DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 157
rexpérience, et qu’il finit par regarder à tort comme ob-
jective , en un mot de V habitude). Mais il se montra en-
suite très-conséquent, en tenant pour impossible de sor-
tir des limites de l’expérience avec des concepts de cette
sorte ou avec les principes auxquels ils donnent naissance.
Malheureusement, cette origine empirique à laquelle
Locke et Hume eurent recours ne peut se concilier avec
l’existence des connaissances à priori que nous possé-
dons, comme celles des mathémcUiques pures et de la
physique générale, et par conséquent elle est réfutée par
le fait.
Le premier de ces deux hommes célèbres ouvrit
toutes les portes à Vextravagance \ parce que la raison,
quand une fois elle pense avoir le droit de son côté, ne
se laisse plus arrêter par quelques vagues conseils de
modération; le second tomba complètement dans le
scepticisme, dès qu’une fois il crut avoir découvert que
ce qu’on tient pour la raison n’est qu’une illusion générale
de notre faculté de connaître. — Nous sommes mainte-
nant en mesure de rechercher si l’on peut conduire heu-
reusement la raison humaine entre ces deux écueils et
lui fixer des limites, tout en ouvrant un libre champ à
sa légitime activité.
Avant de commencer cette recherche, je rappellerai
seulement la définition des catégoiHes. Les catégories
sont des concepts d’un objet en général, au moyen des-
quels l’intuition de cet objet est considérée comme dé-
terminée par rapport à l’une des fonctions logiques du
jugement. Ainsi, la fonction du jugement catégorique est
celle du rapport du sujet au prédicat, comme quand je
- Sâiwàrmerey,
158 ANALYTIQUE TRANSCENDENTALE
dis : tous les corps sont divisibles. Mais, au point de vue
de l’usage purement logique de l’entendement, on ne dé-
termine pas auquel des deux concepts on veut attribuer
la fonction de sujet, et auquel celle de prédicat. En effet
on peut dire aussi : quelque divisible est un corps. Aa
contraire, lorsque je fais rentrer sous la catégorie de lai
substance le concept d’un corps, il est décidé par là que
l’intuition empirique de ce corps dans l’expérience ne
peut jamais être considérée autrement que comme sujet-
et jamais comme simple prédicat. Il en est de même des
autres catégories.
DEUXIÈME SECTION (a)
§ 15
De la possibilité d’une synthèse en général
La diversité des représentations peut être donnée dans
une intuition qui est purement sensible, c’est-à-dire qui
n’est rien qu’une pure réceptivité, tandis que la forme
de cette intuition réside à priori dans notre faculté de
représentation, sans être autre chose cependant qu’un
mode d’affection du sujet. Mais la liaison {conjunctio)
d’une diversité en général ‘ ne peut jamais nous venir
(a) Toute cette section (§§ 16-27) est^un travail entièrement nouveau,
substitué par Eant, dans sa seconde édition, à celui de la première sur
le même sujet. La comparaison de ces .deux élucubrations successives
est fort importante pour l’intelligence du développement de la doctrine
de Eant, mais je ne puis rapprocher ici, à cause de son étendue, la ré-
daction primitive de la rédaction définitive; on la trouvera sous forme
d’appendice à la fin du second volume. J. B.
‘ IHe Verbindung eines MannigfaUigen ûberhaupt
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 159
des sens, et par conséquent elle ne peut pâs non plus
^tre contenue dans la forme pure de l’intuition sensible.
Elle est un acte de la spontanéité de la faculté repré-
sentative; et, puisqu’il faut appeler cette spontanéité en-
tendement, pour la distinguer de la sensibilité, toute
liaison, que nous en ayons ou non conscience, qu’elle
embrasse des intuitions diverses ou divers concepts, et
que, dans le premier cas, ces intuitions soient sensibles
ou non, toute liaison, dis-je, est un acte de l’entendement.
