comme poussière de notre passage une poignée de roches qui savent les âges mes forêts sont des traits de craie noire les lettres désarticulées de mots inconnus d’un matin qui hésite à venir
elles sont des ossements
que lèche l’invisible une géométrie de souffles et de pas qui se perdent
mes forêts sont lièvres et renards
jungle d’insectes qui scintillent un soir d’été quand c’est l’hiver elles sont coyote ours noir orignal sittelle geai bleu mésange
elles dorment nues mes forêts
attendent le vent qui les fera tanguer comme des bêtes ivres qui marchent vers leurs racines
si peu me fait vivre
quand c’est plein d’étoiles et que s’avance le poème
Une chute de galets
Où aller sans commencement et peut-être sans fin Silvia Baron Supervielle C’est le bruit du monde l’écoulement du temps –
goutte de pluie et grain de sable
l’éclosion d’un bourgeon la branche qui tombe l’avancée d’un nuage dans le bleu la nuit se brise à l’horizon un vent plus léger que les autres
c’est le bruit du monde
l’écoulement du temps –
l’heure mauve les glaces qui se rompent
la lumière de midi une secousse l’ondée vive le sol craquelle
c’est le murmure d’une forêt
le bruit du monde
l’écoulement du temps l’écoulement du temps –
une feuille tombe nue
comme s’égrènent les voix dans leur solitude
la neige nourrie de vent
siffle dans le désert de froid
quel silence
sous nos pas soudain se fissure
écoute
la lumière se pose sur ton visage l’âme des choses ne laisse sa trace que dans le silence entre l’automne et l’hiver hier et demain entre les étoiles les nuages et chaque goutte de pluie
écoute
le chemin qui s’ouvre dans ton cœur et ta main cherchant une autre main remue les mots jusqu’à ce qu’ils s’ouvrent comme une onde
l’énigme heureuse