Les femmes savantes de Molière

Scène VI

Philaminte, Bélise, Chrysale, Martine

Philaminte

Quoi ? je vous vois, maraude ?

Vite, sortez, friponne ; allons, quittez ces lieux,

Et ne vous présentez jamais devant mes yeux.

Chrysale

Tout doux.

Philaminte

Non, c’en est fait.

Chrysale

Eh !

Philaminte

Je veux qu’elle sorte.

Chrysale

Mais qu’a-t-elle commis, pour vouloir de la sorte…

Philaminte

Quoi ? vous la soutenez ?

Chrysale

En aucune façon. Philaminte

Prenez-vous son parti contre moi ?

Chrysale

Mon Dieu ! non :

Je ne fais seulement que demander son crime.

Philaminte

Suis-je pour la chasser sans cause légitime ?

Chrysale

Je ne dis pas cela ; mais il faut de nos gens…

Philaminte

Non ; elle sortira, vous dis-je, de céans.

Chrysale

Hé bien ! oui : vous dit-on quelque chose là contre ?

Philaminte

Je ne veux point d’obstacle aux desirs que je montre.

Chrysale

D’accord.

Philaminte

Et vous devez, en raisonnable époux,

Etre pour moi contre elle, et prendre mon courroux. Chrysale

Aussi fais-je. Oui, ma femme avec raison vous chasse,

Coquine, et votre crime est indigne de grâce.

Martine

Qu’est-ce donc que j’ai fait ?

Chrysale

Ma foi ! je ne sais pas.

Philaminte

Elle est d’humeur encore à n’en faire aucun cas.

Chrysale

A-t-elle, pour donner matière à votre haine,

Cassé quelque miroir ou quelque porcelaine ?

Philaminte

Voudrois-je la chasser, et vous figurez-vous

Que pour si peu de chose on se mette en courroux ?

Chrysale

Qu’est-ce à dire ? L’affaire est donc considérable ?

Philaminte

Sans doute. Me voit-on femme déraisonnable ?

Chrysale

Est-ce qu’elle a laissé, d’un esprit négligent,

Dérober quelque aiguière ou quelque plat d’argent ? Philaminte

Cela ne seroit rien.

Chrysale

Oh, oh ! peste, la belle !

Quoi ? l’avez-vous surprise à n’être pas fidèle ?

Philaminte

C’est pis que tout cela.

Chrysale

Pis que tout cela ?

Philaminte

Pis.

Chrysale

Comment diantre, friponne ! Euh ? a-t-elle commis…

Philaminte

Elle a, d’une insolence à nulle autre pareille

Après trente leçons, insulté mon oreille

Par l’impropriété d’un mot sauvage et bas

Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas.

Chrysale

Est-ce là… Philaminte

Quoi ? toujours, malgré nos remontrances,

Heurter le fondement de toutes les sciences,

La grammaire, qui sait régenter jusqu’aux rois,

Et les fait la main haute obéir à ses lois ?

Chrysale

Du plus grand des forfaits je la croyois coupable.

Philaminte

Quoi ? Vous ne trouvez pas ce crime impardonnable ?

Chrysale

Si fait.

Philaminte

Je voudrois bien que vous l’excusassiez.

Chrysale

Je n’ai garde.

Bélise

Il est vrai que ce sont des pitiés :

Toute construction est par elle détruite,

Et des lois du langage on l’a cent fois instruite. Martine

Tout ce que vous prêchez est, je crois, bel et bon ;

Mais je ne saurois, moi, parler votre jargon.

Philaminte

L’impudente ! appeler un jargon le langage

Fondé sur la raison et sur le bel usage !

Martine

Quand on se fait entendre, on parle toujours bien,

Et tous vos biaux dictons ne servent pas de rien.

Philaminte

Hé bien ! ne voilà pas encore de son style ?

Ne servent pas de rien !

Bélise

O cervelle indocile !

Faut-il qu’avec les soins qu’on prend incessamment,

On ne te puisse apprendre à parler congrûment ?

