L’éternel mari

Chapitre 15Règlement de comptes

— Avez-vous vu ? Avez-vous vu ? s’écria PavelPavlovitch en bondissant vers Veltchaninov, sitôt que le jeunehomme fut sorti.

— Eh ! oui, vous n’avez pas de chance ! fitVeltchaninov.

Il n’eût pas laissé échapper cette parole s’il n’eût étéexaspéré par la douleur croissante qui lui torturait la poitrine.Pavel Pavlovitch tressaillit comme s’il ressentait une brûlure.

— Eh bien, et votre rôle, à vous, dans tout cela ? C’estsans doute par compassion pour moi que vous ne m’avez pas rendu lebracelet, hein ?

— Je n’ai pas eu le temps…

— C’est parce que vous me plaigniez de tout votre cœur, comme unvéritable ami plaint un véritable ami ?

— Eh bien, soit ! je vous plaignais, dit Veltchaninov,commençant à s’emporter.

Cependant, il lui raconta en quelques mots comment il avait étéforcé d’accepter le bracelet, comment Nadéjda Fédoséievna l’avaitcontraint à se mêler de cette affaire…

— Vous comprenez bien que je ne voulais m’en charger à aucunprix ; j’ai déjà bien assez d’ennuis sans cela !

— Vous vous êtes laissé attendrir, et vous avez accepté !ricana Pavel Pavlovitch.

— Vous savez bien que ce que vous dites là est stupide ;mais il faut vous pardonner… Vous avez vu tout à l’heure que cen’est pas moi qui joue le rôle principal dans cetteaffaire !

— Enfin, il n’y a pas à dire, vous vous êtes laisséattendrir.

Pavel Pavlovitch s’assit et remplit son verre.

— Vous vous imaginez que je vais céder la place à cegamin ? Je le briserai comme un fétu, voilà ce que jeferai ! Dès demain, j’irai là-bas, et je mettrai bon ordre àtout cela. Nous balaierons toutes ces puérilités…

Il vida son verre presque d’un trait et s’en versa unautre ; il agissait avec un sans-gêne extraordinaire.

— Ha ! ha ! Nadenka et Sachenka, les charmantsenfants ! Ha ! ha ! ha !

Il ne se tenait plus de fureur. Un violent coup de tonnerreéclata, tandis que brillait un éclair, et la pluie se mit à tomberà torrents. Pavel Pavlovitch se leva et alla fermer la fenêtre.

— Il vous demandait tout à l’heure si vous avez peur dutonnerre… Ha ! ha ! Veltchaninov, avoir peur du tonnerre…Et puis son Kobylnikov ! c’est bien cela, n’est-ce pas ?oui, Kobylnikov !… Et puis vos cinquante ans ! Ha !ha ! Vous vous rappelez ? fit Pavel Pavlovitch d’un airmoqueur.

— Vous êtes installé ici… — dit Veltchaninov, qui pouvait àpeine parler, tant il souffrait, — moi, je vais me coucher… Vousferez ce qu’il vous plaira.

— On ne mettrait pas un chien dehors par un temps pareil !grogna Pavel Pavlovitch, blessé de l’observation, et presqueenchanté qu’une occasion lui permît de se montrer offensé.

— C’est bon ! restez assis, buvez… passez la nuit comme ilvous plaira ! murmura Veltchaninov ; il s’allongea sur ledivan et gémit faiblement.

— Passer la nuit ici ?… Vous n’avez pas peur ?

— Peur de quoi ? demanda Veltchaninov en relevantbrusquement la tête.

— Mais que sais-je, moi ? L’autre fois vous avez eu unepeur terrible, au moins à ce qu’il m’a semblé…

— Vous êtes un imbécile ! cria Veltchaninov hors delui ; et il se tourna vers le mur.

— C’est bon, n’en parlons plus ! fit Pavel Pavlovitch.

