Une Vengeance Anglaise

Chapitre 4

 

On était au mois de juin 1839.

Le soleil sortait étincelant de l’horizon, et couvrait de lamesd’or les plaines d’euphorbes et d’aloès qui entourent la ville deCalcutta ; des myriades d’oiseaux couleur de rubis chantaientdans les bouquets de bananiers ; toute la nature enfinsemblait s’éveiller amoureuse sous les fraîches caresses dujour.

À cette heure, une petite caravane de chasseurs partit deCalcutta et se dirigea vers une vieille ruine située à environtrois milles de la ville.

En tête s’avançaient cinq hommes à cheval suivis à peu dedistance par deux jeunes femmes en élégant costume d’amazone ;immédiatement après marchaient quatre énormes éléphants de chasse,conduits par leurs mahouts ou cornacs.

Arrivée à un mille de Calcutta, la petite caravane s’arrêta, leséléphants s’agenouillèrent, sur l’ordre de leurs cornacs, on leurappliqua des échelles le long de la carapace, et les chasseurs, àl’exception de deux, montèrent et s’assirent dans leshowdahs.

Puis le jemidar donna le signal, et l’on partit àtravers la plaine.

Les deux chasseurs qui avaient dédaigné les éléphants s’étaientremis en route et, tout en causant, ils précédaient la caravane,qui avançait lentement.

– Savez-vous, major Turner, dit tout à coup l’un d’eux àson compagnon, que plus je parcours les environs de la capitale duBengale, plus j’admire la puissance de la compagnie desIndes ; voyez plutôt ce qu’elle a pu faire en si peu de temps,avec le seul aide de ses guinées et de la nature.

– C’est vrai ! répondit laconiquement le major.

– Vous avez à Calcutta, poursuivit son interlocuteur, desédifices qui le disputent en élégance aux plus beaux palais deLondres, qui est cependant la première cité du monde. La Banque,l’hôtel des Douanes, l’hôtel des Monnaies, le palais duGouvernement, les immenses chantiers de Kiderpoor, tout celaatteste la grandeur de la Compagnie, ou je ne m’y connaispas ! comme disent les Français. Et je ne parle pas encore dufort Williams, qui est certes la plus belle citadelle qui soit dansl’Inde et même en Europe… Savez-vous bien, major Turner, que lefort Williams reçoit sur ses bastions trois cents piècesd’artillerie, qu’il peut contenir quinze mille soldats, et qu’il nefaudrait pas moins de dix mille hommes pour le défendre. LaCompagnie a fait les choses comme il convient aux représentantsd’une grande nation, et je sais, par les statistiques les plusofficielles, que les dépenses occasionnées par le fort Williamsdepuis qu’il existe, atteignent le chiffre énorme de 2millions sterling.

Le major Turner venait d’allumer un cigare, il en présenta un àson interlocuteur.

– Merci, répondit ce dernier, le matin, à jeun, la fumée decigare m’est insupportable, et si tous les gentlemen de Londres meressemblaient, les dix huit cents marchands de tabac que cetteville renferme seraient obligés de fermer boutique.

Ils traversaient en ce moment un champ semé de noyers, decardamomes et de girofliers ; l’air était fortement imprégnédes senteurs pénétrantes des arbres à épices, et la caravanepouvait s’avancer, sans crainte que le gibier qu’elle voulaitsurprendre ne fût prévenu par les émanations humaines.

Il s’agissait bel et bien d’une véritable chasse au tigre. Laveille on était venu avertir le major Turner que l’on avaitdécouvert trois tigres dans les environs, et ce dernier avaitimmédiatement ordonné une chasse pour le lendemain.

Une chasse au tigre, comme les Anglais savent les faire, etcomme Méry sait les décrire, c’est une bonne fortune ! On n’apoint de pareils spectacles en Europe, et les habitants deCalcutta, eux-mêmes, en sont très-friands. – La caravane secomposait de personnages que le lecteur connaît en partie.

En première ligne, venait le major Turner, qui était retourné àCalcutta après avoir épousé miss Ophélia Bonnington. Il y avaitensuite M. Bonnington lui-même et deux commis de laCompagnie ; puis enfin, M. Gus-Brough, l’honorable membrede la Société de statistique. Quant aux deux femmes, c’étaientmilady Turner, née Ophélia Bonnington, et sa sœur, la jolie missLucy.

L’interlocuteur du major Turner, le lecteur l’a deviné sansdoute, n’était autre que notre ami M. Gus-Brough.

Depuis dix-huit mois, il n’avait pas changé. C’était le mêmehomme, petit, gros et court, et il continuait, à Calcutta, le mêmemétier de statisticien qu’il exerçait à Londres.

M. Bonnington, lui, ne pouvait pas rester en Europe, aprèsle sinistre qui avait frappé sa maison, et il était venu seréfugier dans l’Inde, emportant de ce naufrage une fortuneexcessivement réduite, mais que son travail devait bientôtaugmenter de nouveau. Dans les premiers moments, il voulut rendreau major Turner la parole que celui-ci lui avait donnée ; maisle major était un homme de principes rigides, et il ne se crut pasdégagé par le malheur qui frappait la famille dans laquelle ildevait entrer. Il tenait plus, d’ailleurs, à l’honorabilité deM. Bonnington qu’à sa fortune, et il insista même pour que lemariage se fît dans les délais fixés d’abord. M. Gus-Brough sesentit profondément touché d’un pareil trait de générosité, etaprès s’être fait donner une mission par la Société de statistiquede Londres, il partit pour l’Inde avec ses amis.

Quant à Samuel Hampden, on l’avait laissé fuir sans s’eninquiéter davantage. Il était parti, on ne savait pas ce qu’ilétait devenu, et jamais depuis, on n’avait entendu parler delui.

Miss Lucy avait tout accepté avec une résignationangélique ; elle n’avait fait entendre aucune plainte, niélevé aucune objection ; quand il fallut quitter Londres etpartir pour des pays lointains, elle ne tourna pas une seule foisses regards vers la ville qu’elle abandonnait, nulle larme deregret n’avait mouillé ses joues ; elle monta sur le vaisseaud’un pas sûr, et vit les côtes d’Angleterre s’évanouir etdisparaître à l’horizon sans qu’aucun déchirement se fît dans soncœur. On eût pu prendre facilement son impassibilité pour del’indifférence ; elle resta calme, froide, insensible, etquand son père, effrayé de son attitude, lui demanda anxieusementsi elle ne souffrait pas, si elle ne regrettait rien, elle secouadoucement la tête et essaya un sourire.

– Non, répondit-elle sans effort, non, mon bon père, je nesouffre pas, et je ne regrette rien. Maintenant, j’irai où vousvoudrez me mener, et je serai toujours heureuse d’habiter près devous et avec vous.

M. Bonnington se contenta de cette réponse ; Lucyétait une enfant dévouée et soumise ; elle était si jeuneencore, elle n’avait pas eu le temps de rêver une autre existence.Le père fut rassuré. Mais à partir de ce moment, la pauvre enfantse prit à pâlir, un cercle bleu se dessina autour de ses beauxyeux, désormais sans flamme, et une tristesse douce et calme serépandit sur son front.

Depuis, Lucy était toujours restée la même. Le climat splendidede l’Inde, cette nature exubérante, les longues plaines quis’étendent au loin comme d’immenses tapis de verdure, les largesruisseaux d’eau vive, les jardins de balsamines et de pavotsrouges, tout cela était impuissant à la distraire ; ellepassait devant ces splendeurs éblouissantes, morne, taciturne etpâle. La science chercha vainement le mot de cette énigme, Lucy lecachait au plus profond de son cœur, et personne ne l’y trouva.

Cependant la troupe venait de s’arrêter de nouveau. Elle setrouvait alors au pied d’une petite colline à pente douce, sur leversant opposé de laquelle s’élevaient les ruines qui servaient,croyait-on, de refuge aux tigres.

Le jemidar avait quitté les chasseurs, et quand il eut atteintle sommet de la colline, il se coucha à plat ventre et leur fitsigne d’avancer. Un seul coup d’œil lui avait suffi.

Il y avait là trois tigres, trois vrais tigres duBengale !

