Princesse Brambilla

Chapitre 3

 

De quelques blonds individus quiont l’audace de trouver Pulcinella ennuyeux et insipide. – Humourallemand et humour italien. – Comment Celionati, assis au CaféGreco, affirma qu’il n’était pas assis au Café Greco, mais qu’ilpréparait sur les bords du Gange du tabac à priser à la mode deParis. – Merveilleuse histoire du roi Ophioch, qui régnait au paysdu Jardin d’Urdar, et de la reine Liris. – Comment le roi Cophétuaépousa une fille de mendiant, comment une noble princesse courutaprès un mauvais comédien et comment Giglio s’arma d’un sabre debois et ensuite s’élança sur le Corso, derrière mille masques,jusqu’à ce qu’il s’aperçût que son moi s’était mis àdanser.

 

– Hommes au teint blond et aux yeuxbleus, jeunes gens pleins de fierté, dont le « bonsoir, mabelle enfant », prononcé d’une voix de basse grondante,effraye la fille la plus intrépide, votre sang figé dans la glacede l’hiver éternel pourra-t-il se dégeler au souffle sauvage de latramontane ou à la flamme d’un chant d’amour ? Que venez-vousvanter votre puissance de vie et de gaieté, votre fraîcheur etvotre bonne humeur, vous qui ne comprenez rien à la plus folle et àla plus plaisante de toutes les plaisanteries, telle que notrefortuné Carnaval l’offre avec la plus extrême abondance ? Oui,vous osez même trouver parfois notre brave Pulcinella ennuyeux etinsipide, et vous qualifiez de produits d’un esprit confus les plusséduisantes fantaisies engendrées par la riante ironie.

Ainsi parlait Celionati, au Café Greco, où,comme de coutume, il s’était rendu à la tombée de la nuit, et où ilavait pris place parmi les artistes allemands qui, à la même heure,fréquentaient eux aussi cet établissement situé dans la StradaCondotti, et qui venaient précisément de faire entendre de vivescritiques sur les bouffonneries du Carnaval.

– Comment pouvez-vous donc parler de lasorte, maître Celionati ? – fit le peintre allemand FranzReinhold. Cela s’accorde mal avec ce que vous dites d’ordinaire enfaveur de l’esprit et du caractère allemands. Il est vrai que vousnous avez toujours reproché, à nous Allemands, d’exiger d’uneplaisanterie qu’elle signifiât autre chose que cette plaisanterieelle-même, et je veux vous donner raison, bien que ce soit d’uneautre manière que vous pouvez le penser. Dieu vous assiste, si vousnous attribuez la sottise qui consisterait à ne comprendre l’ironieque sous forme d’allégorie ! Vous seriez alors en grandeerreur. Nous voyons très bien que chez vous, Italiens, la plus pureplaisanterie comme telle est beaucoup plus répandue que cheznous ; mais permettez-moi de vous expliquer nettement ladifférence que je trouve entre votre plaisanterie et la nôtre, ouplus exactement votre ironie et la nôtre. Justement nous parlionsdes figures folles et grotesques qui déambulent sur le Corsocarnavalesque ; ainsi je pourrai, du moins, faire unecomparaison concrète. Lorsque je vois un de ces drôles faire rirele peuple par d’horribles grimaces, il me semble que c’est comme siparlait alors audit masque quelque modèle original devenu visiblepour lui, mais dont il ne comprendrait pas les paroles, et que cemasque se bornerait, comme cela arrive dans l’existence quand ons’efforce de saisir le sens d’un discours dans une langue qui vousest inconnue, à contrefaire inconsciemment les gestes du modèle quilui parle, mais qui les contreferait d’une manière outrancière àcause de l’effort que la chose demande. Eh bien ! notreplaisanterie à nous, Allemands, est la langue de ce prototypelui-même, langue qui émane de notre être propre et qui conditionnenécessairement nos gestes, par le principe même de l’ironie qu’il ya en nous – tout comme le rocher qui se trouve dans la profondeurde la terre oblige le ruisseau coulant au-dessus de lui à répandreà sa surface des flots onduleux.

