L’ art de la Guerre (Les Treize Articles)

Article II – De l’engagement

Sun Tzu dit : Je suppose que vouscommencez la campagne avec une armée de cent mille hommes, que vousêtes suffisamment pourvu des munitions de guerre et de bouche, quevous avez deux mille chariots, dont mille sont pour la course, etles autres uniquement pour le transport ; que jusqu’à centlieues de vous, il y aura partout des vivres pour l’entretien devotre armée ; que vous faites transporter avec soin tout cequi peut servir au raccommodage des armes et des chariots ;que les artisans et les autres qui ne sont pas du corps des soldatsvous ont déjà précédé ou marchent séparément à votre suite ;que toutes les choses qui servent pour des usages étrangers, commecelles qui sont purement pour la guerre, sont toujours à couvertdes injures de l’air et à l’abri des accidents fâcheux qui peuventarriver.

Je suppose encore que vous avez mille oncesd’argent à distribuer aux troupes chaque jour, et que leur soldeest toujours payée à temps avec la plus rigoureuse exactitude. Dansce cas, vous pouvez aller droit à l’ennemi. L’attaquer et levaincre seront pour vous une même chose.

Je dis plus : ne différez pas de livrerle combat, n’attendez pas que vos armes contractent la rouille, nique le tranchant de vos épées s’émousse. La victoire est leprincipal objectif de la guerre.

S’il s’agit de prendre une ville, hâtez-vousd’en faire le siège ; ne pensez qu’à cela, dirigez là toutesvos forces ; il faut ici tout brusquer ; si vous ymanquez, vos troupes courent le risque de tenir longtemps lacampagne, ce qui sera une source de funestes malheurs.

Les coffres du prince que vous servezs’épuiseront, vos armes perdues par la rouille ne pourront plusvous servir, l’ardeur de vos soldats se ralentira, leur courage etleurs forces s’évanouiront, les provisions se consumeront, etpeut-être même vous trouverez-vous réduit aux plus fâcheusesextrémités.

Instruits du pitoyable état où vous serezalors, vos ennemis sortiront tout frais, fondront sur vous, et voustailleront en pièces. Quoique jusqu’à ce jour vous ayez joui d’unegrande réputation, désormais vous aurez perdu la face. En vain dansd’autres occasions aurez-vous donné des marques éclatantes de votrevaleur, toute la gloire que vous aurez acquise sera effacée par cedernier trait.

Je le répète : On ne saurait tenir lestroupes longtemps en campagne, sans porter un très grand préjudiceà l’État et sans donner une atteinte mortelle à sa propreréputation.

Ceux qui possèdent les vrais principes del’art militaire ne s’y prennent pas à deux fois. Dès la premièrecampagne, tout est fini ; ils ne consomment pas pendant troisannées de suite des vivres inutilement. Ils trouvent le moyen defaire subsister leurs armées au dépens de l’ennemi, et épargnent àÉtat les frais immenses qu’il est obligé de faire, lorsqu’il fauttransporter bien loin toutes les provisions.

Ils n’ignorent point, et vous devez le savoiraussi, que rien n’épuise tant un royaume que les dépenses de cettenature ; car que l’armée soit aux frontières, ou qu’elle soitdans les pays éloignés, le peuple en souffre toujours ; toutesles choses nécessaires à la vie augmentent de prix, ellesdeviennent rares, et ceux même qui, dans les temps ordinaires, sontle plus à leur aise n’ont bientôt plus de quoi les acheter.

Le prince perçoit en hâte le tribut desdenrées que chaque famille lui doit ; et la misère serépandant du sein des villes jusque dans les campagnes, des dixparties du nécessaire on est obligé d’en retrancher sept. Il n’estpas jusqu’au souverain qui ne ressente sa part des malheurscommuns. Ses cuirasses, ses casques, ses flèches, ses arcs, sesboucliers, ses chars, ses lances, ses javelots, tout cela sedétruira. Les chevaux, les bœufs même qui labourent les terres dudomaine dépériront, et, des dix parties de sa dépense ordinaire, severra contraint d’en retrancher six.

C’est pour prévenir tous ces désastres qu’unhabile général n’oublie rien pour abréger les campagnes, et pourpouvoir vivre aux dépens de l’ennemi, ou tout au moins pourconsommer les denrées étrangères, à prix d’argent, s’il lefaut.

Si l’armée ennemie a une mesure de grain dansson camp, ayez-en vingt dans le vôtre ; si votre ennemi a centvingt livres de fourrage pour ses chevaux, ayez-en deux millequatre cents pour les vôtres. Ne laissez échapper aucune occasionde l’incommoder, faites-le périr en détail, trouvez les moyens del’irriter pour le faire tomber dans quelque piège ; diminuezses forces le plus que vous pourrez, en lui faisant faire desdiversions, en lui tuant de temps en temps quelque parti, en luienlevant de ses convois, de ses équipages, et d’autres choses quipourront vous être de quelque utilité.

Lorsque vos gens auront pris sur l’ennemiau-delà de dix chars, commencez par récompenser libéralement tantceux qui auront conduit l’entreprise que ceux qui l’aurontexécutée. Employez ces chars aux mêmes usages que vous employez lesvôtres, mais auparavant ôtez-en les marques distinctives quipourront s’y trouver.

Traitez bien les prisonniers, nourrissez-lescomme vos propres soldats ; faites en sorte, s’il se peut,qu’ils se trouvent mieux chez vous qu’ils ne le seraient dans leurpropre camp, ou dans le sein même de leur patrie. Ne les laissezjamais oisifs, tirez parti de leurs services avec les défiancesconvenables, et, pour le dire en deux mots, conduisez-vous à leurégard comme s’ils étaient des troupes qui se fussent enrôléeslibrement sous vos étendards. Voilà ce que j’appelle gagner unebataille et devenir plus fort.

Si vous faites exactement ce que je viens devous indiquer, les succès accompagneront tous vos pas, partout vousserez vainqueur, vous ménagerez la vie de vos soldats, vousaffermirez votre pays dans ses anciennes possessions, vous lui enprocurerez de nouvelles, vous augmenterez la splendeur et la gloirede État, et le prince ainsi que les sujets vous seront redevablesde la douce tranquillité dans laquelle ils couleront désormaisleurs jours.

L’essentiel est dans la victoire et non dansles opérations prolongées.

Le général qui s’entend dans l’art de laguerre est le ministre du destin du peuple et l’arbitre de ladestinée de la victoire.

Quels objets peuvent être plus dignes de votreattention et de tous vos efforts !

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