À peine le malade se fut-il étendu qu’il s’endormit. Après lasurexcitation factice qui l’avait tenu debout toute cette journéeet dans ces derniers temps, il restait faible comme un enfant. Maisle mal reprit le dessus et vainquit la fatigue et le sommeil : aubout d’une heure, Veltchaninov se réveilla et se dressa sur ledivan avec des gémissements de douleur. L’orage avait cessé ;la chambre était pleine de fumée de tabac, la bouteille était videsur la table, et Pavel Pavlovitch dormait sur l’autre divan. Ils’était couché tout de son long ; il avait gardé ses vêtementset ses bottes. Son lorgnon avait glissé de sa poche et pendait aubout du fil de soie, presque au ras du plancher. Son chapeau avaitroulé à terre, non loin de lui.

Veltchaninov le regarda avec humeur et ne l’éveilla pas. Il seleva et marcha par la chambre : il n’avait plus la force de restercouché ; il gémissait et songeait à sa maladie avecangoisse.

Il en avait peur, non sans motif. Il y avait longtemps qu’ilétait sujet à ces crises, mais, au début, elles ne revenaient qu’àde longs intervalles, au bout d’un an, de deux ans. Il savait quecela venait du foie. Cela commençait par une douleur au creux del’estomac, ou un peu plus haut, une douleur sourde, assez faible,mais exaspérante. Puis la douleur grandissait, peu à peu, sansdiscontinuer, parfois pendant dix heures, à la file, et finissaitpar avoir une telle violence, par être si intolérable, que lemalade voyait venir la mort. Lors de la dernière crise, un anauparavant, après cette exacerbation progressive de la douleur, ils’était trouvé si épuisé qu’il pouvait à peine bouger encore lamain ; le médecin ne lui avait permis durant toute cettejournée qu’un peu de thé léger, un peu de pain trempé dans dubouillon. Les crises survenaient pour des motifs très divers ;mais toujours elles apparaissaient à la suite d’ébranlementsnerveux excessifs. Elles n’évoluaient pas toujours de la mêmemanière : parfois on parvenait à les étrangler dès le début, dès lapremière demi-heure, par l’application de simples compresseschaudes ; d’autres fois, tous les remèdes restaientimpuissants, et l’on n’arrivait à calmer la douleur à la longuequ’à force de vomitifs ; la dernière fois, par exemple, lemédecin déclara, après coup, qu’il avait cru à unempoisonnement.

Maintenant, il y avait encore loin jusqu’au matin, et il nevoulait pas que l’on cherchât un médecin tant qu’il feraitnuit ; au reste, il n’aimait pas les médecins. À la fin, il nese contint plus, et il gémit tout haut. Ses plaintes réveillèrentPavel Pavlovitch ; il se souleva sur son divan et resta assisun moment, effaré, écoutant et regardant Veltchaninov, qui couraitcomme un fou par les chambres. Le vin qu’il avait bu avait si bienproduit son effet qu’il fut longtemps sans retrouver sesesprits ; enfin il comprit, s’approcha de Veltchaninov ;l’autre balbutia une réponse.

— C’est du foie que cela vient ; oh ! je connais biencela ! fit Pavel Pavlovitch avec une volubilité surprenante, —Petr Kouzmitch et Polosoukhine ont eu tout à fait la même chose, etc’était le foie… Il faut mettre des compresses bien chaudes. PetrKouzmitch usait toujours de compresses… C’est qu’on peut enmourir ! Voulez-vous que je coure appeler Mavra,dites ?

— Ce n’est pas la peine, ce n’est pas la peine ! — fitVeltchaninov à bout de forces, — je n’ai besoin de rien.

Mais Pavel Pavlovitch était, Dieu sait pourquoi, tout à faithors de lui, aussi bouleversé que s’il se fût agi de sauver sonpropre fils. Il ne voulut rien entendre et insista avec feu : ilfallait absolument mettre des compresses chaudes et puis, parlà-dessus, avaler vivement, d’un trait, deux ou trois tasses de théfaible, aussi chaud que possible, presque bouillant. Il courutchercher Mavra, sans attendre que Veltchaninov le lui permît, laramena à la cuisine, fit du feu, alluma le samovar ; en mêmetemps, il décidait le malade à se coucher, le déshabillait,l’enveloppait d’une couverture ; et au bout de vingt minutes,le thé était prêt, et la première compresse était chauffée.