« Ne croyez pas, maître Celionati, que jene comprenne pas la bouffonnerie, – qui, elle, ne réside que dansles phénomènes extérieurs et qui reçoit ses motifs uniquement dudehors ; ne croyez pas que je dénie à votre peuple une facultésupérieure pour, précisément, réaliser ces bouffonneries d’unemanière effective. Mais, pardonnez-moi, Celionati, si j’exige mêmede la bouffonnerie, – si tant est qu’elle doive être supportable, –un appoint de sentiment, et c’est cela que je ne trouve pas dansvos personnages comiques. Le sentiment, qui maintient la pureté denotre plaisanterie, disparaît dans le principe d’obscénité qui faitagir votre Pulcinella et cent autres masques de la sorte ; etensuite, à travers toutes les grimaces et toutes les mascaradesapparaît cette effroyable et horrible Furie de la rage, de la haineet du désespoir qui vous pousse à la démence et au meurtre.Lorsqu’en cette journée du Carnaval, dans laquelle chacun porte unelumière et essaye d’éteindre la lumière portée par les autres,lorsque dans la joie la plus folle et la plus exubérante, dans leséclats de rire les plus retentissants tout le Corso frémit de cecri sauvage : Ammazzato sia, chi non portamoccola ! croyez bien, Celionati, qu’au moment où, toutemporté par la joie délirante du peuple, je m’essouffle à crierplus fort que tout autre : Ammazzato sia ! deterribles frissons me saisissent, qui empêchent de se manifestercette sentimentalité particulière à notre esprit, à nous autres,Allemands. »

– La sentimentalité ! – ditCelionati en souriant, – faites-moi donc connaître, Monsieurl’Allemand sentimental, ce que vous pensez de nos masques duthéâtre ? De nos Pantalon, Brighella, Tartaglia ?

– Eh ! – répondit Reinhold, – jepense que ces masques nous offrent une mime de la plus réjouissanteraillerie, de la plus frappante ironie, du plus libre et je diraipresque du plus insolent humour, bien que je pense qu’ilsconcernent plutôt les divers phénomènes extérieurs de la naturehumaine elle-même, ou, plus brièvement et plus exactement, qu’ilsconcernent plus les hommes que l’homme. Du reste, je vousprie, Celionati, de ne pas me croire assez fou pour ne pas savoirqu’il y a dans votre nation des hommes doués, de l’humour le plusprofond. L’Église invisible ne connaît pas de différence denation : elle a ses membres partout. Et, maître Celionati,laissez-moi vous le dire, tout votre être et votre conduite nousont, depuis déjà longtemps, semblé fort singuliers. Vous vousdémenez devant le populaire comme le Ciarlatano le plusextravagant, après quoi vous vous plaisez dans notre société, vousoubliez tout le caractère italien et vous nous réjouissez avec demerveilleuses histoires qui pénètrent profondément dans notre âme,pour, ensuite, débiter des folâtreries et des extravagances etfaire agir sur nous les enlacements des liens magiques les plusétranges. En réalité, le peuple a raison quand il vous qualifie demaître en sorcellerie ; quant à moi, je pense simplement quevous appartenez à l’Église invisible, qui compte des membres trèssinguliers, bien que tous soient issus du même tronc.

– Que pouvez-vous penser de moi, –s’écria vivement Celionati, – Monsieur le peintre ? Quepouvez-vous bien penser, supposer ou imaginer à mon sujet ?Êtes-vous donc tous si sûrs que cela que je sois ici assis parmivous et que je bavarde inutilement, en vous racontant des chosesinutiles, – dont vous tous ne comprenez rien du tout, si vousn’avez pas contemplé le clair miroir de la source Urdar et si vousn’avez pas vu sur vous le sourire de Liris ?

– Oh ! Oh ! – s’écrièrent-ilstous ensemble – le voilà maintenant qui revient à ses vieillescabrioles. En avant, Monsieur le sorcier, en avant !

– Y a-t-il vraiment de l’intelligencedans le peuple ? – s’écria Celionati, en frappant violemmentdu poing sur la table, si bien que, subitement, tout se tut.

