse religion, regardaient comme criminelles, je réduisnotre travail à bien peu de chose&|160;; faisons peu de lois, maisqu’elles soient bonnes&|160;; il ne s’agit pas de multiplier lesfreins, il n’est question que de donner à celui qu’on emploie unequalité indestructible. Que les lois que nous promulguons n’aientpour but que la tranquillité du citoyen, son bonheur et l’éclat dela république&|160;; mais après avoir chassé l’ennemi de vosterres, Français, je ne voudrais pas que l’ardeur de propager vosprincipes vous entraînât plus loin&|160;; ce n’est qu’avec le feret le feu que vous pourrez les porter au bout de l’univers. Avantque d’accomplir ces résolutions, rappelez-vous le malheureux succèsdes Croisades&|160;; quand l’ennemi sera de l’autre côté du Rhin,croyez-moi, gardez vos frontières et restez chez vous&|160;;ranimez votre commerce, redonnez de l’énergie et des débouchés àvos manufactures, faites refleurir vos arts, encouragezl’agriculture, si nécessaire dans un gouvernement tel que le vôtre,et dont l’esprit doit être de pouvoir fournir à tout le monde sansavoir besoin de personne, laissez les trônes de l’Europe s’écroulerd’eux-mêmes&|160;; votre exemple, votre prospérité les culbuterontbientôt, sans que vous ayez besoin de vous en mêler. Invinciblesdans votre intérieur, et modèles de tous les peuples par votrepolice et vos bonnes lois, il ne sera pas un gouvernement dans lemonde qui ne travaille à vous imiter, pas un seul qui ne s’honorede votre alliance&|160;; mais si, pour le vain honneur de portervos principes au loin, vous abandonnez le soin de votre proprefélicité, le despotisme qui n’est qu’endormi renaîtra, desdissensions intestines vous déchireront, vous aurez épuisé vosfinances et vos soldats, et tout cela pour revenir baiser les fersque vous imposeront les tyrans qui vous auront subjugués pendantvotre absence&|160;; tout ce que vous désirez peut se faire, sansqu’il soit besoin de quitter vos foyers&|160;; que les autrespeuples vous voient heureux, et ils courront au bonheur par la mêmeroute que vous leur aurez tracée[26] .

EUGÉNIE, à Dolmancé&|160;: Voilà ce qui s’appelle unécrit très sage, et tellement dans vos principes, au moins surbeaucoup d’objets, que je serais tentée de vous en croirel’auteur.

DOLMANCÉ&|160;: Il est bien certain que je pense une partie deces réflexions, et mes discours qui vous l’ont prouvé, donnent mêmeà la lecture que nous venons de faire, l’apparence d’unerépétition…

EUGÉNIE, coupant&|160;: Je ne m’en suis pas aperçue, onne saurait trop dire les bonnes choses. Je trouve cependantquelques-uns de ces principes un peu dangereux.

DOLMANCÉ&|160;: Il n’y a de dangereux dans le monde que la pitiéet la bienfaisance, la bonté n’est jamais qu’une faiblesse dontl’ingratitude et l’impertinence des faibles forcent toujours leshonnêtes gens à se repentir. Qu’un bon observateur s’avise decalculer tous les dangers de la pitié, et qu’il les mette enparallèle avec ceux d’une fermeté soutenue, il verra si lespremiers ne l’emportent pas.

Mais nous allons trop loin, Eugénie, résumons pour votreéducation l’unique conseil qu’on puisse tirer de tout ce qui vientd’être dit, n’écoutez jamais votre cœur, mon enfant&|160;; c’est leguide le plus faux que nous ayons reçu de la nature, fermez-le avecgrand soin aux accents fallacieux de l’infortune&|160;; il vautbeaucoup mieux que vous refusiez à celui qui vraiment serait faitpour vous intéresser, que de risquer de donner au scélérat, àl’intrigant et au cabaleur&|160;: l’un est d’une très légèreconséquence, l’autre du plus grand inconvénient.

LE CHEVALIER&|160;: Qu’il me soit permis, je vous en conjure, dereprendre en sous-œuvre et d’anéantir, si je peux, les principes deDolmancé. Ah&|160;! qu’ils seraient différents, homme cruel, si,privé de cette fortune immense où tu trouves sans cesse les moyensde satisfaire tes passions, tu pouvais languir quelques années danscette accablante infortune dont ton esprit féroce ose composer destorts aux misérables&|160;; jette un coup d’œil de pitié sur eux,et n’éteins pas ton âme au point de l’endurcir sans retour aux crisdéchirants du besoin&|160;! Quand ton corps, uniquement las devoluptés, repose languissamment sur des lits de duvet, vois le leuraffaissé des travaux qui te font vivre, recueillir à peine un peude paille pour se préserver de la fraîcheur de la terre, dont ilsn’ont, comme les bêtes, que la froide superficie pours’étendre&|160;; jette un regard sur eux, lorsque entouré de metssucculents dont vingt élèves de Comus réveillent chaque jour tasensualité, ces malheureux disputent aux loups, dans les bois, laracine amère d’un sol desséché&|160;; quand les jeux, les grâces etles ris conduisent à ta couche impure les plus touchants objets dutemple de Cythère, vois ce misérable étendu près de sa tristeépouse, satisfait des plaisirs qu’il cueille au sein des larmes, nepas même en soupçonner d’autres&|160;; regarde-le, quand tu ne terefuses rien, quand tu nages au milieu du superflu&|160;;regarde-le, te dis-je, manquer même opiniâtrement des premiersbesoins de la vie&|160;; jette les yeux sur sa famille désolée,vois son épouse tremblante se partager avec tendresse entre lessoins qu’elle doit à son mari languissant auprès d’elle, et ceuxque la nature commande pour les rejetons de son amour&|160;; privéede la possibilité de remplir aucun de ces devoirs si sacrés pourson âme sensible, entends-la sans frémir, si tu peux, réclamer prèsde toi ce superflu que ta cruauté lui refuse&|160;! Barbare, nesont-ce donc pas des hommes comme toi&|160;; et s’ils teressemblent, pourquoi dois-tu jouir quand ils languissent&|160;?Eugénie, Eugénie, n’éteignez jamais dans votre âme la voix sacréede la nature, c’est à la bienfaisance qu’elle vous conduira malgrévous, quand vous séparerez son organe du feu des passions quil’absorbe&|160;; laissons là les principes religieux, j’y consens,mais n’abandonnons pas les vertus que la sensibilité nousinspire&|160;; ce ne sera jamais qu’en les pratiquant, que nousgoûterons les jouissances de l’âme les plus douces et les plusdélicieuses&|160;; tous les égarements de votre esprit serontrachetés par une bonne œuvre, elle éteindra dans vous les remordsque votre inconduite y fera naître, et formant dans le fond devotre conscience un asile sacré, où vous vous replierez quelquefoissur vous-même, vous y trouverez la consolation des écarts où voserreurs vous auront entraînée. Ma sœur, je suis jeune, je suislibertin, impie, je suis capable de toutes les débauches del’esprit, mais mon cœur me reste, il est pur, et c’est avec lui,mes amis, que je me console de tous les travers de mon âge.

DOLMANCÉ&|160;: Oui, Chevalier, vous êtes jeune, vous le prouvezpar vos discours, l’expérience vous manque, je vous attends&|160;;quand elle vous aura mûri, alors, mon cher, vous ne parlerez plussi bien des hommes, parce que vous les aurez connus&|160;; ce futleur ingratitude qui sécha mon cœur, leur perfidie qui détruisitdans moi ces vertus funestes pour lesquelles j’étais peut-être nécomme vous&|160;; or, si les vices des uns rendent dans les autresces vertus dangereuses, n’est-ce donc pas un service à rendre à lajeunesse, que de les étouffer de bonne heure en elle&|160;? que meparles-tu de remords, mon ami, peuvent-ils exister dans l’âme decelui qui ne connaît de crime à rien&|160;? que vos principes lesétouffent&|160;; si vous en craignez l’aiguillon, vous sera-t-ilpossible de vous repentir d’une action de l’indifférence delaquelle vous serez profondément pénétré&|160;? Dès que vous necroirez plus de mal à rien, de quel mal pourrez-vous vousrepentir&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Ce n’est pas de l’esprit que viennent lesremords, ils ne sont les fruits que du cœur, et jamais lessophismes de la tête n’éteignirent les mouvements de l’âme.