— Voilà qui fait l’affaire… des assiettes bien chaudes,brûlantes ! — dit-il avec un empressement passionné, enappliquant sur la poitrine de Veltchaninov une assiette enveloppéedans une serviette. — Nous n’avons pas d’autres compresses, et ilserait trop long de s’en procurer… Et puis des assiettes, je peuxvous le garantir, c’est encore ce qu’il y a de meilleur ; j’enai fait l’expérience moi-même, en personne, sur Petr Kouzmitch…C’est que, vous savez, on peut en mourir !… Tenez, buvez cethé, vivement : tant pis, si vous vous brûlez !… Il s’agit devous sauver, il ne s’agit pas de faire des façons.

Il bousculait Mavra, qui dormait encore à demi ; onchangeait les assiettes toutes les trois ou quatre minutes. Aprèsla troisième assiette et la seconde tasse de thé bouillant, avaléed’un trait, Veltchaninov se sentit tout à coup soulagé.

— Quand on parvient à se rendre maître du mal, alors, grâce àDieu ! c’est bon signe ! s’écria Pavel Pavlovitch.

Et il courut tout joyeux chercher une autre assiette et uneautre tasse de thé.

— Le tout, c’est d’empoigner le mal ! Le tout, c’est quenous arrivions à le faire céder ! répétait-il à chaqueinstant.

Au bout d’une demi-heure, la douleur était tout à faitcalmée ; mais le malade était si exténué que, malgré lessupplications de Pavel Pavlovitch, il refusa obstinément de selaisser appliquer « encore une petite assiette ». Ses yeux sefermaient de faiblesse.

— Dormir ! dormir ! murmura-t-il d’une voixéteinte.

— Oui, oui ! fit Pavel Pavlovitch.

— Couchez-vous aussi… Quelle heure est-il ?

— Il va être deux heures moins un quart.

— Couchez-vous.

— Oui, oui, je me couche.

Une minute après, le malade appela de nouveau Pavel Pavlovitch,qui accourut et se pencha sur lui.

— Oh ! vous êtes… vous êtes meilleur que moi !…Merci.

— Dormez, dormez ! fit tout bas Pavel Pavlovitch.

Et il retourna vite à son divan, sur la pointe des pieds.

Le malade l’entendit encore faire doucement son lit, ôter sesvêtements, éteindre la bougie, et se coucher à son tour, enretenant son souffle, pour ne pas le troubler.

Veltchaninov dut s’endormir, sans doute, aussitôt que la lumièrefut éteinte ; il se le rappela plus tard très nettement. Mais,durant tout son sommeil, jusqu’au moment où il se réveilla, il luisembla, en rêve, qu’il ne dormait pas, et qu’il ne pouvait arriverà s’endormir, malgré son extrême faiblesse.

Il rêva qu’il se sentait délirer, qu’il ne parvenait pas àchasser les images obstinément pressées devant son esprit, bienqu’il eût pleinement conscience que c’était là des visions et nondes réalités. Il reconnaissait toute la scène : sa chambre étaitpleine de gens, et la porte, dans l’ombre, restait ouverte ;les gens entraient en foule, montaient l’escalier, en rangs serrés.Au milieu de la chambre, près de la table, un homme était assis,exactement comme dans son rêve d’il y a un mois. De même qu’alors,l’homme restait assis, accoudé sur la table, sans parler ;mais cette fois il portait un chapeau entouré d’un crêpe. «Comment ? c’était donc Pavel Pavlovitch, l’autre foisaussi ? » pensa Veltchaninov ; mais, en considérant lestraits de l’homme silencieux, il se convainquit que c’étaitquelqu’un d’autre. « Mais pourquoi donc porte-t-il un crêpe ?» songea-t-il. La foule pressée autour de la table parlait, criait,et le tumulte était terrible. Ces gens semblaient plus irritéscontre Veltchaninov, plus menaçants que dans l’autre rêve ;ils tendaient les poings vers lui, et criaient à tue-tête ;que criaient-ils, que voulaient-ils, il ne parvenait pas à lecomprendre.

« Mais voyons, tout cela n’est que du délire ! songea-t-il,je sais bien que je n’ai pu m’endormir, que je me suis levé, que jesuis debout, parce que je ne pouvais rester couché, tant jesouffrais !… » Et pourtant les cris, les gens, les gestes,tout lui apparaissait avec une si parfaite netteté, avec un tel airde réalité, que par moments il lui venait des doutes : « Est-cebien vraiment une hallucination que tout cela ? Que meveulent-ils donc, ces gens, mon Dieu ! Mais… si tout celan’est pas du délire, comment est-il possible que ces cris neréveillent pas Pavel Pavlovitch ? Car enfin il dort, il estlà, sur le divan ! »

À la fin, il arriva ce qui était arrivé dans l’autre rêve : tousrefluèrent vers la porte et se ruèrent dans l’escalier, et furentrejetés dans la chambre par une nouvelle foule qui montait. Lesnouveaux arrivants portaient quelque chose, quelque chose de grandet de lourd ; on entendait résonner dans l’escalier les paspesants des porteurs ; des rumeurs montaient, des voix horsd’haleine. Dans la chambre, tous crièrent : « On l’apporte : onl’apporte ! » Les yeux étincelèrent et se braquèrent,menaçants, sur Veltchaninov ; et violemment, du geste, on luidésigna l’escalier. Déjà, il ne doutait plus que tout cela fût, nonpas une hallucination, mais une réalité ; il se haussa sur lapointe des pieds pour apercevoir plus vite, par-dessus les têtes,ce qu’on apportait. Son cœur battait, battait, battait, et soudain,exactement comme dans l’autre rêve, trois violents coups desonnette retentirent. Et de nouveau ils étaient si clairs, siprécis, si distincts, qu’il n’était pas possible qu’ils ne fussentpas réels !… Il poussa un cri et se réveilla.

Mais il ne courut pas à la porte, comme l’autre fois. Quelleidée subite dirigea son premier mouvement ?… Est-ce même uneidée quelconque qui à ce moment le fit agir ?… Ce fut comme siquelqu’un lui disait ce qu’il fallait faire ; il se dressavivement sur son lit, se jeta en avant, droit vers le divan oùdormait Pavel Pavlovitch, les mains tendues, comme pour prévenir,repousser une attaque. Ses mains rencontrèrent d’autres mains,tendues vers lui ; il les saisit fortement ; quelqu’unétait là, debout, penché vers lui. Les rideaux étaient fermés, maisl’obscurité n’était pas complète ; il venait une faible lueurde la pièce voisine, qui n’avait pas de rideaux opaques. Tout àcoup, une douleur terrible lui déchira la paume et les doigts de lamain gauche, et il comprit qu’il avait saisi fortement de cettemain le tranchant d’un couteau ou d’un rasoir. Au même moment, ilentendit le bruit sec d’un objet qui tombait à terre.

Veltchaninov était bien trois fois plus fort que PavelPavlovitch ; pourtant la lutte fut longue, dura quatre ou cinqminutes. Enfin il le terrassa, lui ramena les mains derrière ledos, pour les lui lier, tout de suite. Il tint ferme l’assassin dela main gauche, et, de l’autre chercha quelque chose qui pût servirde lien, le cordon des rideaux de la fenêtre ; il tâtonnalongtemps, le trouva enfin, et l’arracha. Il fut surpris lui-même,ensuite, de la vigueur extraordinaire que cet effort lui avaitdemandée.

Durant ces trois minutes, ni lui, ni l’autre, ne dit un seulmot ; rien ne s’entendait, que leur souffle haletant, et lebruit sourd de la lutte. Quand il fut parvenu à lier les mains dePavel Pavlovitch, il le laissa couché à terre, se releva, alla à lafenêtre, écarta les rideaux. La rue était déserte ; le jourcommençait à blanchir. Il ouvrit la fenêtre, y resta quelquesinstants, respirant à pleins poumons l’air frais. Il était près decinq heures. Il referma la fenêtre, alla à l’armoire, prit uneserviette, et en enveloppa solidement sa main gauche, pour arrêterle sang. Il vit à ses pieds le rasoir ouvert, sur le tapis ;il le ramassa, l’essuya, le remit dans la boîte, qu’il avaitoubliée le matin sur une petite table placée près du divan où avaitdormi Pavel Pavlovitch ; et il plaça la boîte dans son bureau,qu’il ferma à clef. Puis il s’approcha de Pavel Pavlovitch, et leconsidéra.

Il avait réussi à se lever à grand-peine et à s’asseoir dans unfauteuil. Il n’était ni habillé, ni chaussé. Sa chemise étaittachée de sang, dans le dos et aux manches ; c’était du sangde Veltchaninov.

C’était assurément Pavel Pavlovitch, mais il étaitméconnaissable, tant ses traits étaient décomposés. Il était assis,les mains liées derrière le dos, faisant effort pour se tenirdroit, le visage ravagé, convulsé, vert à force de pâleur ; detemps en temps, il tremblait. Il regardait Veltchaninov d’un regardfixe, mais éteint, d’un œil qui ne voyait pas. Tout à coup, il eutun sourire stupide et égaré, désigna d’un mouvement de la tête lacarafe, sur la table, et dit, en bégayant, tout bas :

— À boire…

Veltchaninov remplit un verre d’eau et le fit boire, de sa main.Pavel Pavlovitch aspirait l’eau gloutonnement ; il but troisgorgées, puis releva la tête, regarda très fixement, en face,Veltchaninov qui restait debout devant lui, le verre en main ;il ne dit rien, et recommença à boire. Quand il eut fini, ilrespira profondément. Veltchaninov prit son oreiller, sesvêtements, passa dans la pièce voisine et enferma Pavel Pavlovitchà clef dans la chambre où il se trouvait.

Ses souffrances de la nuit avaient complètement cessé, mais safaiblesse redevint extrême, après le prodigieux effort qu’il venaitde déployer. Il essaya de réfléchir à ce qui s’était passé ;mais ses idées ne parvenaient pas à se coordonner : la secousseavait été trop forte. Il s’assoupit, sommeilla quelques minutes,puis soudain trembla de tous ses membres, se réveilla, se rappelatout ; il souleva avec précaution sa main gauche, toujoursenveloppée dans la serviette humide de sang, et se mit à réfléchir,avec une agitation fébrile. Un seul point était parfaitement clairpour lui : c’est que Pavel Pavlovitch avait effectivement voulul’égorger, mais que peut-être un quart d’heure avant de faire lecoup il ignorait lui-même qu’il le ferait. Peut-être la boîte auxrasoirs lui avait-elle sauté aux yeux, la veille au soir, sansqu’il eût aucune préméditation, et le souvenir de ces rasoirsavait-il agi ensuite, comme une obsession. (Les rasoirs,d’ordinaire, étaient enfermés à clef dans le bureau ; laveille, Veltchaninov s’en était servi, et les avait laissés dehorspar mégarde.)

« S’il avait été résolu à me tuer, il se serait muni d’unpoignard ou d’un pistolet ; il ne pouvait compter sur mesrasoirs, qu’il n’avait encore jamais vus », songea-t-il.

Enfin, six heures sonnèrent. Veltchaninov revint à lui,s’habilla, et retourna vers Pavel Pavlovitch. En ouvrant la porte,il ne put s’expliquer pourquoi il avait enfermé Pavel Pavlovitch,pourquoi il ne l’avait pas chassé sur-le-champ hors de chez lui. Ilfut surpris de le trouver tout habillé : le prisonnier étaitparvenu à défaire ses liens. Il était assis dans le fauteuil ;il se leva quand Veltchaninov entra. Il tenait son chapeau à lamain. Son regard trouble disait : « Il est inutile de parler ;il n’y a rien à dire ; il n’y a pas à parler… »

— Allez ! dit Veltchaninov. Prenez votre écrin,ajouta-t-il.

Pavel Pavlovitch revint jusqu’à la table, prit l’écrin, le mitdans sa poche et se dirigea vers l’escalier. Veltchaninov étaitdebout près de la porte, pour la fermer sur lui. Leurs regards serencontrèrent une dernière fois. Pavel Pavlovitch s’arrêta court.Pendant cinq secondes ils se regardèrent en face, les yeux dans lesyeux, comme indécis. Enfin Veltchaninov lui fit signe de lamain.

— Allez ! dit-il à demi voix.

Et il ferma la porte à clef.

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