Phare de boutonnière
Projecteur
Baladeuse
Magondo
Jabot chiffon papillote ou mouchoir
Hardes fripes haillons
Bouillons de linge ou ruches
De satin froid
Riche opulent assemblage
Compétition association
Manifeste réunion
De pétales d’un tissu humide
Froidement satiné
Foule sortant en delta de la commu-
nIon
Ou culotte à belles dents de fille soi-
gneuse de son linge
Répandant des parfums d’une sorte à
chaque instant
Qui risque quel plaisir de vous mettre
au bord de l’éternuement
Trompottes pleines gorgées bouchées
Par la redondance de leur propre ex-
preSSIOn
Gorges entièrement bouchées par des
langues
Leurs pavillons leurs lèvres déchirées
Par la violence de leurs cris de leurs
expreSSIOns
Froncés froissés frisés fripés
Frangés festonnés fouettés
Chiffonnés bouclés gondolés
Tuyautés gaufrés calamistrés
Tailladés déchirés pliés déchiquetés
Ruchés tordus ondés dentelés
Crémeux écumeux blanc neigeux
Homogène uni
Bouquet parfait Bouquet tout fait
Hors du gland souple de l’olive souple
et pointue
Qu’il fait s’entrouvrir qu’il fend
Au bout de sa tige fin bambou vert
Aux renflements espacés polis
Et langus aussi simplement que possible
Ains aux approches de juillet
Se déboutonne l’œillet
I4 juin.
I I
A l’ extrémité de s a tige fin b a mbou
vert aux espacés renflements polis d’où
se dégainent deux feuilles symétri-
ques très simples petits sabres gonfle à
succès un gland une olive souple et
pointue que force à s’entrouvrir que
fend en œillet d’où se déboutonne
un jabot de sàtin froid merveilleu-
sement chiffonné un ruché à foison de
languettes tordues et déchirées par la
violence de leur propos :
tout spécialement un parfum tel qu’il
produit sur la narine humaine un effet
de plaisir presque sternutatoire
I5 juin.
La tige
de ce magnifique héros – exemple à
SUIvre –
est un fin bambou vert
aux énergiques renflements espacés
polis comme l’ongle
Sous chacun d’eux se dégainent c’est
le mot
deux très simples petits sabres
symétriquement inoffensifs
A l’extrémité promise au su ccès
gonfle un gland une olive souple et
pointue
Qui soudain donnant lieu à une modifi-
cation
bouleversante
la force à s’entrouvrir qui la fend
et s’en déboutonne ?
Un merveilleux chiffon de satin froid
un jabot à foison de flammèches froides
de languettes du même tissu
tordues et déchirées
par la violence de leur propos
Une trompette gorgée
de la redondance de ses propres cris
au pavillon déchiré par leur violence
même
Tandis que pour confirmer l’importance
du phénomène
se répand continûment un padum tel
qu’il provoque dans la narine humaine
un effet de plaisir intense
presque sternutatoire.
A l’extrémité d’un chaume énergique
les trompettes du linge
déchirées par la violence de leur pro-
pos :
un parfum d’essence sternutatoire
*
L’herbe aux rotules immobiles.
*
Le bouton d’un chaume énergique
se fend en œillet
o fendu en Œ
O! Bouton d’un chaume énergique
fendu en ŒILLET !
L’herbe, aux rotules immobiles
ELLE Ô vigueur juvénile
L aux apostrophes symétriques
o l’olive souple et pointue
dépliée en Œ, l, deux L, E, T
Languettes déchirées
Par la violence de leur propos
Satin humide satin cru
etc.
(Mon œillet ne doit pas être trop
grand-chose : il faut qu’entre deux
doigts on le puisse tenir.)
Rhétorique résolue de l’œillet.
Parmi les jouissances comportant
leçons à tirer de la contemplation de
l’œillet il en est de plusieurs sortes et
j e veux, graduant notre plaisir, com-
mencer par les moins éclatantes, les plus
terre à terre, les plus basses, les plus
près du sol et les plus solides peut-être,
celles qui sortent de l’esprit en même
temps que sort de terre la petite plante
elle-même…
Cette plante d’abord ne diffère pas
beaucoup du chiendent. Elle s’agrippe
au sol qui paraît en cet endroit à la fois
tôlé et sensible comme une gencive que
percent des canines pointues. Si l’on
cherche à extraire la petite touffe l’on
n’y parvient pas sans difficulté, car
l’on s’aperçoit qu’il y avait là-dessous
une sorte de longue racine soulignant
horizontalement la surface du sol, une
longue volonté de résistance très tenace,
relativement très considérable. Il s’agit
d’une espèce de corde fort résistante et
qui déroute l’extracteur, le force à
changer la direction de son effort. C’est
quelque chose qui ressemble fort à la
phrase par laquelle j’essaie « actuel-
lement » de l’exprimer, quelque chose
qui se déroule moins qu’elle ne s’arra-
che, qui tient au sol par mille radicules
adventices – et dont il est probable
qu’elle cassera net (sous mon effort)
avant que raie pu en extraire le prin-
cipe. ConnaIssant ce danger je le risque
vicieusement, sans vergogne, à différen-
tes reprises.
Assez là-dessus, n’est-ce pas? Lâchons
la racine de notre œillet.
Nous la lâcherons, certes, mais,
revenus à un état d’âme plus tranquille,
nous nous demanderons pourtant, avant
de laisser nos regards monter vers la
tige – nous asseyant dans l’herbe par
exemple non loin de là, et la contem-
plant sans plus y toucher -, les raisons
de cette forme qu’elle a prise : pourquoi
une corde, et non un pivot ou une sim-
ple arborescence souterraine comme les
racines d’habitude?
Nous ne devons pas céder en effet à
la tentation de croire que ce soit seu-
lement pour nous causer les tracas que
je viens de décrire que l’œillet se
comporte ainsi.
Mais on peut déceler peut-être dans
le comportement du végétal une volonté
d’enlacer, de ficeler la terre, d’en être
la religion, les religieux – et par consé-
quent les maîtres.
Mais revenons à la forme de ces
racines. Pourquoi une corde plutôt qu’un
pivot ou qu’une arborescence comme
les racines ·d’habitude?
Il peut y avoir eu, au choix de cc
style, deux raisons, valables l’une ou
l’autre selon qu’on décidera qu’il s’agit
d’une racine aérienne ou d’une tige
rampante au contraire.
Peut-être, s’il s’agit d’un arbuste atro-
phié, d’un arbuste las et sans force et
sans assez de foi pour s’élever vertica-
lement du sol, peut-être quelque expé-
rience millénaire lui aura-t-elle appris
qu’il valait mieux réserver son altitude
à sa fleur.