Les Exilés dans la forêt

Chapitre 25ATTAQUE DES TERMITES.

 

Léon, ayant baissé les yeux pour se rendrecompte de la cause de cette douleur, sentit son sang se glacer dansses veines.

Les fourmis, poursuivant leur expédition,entouraient l’arbre et avaient commencé à l’escalader. En ligneblanchâtre de plusieurs pouces d’épaisseur, elles grimpaient lelong du tronc, et c’étaient les premières arrivées qui, sans perdrede temps, avaient commencé l’attaque sur son pied.

Le sort des aïs dont il venait d’être témoinétait bien fait pour le remplir d’épouvante, et un second cri deterreur lui échappa. Instinctivement, il s’élança de branche enbranche jusqu’à la plus élevée ; et quand il l’eut atteinte,il se retourna et regarda ses millions d’adversaires grimpanttranquillement avec lui.

À ce coup, l’effroi l’emportant sur tout autresentiment, il déchira l’air de ses cris. Qu’importe ! il serisquerait dans cette masse grouillante, mais il échapperait, iléchapperait à tout prix, et il se mit à redescendre, écrasant sousson poids des bataillons sans cesse reformés.

Il était à mi-chemin de sa descente, quand ilse rappela soudain le puma qu’il avait oublié. Son regard cherchal’endroit où il l’avait laissé dévorant sa victime. La pauvrefemelle agonisante était encore là à côté de son petit mort ;mais le fauve avait disparu.

Léon se berçait déjà de l’espoir que peut-êtreses cris l’avaient effrayé et qu’il avait repris le chemin desbois, quand tout à coup il l’aperçut à dix pas de l’arbre, rampantvers lui sans le quitter des yeux. Que faire ?…

Il est difficile de prendre une résolutionentre deux alternatives semblables. Léon se crut perdu. Il éleva lavoix dans un effort suprême et attendit.

Contrairement à son attente cependant, le pumane prit pas tout de suite son élan ; au contraire, toujoursrampant, il fit à plusieurs reprises le tour de l’arbre, dardantsur lui des regards enflammés, agitant doucement sa queue etpourléchant ses lèvres rouges du sang de sa proie inachevée. Ilsemblait trouver du plaisir à combiner longuement son attaque et àprolonger l’agonie de sa victime.

Soudain la bête a tressailli, mais non paspour s’élancer. Un sifflement aigu a déchiré l’air et quelque choses’est enfoncé dans sa fourrure. D’un coup de dent il brisel’extrémité de la flèche de pashiuba, dont la pointe empoisonnéereste enfoncée dans sa blessure. Un nouveau sifflement se faitentendre, une autre flèche a touché le puma, et cette fois des voixamies, des voix bien connues retentissent. C’est Don Pablo et Guapoqui accourent, l’un avec sa hache, l’autre avec sa sarbacane,messagère infaillible de vengeance et de mort.

Le fauve se détourne pour fuir. Il est déjàsur la lisière du bois, mais il s’arrête, il chancelle… Iltombe ; malgré cela, Don Pablo trouve encore le poison troplent pour son exaspération et lui brise le crâne d’un coup dehache.

Hourra !… le monstre est mort, et le pèreaccourt vers son enfant, que Guapo a pris sur son épaule et emporteen triomphe.

Une fois les premiers transports passés, DonPablo traîna le corps du puma hors de l’atteinte destermites ; car il voulait en conserver la peau, qui avait unegrande valeur.

Quant aux deux tamanoirs, il n’y avait rien àen faire ; ils étaient déjà la proie des termites ; etquand nos amis repassèrent à l’heure du dîner, il ne restait plusd’autres vestiges des aïs et des fourmiliers que des osparfaitement nets et quelque peu de poils. Le reste avait disparu,emporté par portions infinitésimales dans les profondeurs desmystérieuses cellules des fourmis blanches.

C’était sans doute le bruit fait par nostravailleurs acharnés à leur besogne qui avait troublé leshabitudes du tamanoir et du puma, qui ne sortent ordinairement quela nuit.

À leur retour à la maison, nos proscritsfurent témoins d’une petite scène curieuse que leur ménagea Guapo.Le tamanoir mâle était, lui aussi, réveillé et avait quitté songîte de feuilles sèches en quête de sa compagne. L’Indien, loin dechercher à le tuer, recommanda aux enfants un profond silence, et,se cachant derrière les branches d’un arbre, les agita de manière àsimuler le bruit que fait la pluie en tombant sur le feuillage.

Aussitôt le fourmilier releva sa queue largeet fournie et la dressa sur sa tête comme nous faisons d’unparapluie, et marcha assez longtemps ainsi devant les enfants, quece spectacle amusait considérablement.

Outre le tamanoir, on compte dans l’Amériquedu Sud deux ou trois espèces d’ours fourmiliers ; mais ceux-cisont fort différents et pourraient à bon droit former un autregenre. D’abord ils sont grimpeurs, contrairement au tamanoirproprement dit. Ils poursuivent les fourmis qui font leur nid surles branches, aussi bien que les guêpes et les abeilles.

Pour ce genre d’exercice, la nature les adoués d’une queue nue et prenante, comme celle des opossums et dessinges.

Le tamandua est de ce nombre. Beaucoup pluspetit que le tamanoir, beaucoup plus agile, revêtu d’une fourruresombre mais lustrée, il vit de fourmis, d’abeilles et de miel. Onl’a quelquefois rangé dans la catégorie des tridactyles,parce qu’il n’a que trois doigts à chacun des pieds de devant.

Une autre espèce d’ours fourmilier, lemyrmecophaga didactyle, ainsi nommé parce qu’il n’a quedeux doigts, est un petit animal gros comme l’écureuil gris, qui,au point de vue de l’agilité, tient le milieu entre le tamandua etle tamanoir.

On le voit quelquefois, suspendu par sa queuepoilue, se servir de ses pattes de devant comme d’une main pourporter sa nourriture à sa bouche. Comme parure, il estincontestablement le plus remarquable du genre fourmilier. Sacouleur varie beaucoup : il est quelquefois d’un blanc deneige. Son poil est doux et soyeux, quelquefois légèrement boucléet feutré à l’extrémité. Le poil de la queue est annelé des teintesqui prédominent dans le reste du corps.

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