– Y a-t-il vraiment de l’intelligencedans le peuple ? – continua-t-il alors plus tranquillement.Que venez-vous parler de cabrioles ou de danses ? Je vousdemande seulement ce qui fait que vous êtes si convaincus que jesuis assis réellement parmi vous et que je parle de toute espèce dechoses que vous tous croyez entendre avec vos oreilles charnelles,alors que peut-être vous êtes simplement l’objet des taquineriesd’un malicieux esprit aérien ? Qui vous dit que ce Celionati àqui vous voulez faire accroire que les Italiens ne comprennent pasl’ironie, ne se promène pas justement à l’heure présente au bord duGange, y cueillant des fleurs odoriférantes, afin d’en préparer dutabac à priser à la mode de Paris, pour le nez de quelque mystiqueidole ? Ou bien qui vous dit qu’il n’est pas en traind’explorer les sombres et effrayants tombeaux de Memphis pourdemander au plus vieux des rois le petit doigt de son pied gauchepour le service officinal de la plus fière des princesses qui aientjamais paru sur la scène de l’Argentina ? Ou bien qu’avec sonplus intime ami, le magicien Ruffiamonte, il n’est pas plongé dansune profonde conversation au bord de la source Urdar ? Mais,il suffit, je veux vraiment faire comme si Celionati étaitréellement assis ici, au Café Greco, et vous raconter l’histoire duroi Ophioch, de la reine Liris et du miroir d’eau de la sourceUrdar, – si vous voulez l’entendre.

– Racontez donc, – dit l’un des jeunesartistes, – je vois déjà que ce sera une de ces histoires assezfolles et extravagantes, mais, cependant, très agréables àécouter.

– Que personne d’entre vous ne croie queje veuille vous servir des contes stupides, et ne doutez pas quetout se soit réellement passé comme je vous le raconterai, –commença Celionati. Tous les soupçons seront levés si je vouscertifie que je tiens le tout de la bouche de mon ami Ruffiamonte,que lui-même est dans une certaine mesure le héros principal del’histoire. Il y a à peine de cela une couple de siècles, nousparcourions précisément les feux de l’Islande et, en cherchant untalisman né de l’eau et de la flamme, nous parlâmes beaucoup de lasource Urdar. Donc ouvrez les oreilles et l’esprit.

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Ici, très bienveillant lecteur, il faut, parconséquent, que tu acceptes d’écouter une histoire qui paraît êtretout à fait en dehors du domaine des événements que j’ai entreprisde te raconter, et qui, par suite, a l’air d’être un épisode àrejeter. Mais, de même que souvent le chemin qui semblait vouségarer, si on le suit bravement jusqu’au bout, vous mène soudain aubut, – qu’on avait perdu des yeux, – de même, il arrivera peut-êtreque cet épisode, qui semble n’être qu’une fausse route, nousconduise en plein cœur de l’histoire principale. Écoute donc, ôlecteur, la merveilleuse

HISTOIRE

du Roi Ophioch et de la Reine Liris

Il y a bien longtemps, bien longtemps, – onpourrait même dire à une époque qui suivit les temps primitifs toutcomme le mercredi des Cendres suit le Mardi Gras, – régnait sur lepays des Jardins d’Urdar le jeune roi Ophioch.

Je ne sais pas si le géographe allemandBüsching a décrit le pays des Jardins d’Urdar avec quelqueexactitude scientifique ; cependant, il est certain que, commele magicien Ruffiamonte me l’a mille fois assuré, ce pays était desplus fortunés qu’il y ait eus et qu’il y aura jamais. Il avait desprairies et des champs de trèfle si magnifiques que le bétail leplus friand n’avait pas la moindre envie de sortir de cette chèrepatrie ; il possédait de vastes forêts avec des arbres, desplantes, un superbe gibier et des parfums si suaves que les ventsdu matin et du soir ne pouvaient se lasser d’y souffler. Il y avaitdu vin et de l’huile et des fruits de toutes espèces, il y en avaità foison ; des eaux d’une clarté d’argent traversaient tout lepays. Les montagnes, qui, comme des hommes vraiment riches, sevêtaient très simplement d’un gris foncé pas du tout criard,fournissaient de l’or et de l’argent, et il n’y avait qu’à sedonner un peu de peine pour extraire du sable les pierresprécieuses les plus belles que, si on le désirait, on pouvaitutiliser comme jolis boutons de chemise ou de gilet. Si, en dehorsde la résidence, bâtie en marbre et en albâtre, il n’y avait pasd’imposantes villes de briques, cela était dû à l’inexistence decette culture qui, par la suite, a montré aux hommes qu’il valaitmieux être assis dans un fauteuil, sous la protection de puissantesmurailles, qu’habiter dans une petite cabane au bord d’un ruisseaumurmurant, entouré d’une bruissante verdure, et s’exposer au risqueque tel ou tel arbre effronté suspende son feuillage aux fenêtreset, sans être convié, dise son petit mot ou encore que la vigne etle lierre veuillent jouer au tapissier.