Les ruines provenaient d’une vieille pagode depuis longtempsabandonnée ; les figuiers sauvages y poussaient en touteliberté, et des plantes parasites pendaient dans les fentes desmurailles à demi usées par le temps. – Les tigres dormaient,paresseusement allongés à l’ombre des massifs, le mufle dans lespattes et l’oreille pendante…

Les quatre éléphants choisirent leur position de combat avectoutes les précautions usitées en pareil cas, et quand les tigresse réveillèrent, les chasseurs armaient leurs carabines, et labataille pouvait commencer.

Le réveil fut terrible.

M. Bonnington avait pris place dans un howdah, à côté deLucy ; le major était monté près de milady Turner ; quantà M. Gus-Brough et aux deux commis de la Compagnie, ilss’étaient partagé les deux autres éléphants.

Les trois tigres s’étaient levés d’un seul bond, et trois crisrauques venaient d’ébranler les ruines.

Le soleil était alors tout à fait sorti de l’horizon ; sesrayons, tombant obliquement sur le pelage des monstres irrités, enfaisaient chatoyer les vives couleurs.

Ce fut un spectacle inouï, dont les chasses européennes nesauraient offrir d’équivalent.

Les trois bêtes fauves s’élancèrent de leur retraite, et, leregard fulgurant, le mufle contracté, la queue agitée d’ondulationsmenaçantes, elles se présentèrent sans défense à leurs redoutablesennemis.

Il y eut une seconde de silence solennel ; hommes etmonstres échangèrent un regard suprême ; puis les détonationséclatèrent, et un nuage de fumée enveloppa un moment lesassaillants.

M. Bonnington et les deux commis de la Compagnie avaientseuls tiré, M. Gus s’était contenté de regarder. Quant aumajor, il tenait sa carabine chargée, et attendait une occasionfavorable. Elle ne se fit pas longtemps attendre.

Dès que la fumée se fut dissipée et que l’on put apercevoir denouveau les ruines de la vieille pagode, deux tigres seulementétaient debout ; le troisième se roulait à leurs pieds dansles dernières convulsions de l’agonie.

Le temps d’arrêt fut court. Déjà les chasseurs s’étaient armésde carabines chargées, et le combat allait recommencer de plusbelle. Mais soit que les tigres eussent compris le désavantage deleur position, soit que la mort de leur compagnon leur eût inspiréune ardeur nouvelle, sans donner à leurs adversaires le loisir deles mettre en joue, ils s’élancèrent à travers l’espace endirigeant leurs bonds vers les éléphants.

Le premier était le plus vieux, le plus courageux, le plusirrité. Une balle l’avait blessé au flanc, et son sang coulait enabondance ; il voulait une vengeance mémorable, et il allatomber sur l’éléphant qui portait le major et milady Turner.

Mais avant qu’il eût décrit sa courbe dans l’air, le majorl’avait ajusté, et l’animal, frappé cette fois en pleine poitrine,tombait avec des mugissements terribles sur les ruines mêmes de lapagode.

Son compagnon fut plus heureux.

C’était le plus jeune, le plus beau, le plus fier !… Avantde prendre son élan et de choisir sa victime, il exécuta à droiteet à gauche des bonds d’une hardiesse inouïe ; il allait etvenait, ouvrant ses narines, montrant ses dents fines, lançant desregards qui ressemblaient à des éclairs. Les chasseurs oubliaientle danger pour le suivre dans ses évolutions pleines de souplesse,et pendant quelques secondes on eût pu croire que l’on assistait auspectacle inoffensif de quelque arène civilisée.

Tout à coup, cependant, le monstre s’arrêta : toute la peaude son mufle s’était contractée, et se retirait des narines aufront.

Il ne poussa qu’un rugissement, un seul, et les chasseurs enfrissonnèrent, comme au contact d’une griffe invisible.

Le monstre avait bondi, et pendant que les regards éblouis lecherchaient encore à la place qu’il occupait, il se ruait, entourbillonnant, vers l’éléphant, où Lucy, mourante de peur,s’agenouillait auprès de son père.

Dix coups de feu retentirent inutilement ; le tigre passarapide au milieu des balles, arriva, sans avoir été atteint, sur lehowdah où se trouvaient M. Bonnington et safille.

Il n’en fallait pas tant pour jeter l’épouvante dans le cœur detous les spectateurs et le désordre dans leurs rangs. Vingt cris deterreur s’élevèrent à la fois, et le jemidar, suivi de quelqueshommes, se précipita éperdu vers le tigre.