De pas mis avec rien tu fais la récidive,

Et c’est, comme on t’a dit, trop d’une négative.

Martine

Mon Dieu ! je n’avons pas étugué comme vous,

Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous.

Philaminte

Ah ! peut-on y tenir ? Bélise

Quel solécisme horrible !

Philaminte

En voilà pour tuer une oreille sensible.

Bélise

Ton esprit, je l’avoue, est bien matériel.

Je n’est qu’un singulier, avons est pluriel.

Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ?

Martine

Qui parle d’offenser grand’mère ni grand-père ?

Philaminte

O Ciel !

Bélise

Grammaire est prise à contre-sens par toi,

Et je t’ai dit déjà d’où vient ce mot.

Martine

Ma foi !

Qu’il vienne de Chaillot, d’Auteuil, ou de Pontoise,

Cela ne me fait rien.

Bélise

Quelle âme villageoise !

La grammaire, du verbe et du nominatif,

Comme de l’adjectif avec le substantif,

Nous enseigne les lois. Martine

J’ai, Madame, à vous dire

Que je ne connois point ces gens-là.

Philaminte

Quel martyre !

Bélise

Ce sont les noms des mots, et l’on doit regarder

En quoi c’est qu’il les faut faire ensemble accorder.

Martine

Qu’ils s’accordent entr’eux, ou se gourment, qu’importe ?

Philaminte, à sa soeur.

Eh ! mon Dieu ! finissez un discours de la sorte.

(A son mari.)

Vous ne voulez pas, vous, me la faire sortir ?

Chrysale

Si fait. A son caprice il me faut consentir.

Va, ne l’irrite point : retire-toi, Martine.

Philaminte

Comment ? vous avez peur d’offenser la coquine ?

Vous lui parlez d’un ton tout à fait obligeant ?

Chrysale

Moi ? point. Allons, sortez. (Bas.) Va-t’en, ma pauvre enfant. Scène VII

Philaminte, Chrysale, Bélise

Chrysale

Vous êtes satisfaite, et la voilà partie ;

Mais je n’approuve point une telle sortie ;

C’est une fille propre aux choses qu’elle fait,

Et vous me la chassez pour un maigre sujet.

Philaminte

Vous voulez que toujours je l’aye à mon service

Pour mettre incessamment mon oreille au supplice ?

Pour rompre toute loi d’usage et de raison,

Par un barbare amas de vices d’oraison,

De mots estropiés, cousus par intervalles,

De proverbes traînés dans les ruisseaux des Halles ?

Bélise

Il est vrai que l’on sue à souffrir ses discours :

Elle y met Vaugelas en pièces tous les jours ;

Et les moindres défauts de ce grossier génie

Sont ou le pléonasme, ou la cacophonie.

Chrysale

Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas,

Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ?

J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes,

Elle accommode mal les noms avec les verbes, Et redise cent fois un bas ou méchant mot,

Que de brûler ma viande, ou saler trop mon pot.

Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.

Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage ;

Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots,

En cuisine peut-être auroient été des sots.

Philaminte

Que ce discours grossier terriblement assomme !

Et quelle indignité pour ce qui s’appelle homme

D’être baissé sans cesse aux soins matériels,

Au lieu de se hausser vers les spirituels !

Le corps, cette guenille, est-il d’une importance,

D’un prix à mériter seulement qu’on y pense,

Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin ?

Chrysale

Oui, mon corps est moi-même, et j’en veux prendre soin.

Guenille si l’on veut, ma guenille m’est chère.

Bélise

Le corps avec l’esprit fait figure, mon frère ;

Mais si vous en croyez tout le monde savant,

L’esprit doit sur le corps prendre le pas devant ;

Et notre plus grand soin, notre première instance,

Doit être à le nourrir du suc de la science. Chrysale

Ma foi ! si vous songez à nourrir votre esprit,

C’est de viande bien creuse, à ce que chacun dit,

Et vous n’avez nul soin, nulle sollicitude

Pour…

Philaminte

Ah ! sollicitude à mon oreille est rude :

Il put étrangement son ancienneté.