Nous désignerons cet acte sous le nom commun de
synthèse, afin de faire entendre par là que nous ne pou-
vons rien nous représenter comme lié dans l’objet sans
l’avoir auparavant lié nous-mêmes dans l’entendement,
et que de toutes les représentations la liaison est la seule
qui ne puisse nous être fournie par les objets, mais seu-
lement par le sujet lui-même, parce qu’elle est un acte
de sa spontanéité. Il est aisé ici de remarquer que cet
acte doit être originairement un et s’appliquer également
à toute* liaison, et que la décomposition, l’awaZ^^^, qui
semble être son contraire, le suppose toujours; car où
l’entendement n’a rien lié, il ne saurait non plus rien dé-
lier, puisque c’est par lui seul qu’a pu être lié ce qui est
donné comme tel à la faculté représentative.
Mais le concept de la liaison emporte, outre celui de
la diversité et de la synthèse de cette diversité, celui de
l’unité de cette même diversité. La liaison est la repré-
sentation de l’unité synthétiqtie de la diversité*. La re-
- n n’est pas ici question de savoir si les représentations mêmes sont
identiques^ et par conséquent si Pune peut être conçue analytiquement
AU moyen de l’autre. La conscience de Pune, en tant qu’il s’agit de
diversité, demeure toujours distincte de celle de Pautre, et il n’est ici
question que de la synthèse de cette conscience (possible).
160 ANALYTIQUE TRANSCENDENTALE
présentation de cette unité ne peut donc pas résulter de^
la liaison ; mais plutôt, en s’ajoutant à la représentation
de la diversité, elle rend d’abord possible le concept de
la liaison. Cette unité qui précède à priori tous les con-
cepts de liaison, n’est pas du tout la catégorie de l’unité
(§ 10); car toutes les catégories se fondent sur des fonc-
tions logiques de nos jugements, et dans ces jugements
est déjà conçue la liaison, par conséquent l’unité de con-
cepts donnés. La catégorie présuppose donc la liaison.
Il faut donc chercher cette unité (comme qualitative,
§12) plus haut encore, c’est-à-dire dans ce qui contient
le priûcipe même de l’unité de différents concepts au
sein des jugements, et par conséquent de la possibilité
de l’entendement, même au point de vue de l’usage
logique.
§ 16
De V unité originairement synthétique de Vaperception
Le : Je pense doit pouvoir accompagner toutes mes re-
présentations ; car autrement il y aurait en moi quelque
chose de représenté, qui ne pourrait pas être pensé, ce
qui revient à dire ou que la représentation serait impos-
sible ou du moins qu’elle ne serait rien pour moi. La re-
présentation qui peut être donnée antérieurement à toute
pensée se nomme intuition. Toute diversité de l’intuition
a donc un rapport nécessaire au je pense dans le même
sujet où elle se rencontre. Mais cette représentation je
pense est un acte de la spontanéité^ c’est-à-dire qu’on ne
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 161
saurait la regarder comme appartenant à la sensibilité.
Je la nomme aperception pure pour la distinguer de l’a-
perception empirique , ou encore aperc^tion originaire \
parce que cette conscience de soi-même qu’elle exprime
en produisant la représentation /i^joew^e, qui doit pou-
voir accompagner toutes les autres et qui est identique
en toute conscience, ne peut plus être elle-même accom-
pagnée d’aucune autre. Je désigpe encore l’unité de cette
représentation sous le nom d’unité transcendentale de la
conscience, pour indiquer la possibilité de la connaissance
à priori qui en dérive. En effet, les représentations di-
verses, données dans une certaine intuition, ne seraient
pas toutes ensemble mes représentations, si toutes en-
semble elles n’appartenaient à une conscience. En tant
qu’elles sont mes représentations (bien que je n’en aie
pas conscience à ce titre), elles sont donc nécessairement
conformes à la condition qui seule leur permet de se
réunir en une conscience générale, puisque autrement
elles ne seraient pas pour moi. De cette liaison originaire
découlent plusieurs conséquences.
Cette identité générale ^ de l’aperception de divers
éléments donnés dans une intuition contient une syn-
thèse de représentations , et elle n’est possible que par
la conscience de cette synthèse. En effet, la conscience
empirique qui accompagne différentes représentations est
par elle-même éparpillée et sans relation avec l’identité
du sujet. Cette relation ne s’opère donc pas encore par
- UrsprUngliche Apperception. — J’emploie ici le mot originaire de
préférence au mot primitif, parce que ce dernier indique surtout un
rapport chronologique, tandis que le premier exprime vraiment un rap-
port logique, comme celui dont il s’agit ici. J. B. - Dièse dufchgàngige Ideniitàt,
I. 11
162 ANALYTIQUE TRANSCENDENTALE
cela seul que .chaque représentation est accompagnée de
conscience ; il faut pour cela que punisse Tune à l’autre
et que j’aie conscience de leur synthèse. Ce n’est donc
qu’à la condition de lier en une conscience une diversité
de représentations données que je puis me représenter
l’identité de la conscience dans ces représentations, c’est-
à-dire que l’unité analytique de l’aperception n’est pos-
sible que dans la supposition de quelque unité synthéti-
que*. Cette pensée que telles représentations données
dans l’intuition m’appartiennent toutes signifie donc que
je les unis ou que je puis du moins les unir en une cons-
cience ; et , quoiqu’elle ne soit pas encore la conscience
de la synthèse des représentations, elle en présuppose ce-
pendant la possibilité. En d’autres termes , c’est unique-
ment parce que je puis saisir en une conscience la diver-
sité de ces représentations que je les appelle toutes mien-
nes ; autremeiit le moi serait aussi divers et aussi bigarré
que les représentations dont j’ai conscience. L’unité syn-
thétique des intuitions diverses, en tant qu’elle est don-
- L’unité analytique de la conscience s’attache à tous les concepts
communs comme tels. Lorsque, par exemple, je conçois le rouge eu
général, je me représente par là une qualité qui (comme caractère) peut
être trouvée quelque part et être liée à d’autres représentations; ce
n’est donc qu’à la condition de supposer une unité synthétique possible
que je puis me représenter l’unité analytique. Pour concevoir une re-
présentation comme commune à différentes choses, il faut la regarder
•comme appartenant à des choses qui, malgré ce caractère commun, ont
•encore quelque chose de différent; par conséquent il faut la concevoir
•comme formant une unité synthétique avec d’autres représentations (ne
fussent-elles que possibles), avant d’y concevoir J’unité analytique delà
conscience qui en fait un conceptus communia. L’unité synthétique de
l’aperception est donc le point le plus élevé auquel on puisse rattacher
tout l’usage de l’entendement, la logique même tout entière et, après
«lie, la philosophie transcendentale; bien plus, cette faculté est l’enten-
dement lui-même.
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 163
aiée à prhri^ est donc le principe de l’identité de Taper-
^^ption même, laquelle précède à priori toute pensée dé-
terminée. La liaison n’est donc pas dans les objets et
n’en peut pas être tirée par la perception pour être en-
suite reçue dans l’entendement ; mais elle est uniquement
une opération de l’entendement, qui n’est lui-même autre
chose que la faculté de former des liaisons à priori et
^e ramener la diversité des représentations données à
l’unité de l’aperception. C’est là le principe le plus élevé
de toute la connaissance humaine.
Ce principe de l’unité nécessaire de l’aperception est
à la vérité identique, et par conséquent il forme une pro-
position analytique, mais il explique néanmoins la néces-
sité d une synthèse de la diversité donnée dans une in-
tuition, puisque sans cette synthèse cette identité géné-
rale de la conscience de soi-même ne peut être conçue.
En effet, le nwi^ comme représentation simple, ne donne
rien de divers ; la diversité ne peut être donnée que dans
l’intuition, qui est distincte de cette représentation, et
•elle ne peut être pensée qu’à la condition d’être liée en
aine conscience. Un entendement dans lequel toute diver-
:sité serait en même temps donnée par la conscience se-
rait intuitif^; le nôtre ne peut que penser^, et c’est dans
les sens qu’il doit chercher l’intuition. J’ai donc conscience
d’un moi identique, par rapport à la diversité des repré-
:sentations qui me sont données dans une intuition , puis-
que je les nomme toutes mes représentations et que ces
représentations en constituent une seule. Or cela revient
à dire que j’ai conscience d’une synthèse nécessaire à
priori de ces représentations, et c’est là ce qui constitue
- Wûrde anschauen, — ‘ Kann nur denken.
