On ne badine pas avec l’amour Alfred de Musset

MAÎTRE BRIDAINE.
Cela crie vengeance.
LE BARON.
Tout est perdu ! Perdu sans ressources ! Je suis perdu :
Bridaine va de travers, Blazius sent le vin à faire horreur,
et mon fils séduit toutes les filles du village en faisant des
ricochets.
Il sort.

ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE.
Entrent Maître Blazius et Perdican.
Un jardin.
MAÎTRE BLAZIUS.
Seigneur, votre père est au désespoir.
PERDICAN.
Pourquoi cela ?
MAÎTRE BLAZIUS.
Vous n’ignorez pas qu’il avait formé le projet de vous
unir à votre cousine Camille ?
PERDICAN.
Eh bien ? ? Je ne demande pas mieux.
MAÎTRE BLAZIUS.
Cependant le baron croit remarquer que vos caractères ne
s’accordent pas.
PERDICAN.
Cela est malheureux ; je ne puis refaire le mien.
MAÎTRE BLAZIUS.
Rendrez-vous par là ce mariage impossible ?
PERDICAN.
Je vous répète que je ne demande pas mieux que
d’épouser Camille. Allez trouver le baron et dites-lui cela.

MAÎTRE BLAZIUS.
Seigneur, je me retire : voilà votre cousine qui vient de ce
côté.
Il sort. – Entre Camille.
PERDICAN.
Déjà levée, cousine ? J’en suis toujours pour ce que je t’ai
dit hier ; tu es jolie comme un coeur.
CAMILLE.
Parlons sérieusement, Perdican ; votre père veut nous
marier. Je ne sais ce que vous en pensez ; mais je crois
bien faire en vous prévenant que mon parti est pris
là-dessus.
PERDICAN.
Tant pis pour moi si je vous déplais.
CAMILLE.
Pas plus qu’un autre, je ne veux pas me marier ; il n’y a
rien là dont votre orgueil puisse souffrir.
PERDICAN.
L’orgueil n’est pas mon fait ; je n’en estime ni les joies ni
les peines.
CAMILLE.
Je suis venue ici pour recueillir le bien de ma mère ; je
retourne demain au couvent.
PERDICAN.
Il y a de la franchise dans ta démarche ; touche là, et
soyons bons amis.
CAMILLE.
Je n’aime pas les attouchements.
PERDICAN, lui prenant la main.
Donne-moi ta main, Camille, je t’en prie. Que crains-tu
de moi ? Tu ne veux pas qu’on nous marie ? Eh bien ! Ne
nous marions pas ; est-ce une raison pour nous haïr ? Ne
sommes-nous pas le frère et la soeur ? Lorsque ta mère a
ordonné ce mariage dans son testament, elle a voulu que
notre amitié fût éternelle, voilà tout ce qu’elle a voulu.
Pourquoi nous marier ? Voilà ta main et voilà la mienne ;
et pour qu’elles restent unies ainsi jusqu’au dernier soupir,
crois-tu qu’il nous faille un prêtre ? Nous n’avons besoin
que de Dieu.

CAMILLE.
Je suis bien aise que mon refus vous soit indifférent.
PERDICAN.
Il ne m’est point indifférent, Camille. Ton amour m’eût
donné la vie, mais ton amitié m’en consolera. Ne quitte
pas le château demain ; hier, tu as refusé de faire un tour
de jardin, parce que tu voyais en moi un mari dont tu ne
voulais pas. Reste ici quelques jours, laisse-moi espérer
que notre vie passée n’est pas morte à jamais dans ton
coeur.
CAMILLE.
Je suis obligée de partir.
PERDICAN.
Pourquoi ?
CAMILLE.
C’est mon secret.
PERDICAN.
En aimes-tu un autre que moi ?
CAMILLE.
Non ; mais je veux partir.
PERDICAN.
Irrévocablement ?
CAMILLE.
Oui, irrévocablement.
PERDICAN.
Eh bien ! Adieu. J’aurais voulu m’asseoir avec toi sous les
marronniers du petit bois, et causer de bonne amitié une
heure ou deux. Mais si cela te déplaît, n’en parlons plus ;
adieu, mon enfant.
Il sort.
CAMILLE, à Dame Pluche qui entre.
Dame Pluche, tout est-il prêt ? Partirons-nous demain ?
Mon tuteur a-t-il fini ses comptes ?

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer