SCENE VI.
LUBIN, l’ayant écoutée.
Est-ce une si belle besogne
Pour t’en oser vanter, carogne ?
Fay moy, du moins, m’ayant fait sot
La grace de n’en dire mot.
Dans l’heureux âge d’innocence
L’on estoit toûjours dans l’enfance ;
L’homme et la femme estoient heureux,
Ils joüoient à de petits jeux,
Comme à Pont neuf, à Climusette,
Ou bien à ry ry Bouliette,
Au pied de bœuf, aux osselets,
A d’autres plus beaux, ou plus laids,
Au corbillon, à la pantouffle,
En veux-tu plaider siffle souffle.
A Colin-maillard, aux combats,
A cache cache Mitoulas,
Au combien, à la sage femme,
A l’accouchée, au Trou-Madame :
L’un d’eux disoit changeons de jeu,
Joüons à la queuë leu leu,
Il est bien plus beau ; ce me semble,
Car on se tient toûjours ensemble.
La femme après avoir bien ry
Prenoit la queuë à son mary.
Et le tout avec innocence,
Mais nous sommes en recompense
Depuis ce temps là qui n’est plus
Un nombre infiny de Cocus :
Ma femme a franchi la parole,
Je le suis & je me console,
Et quantité qui font icy
S’en doivent consoler aussi.
Je suis bien le plus miserable,
Car je suis battu comme un diable
D’un drole qui fait les yeux doux
Qui mange & qui couche cheznous :
N’est-ce pas pour estre en colere ?
Elle l’appelle son compere,
Il est prés d’elle jour et nuit.
Il couche dans nostre grand lit,
Moy dessous dans une roulette,
Ma femme dans une couchette
Sous un pavillon chaudement.
Le soir on me dit rudement
Couppe du pain bis & du beure :
Et te va coucher de bonne heure,
Quand j’ay souppé de mon pain bis,
Que j’ay decrotté leurs habits,
Que toute ma besogne est faite
Je me jette dans ma roulette,
Mais elle & son passionné
Sont jusques à minuit sonné…