164 ANALYTIQUE TRANSCENDENTALE
l’unité synthétique originaire de Faperception, à laquelle
sont soumises toutes les représentations qui me sont don-
nées , mais à laquelle elles doivent être ramenées par le
moyen d’une synthèse.
§ 17
Le principe de Vuniié synthétique de Vaperception est te »
principe suprême de tout usage de V entendement
Le principe suprême de la possibilité de toute intui-
tion, par rapport à la sensibilité, était, d’après l’esthétique
transcendentale , que tout ce qu’elle contient de divers
fût soumis aux conditions formelles de l’espace et du
temps. Le principe suprême de cette même possibilité^
par rapport à l’entendement , c’est que tout ce qu’il y a
de divers dans l’intuition soit soumis aux conditions de
l’unité originairement synthétique de l’aperception*;
Toutes les diverses représentations des intuitions sont
soumises au premier de ces principes, en tant qu’elles
nous sont données, et au second, en tant qu’elles doivent
pouvoir s’unir en une seule conscience. Sans cela , en.
- L’espace et le temps et toutes leurs parties sont des intuitions^ par-
conséquent des représentations particulières comme la diversité qu’ils
renferment ( Voy, PEsthétique transcendentale). Ce ne sont donc pas
de simples concepts au moyen desquels la même conscience soit trouvée-
contenue dans plusieurs représentations, mais ce sont plusieurs repré-
sentations que l’on trouve contenues en une seule et dans la conscience
que nous en avons, et par conséquent réunies, d’où il suit que l’unité
de la conscience se présente à nous comme syn&iétique et en même
temps comme originaire. Cette particularité ^ est importante dans l’ap-
plication ( Voy, i 25).
‘ Einzelriheit,
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 165
^ffet, rien ne peut être pensé ni connu, puisque les re-
présentations données, n’étant point reliées par un acte
43ommun de l’aperception, tel que le : Je pense, ne pour-
xaient s’unir en une même conscience.
\1 entendement^ pour parler généralement, est la faculté
<îes connaissances \ Celles-ci consistent dans le rap-
port déterminé de représentations données à un objet.
Un objet est ce dont le concept réunit les éléments di-
vers d’une intuition donnée. Or toute réunion de repré-
sentations exige l’unité de la conscience dans la synthèse
. <3e ces représentations. L’unité de la conscience est donc
«e-qui seul constitue le rapport des représentations à un
-objet, c’est-à-dire leur valeur objective; c’est elle qui en
fait des connaissances, et c’est sur elle par conséquent
<3ue repose la possibilité même de l’entendement.
La première connaissance de l’entendement pur, celle
sur laquelle se fonde à son tour tout l’usage de Cette fa-
•cîulté , et qui en même temps est entièrement indépen-
-dante de toutes les conditions de l’intuition sensible , est
•^ionc le principe de l’unité synthétiqm et originaire de
-î’aperception. L’espace n’est que la forme de l’intuition
■sensible extérieure, il n’est pas encore une connaissance ;
il ne fait que donner pour une expérience possible les
éléments divers de l’intuition à priori. Mais, pour con-
naître quelque chose dans l’espace, par exemple une
ligne, il faut que je la tire^ et qu’ainsi j’opère synthéti-
•quement une liaison déterminée d’éléments divers don-
nés, de telle sorte que l’unité de cet acte soit en même
temps l’unité de la conscience (dans le concept d’une
ligne) et que je connaisse par là un certain objet (un
- Bas Vermogen der Erkenntnisse.
166 ANALYTIQUE TRÂNSCENDENTÂLE
espaxîe déterminé). L’unité synthétique de la conscience-
est donc une condition objective de toute connaissance r
non-seulement j’en ai besoin pour connaître un objets
mais toute intuition ne peut devenir un objet pour moi
qu’au moyen de cette condition; autrement, sans cette
synthèse, le divers ne s’unirait pas en une même cons-
cience.
