Nouvelle histoire de Mouchette

« Ce soir, dit-elle, j’irai veiller votre morte, ma petite Mouchette. »

Pour éviter de passer trop près du cabaret dont les portes sont grandes ouvertes et qui se trouve de l’autre côté de la rue, Mouchette a pris franchement sa droite, en sorte qu’elle se rencontre nez à nez avec la sacristine.

« Venez si vous voulez, faites à votre mode », reprend-elle d’une voix mal assurée.

Le regard bleu pâle la fixe avec une expression irrésistible de curiosité, de compassion, d’obscure, d’inexplicable complicité.

« Entre ici, dedans », commande la vieille à voix basse.

Si Mouchette obéit, c’est vraiment qu’elle n’en peut plus. Elle se laisse tomber sur une chaise au coin de l’âtre vide. Les pavés rouges soigneusement tenus ont une odeur de cire et de pomme aigrelette. Dans le volet de chêne de l’armoire, devenue couleur d’ébène, elle distingue vaguement son visage.

La vieille s’est assise en face d’elle, sans mot dire. L’horloge surmontée d’un coq de bronze doré bat lentement, pesamment, et à chaque descente du balancier de cuivre jette un éclair sur le mur. Un moment, Mouchette essaie de lutter contre ce silence, mais elle s’y est prise trop tard sans doute, il monte, il l’enveloppe, elle a l’impression que la nappe invisible recouvre ses épaules, son front. L’illusion est si forte qu’elle croit faire pour se débattre, échapper, un immense effort, et cependant elle est incapable de bouger. Au moment même où elle cesse de lutter, se laisse couler à pic, elle entend de nouveau la voix de la vieille femme qui a l’air de poursuivre une phrase commencée :

« Tu n’es pas dans ton bon sens. Patiente un peu, ma belle, reste ici.

– Non, fait Mouchette, faut que je rentre.

– Pas sur tes jambes, alors ! Tu ne peux seulement pas te tenir debout. »

Le silence monte de nouveau, mais cette fois Mouchette ne lui oppose aucune résistance, au contraire. Elle s’y laisse tout de suite glisser avec un frémissement de tout l’être, qui est presque un frémissement de bonheur.

« Tu allais mal faire, reprend la vieille. Tu as le mal dans les yeux. Quand tu es passée devant la maison, au petit matin, je t’ai regardée dans la vitre, et je me suis dit : “Voilà une fille qui va mal faire.” »

Silence. Mouchette suit le tic-tac de l’horloge avec une sorte de plaisir assez nouveau pour elle, car son rêve a rarement ce caractère vague, indistinct, qui le fait ressembler au sommeil. Cela n’est d’ailleurs pas tout à fait un rêve. Les images qui passent sont si troubles qu’elle ne saurait les distinguer entre elles, elle n’est sensible qu’à leur rythme, d’une lenteur extrême. Ainsi les minutes qui précèdent un profond repos et qui sont entre le sommeil et la mort, appartiennent à peine à la vie.

« Écoute, reprend la vieille, voilà des mois et des mois que je pense à toi, est-ce drôle ! Aussi je te connais bien. Ça date d’un jour de l’an dernier, aux environs de la Saint-Jean, tu te souviens ? Je t’ai donné une pomme verte. »

Mouchette se souvient, mais elle n’en laisse rien paraître. Elle ne s’est jusqu’ici jamais confiée à personne – au sens exact du mot – et l’élan qui l’a jetée quelques heures plus tôt au chevet de sa mère déjà morte est le seul qu’elle ait connu. Elle devine obscurément qu’il sera aussi le dernier, qu’une source mystérieuse s’est tarie du premier coup.

Son secret n’est d’ailleurs pas de ceux qu’on peut livrer, car il tient à trop de choses, il est comme ces plantes d’aspect chétif mais qu’on n’arrache pas sans emporter avec leurs racines la poignée de terre qui les a nourries. Elle ne fera pourtant aucun effort pour échapper à l’étrange douceur dont elle est en ce moment la proie, et qui paraît tisser autour d’elle, diligente, patiente, les fils d’une trame invisible.

« Si je ne t’ai pas parlé plus tôt, c’est parce que le temps n’était pas venu. Tout vient en son temps. À quoi bon tenter d’arrêter un cheval, tant qu’il rue et mord, je te demande ? Lorsqu’il est bien las, bien rendu, voilà le moment de lui dire une bonne parole et de lui passer le bridon. Bêtes ou gens, tu n’en trouveras guère qui résistent à une bonne parole, à la parole qu’il faut. Malheureusement, les gens parlent trop. Ils parlent tellement, tellement ils parlent que, le jour venu, leurs paroles n’ont plus de pouvoir, elles sont comme la poussière qui sort du van quand on vanne. »

Elle va jusqu’à la grande armoire, l’ouvre, et une tiède odeur de verveine remplit la pièce. De haut en bas, les planches sont chargées à rompre de linge blanc que le reflet du bois poli par les siècles dore imperceptiblement. Cela fait dans la pièce, en face de l’unique fenêtre aux rideaux clos, comme une autre source de clarté, incroyablement douce. Ah ! quelle femme de la lignée de Mouchette n’a rêvé au moins une fois d’un tel trésor ? En toute autre circonstance, sa stupeur admirative se changerait vite en colère, mais elle est décidément trop épuisée. Elle flaire cette odeur jamais respirée, elle croit sentir sur ses mains la caresse de ces toiles lumineuses, leur fraîcheur.

« Le jour de la mort de ta mère tu ne vas pas rentrer chez toi faite comme te voilà. Faut honorer un jour pareil. Crois-moi, ma belle, c’est un grand jour. As-tu seulement pensé à la mort, des fois ? »

Mouchette ne répond pas. Elle regarde toujours du côté de l’armoire. Et, soudain, l’idée de la mort se confond avec l’image de ces piles de draps immaculés.

« Je comprends la mort, reprend l’étrange vieille sur un ton de confidence. Je comprends très bien aussi les morts. À ton âge, ils me faisaient peur. À présent, je leur parle – façon de dire – et ils me répondent. Ils me répondent à leur manière. Tu dirais un murmure, on ne sait quoi, un petit souffle qui a l’air de venir des profondeurs de la terre.

« J’ai expliqué la chose un jour au curé, qui m’a grondée. Pour lui, les défunts sont dans le ciel. Je ne veux pas le contredire, tu penses, mais je garde mon idée quand même. Autrefois, dans les temps, il paraît qu’on adorait les morts, les morts étaient des dieux, quoi ! Ça devrait être la vraie religion, vois-tu, fillette. Tout ce qui vit est sale et pue. Tu me diras que les morts ne sentent pas bon. Bien sûr. Quand le cidre bout, il est aussi horrible qu’un pissat de vache. La mort, comme le cidre, doit d’abord jeter son écume. »

Elle trotte jusqu’au fond de la pièce, dépose sur le lit un paquet volumineux soigneusement roulé dans une serviette.

« Si je parlais comme je pense (à mesure qu’elle retire les épingles, elle les met soigneusement entre ses dents), les autres me riraient au nez. Toi-même… Avoue qu’un autre jour tu m’aurais déjà fait la grimace. Seulement, aujourd’hui, ton petit cœur dort. Tâche de ne pas le réveiller trop vite, ma belle. C’est les bons moments de la vie. Moi, je ne peux rien pour les gens trop bien réveillés, leur méchanceté est là qui veille. Autant mettre le bras dans le trou d’un blaireau. Lorsque tu as passé la première fois, rappelle-toi – ce matin – tu es restée un moment au milieu de la route. Toute ta pauvre petite figure dormait, sauf les yeux. Quand je t’ai revue, tes yeux aussi dormaient. À quoi bon la réveiller, que je me disais. N’a-t-elle pas déjà son plein de misère ? »

Elle prononce mystérieusement ces dernières paroles à l’oreille de Mouchette qui se décide enfin à lever un peu la tête, la regarde enfin.

« Je sais que tu comprends, dit-elle (et ses joues ridées se colorent). Parions que vous n’avez pas chez vous un drap pour l’ensevelir ? C’est pitié de voir ici comme ils font la toilette des morts. Pense qu’avant Notre-Seigneur, on les embaumait dans des parfums – des aromates, qu’on appelait – ça coûtait des fortunes. Et maintenant, ils ne les lavent même plus. Jusqu’à M. le marquis qu’avait sa barbe de huit jours et du noir sur les ongles. S’ils osaient, ma fille, ils les mettraient tout de suite en bière, et le curé les approuverait. Car il a beau tourner autour du cercueil, lui donner l’eau bénite et l’encens, n’importe ! Il appelle le cadavre une dépouille, comme tu dirais une besace vide. Malheur ! On devrait traiter un mort mieux qu’une fiancée, le dorloter, le bichonner, avant qu’il aille finir de se purifier sous la terre.

Ses yeux fanés s’animent : ils sont maintenant de la couleur des pervenches. Mouchette la contemple bouche bée. Visiblement la vieille femme se rassasie d’images connues d’elle seule. Il y a dans son accent, dans ses traits, dans son immobile sourire, une sorte d’affreuse innocence.

« J’emporterai un de mes draps, mon meilleur drap. Nous l’ensevelirons ensemble, petite. Je ferai ça pour vous parce que tu m’écoutes sans rire. J’aime la jeunesse. Faut savoir que je viens d’une contrée que tu ne connais pas. C’est un pays de montagnes. Dans mon village, passé l’automne, on ne voyait plus le soleil. Il se levait d’un côté, se couchait de l’autre sans pouvoir grimper assez haut dans le ciel pour montrer sa grosse face ronde, si bête.

« L’hiver, la terre était tellement dure, rapport aux gelées, qu’on n’enfouissait pas les morts ; on hissait le cercueil au haut d’une grange isolée, le froid les conservait tels quels jusqu’au printemps. Figure-toi que le cimetière était juste contre notre maison, avec l’église, une église de rien du tout, moitié pierre, moitié plancher. Comme la route ne passait pas pour bonne, toujours coupée par les avalanches, six mois durant le curé ne se montrait guère, c’était le sacristain qui lisait l’évangile le dimanche, faute de mieux. La place manquant, on avait installé le cimetière sur une plate-forme – une plate-forme dont les murs à pic plongeaient cent mètres plus bas. Un petit cimetière large comme la main, tu ne peux rien imaginer de plus joli. Je me levais la nuit pour le regarder. Même sans lune, on distinguait les croix. »

Elle n’élevait pas la voix, mais parlait de plus en plus vite. Cela rappelle à Mouchette les petits moulins de bois que construisent les garçons. Il y en a un derrière la maison, oublié depuis l’été, que les eaux grossies recouvrent maintenant presque tout entier, mais qui continue à faire entendre de jour et de nuit, à travers le murmure précipité de la source, son bruit d’insecte.

« Tiens, reprend la vieille, regarde. À cause de notre amitié, je donnerai ce beau drap fin. Il y a bien des riches qui ne partent pas si convenablement vêtus, les familles ont tant de malice ! Et pour toi, j’ai aussi une belle surprise. »

Elle a pris sur le lit le paquet à demi défait.

« C’est un souvenir, souffle-t-elle. Tu trouveras là-dedans de quoi te vêtir, si le cœur t’en dit. Le tout doit être à ta taille. Malheureusement la couleur ne convient guère : rien que du bleu ou du blanc, la morte était vouée jusqu’à quinze ans, tu penses !

– Vouée ? dit Mouchette. Qu’est-ce que c’est ?