Bélise

Il est vrai que le mot est bien collet monté.

Chrysale

Voulez-vous que je dise ? il faut qu’enfin j’éclate,

Que je lève le masque, et décharge ma rate :

De folles on vous traite, et j’ai fort sur le coeur…

Philaminte

Comment donc ?

Chrysale

C’est à vous que je parle, ma soeur.

Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;

Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.

Vos livres éternels ne me contentent pas,

Et hors un gros Plutarque à mettre mes rabats,

Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,

Et laisser la science aux docteurs de la ville ; M’ôter, pour faire bien, du grenier de céans

Cette longue lunette à faire peur aux gens,

Et cent brimborions dont l’aspect importune ;

Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune,

Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous,

Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.

Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,

Qu’une femme étudie et sache tant de choses.

Former aux bonnes moeurs l’esprit de ses enfants,

Faire aller son ménage, avoir l’oeil sur ses gens,

Et régler la dépense avec économie,

Doit être son étude et sa philosophie.

Nos pères sur ce point étoient gens bien sensés,

Qui disoient qu’une femme en sait toujours assez

Quand la capacité de son esprit se hausse

A connoître un pourpoint d’avec un haut de chausse.

Les leurs ne lisoient point, mais elles vivoient bien ;

Leurs ménages étoient tout leur docte entretien,

Et leurs livres un dé, du fil et des aiguilles,

Dont elles travailloient au trousseau de leurs filles.

Les femmes d’à présent sont bien loin de ces moeurs :

Elles veulent écrire, et devenir auteurs.

Nulle science n’est pour elles trop profonde,

Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde :

Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir,

Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir ;

On y sait comme vont lune, étoile polaire,

Vénus, Saturne et Mars, dont je n’ai point affaire ;

Et, dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin, On ne sait comme va mon pot, dont j’ai besoin.

Mes gens à la science aspirent pour vous plaire,

Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ;

Raisonner est l’emploi de toute ma maison,

Et le raisonnement en bannit la raison :

L’un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire ;

L’autre rêve à des vers quand je demande à boire ;

Enfin je vois par eux votre exemple suivi,

Et j’ai des serviteurs, et ne suis point servi.

Une pauvre servante au moins m’étoit restée,

Qui de ce mauvais air n’étoit point infectée,

Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas,

A cause qu’elle manque à parler Vaugelas.

Je vous le dis, ma soeur, tout ce train-là me blesse,

(Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse),

Je n’aime point céans tous vos gens à latin,

Et principalement ce Monsieur Trissotin :

C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées ;

Tous les propos qu’il tient sont des billevesées ;

On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé,

Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.

Philaminte

Quelle bassesse, ô Ciel, et d’âme, et de langage !

Bélise

Est-il de petits corps un plus lourd assemblage !

Un esprit composé d’atomes plus bourgeois !

Et de ce même sang se peut-il que je sois !

Je me veux mal de mort d’être de votre race,

Et de confusion j’abandonne la place. Scène VIII

Philaminte, Chrysale

Philaminte

Avez-vous à lâcher encore quelque trait ?

Chrysale

Moi ? Non. Ne parlons plus de querelle : c’est fait.

Discourons d’autre affaire. A votre fille aînée

On voit quelque dégoût pour les noeuds d’hyménée :

C’est une philosophe enfin, je n’en dis rien,

Elle est bien gouvernée, et vous faites fort bien.

Mais de toute autre humeur se trouve sa cadette,

Et je crois qu’il est bon de pourvoir Henriette,

De choisir un mari…

Philaminte

C’est à quoi j’ai songé,

Et je veux vous ouvrir l’intention que j’ai.