DOLMANCÉ&|160;: Mais le cœur trompe, parce qu’il n’est jamaisque l’expression des faux calculs de l’esprit&|160;; mûrissezcelui-ci, l’autre cédera bientôt, toujours de fausses définitionsnous égarent lorsque nous voulons raisonner&|160;; je ne sais ceque c’est que le cœur, moi, je n’appelle ainsi que les faiblessesde l’esprit, un seul et unique flambeau luit en moi&|160;; quand jesuis sain et ferme, il ne me fourvoie jamais&|160;; suis-je vieux,hypocondre ou pusillanime, il me trompe, alors je me dis sensible,tandis qu’au fond je ne suis que faible et timide&|160;; encore unefois, Eugénie, que cette perfide sensibilité ne vous abusepas&|160;; elle n’est, soyez-en bien sûre, que la faiblesse del’âme, on ne pleure que parce que l’on craint, et voilà pourquoiles rois sont des tyrans&|160;; rejetez, détestez donc les perfidesconseils du Chevalier&|160;; en vous disant d’ouvrir votre cœur àtous les maux imaginaires de l’infortune, il cherche à vouscomposer une somme de peines qui n’étant pas les vôtres, vousdéchireraient bientôt en pure perte. Ah&|160;! croyez, Eugénie,croyez que les plaisirs qui naissent de l’apathie, valent bien ceuxque la sensibilité vous donne, celle-ci ne sait qu’atteindre dansun sens le cœur que l’autre chatouille, et bouleverse de toutesparts&|160;; les jouissances permises, en un mot, peuvent-ellesdonc se comparer aux jouissances qui réunissent à des attraits bienplus piquants, ceux inappréciables de la rupture des freins sociauxet du renversement de toutes les lois&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tu triomphes, Dolmancé, tu l’emportes, lesdiscours du Chevalier n’ont fait qu’effleurer mon âme, les tiens laséduisent et l’entraînent. Ah&|160;! croyez-moi, Chevalier,adressez-vous plutôt aux passions qu’aux vertus, quand vous voudrezpersuader une femme.

MME DE SAINT-ANGE, au Chevalier&|160;: Oui, mon ami,fous-nous bien, mais ne nous sermonne pas&|160;: tu ne nousconvertirais point, et tu pourrais troubler les leçons dont nousvoulons abreuver l’âme et l’esprit de cette charmante fille.

EUGÉNIE&|160;: Troubler, oh&|160;! non, non, votre ouvrage estfini&|160;; ce que les sots appellent la corruption, est maintenantassez établi dans moi, pour ne laisser même aucun espoir de retour,et vos principes sont trop bien étayés dans mon cœur, pour que lessophismes du Chevalier parviennent jamais à les détruire.

DOLMANCÉ&|160;: Elle a raison, ne parlons plus de cela,Chevalier, vous auriez des torts, et nous ne voulons vous trouverque des procédés.

LE CHEVALIER&|160;: Soit, nous sommes ici pour un but trèsdifférent, je le sais, que celui où je voulais atteindre&|160;;marchons droit à ce but, j’y consens, je garderai ma morale pourceux qui, moins ivres que vous, seront plus en état del’entendre.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oui, mon frère, oui, oui, ne nous donneici que ton foutre&|160;; nous te faisons grâce de ta morale, elleest trop douce pour des roués de notre espèce.

EUGÉNIE&|160;: Je crains bien, Dolmancé, que cette cruauté quevous préconisez avec chaleur, n’influence un peu vosplaisirs&|160;; j’ai déjà cru le remarquer, vous êtes dur enjouissant&|160;; je me sentirais bien aussi quelques dispositions àce vice. Pour débrouiller mes idées sur tout cela, dites-moi, jevous prie, de quel œil vous voyez l’objet qui sert vosplaisirs.

DOLMANCÉ&|160;: Comme absolument nul, ma chère&|160;; qu’ilpartage ou non mes jouissances, qu’il éprouve du contentement, del’apathie ou même de la douleur, pourvu que je sois heureux, lereste m’est absolument égal.