En ce moment, M. Bonnington, renversé par la chute dumonstre, venait de tomber, blessé et sanglant, au milieu deschasseurs accourus. Miss Lucy était restée évanouie dans lehowdah…

L’anxiété fut profonde pendant quelques instants ; miladyTurner jetait des cris perçants, tandis que le major, debout surson éléphant et la carabine armée, attendait que le tigre sedécouvrît pour lui envoyer une balle. Vingt fusils étaient braquésdans la même intention, mais nul n’osait faire feu, de peur qu’unprojectile maladroit n’allât frapper la pauvre Lucy. Cettesituation ne dura qu’une minute peut-être, mais une minute quiparut à tous longue comme un siècle.

Cependant, et par un bonheur inouï, le tigre, étonné de setrouver au milieu de ses adversaires silencieux, et craignant sansdoute quelque piège, promenait ses regards provoquants sur tout cequi l’entourait. Miss Lucy était étendue sans connaissance dans lehowdah, et le moindre soupir, le plus léger mouvementdevait la perdre. Un silence effrayant régnait de toutes parts,l’on n’entendait plus à cette heure que le souffle enflammé dumonstre.

Tout à coup, l’animal exécuta un bond et se retourna surlui-même. Un incident aussi singulier qu’inattendu avait détournéson attention.

Un homme, que nul des chasseurs ne connaissait, et que l’onn’avait point encore vu jusqu’alors, venait de se cramponner à latrompe de l’éléphant docile, et armé d’un long couteau de chasse,la ceinture garnie d’une paire de pistolets, il s’avançaithardiment, en cherchant à attirer de son côté toute l’attention dutigre.

Nous venons de voir qu’il avait réussi.

Chacun respira. Cet homme jouait sa vie à un jeu où il devaitcertainement perdre ; mais la diversion qu’il imaginait allaitsauver miss Lucy, et des applaudissements frénétiques partirent detous les points.

L’inconnu n’y prit pas garde et continua d’avancer ; lemonstre mugissait, labourant la carapace de l’éléphant de sesgriffes irritées ; une colère sanglante allumait ses regards,il était redevenu plus terrible et plus menaçant encore !

En ce moment, son adversaire plaça son couteau entre ses dents,tira ses deux pistolets de sa ceinture, et en lâcha aussitôt ladétente.

Les deux coups de feu furent suivis d’un dernier mugissement, etle tigre, bondissant sur son ennemi, alla tomber, en l’emportantentre ses griffes, à vingt pas du jemidar et des hausamauxeffrayés.

Il y eut alors un mouvement unanime parmi tous les chasseurs, etchacun se précipita à l’envi vers l’endroit où allait se dénouer ledrame.

M. Gus-Brough s’était rapproché de M. Bonnington, dontla joie saurait à peine se décrire, et les deux amis se tenaientétroitement embrassés.

– Lucy ! ma pauvre Lucy ! disait le père ;Dieu me la rend, Dieu soit béni !

– Sans doute, sans doute, repartit M. Gus-Brough, etc’est un grand bonheur qu’un homme va peut-être en ce moment payerde sa vie.

– Croyez-vous ?

– C’est probable.

– Mais quel est donc cet homme ?

M. Gus-Brough secoua tristement la tête.

– Cet homme, répondit-il, votre désespoir et votre troublevous ont empêché de le reconnaître tout à l’heure. Mais, moi, monami, je n’ai pu m’y tromper une seconde.

– Et quel est-il ?

– C’est un triste souvenir !… il a indignement abuséde votre confiance, il vous a forcé à venir chercher à Calcutta unefortune que vous aviez laborieusement édifiée à Londres.

– Samuel ! interrompit M. Bonnington.

– Lui-même, répondit M. Gus-Brough.

– Est-ce possible !

– Oui, mon pauvre ami. M. Hampden rachète aujourd’huinoblement la faute qu’il a commise et le chagrin qu’il vous acausé ! Certes, la vie de notre chère Lucy vaut bien lesbank-notes qu’il a brûlées dans la capitale des Trois-Royaumes.