– Un vœu que sa mère avait fait. Sa mère était la fille du défunt M. Trévène, le grand filateur de Roubaix, un homme très riche. Il avait acheté le château de Tremolens, à vingt lieues d’ici. Moi, l’été, je servais là-bas. Faut dire que vers la trentaine ma santé n’était guère bonne. Si maigre et si jaune que j’étais, avec une mauvaise haleine – pas un garçon ne me regardait sans rire ! N’importe ! La petite ne voulait jouer qu’avec moi et le grand-papa laissait faire. Jouer est une façon de dire, elle n’aimait réellement que lire et parler. Elle me parlait beaucoup de ses livres. J’avais l’esprit si lent que je ne comprenais pas grand-chose, mais c’était mon plaisir de la regarder. Oh ! vois-tu, je sais maintenant qu’il ne faut pas se fier aux apparences, j’en ai tant vu mourir de ces belles filles-là ! Qui nous regardait l’une près de l’autre ne donnait pas cher de ma peau, j’étais maigre comme un coucou.

« Lorsque l’été ramenait Mademoiselle, lorsqu’elle sautait toute blanche du grand break noir plein de malles de cuir, avec son odeur de jeunesse, elle ne manquait jamais, après m’avoir embrassée, de poser ses petites mains sur mes épaules et de me dire : “Dieu ! quelle triste mine tu as, ma pauvre Philomène !” Et voilà qu’elle est revenue de la ville, une année bien plus tôt que d’habitude, au printemps. Je ne l’avais pas encore vue si belle, je ne me suis aperçue que longtemps après qu’elle avait maigri. Le plus drôle, c’est que dès ce moment, sans savoir pourquoi, j’ai commencé d’aller mieux. Les domestiques ne me reconnaissaient plus. “On t’a changé la figure”, qu’ils me disaient. Ce n’était pas la figure : il me semblait qu’un grand bonheur allait m’arriver, que mon tour était venu.

« En présence de Mademoiselle je n’éprouvais maintenant aucune gêne. Tout le monde, d’ailleurs, me faisait fête, car je soignais la malade de mon mieux. Je n’épargnais pas ma peine ; il m’est arrivé de la veiller trois nuits de suite sans nécessité, je la regardais dormir. C’est à la regarder comme ça que j’ai peut-être pris le goût de veiller les morts. Un peu avant l’aube, surtout, son visage perdait l’éclat et jusqu’à l’apparence de la jeunesse. Ce visage-là n’était que pour moi. Alors la distance qui nous séparait semblait brusquement s’effacer. On aurait cru que la force et la fraîcheur qui sortaient d’elle, à l’heure du plus profond sommeil, rentraient en moi. C’était comme un autre sang qui courait sous la peau. Parfois Mademoiselle se révoltait : “Pourquoi me regardes-tu ainsi ?” me demandait-elle. “Ne craignez rien”, lui disais-je. Quand j’approchais ma tête de sa joue, elle avait un petit rire. Cependant, elle finissait toujours par céder, ma pitié pour elle était plus forte que son dégoût. Même elle faisait souvent tomber sa tête sur mon épaule et pleurait.

« De ses cheveux blonds montait une odeur de bruyère, si douce qu’elle me faisait penser à l’amour, moi qui ne me suis jamais souciée des hommes. À ces moments-là, je ne pouvais pourtant pas oublier sa maladie, parce que la sueur de son front était froide, épaisse. Elle l’essuyait sans cesse du bout des doigts, avec une grimace, et je faisais semblant de ne m’apercevoir de rien, naturellement. Qu’importe ! c’était tout de même notre secret. Ça l’est resté longtemps, car elle se maquillait le matin avec tant d’art que sa mère ne s’aperçut que très tard des progrès de son mal. Ils étaient d’ailleurs bien rapides. J’entendais les médecins parler entre eux : “Elle ne se défend pas”, disaient-ils. Pourquoi se défendre ? Au bout de quelques semaines, dès qu’elle se trouvait seule avec moi, elle s’abandonnait.