Si l’on ajoute aussi que les habitants du paysdes Jardins d’Urdar étaient les plus parfaits des patriotes, aimantinfiniment leur roi, bien qu’il ne se montrât jamais à eux, etcriant même en d’autres jours que celui de sa fête « Vive SaMajesté ! », le roi Ophioch aurait dû être le monarque leplus heureux qu’il y eût sous le soleil. Et réellement, il eût puen être ainsi, si non seulement le roi, mais encore beaucoup degens du pays qui comptaient parmi les plus sages, n’avaient pas étéen proie à une étrange tristesse, qui, au milieu de toutes lesmagnificences, ne laissait aucune place à la joie. Le roi Ophiochétait un jeune homme intelligent, ayant du jugement et de laclairvoyance et qui possédait même un esprit poétique. Cettedernière chose paraîtrait tout à fait incroyable et inadmissible,si elle n’était pas excusée et rendue concevable par l’époque danslaquelle il vivait !

C’étaient sans doute des échos de ces tempsmerveilleux dans lesquels régnait le bonheur suprême et où lanature, favorisant et caressant l’être humain comme son enfantpréféré, lui donnait l’intelligence immédiate de toute réalité etaussi la compréhension du plus haut idéal et de la plus pureharmonie. C’étaient sans doute les vestiges de tout cela quirésonnaient dans l’âme du roi Ophioch. Souvent, en effet, ilcroyait que de douces voix lui parlaient dans le bruissementmystérieux de la forêt, dans le murmure des buissons et dessources, et il lui semblait que, du haut des nuages d’or,s’inclinaient des bras éblouissants pour le saisir, et sa poitrinese gonflait dans un ardent désir. Mais ensuite, tout celadisparaissait dans des ruines sauvages et désolées ; le sombreet terrible démon qui l’avait brouillé avec sa mère faisait planersur lui ses ailes glacées et il se voyait abandonné sans rémissionpar celle à qui il devait la vie et exposé à sa colère. Les voix dela forêt et des lointaines montagnes, qui d’habitude éveillaientson désir, ainsi que les douces réminiscences d’un bonheur passés’effaçaient sous la raillerie de ce sombre démon. Mais le soufflebrûlant de cette raillerie faisait naître dans l’âme du roi Ophiochl’ardente illusion que la voix du démon était la voix de sa mèrecourroucée, qui maintenant était son ennemie et cherchait àanéantir son enfant dégénéré…

Comme je l’ai déjà dit, un grand nombre degens dans le pays comprirent cette mélancolie du roi Ophioch et, lacomprenant, ils en furent eux-mêmes atteints. Mais la majorité dela population ne se rendait pas compte de cet état d’esprit dusouverain, et particulièrement le Conseil de la Couronne, qui, pourle bien du royaume, restait en parfaite santé morale.

C’est cette santé morale qui, précisément, fitcroire au Conseil de la Couronne que le roi Ophioch ne pourraitêtre sauvé de la tristesse que s’il épousait une femme jolie, gaieet d’excellente humeur. On jeta les yeux sur la princesse Liris, lafille d’un roi voisin. Effectivement, la princesse Liris étaitaussi belle que l’on peut supposer que l’est une fille de roi.Cependant, bien que tout ce qui l’entourait, tout ce qu’elle voyaitou entendait ne laissât aucune trace dans son esprit, elle riaitcontinuellement ; et, comme dans le pays des Jardins d’Hirdar(ainsi s’appelait le pays de son père) on ne connaissait pas plusla raison de cette gaieté que dans le pays des Jardins d’Urdar onne connaissait la raison de la tristesse du roi Ophioch, déjà, àcause de ce fait, les deux âmes royales semblaient être crééesl’une pour l’autre. Au demeurant, le seul plaisir de la princesse,qui vraiment fût pour elle un plaisir, était de faire du filet,entourée des dames de sa cour, lesquelles devaient également fairedu filet, tout comme le roi Ophioch ne paraissait trouver unagrément qu’à chasser dans la profonde solitude des forêts. Le roiOphioch n’eut pas la moindre objection à présenter contre l’épousequ’on lui proposait ; le mariage lui semblait une indifférenteaffaire d’État, dont il laissa le soin aux ministres qui s’enétaient occupés avec tant de zèle. La noce fut célébrée avec toutela pompe imaginable. Tout se passa magnifiquement et heureusement,à l’exception d’un petit incident : le poète de la cour, à latête de qui le roi Ophioch jeta l’épithalame qu’il voulait luioffrir, d’effroi et d’indignation tomba immédiatement dans undélire infortuné et il se figura être un esprit poétique, – ce quil’empêcha donc de continuer à composer des vers et le renditincapable de remplir désormais sa charge de poète de la cour.

