Lubin ou le Sot vangé

SCENE V.

 

LUBIN, LUBINE.

 

LUBIN.

Diable soit ta chienne de vie !

Dit, Carogne as-tu point envie

De me traitter plus doucement ?

LUBINE.

Va : reporte la seulement

Au boucher, & sans plus attendre,

LUBIN.

Il ne voudra pas reprendre,

LUBINE.

Mais me veux tu faire enrager ?

Crois-tu que je puisse manger

De cette teste ? Va la rendre.

LUBIN.

Il ne la voudra pas reprendre.

LUBINE.

Elle put, ne la sens tu pas,

Dis luy qu’on la sent de dix pas,

Et qu’il jouë à se faire pendre.

LUBIN.

Il ne la voudra pas reprendre.

LUBINE.

Si tu me fais prendre un baston.

Mais voyez son diable de ton !

Il ne la voudra pas reprendre !

Ma foy ! si tu me fais teprendre !

Je te donneray du gros bout,

Et dessus le ventre & par tout

Chien de cornard.

LUBIN.

Je le confesse,

Quand tu n’estois que ma maistresse,

Voyant tout ce que tu faisois

Je vis bien que je le serois ;

Et le diable ayant l’avantage

D’avoir fait nostre mariage,

Il n’a pas trop mal reussi,

Car il le vouloit bien aussi.

LUBINE.

Ah ! que de t’avoir je suislasse :

L’on me montre au doigt quand je passe,

Voila la femme de ce gueux,

Dit-on.

LUBIN.

Moy l’on me montre à deux.

LUBINE.

Moy, t’avoir pris ! moy qui suisfille

D’un bon Tapissier de la ville.

LUBIN.

C’est pourquoy, l’on me l’a bien dit,

Tu fais de si bons tours de lit.

LUBINE.

Quoy tu veux jaser, chien d’yvrogne !

Reporte donc cette charogne,

Ou je te vay rompre les bras.

LUBIN.

J’y vay, ne me frappe donc pas :

Mais comme il ne la pourra vendre :

Il ne la voudra pas reprendre.

LUBINE.

Encore : tu le payeras

Aussi-tost que tu reviendras :

Ne suis-je pas bien miserable

D’avoir pris un homme semblable ?

Ce gueux estoit distributeur

De ces billets d’Operateur

Il gagnoit deux sous la journée.

Regardez combien c’est l’année,

Sans aller conter par ses doigts

C’est tout juste un écu par mois.

N’est-ce pas pour faire grand chere.

C’estoit un objet de misere,

Il estoit tout deguenillé,

Voyez comme il est habillé,

Cependant depuis peu le traistre !

Voudroit je croy faire le maistre !

Il ne veut que ce qu’il luy plaist.

Le sot, je l’ay fait ce qu’il est.

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