Cette dernière proposition est même, comme il a été
dit, analytique, quoiqu’elle fasse de l’unité synthétique la
condition de toute pensée. En effet, elle n’exprime rien
autre chose sinon que toutes mes représentations, dans
quelque intuition que ce soit , sont soumises à la seule
condition qui me permette de les attribuer, comme re-
présentations miennes, à un moi identique, et en les unis-
sant ainsi synthétiquement dans une seule aperception^
de les embrasser sous l’expression générale : Je pense.
Mais ce principe n’en est pourtant pas un pour tout
entendement possible en général ; il n’a de valeur que
pour celui à qui, dans cette représentation : Je suis, l’a-
perception pure ne fournit encore rien de divers. Un en-
tendement à qui la conscience fournirait en même temps
les éléments divers de l’intuition, ou dont la représenta-
tion donnerait du même coup l’existence môme de ses
objets \ n’aurait pas besoin d’un acte particulier qui syn-
thétisât le divers dans l’unité de la conscience, comme
celui qu’exige l’entendement humain, lequel n’a pas la
faculté intuitive, mais seulement celle de penser ^. Pour
celui-ci, le premier principe est indispensable, et il l’est
si bien que nous ne saurions nous faire le moindre con-
‘ Burch dessen Vorstelîung zitgleich die Objecte dieser Vorstéllung^
exisUren, — ‘ Der hlos denkt, nicht anschaut
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 167
cept d’un autre entendement possible, soit d’un entende-
ment qui serait purement intuitif \ soit d’un entendement
qui aurait pour fondement une intuition sensible, mais
d’une tout autre espèce que celle qui se manifeste sous
la forme de l’espace et du temps.
§ 18
Ce que c’est que Vuniié objective de la conscience
de soi-même
Vunité transcendentale de l’aperception est celle qui
sert à réunir dans le concept d’un objet toute la diversité
donnée dans une intuition. Aussi s’appelle-t-elle objective^
et faut-il la distinguer de cette unité subjective de la cons-
cience qui est une détermination du sens intérieur, par
laquelle sont empiriquement donnés, pour être ainsi réu-
nis, les divers éléments de l’intuition. Que je puisse avoir
empiriquement conscience de ces éléments divers comme
simultanés ou comme successifs, c’est ce qui dépend de
circonstances ou de conditions empiriques. L’unité empi-
rique de la conscience, par le moyen de l’association des
représentations, se rapporte donc elle-même à un phéno-
mène, et elle est tout à fait contingente. Au contraire, la
forme pure de l’intuition dans le temps, comme intuition
en général contenant divers éléments donnés, n’est sou-
mise à l’unité originaire de la conscience que par le rap-
port nécessaire qui relie les éléments divers de l’intui-
‘ Ber sélhst anschauete, >
168 ANALYTIQUE TRANSCENDENT ALE
tion en un : Je pense, c’est-à-dire par une synthèse pure
de l’entendement, servant à ‘priori de principe à la syn-
thèse empirique. Cette unité a seule une valeur objective;
l’unité empirique de l’aperception, que nous n’examinons
pas ici, et qui d’ailleurs dérive de la première sous des
conditions données in concreto^ n’a qu’une valeur subjec-
tive» Un homme joint à la représentation d’un mot une
certaine chose, tandis que les autres y en attachent une
autre; l’unité de conscience, dans ce qui est empirique
et relativement à ce qui est donné, n’a point une valeur
nécessaire et universelle.
§ 19
La forme logique de tous les jugements consiste dans V unité
objective de Vaperception des concepts qui y sont contenus.
Je n’ai jamais été satisfait de la définition que les lo-
giciens donnent du jugement en général , en disant que
c’est la représentation d’un rapport entre deux concepts.