Les semaines et les lunes passèrent, mais pasle moindre changement ne se manifesta dans l’état d’esprit du roiOphioch. Cependant, les ministres, à qui la reine toujours rieuseplaisait infiniment, se consolèrent eux-mêmes et consolèrent lepeuple en disant : « Un jour viendra ! »

Mais ce jour ne venait pas ; car le roiOphioch était toujours plus grave et plus triste et, ce qui étaitle pire, une profonde aversion contre la rieuse reine germa dansson sein ; pourtant celle-ci ne sembla pas du tout s’enapercevoir, – ainsi, du reste, qu’il était impossible de savoirjamais si elle remarquait n’importe quoi au monde, en dehors de sestravaux de filet.

Il arriva qu’une fois, à la chasse, le roiOphioch s’enfonça dans la partie vierge et sauvage de la forêt oùune tour de pierres noires, vieille comme la création, s’élevaitdans les airs, comme si elle fût sortie spontanément du rocherlui-même. Un bruit sourd venait de la cime des arbres, et desprofondeurs rocheuses du ravin des voix gémissantes se répondaient,en poussant des lamentations à fendre l’âme.

Le cœur du roi Ophioch, en cet endroiteffrayant, fut étrangement ému. Mais ce qu’il s’imagina alors,c’était que dans ces affreux accents de la plus profonde douleurbrillait, pour lui, un rayon d’espoir en la réconciliation. Ilpensa entendre, au lieu des cris indignés de sa mère en courroux,la plainte touchante de celle-ci gémissant d’avoir perdu son filsdégénéré, et il crut que cette plainte lui apportait l’assuranceconsolatrice que sa mère ne serait pas éternellement irritée contrelui.

Le roi Ophioch était ainsi perdu en lui-même,lorsqu’il entendit le bruit fait par le vol d’un aigle, qui se mità planer au-dessus de la tour. Involontairement, le roi Ophiochsaisit son arme et il visa l’aigle de sa flèche, mais au lieu del’atteindre, celle-ci s’enfonça dans la poitrine d’un vieillardvénérable, dont alors seulement le roi Ophioch remarqua la présenceen haut de la tour. L’effroi s’empara d’Ophioch lorsqu’il serappela que c’était là l’observatoire au sommet duquel, selon lalégende, les anciens rois du pays avaient la coutume de monter,dans le mystère des nuits, afin d’annoncer au peuple, –intermédiaires sacrés entre celui-ci et la souveraine de toute lacréation, – la volonté et les décrets de la toute-puissante reine.Il se souvint qu’il était à l’endroit que chacun évitaitsoigneusement, parce qu’on disait que le vieux mage Hermod, plongédans un sommeil millénaire, se dressait au sommet de la tour, etque, si on le réveillait de son sommeil, la colère des éléments sedéchaînerait, qu’ils entreraient en lutte l’un avec l’autre et que,dans ce combat, tout serait anéanti.

Accablé de chagrins, le roi Ophioch allait sejeter sur le soi, lorsqu’il se sentit doucement touché parquelqu’un. Le mage Hermod était devant lui, avec dans sa main laflèche qui avait frappé sa poitrine, et, tandis qu’un aimablesourire égayait la gravité vénérable de son visage, ildit :

– Tu m’as réveillé d’un long sommeilprophétique, roi Ophioch, sois-en remercié, car la chose s’estfaite au moment favorable. Il est temps maintenant que j’aille versl’Atlantide et que je reçoive de la main de l’Auguste et Puissantereine le présent qu’elle m’a promis en signe de réconciliation etqui arrachera à la douleur qui dévore la poitrine, ô roi Ophioch,son fatal aiguillon. La pensée a détruit la contemplation, mais, duprisme du cristal en lequel s’est figé le flot de feu dans soncombat nuptial avec le poison ennemi, renaîtra radieuse lacontemplation, elle-même fœtus de la pensée. Adieu, roi Ophioch, tume reverras dans treize fois treize lunes. Je t’apporterai le plusbeau des présents de ta mère réconciliée, présent qui dissoudra tadouleur en un bonheur suprême, devant lequel se fondra la prison deglace dans laquelle le plus odieux de tous les démons a silongtemps tenu captive ton épouse la reine Liris. Adieu, roiOphioch.