Ce Monsieur Trissotin dont on nous fait un crime,

Et qui n’a pas l’honneur d’être dans votre estime,

Est celui que je prends pour l’époux qu’il lui faut,

Et je sais mieux que vous juger de ce qu’il vaut :

La contestation est ici superflue,

Et de tout point chez moi l’affaire est résolue,

Au moins ne dites mot du choix de cet époux :

Je veux à votre fille en parler avant vous ;

J’ai des raisons à faire approuver ma conduite,

Et je connoîtrai bien si vous l’aurez instruite. Scène IX

Ariste, Chrysale

Ariste

Hé bien ? la femme sort, mon frère, et je vois bien

Que vous venez d’avoir ensemble un entretien.

Chrysale

Oui.

Ariste

Quel est le succès ? Aurons-nous Henriette ?

A-t-elle consenti ? l’affaire est-elle faite ?

Chrysale

Pas tout à fait encor.

Ariste

Refuse-t-elle ?

Chrysale

Non.

Ariste

Est-ce qu’elle balance ?

Chrysale

En aucune façon. Ariste

Quoi donc ?

Chrysale

C’est que pour gendre elle m’offre un autre homme.

Ariste

Un autre homme pour gendre !

Chrysale

Un autre.

Ariste

Qui se nomme ?

Chrysale

Monsieur Trissotin.

Ariste

Quoi ? ce Monsieur Trissotin…

Chrysale

Oui, qui parle toujours de vers et de latin.

Ariste

Vous l’avez accepté ?

Chrysale

Moi, point, à Dieu ne plaise. Ariste

Qu’avez-vous répondu ?

Chrysale

Rien ; et je suis bien aise

De n’avoir point parlé, pour ne m’engager pas.

Ariste

La raison est fort belle, et c’est faire un grand pas.

Avez-vous su du moins lui proposer Clitandre ?

Chrysale

Non ; car, comme j’ai vu qu’on parloit d’autre gendre,

J’ai cru qu’il étoit mieux de ne m’avancer point.

Ariste

Certes votre prudence est rare au dernier point !

N’avez-vous point de honte avec votre mollesse ?

Et se peut-il qu’un homme ait assez de foiblesse

Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu,

Et n’oser attaquer ce qu’elle a résolu ?

Chrysale

Mon Dieu ! vous en parlez, mon frère, bien à l’aise,

Et vous ne savez pas comme le bruit me pèse.

J’aime fort le repos, la paix, et la douceur,

Et ma femme est terrible avecque son humeur.

Du nom de philosophe elle fait grand mystère ;

Mais elle n’en est pas pour cela moins colère ; Et sa morale, faite à mépriser le bien,

Sur l’aigreur de sa bile opère comme rien.

Pour peu que l’on s’oppose à ce que veut sa tête,

On en a pour huit jours d’effroyable tempête.

Elle me fait trembler dès qu’elle prend son ton ;

Je ne sais où me mettre, et c’est un vrai dragon ;

Et cependant, avec toute sa diablerie,

Il faut que je l’appelle et « mon coeur » et « ma mie ».

Ariste

Allez, c’est se moquer. Votre femme, entre nous,

Est par vos lâchetés souveraine sur vous.

Son pouvoir n’est fondé que sur votre foiblesse,

C’est de vous qu’elle prend le titre de maîtresse ;

Vous-même à ses hauteurs vous vous abandonnez,

Et vous faites mener en bête par le nez.

Quoi ? vous ne pouvez pas, voyant comme on vous nomme,

Vous résoudre une fois à vouloir être un homme ?

A faire condescendre une femme à vos voeux,

Et prendre assez de coeur pour dire un : « Je le veux » ?

Vous laisserez sans honte immoler votre fille

Aux folles visions qui tiennent la famille,

Et de tout votre bien revêtir un nigaud,

Pour six mots de latin qu’il leur fait sonner haut,

Un pédant qu’à tous coups votre femme apostrophe

Du nom de bel esprit, et de grand philosophe,

D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala,

Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela ?

Allez, encore un coup, c’est une moquerie,

Et votre lâcheté mérite qu’on en rie. Chrysale

Oui, vous avez raison, et je vois que j’ai tort.

Allons, il faut enfin montrer un coeur plus fort,

Mon frère.

Ariste

C’est bien dit.

Chrysale

C’est une chose infâme

Que d’être si soumis au pouvoir d’une femme.