Je ne leur reprocherai pas ici le défaut qu’a cette défini-
tion de ne s’appliquer en tous cas qu’aux jugements ca-
tégoriques et non aux jugements hypothétiques et dis-
jonctifs (lesquels n’impliquent pas seulement un rapport
de concepts, mais de jugements mêmes) ; mais en laissant
de côté ce vice logique (bien qu’il en soit résulté de fâ-
cheuses conséquences*), je me bornerai à faire remar-
- La longue théorie des quatre figures syllogistiques ne concerne
que les raisonnements catégoriques ; et, quoiqu’elle ne soit pas autre
chose qu’un art d’arriver, en déguisant les conséquences immédiates
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 169
-quer que leur définition ne détermine point en quoi con-
siste le rapport dont elle parle.
Mais en cherchant à déterminer plus exactement le
rapport des connaissances données dans chaque jugement
et en distinguant ce rapport, propre à l’entendement^ de
celui qui rentre dans les lois de l’imagination reproduc-
tive (lequel n’a qu’une valeur subjective), je trouve qu’un
jugement n’est autre chose qu’une manière de ramener
des connaissances données à l’unité objective de l’aper-
ception. Telle est la fonction que rempUt dans ces juge-
ments la copule : est; elle sert à distinguer l’unité objec-
tive des représentations données de leur unité subjective.
En effet, elle désigne le rapport de ces représentations à
l’aperception originaire et leur unité nécessaire, bien que
le jugement lui-même soit empirique et par conséquent
contingent, çpmme celui-ci par exemple : les corps sont
pesants. Je ne veux pas dire par là que ces représenta-
tions se rapportent nécessairement les unes aux autres
dans l’intuition empirique, mais qu’elles se rapportent les
Unes aux autres dans la synthèse des intuitions grâce à
\^unitè nécessaire de l’aperception, c’est-à-dire suivant les
principes qui déterminent objectivement toutes les repré-
i^entations, de manière à en former des connaissances, et
qui eux-mêmes dérivent tous de celui de l’unité transcen-
dentale de l’aperception. C’est ainsi seulement que de ce
rapport peut naître un jugement^ c’est-à-dire un rapport
{conseqiieniiœ immediata) sous les prémisses d’un raisonnement pur, à
offiir Papparence d’un plus grand nombre d’espèces de conclusions qu’il
n’y en a dans la première figure, elle n’aurait eu pourtant aucun succès,
si elle n’était parvenue à présenter exclusivement les jugements caté-
goriques comme ceux auxquels tous les autres doivent se rapporter, ce
qui est faux d’après le § 9.
170 ANALYTIQUE TRANSGENDENTÀLE
qui â une valeur objective et qui se cBstingne assez àe
cet autre rapport des mêmes représentations dont la
valeur est purement subjective, de *celui, par exemple
qui se fonde sur les lois de l’association. D’après ces der-
nières, je ne pourrais que dire : quand je porte un corps
je sens l’action de la pesanteur, mais non pas : le corp!
est pesant; ce qui revient à dire que ces deux représen
tations sont liées dans l’objet, indépendamment de Tétâi
du sujet, et qu’elles ne sont pas seulement associées dao!
la perception (si souvent qu’elle puisse être répétée).
§ 20
Toutes les intuitions sensibles sont soumises aux catéaorie
comme aux seules conditions sous lesquelles ce qu’il y
en elles de divers puisse être ramené à l’unité de com
cience.
La diversité donnée dans une intuition sensible rentr
nécessairement sous l’unité synthétique originaire de Vî
perception, puisque l’unité de l’intuition n’est possibl
que par elle (§ 1 7). Or l’acte de l’entendement par 1(
quel le divers de représentations données (que ce soiei
des intuitions ou des concepts) est ramené à une apei
ception en général, est la fonction logique des jugemen
(§ 1 9). Toute diversité, en tant qu’elle est donnée dai
une même intuition empirique, est donc déterminée pî
rapport à l’une des fonctions logiques du jugement, <
c’est par ce moyen qu’elle est ramenée à l’unité de coni
cience en général. Or les catégories ne sont autre choî
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS 171
qae ces mêmes fonctions du jugement , en tant que la
diversité d’une intuition donnée est déterminée par rap-
port à ces fonctions (§ 1 3). Ce qu’il y a de divers dans
une intuition donnée est donc nécessairement soumis II
des catégories.