Sur ces mystérieuses paroles, le vieux magelaissa le jeune roi et disparut dans la profondeur de la forêt.

Si, auparavant, le roi Ophioch avait ététriste et mélancolique, il le devint dès lors bien davantageencore. Les paroles du vieil Hermod étaient restées gravées dansson âme ; il les répéta à l’astrologue de la cour, afin quecelui-ci lui en expliquât l’incompréhensible sens. Maisl’astrologue de la cour déclara qu’il n’y avait là aucunsens ; car il n’existait ni prisme, ni cristal ; dumoins, ainsi que tout pharmacien le savait, le cristal ne pouvaitpas être produit par un flot de feu et un poison ennemi ; eten ce qui concernait la pensée et la renaissance de lacontemplation dont il était question dans le discours confusd’Hermod, tout cela devait rester forcément incompréhensible, caraucun astrologue, aucun philosophe de quelque honnête savoir nepouvait pas s’occuper de la langue sans intérêt de l’époquegrossière à laquelle appartenait le mage Hermod.

Non seulement le roi Ophioch ne fut pas dutout satisfait de cette explication, mais encore, entrant dans unegrande colère, il houspilla rudement l’astrologue et ce fut heureuxque justement il n’eût rien sous la main pour le jeter à la tête del’infortuné, comme il l’avait fait au poète de la cour avec sonépithalame. Ruffiamonte prétend que, bien que la chronique n’enparle pas, il est cependant certain, d’après la légende du peupledes Jardins d’Urdar, qu’en cette occasion le roi Ophioch dit àl’astrologue de la cour qu’il était… un âne.

Comme les mystiques paroles du mage Hermod nepouvaient pas sortir de l’âme du jeune roi mélancolique, celui-cirésolut enfin d’en trouver lui-même le sens coûte que coûte. Il fitdonc inscrire, en lettres d’or, sur une plaque de marbre noir, cesparoles : « La pensée a détruit la contemplation… »,et le reste de ce qu’avait dit le mage, et il fit encastrer cetteplaque dans le mur d’une salle sombre et retirée de son palais.Ensuite, il s’assit sur un lit de repos, moelleusementrembourré ; il appuya sa tête dans ses mains et, en regardantl’inscription, il se plongea dans une profonde méditation.

Il arriva que tout à fait fortuitement lareine Liris entra dans la salle où se trouvait le roi Ophioch, prèsde l’inscription. Mais bien que, selon sa coutume, elle rît si hautque les murs en résonnèrent, le roi ne parut pas remarquer le moinsdu monde la présence de sa chère et joyeuse épouse. Il ne détournapas son regard fixe de la noire plaque de marbre. Enfin, la reineLiris dirigea, elle aussi, ses yeux de ce côté-là. Mais à peineeut-elle lu les paroles mystérieuses que son rire s’éteignit etque, sans rien dire, elle se laissa tomber, auprès du roi, sur lescoussins. Lorsque les deux personnages, le roi Ophioch et la reineLiris, eurent, pendant un certain temps, regardé fixementl’inscription, ils se mirent à bâiller très fort, et toujours deplus en plus fort, puis ils fermèrent les yeux et tombèrent dans unsommeil de mort, si profond qu’aucun art humain ne put les entirer. On les aurait tenus pour morts et on les aurait transportés,avec les cérémonies usuelles, au pays des Jardins d’Urdar, dans lecaveau royal, si une légère respiration, les battements du pouls,la couleur du visage, n’eussent été des signes infaillibles que lavie continuait. Comme, au demeurant, ils n’avaient pas encored’enfant, le Conseil de la Couronne résolut de gouverner lui-même,à la place du roi endormi, et il sut s’y prendre si habilement quepersonne ne se douta le moindrement de la léthargie dumonarque.

Treize fois treize lunes s’étaient écouléesdepuis le jour où le roi Ophioch avait eu son important entretienavec le mage Hermod ; alors les habitants du pays des Jardinsd’Urdar assistèrent à un spectacle si magnifique qu’ils n’enavaient jamais vu de semblable.