Ariste

Fort bien.

Chrysale

De ma douceur elle a trop profité.

Ariste

Il est vrai.

Chrysale

Trop joui de ma facilité.

Ariste

Sans doute.

Chrysale

Et je lui veux faire aujourd’hui connoître

Que ma fille est ma fille, et que j’en suis le maître

Pour lui prendre un mari qui soit selon mes voeux. Ariste

Vous voilà raisonnable, et comme je vous veux.

Chrysale

Vous êtes pour Clitandre, et savez sa demeure :

Faites-le-moi venir, mon frère, tout à l’heure.

Ariste

J’y cours tout de ce pas.

Chrysale

C’est souffrir trop longtemps,

Et je m’en vais être homme à la barbe des gens.

LES FEMMES SAVANTES – MOLIÈRE > ACTE III

Acte III

Scène I

Philaminte, Armande, Bélise, Trissotin, L’Epine

Philaminte

Ah ! mettons-nous ici, pour écouter à l’aise

Ces vers que mot à mot il est besoin qu’on pèse.

Armande

Je brûle de les voir.

Bélise

Et l’on s’en meurt chez nous.

Philaminte

Ce sont charmes pour moi que ce qui part de vous.

Armande

Ce m’est une douceur à nulle autre pareille.

Bélise

Ce sont repas friands qu’on donne à mon oreille.

Philaminte

Ne faites point languir de si pressants desirs.

Armande

Dépêchez. Bélise

Faites tôt, et hâtez nos plaisirs.

Philaminte

A notre impatience offrez votre épigramme.

Trissotin

Hélas ! c’est un enfant tout nouveau-né, Madame.

Son sort assurément a lieu de vous toucher,

Et c’est dans votre cour, que j’en viens d’accoucher.

Philaminte

Pour me le rendre cher, il suffit de son père.

Trissotin

Votre approbation lui peut servir de mère.

Bélise

Qu’il a d’esprit ! Scène II

Henriette, Philaminte, Armande, Bélise, Trissotin, L’Epine

Philaminte

Holà ! pourquoi donc fuyez-vous ?

Henriette

C’est de peur de troubler un entretien si doux.

Philaminte

Approchez, et venez, de toutes vos oreilles,

Prendre part au plaisir d’entendre des merveilles.

Henriette

Je sais peu les beautés de tout ce qu’on écrit,

Et ce n’est pas mon fait que les choses d’esprit.

Philaminte

Il n’importe : aussi bien ai-je à vous dire ensuite

Un secret dont il faut que vous soyez instruite.

Trissotin

Les sciences n’ont rien qui vous puisse enflammer,

Et vous ne vous piquez que de savoir charmer.

Henriette

Aussi peu l’un que l’autre, et je n’ai nulle envie… Bélise

Ah ! songeons à l’enfant nouveau-né, je vous prie.

Philaminte

Allons, petit garçon, vite de quoi s’asseoir.

(Le laquais tombe avec la chaise.)

Voyez l’impertinent ! Est ce que l’on doit choir,

Après avoir appris l’équilibre des choses ?

Bélise

De ta chute, ignorant, ne vois-tu pas les causes,

Et qu’elle vient d’avoir du point fixe écarté

Ce que nous appelons centre de gravité ?

L’Epine

Je m’en suis aperçu, Madame, étant par terre.

Philaminte

Le lourdaud !

Trissotin

Bien lui prend de n’être pas de verre.

Armande

Ah ! de l’esprit partout !

Bélise

Cela ne tarit pas. Philaminte

Servez-nous promptement votre aimable repas.

Trissotin

Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose,

Un plat seul de huit vers me semble peu de chose,

Et je pense qu’ici je ne ferai pas mal

De joindre à l’épigramme, ou bien au madrigal,

Le ragoût d’un sonnet, qui chez une princesse

A passé pour avoir quelque délicatesse.

Il est de sel attique assaisonné partout,

Et vous le trouverez, je crois, d’assez bon goût.

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