Deux et deux font cinq

Chapitre 31Les végétaux baladeurs

Il me faut encore revenir une fois sur cette étrange question  des plantes qui marchent, question magistralement soulevée par  notre ami Octave Mirbeau et brillamment poursuivie par celui qui  écrit ces lignes.

Les chroniques que j’ai consacrées à ce phénomène et à la xylose  de la gueule-de-loup m’ont valu un monstrueux  courrier.

C’est à qui me signalera, dans cet ordre d’idées, des  observations plus ou moins bizarres.

Impossible, à moins de transformer ce volume en un massifin-folio, de parler de chacune de ces communications.

Mais, dans le tas, deux épîtres m’ont paru dignes d’une sérieuse  publicité.

La première émane d’un savant autrichien, le docteur Margulier (Wien IV, Technikerstrass, 5), qui veut bien apporter sa  contribution à ce chapitre de botanique.

«Je ne connaissais pas, dit en substance le docteur Margulier,le cucumis fugax signalé par M.Mirbeau et par vous, mais le fait n’a rien qui puisse me surprendre, moi qui ai vu, dans les  Indes, des forêts entières se déplacer à raison de trois ou quatre  cents pieds par jour.

»Les forêts en question sont composées de l’espèce d’arbre  appelé pandanus furcatus, remarquable par la rapidité  extraordinaire du développement de ses tiges.

»Cet arbre se déplace au moyen de ses racines aériennes.

»Quand le sol où se trouve le pandanus furcatus est épuisé, l’arbre laisse dépérir son tronc, après avoir jeté des racines aériennes dont une, à son tour, sert à la plante comme nouveau tronc.

»Par ce procédé qui se répète à plusieurs reprises, l’arbre est en état de marcher à son gré, dans un direction quelconque.

»Les Hindous racontent même que ces arbres commencent à marcher  dans le cas où l’on a abattu quelques-uns d’eux, comme si, poussés par l’instinct de conservation, ils voulaient échapper au  danger.»

Le fait que me signale le docteur Margulier ne relève pas, comme  on pourrait le croire, du domaine de la fantaisie.

Le professeur Baillon, de la Faculté de Médecine, avec lequel je  déjeunais ce matin, m’en a affirmé la parfaite réalité.

Autre communication, pour laquelle le professeur Baillon n’a pas  cru devoir se porter garant.

Mon correspondant a fait ses expériences à Londres, qu’il habite en ce moment, 15, Onslow Place S. W., dans un petit parc attenant à sa maison d’habitation.

Il a arrosé ses plantes avec des liquides de composition  animale, soit du sang des bêtes, soit de l’eau dans laquelle on a  fait bouillir des matières zoïques. (Et dans ce dernier cas, on aune occasion véritablement précieuse d’employer le mot bouillon  de culture).

Un drosera (plante carnivore, comme chacun sait) fut  arrosé avec du sang d’antilope. Après huit jours de ce traitement,le drosera filait un beau soir avec la rapidité du zèbre lancé d’une main sûre.

Une autre plante, arrosée avec de la soupe à la tortue(turt le soup), se mit à se promener dans le jardin, mais plus lentement, comme de juste.

Quant au court-bouillon, dans lequel on avait fait cuire des  écrevisses, rien ne fut plus comique, dit mon correspondant -et je  n’ai aucune peine à le croire- que de contempler des arbustes  soumis à cet arrosage se mettre à marcher à reculons.

Mon correspondant ajoute d’ailleurs qu’il met la dernière main à  un livre où sont consignées, tout au long, ces curieuses  observations.

Cet ouvrage paraîtra prochainement chez Charpentier et Fasquelle et sera intitulé : les Horticoles.

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