EUGÉNIE&|160;: Il vaut même mieux que cet objet éprouve de ladouleur, n’est-ce pas&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Assurément cela vaut beaucoup mieux&|160;; jevous l’ai déjà dit, la répercussion plus active sur nous, déterminebien plus énergiquement, et bien plus promptement alors les espritsanimaux, à la direction qui leur est nécessaire pour la volupté.Ouvrez les sérails de l’Afrique, ceux de l’Asie, ceux de votreEurope méridionale, et voyez si les chefs de ces harems célèbress’embarrassent beaucoup, quand ils bandent, de donner du plaisiraux individus qui leur servent&|160;; ils commandent, on leurobéit&|160;; ils jouissent, on n’ose leur répondre&|160;; sont-ilssatisfaits, on s’éloigne. Il en est parmi eux qui puniraient, commeun manque de respect, l’audace de partager leur jouissance&|160;;le roi d’Achem fait impitoyablement trancher la tête à la femme quia osé s’oublier en sa présence au point de jouir, et très souventil la lui coupe lui-même&|160;; ce despote, un des plus singuliersde l’Asie, n’est absolument gardé que par des femmes&|160;; cen’est jamais que par signes qu’il leur donne ses ordres&|160;; lamort la plus cruelle est la punition de celles qui ne l’entendentpas, et les supplices s’exécutent toujours ou par sa main, ou sousses yeux. Tout cela, ma chère Eugénie, est absolument fondé sur desprincipes que je vous ai déjà développés. Que désire-t-on quand onjouit&|160;? Que tout ce qui nous entoure ne s’occupe que de nous,ne pense qu’à nous, ne soigne que nous&|160;; si les objets quinous servent jouissent, les voilà dès lors bien plus sûrementoccupés d’eux que de nous, et notre jouissance conséquemmentdérangée&|160;; il n’est point d’homme qui ne veuille être despotequand il bande, il semble qu’il a moins de plaisir si les autresparaissent en prendre autant que lui&|160;; par un mouvementd’orgueil bien naturel en ce moment, il voudrait être le seul aumonde qui fût susceptible d’éprouver ce qu’ils sentent&|160;;l’idée de voir un autre jouir comme lui le ramène à une sorted’égalité qui nuit aux attraits indicibles que fait éprouver ledespotisme alors[27] &|160;;il est faux d’ailleurs qu’il y ait du plaisir à en donner auxautres, c’est les servir cela, et l’homme qui bande est loin dudésir d’être utile aux autres&|160;; en faisant du mal, aucontraire, il éprouve tous les charmes que goûte un individunerveux à faire usage de ses forces, il domine alors, il esttyran, et quelle différence pour l’amour-propre&|160;? Necroyons point qu’il se taise en ce cas&|160;; l’acte de lajouissance est une passion qui, j’en conviens, subordonne à elletoutes les autres, mais qui les réunit en même temps. Cette enviede dominer dans ce moment est si forte dans la nature, qu’on lareconnaît même dans les animaux&|160;; voyez si ceux qui sont enesclavage procréent comme ceux qui sont libres&|160;; le dromadaireva plus loin, il n’engendre plus s’il ne se croit pas seul&|160;;essayez de le surprendre, et par conséquent de lui montrer unmaître, il fuira et se séparera sur-le-champ de sa compagne. Sil’intention de la nature n’était pas que l’homme eût cettesupériorité, elle n’aurait pas créé plus faibles que lui les êtresqu’elle lui destine dans ce moment-là&|160;; cette débilité où lanature condamna les femmes, prouve incontestablement que sonintention est que l’homme qui jouit plus que jamais alors de sapuissance, l’exerce par toutes les violences que bon lui semblera,par des supplices même, s’il le veut&|160;; la crise de la voluptéserait-elle une espèce de rage, si l’intention de cette mère dugenre humain n’était pas que le traitement du coït fût le même quecelui de la colère&|160;? Quel est l’homme bien constitué, en unmot, l’homme doué d’organes vigoureux, qui ne désirera pas, soitd’une façon, soit d’une autre, de molester sa jouissancealors&|160;? Je sais bien qu’une infinité de sots qui ne se rendentjamais compte de leurs sensations, comprendront mal les systèmesque j’établis&|160;; mais que m’importent ces imbéciles, ce n’estpas à eux que je parle. Plats adorateurs de femmes, je les laisseaux pieds de leur insolente dulcinée attendre le soupir qui doitles rendre heureux, et bassement esclaves du sexe qu’ils devraientdominer, je les abandonne aux vils charmes de porter des fers, dontla nature leur donne le droit d’accabler les autres&|160;; que cesanimaux végètent dans la bassesse qui les avilit, ce serait en vainque nous les prêcherions, mais qu’ils ne dénigrent pas ce qu’ils nepeuvent entendre, et qu’ils se persuadent que ceux qui ne veulentétablir leurs principes en ces sortes de matières que sur les élansd’une âme vigoureuse et d’une imagination sans frein, comme nous lefaisons vous et moi, madame, seront toujours les seuls quimériteront d’être écoutés, les seuls qui seront faits pour leurprescrire des lois et pour leur donner des leçons… Foutre, jebande&|160;; rappelez Augustin, je vous prie (On sonne&|160;;il rentre)&|160;; il est inouï comme le superbe cul de ce beaugarçon m’occupe la tête depuis que je parle, toutes mes idéessemblaient involontairement se rapporter à lui… montre à mes yeuxce chef-d’œuvre, Augustin… que je le baise et caresse un quartd’heure&|160;; viens, bel amour, viens que je me rende digne, danston beau cul, des flammes dont Sodome m’embrase&|160;; il a lesplus belles fesses… les plus blanches&|160;; je voudraisqu’Eugénie, à genoux, lui suçât le vit pendant ce temps-là&|160;;par l’attitude, elle exposerait son derrière au Chevalier quil’enculerait, et Mme&|160;de&|160;Saint-Ange, à chevalsur les reins d’Augustin, me présenterait ses fesses àbaiser&|160;; armée d’une poignée de verges, elle pourrait aumieux, ça me semble, en se courbant un peu, fouetter le Chevalier,que cette stimulante cérémonie engagerait à ne pas épargner notreécolière. (La posture s’arrange.) Oui, c’est cela tout aumieux, mes amis, en vérité, c’est un plaisir que de vous commanderdes tableaux&|160;; il n’est pas un artiste au monde en état de lesexécuter comme vous… ce coquin a le cul d’un étroit… C’est tout ceque je peux faire que de m’y loger… Voulez-vous bien me permettre,madame, de mordre et pincer vos belles chairs pendant que jefous&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Tant que tu voudras, mon ami, mais mavengeance est prête, je t’en avertis&|160;; je jure qu’à chaquevexation je te lâche un pet dans la bouche.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! sacredieu, quelle menace c’est mepresser de t’offenser, ma chère (il la mord)&|160;; Voyonssi tu tiendras parole (il reçoit un pet). Ah&|160;! foutredélicieux… délicieux (Il la claque et reçoit sur-le-champ unautre pet). Oh c’est divin, mon ange&|160;! garde-m’enquelques-uns pour l’instant de la crise… et sois sûre que je tetraiterai alors avec toute la cruauté… toute la barbarie… Foutre…je n’en puis plus… je décharge… (il la mord, la claque, et ellene cesse de péter.) Vois-tu comme je te traite, coquine… commeje te maîtrise… encore celle-ci… et celle-là… et que la dernièreinsulte soit à l’idole même où j’ai sacrifié. (Il lui mord letrou du cul, l’attitude se rompt.) Et vous autres,qu’avez-vous fait, mes amis&|160;?