M. Bonnington ne répondit pas tout de suite ; il pritla main de M. Gus-Brough, et la serra un momentsilencieusement dans les siennes.

– Le doigt de Dieu est dans tout ceci, dit-il enfin, d’unevoix émue, et le retour de Samuel m’explique bien des mystères dontla cause était restée ignorée pour moi jusqu’à ce jour. Oui, monami, cet homme m’a causé le plus cruel chagrin que j’aie éprouvé dema vie ; mais j’avais commis une faute moi-même, et ce n’étaitlà que le juste châtiment que j’avais mérité ; j’avais offenséDieu, et Dieu m’a puni ; mais le bonheur que j’éprouve en cemoment rachète le passé tout entier, et je suis doublement heureuxde le devoir à Samuel… Prions donc le ciel, mon ami, pour qu’aucunedouleur ne vienne troubler la joie de cette journée.

En ce moment, une grande clameur s’éleva du sein des chasseursgroupés autour du tigre, et des hourras vinrent annoncer àM. Bonnington et à M. Gus-Brough que Samuel Hampden étaitsorti victorieux de sa lutte avec le monstre.

Quelques hausamaux étaient montés sur l’éléphant où se trouvaitmiss Lucy, et ils venaient de descendre la jeune fille quand leshourras se firent entendre.

Comme on touchait le sol, miss Lucy sortit enfin de sonévanouissement : elle n’avait rien vu, rien entendu de cedrame sauvage, et quand elle rouvrit les yeux, la première personneque son regard rencontra fut Samuel Hampden.

Elle poussa un cri de terreur, et se tourna vers son père.

Samuel était fort pâle, le sang coulait abondamment d’uneblessure que lui avait faite le tigre, miss Lucy crut à un plusgrand malheur.

– Samuel ! dit-elle d’une voix étouffée à son père,qui la couvrait de baisers, Samuel blessé mortellement !

– C’est lui qui t’a sauvée, mon enfant, interrompitM. Bonnington.

– Mais en exposant ses jours !

– Dieu le protégeait.

– Il va mourir, peut-être !

M. Bonnington sourit doucement et pressa sa fille contreson cœur.

– Non, mon enfant, dit-il, Samuel ne mourra pas, carmaintenant le passé est oublié, et l’avenir peut être encoreheureux.

– Que voulez-vous dire ?

– Je dis, répondit le père, que tout m’est expliqué dèsaujourd’hui et que je ne veux plus que ma Lucy soit pâle et tristecomme par le passé. Demain, mon enfant, j’irai trouverM. Hampden, et, qui sait, si tu ne t’y opposes pas, peut-êtrepourrai-je me l’attacher par des liens plus doux que ceux de lareconnaissance et de l’amitié.

Une subite rougeur colora, à ces mots, les joues de la charmanteenfant et elle cacha sa tête sur la poitrine de son père.

 

Qu’est-il besoin d’ajouter à ce qui précède ?

 

Samuel avait perdu sa sœur, peu de temps après la catastrophe deLombard-street. Il s’était retrouvé alors seul au monde, sombre,triste, désespéré. – Quoi qu’il eût fait pour étouffer ce sentimentdans son cœur, il aimait miss Lucy, avec tout l’oubli d’une âmeardente et jeune. – Il savait que M. Bonnington était partipour Calcutta avec sa fille ; une sorte d’instinct plus fortque sa volonté le poussa vers l’Inde, et il y arriva presque enmême temps que celle qu’il aimait. – Le lecteur sait le reste.

Sans s’être jamais fait remarquer, il quittait rarement lestraces de Lucy ; il la suivait partout, caché avec soin à tousles regards, heureux seulement de la voir passer et d’entendreparfois le son aimé de sa voix. C’est ainsi qu’il s’était trouvéprès des ruines de la vieille pagode.

 

Environ six mois après cet incident, Samuel Hampden épousaitmiss Lucy Bonnington, et, à partir de ce moment, rien ne vint plustroubler leur bonheur.

 

Aujourd’hui encore, ils habitent l’Inde, et Gus-Brough, qui yfait de temps à autre des excursions pour le compte de la Sociétéde statistique, prétend que dans les 64,595 maisons ou cabanes deCalcutta, on chercherait en vain un ménage plus heureux.

FIN.

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