« Je crois même qu’elle prenait plaisir à se montrer telle quelle, livide sous la couche imperceptible de fard, les yeux éteints, et, par l’échancrure d’une de ses jolies chemises que j’avais tant enviées jadis, sa poitrine creuse. Peut-être se délivrait-elle ainsi de la contrainte du jour ? Maintenant elle exigeait que je couchasse dans sa chambre, sur un lit de camp. Le grand-père avait retenu pour l’automne une chambre dans un de ces établissements qu’on appelle sanatorium, des hôpitaux pour millionnaires. “Ça ne presse pas tant, disait-il à la mère. En été, le climat ici est aussi sain qu’ailleurs et tu vois bien qu’elle ne peut pas se passer de Philomène.” C’est vrai qu’elle tenait de plus en plus à moi, et moi aussi je tenais à elle. Madame se méfiait un peu. “Philomène ne se ménage pas assez”, disait le grand-père. Elle lui répondait : “Tu ne t’aperçois donc pas qu’elle engraisse !” C’était vrai. Les veilles ne me coûtaient guère, je n’avais pas besoin de dormir. Et Mademoiselle se passait aussi très bien de sommeil, ou du moins elle en avait perdu le goût.

« Dans la journée, elle allait et venait comme d’habitude, je l’entendais quelquefois rire. Bien que je me montrasse alors le moins possible, quand il lui arrivait de me rencontrer, elle feignait souvent de ne pas me voir, ou souriait d’un drôle d’air, d’un air gêné. Lorsque nous nous retrouvions seules, elle commençait toujours par faire semblant de dormir. Vers minuit, la toux la réveillait. Je devais l’asseoir sur le lit, sa pauvre chemise collait à sa peau. La crise passée, elle n’avait pas plus de défense qu’un petit enfant ; elle me disait qu’elle allait mourir, qu’elle le savait bien, que toutes les menteries des docteurs lui faisaient honte. Dès ce moment, je pensais qu’on doit se soumettre à la mort. Elle pleurait des heures, tout doucement, sans un sanglot, sans même cligner des paupières, c’était comme la vie qui sortait d’elle. À la fin, je pleurais aussi. Elle me disait : « Comme tu m’aimes ! » N’importe ! Ces larmes-là n’étaient pas mauvaises, car la fatigue n’arrivait pas à bout de moi. Au contraire, je ne m’étais jamais senti tant d’appétit. J’étais toujours à la cuisine la première, avant que le lait du déjeuner fût seulement dans la casserole. J’aurais croqué des pierres. »

Visiblement elle ne parlait plus que pour elle-même, oubliant la présence de Mouchette, le paquet posé sur ses genoux qu’elle entourait de ses bras tremblants. Jusqu’où, jusqu’à quelle profondeur de son âme secrète fût allée sa confidence ? Mais elle y fût allée en vain.

« Qu’est-elle devenue, votre demoiselle ? » dit tout à coup Mouchette d’une voix rauque.

Elle serrait nerveusement le bras de la vieille conteuse, et son regard était celui des mauvais jours.

« Tu m’as fait peur, ma belle. Où en étais-je seulement ? Je ne me souviens plus. Il me semble que tu m’as réveillée en sursaut, ma fille. »

Mais si court qu’il eût été, le repos avait rendu des forces à Mouchette. Elle sentait monter à ses joues un feu qu’elle connaissait bien et, aux tempes, ce cercle douloureux, sûr indice de ces brusques accès de méchanceté têtue, qui exaspérait Madame.

« Vous me dégoûtez, sale vieille bête. Si j’avais été cette demoiselle, je vous eusse plutôt étranglée.

– Voyez-vous ça, répliqua la sacristine sans montrer aucune crainte. Un vrai chat sauvage. Et qu’as-tu de commun avec la demoiselle, noiraude ? Elle était belle et fraîche ; toi, tu ressembles à une bohémienne. »

D’un mouvement inattendu, qui prévient toute défense de Mouchette, elle s’approche de la jeune fille, pose la main sur sa poitrine, à la place du cœur.

« Je ne te veux que du bien, dit-elle. Tu es mauvaise, mais c’est sûrement faute de comprendre. Il me semble que je connais déjà ton histoire. Parle à ton aise, ma fille. »

Elle s’est pelotonnée au fond du fauteuil et ses mains remuent sans cesse, le long de la robe noire, avec un si vif mouvement des doigts qu’on les prendrait pour deux petites bêtes grises à la poursuite d’une proie invisible.

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