Oeuvres completès de Paul Verlaine

SCÈNE VII

MYRTIL, CHLORIS

CHLORIS

C’est donc que vous avez de l’amour à revendre
Pour, le joug d’une amante irritée écarté,
Vous tourner aussitôt vers ma faible beauté ?

MYRTIL

Croyez-vous qu’elle soit à ce point offensée ?

CHLORIS

Qui ? ma beauté ?

MYRTIL

Non. L’autre…

CHLORIS

Ah ! — J’avais la pensée
Bien autre part, je vous l’avoue, et m’attendais
A quelque madrigal un peu compliqué, mais
Sans doute, vous voulez parler de Rosalinde
Et de courroux auquel son cœur crispé se guinde…
N’en doutez pas, elle est vexée horriblement.

MYRTIL

En êtes-vous bien sûre ?

CHLORIS

Ah ! çà, pour un amant
Tout récemment élu, sur sa chaude supplique
Encore ! et dans un tel concours mélancolique
Malgré qu’un tant soit peu plaisant d’événements,
Ne pouvez-vous pas mieux employer les moments
Premiers de nos premiers amours, ô cher Thésée,
Qu’à vous préoccuper d’Ariane laissée ?
— Mais taisons cela, quitte à plus tard en parler. —
Eh oui, là je vous jure, à ne vous rien céler,
Que Rosalinde éprise encor d’un infidèle,
Trépigne, peste, enrage, et sa rancœur est telle
Qu’elle m’en a pris mon Sylvandre de dépit.

MYRTIL

Et vous regrettez fort Sylvandre ?

CHLORIS

Mal lui prit,
Que je crois, de tomber sur votre ancienne amie ?

MYRTIL

Et pourquoi ?

CHLORIS

Faux naïf ! je ne le dirai mie.

MYRTIL

Mais regrettez-vous fort Sylvandre ?

CHLORIS

M’aimez-vous,
Vous ?

MYRTIL

Vos yeux sont si beaux, votre..

CHLORIS

Êtes-vous jaloux
De Sylvandre ?

MYRTIL, très vivement.

O oui !

(Se reprenant.)

Mais au passé, chère belle.

CHLORIS

Allons, un tel aveu, bien que tardif, s’appelle
Une galanterie, et je l’admets ainsi
Donc vous m’aimez ?

MYRTIL, distrait, après un silence.

O oui !

CHLORIS.

Quel amoureux transi
Vous seriez si d’ailleurs vous l’étiez de moi !

MYRTIL, même jeu que précédemment.

Douce
Amie !

CHLORIS

Ah ! que c’est froid ! « Douce amie ! » Il vous trousse
Un compliment banal et prend un air vainqueur !
J’aurai longtemps vos oui » de tantôt sur le cœur.

MYRTIL, indolemment.

Permettez…

CHLORIS

Mais voici Rosalinde et Sylvandre.

MYRTIL, comme réveillé en sursaut.

Rosalinde !

CHLORIS

Et Sylvandre. Et quel besoin de fendre
Ainsi l’air de vos bras en façon de moulin ?
Ils débusquent. Tournons vite le terre-plein
Et vidons, s’il vous plaît, ailleurs cette querelle.

(Ils sortent.)

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