EUGÉNIE, rendant le foutre qu’elle a dans le cul et dans labouche&|160;: Hélas&|160;! mon maître… vous voyez comme vosélèves m’ont accommodée&|160;; j’ai le derrière et la bouche pleinsde foutre, je ne dégorge que du foutre de tous les côtés.

DOLMANCÉ, vivement&|160;: Attendez, je veux que vous merendiez dans la bouche celui que le Chevalier vous a mis dans lecul.

EUGÉNIE, se plaçant&|160;: Quelleextravagance&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! rien n’est bon comme le foutre quisort du fond d’un beau derrière… C’est un mets digne des dieux(il l’avale)&|160;; voyez le cas que j’en fais (sereportant au cul d’Augustin qu’il baise). Je vais vousdemander, mesdames, la permission de passer un instant dans uncabinet voisin avec ce jeune homme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ne pouvez-vous donc pas faire ici toutce qu’il vous plaît avec lui&|160;?

DOLMANCÉ, bas et mystérieusement&|160;: Non, il est decertaines choses qui demandent absolument des voiles.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! parbleu, mettez-nous au fait aumoins.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je ne le laisse pas sortir sanscela.

DOLMANCÉ&|160;: Vous voulez le savoir&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Absolument.

DOLMANCÉ, entraînant Augustin&|160;: Eh bien&|160;!mesdames, je vais… mais, en vérité, cela ne peut pas se dire.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Est-il donc une infamie dans le mondeque nous ne soyons dignes d’entendre et d’exécuter&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tenez, ma sœur, je vais vous le dire.

Il parle bas aux deux femmes.

EUGÉNIE, avec l’air de la répugnance&|160;: Vous avezraison, cela est horrible.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! je m’en doutais.

DOLMANCÉ&|160;: Vous voyez bien que je devais vous taire cettefantaisie, et vous concevez à présent qu’il faut être seul et dansl’ombre pour se livrer à de pareilles turpitudes.

EUGÉNIE&|160;: Voulez-vous que j’aille avec vous, je vousbranlerai pendant que vous vous amuserez d’Augustin&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Non, non, ceci est une affaire d’honneur, et quidoit se passer entre hommes, une femme nous dérangerait… À vousdans l’instant, mesdames.

Il sort en entraînant Augustin.

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