Le grand mage Hermod parut sur un nuage defeu, entouré des esprits élémentaires de toutes les races, et ildescendit sur le tapis bariolé d’une belle prairie embaumée, tandisque dans les airs toutes les musiques de toute la naturerésonnaient en mystérieux accords. Au-dessus de sa tête semblaitplaner un astre étincelant, dont aucun œil ne pouvait supporterl’éclat enflammé. Mais c’était là un prisme de cristal brillant,qui, lorsque le mage l’éleva en l’air, se répandit dans la terresous forme de gouttes semblables à des éclairs, pour rejailliraussitôt, avec un joyeux murmure, sous l’aspect de la plusmagnifique des sources d’argent.

Alors chacun se pressa autour du mage. Tandisque les esprits de la terre descendaient dans la profondeur etjetaient en l’air des fleurs métalliques éblouissantes, les espritsdu feu et des eaux nageaient dans les puissantes radiations deleurs éléments, et les esprits aériens sifflaient et s’agitaientbruyamment, semblant lutter et combattre pêle-mêle comme dans unjoyeux tournoi. Le mage remonta dans les airs et étendit au-dessusde la terre son vaste manteau ; alors une épaisse vapeurs’élevant vers le ciel enveloppa tout et, lorsqu’elle se futdissipée, on vit qu’à l’endroit où avait eu lieu le combat desesprits s’était formé un magnifique miroir d’eau, d’une clartécéleste, entouré de pierres étincelantes, d’herbes et de fleursmerveilleuses et au milieu duquel jaillissait joyeusement la sourcedont, par un plaisant caprice, les petites vagues ondulées étaientpoussées vers la périphérie.

Au moment où le prisme mystérieux du mageHermod se fondit en cette source, le couple royal se réveilla deson long sommeil. Tous deux, le roi Ophioch et la reine Liris,poussés par une irrésistible curiosité, accoururent vers la source.Ils furent les premiers à en contempler l’onde. Mais, lorsqu’ilsaperçurent dans la profondeur infinie l’azur éclatant du ciel, lesbuissons, les arbres, les fleurs, toute la nature et leur proprepersonne reflétés en sens inverse, on aurait dit que des voilesobscurs se dissipaient, et un monde nouveau, plein de magnificence,de vie et de bonheur, se révéla à leurs yeux ; avec laconnaissance de ce monde, leur être fut enflammé d’un ravissementqu’ils n’avaient encore jamais éprouvé, ni même pressenti. Ilscontemplèrent pendant longtemps la source merveilleuse, et puis ilsse levèrent, se regardèrent l’un l’autre et se mirent à rire, –puisqu’il est permis d’appeler rire aussi bien l’expressionphysique du bonheur le plus intime que celle de la joie que donnela victoire remportée par les forces spirituelles de l’être.

Si la transfiguration qui s’était opérée dansla physionomie de la reine Liris et qui donnait pour la premièrefois à son beau visage une vie véritable et un véritable charmecéleste n’eut pas suffi à attester la transformation complète deson état d’esprit, chacun aurait pu déjà s’en rendre compte par lafaçon dont elle riait. En effet, ce rire était si différent decelui qui faisait jadis le tourment du roi, que beaucoup de genstimides prétendirent que ce n’était pas elle qui riait ainsi, maisbien un autre être, un être merveilleux caché dans son âme. Il enfut de même au sujet du rire qui s’était emparé du roi Ophioch.Lorsque tous deux se furent mis à rire de cette étrange façon, ilss’écrièrent presque en même temps : « Oh ! nousétions plongés dans l’exil sinistre et désolé de rêves oppresseurset voici que nous nous sommes réveillés dans notre patrie ;maintenant nous nous reconnaissons en nous-mêmes, et nous ne sommesplus des orphelins. » Puis ils se jetèrent dans les bras l’unde l’autre avec l’expression de l’amour le plus profond.

Pendant qu’ils s’embrassaient ainsi, tous ceuxqui purent trouver place autour de la source contemplèrent l’eaumerveilleuse ; ceux qui avaient été atteints de la tristessedu roi, après avoir contemplé le miroir d’eau, éprouvèrent lesmêmes effets que le couple royal ; quant à ceux qui auparavantconnaissaient déjà la gaieté, ils restèrent entièrement dans l’étatoù ils étaient. Beaucoup de médecins trouvèrent l’eau fortordinaire, sans aucune substance minérale, de même que nombre dephilosophes déconseillèrent absolument de regarder le miroir d’eau,parce que, disaient-ils, lorsque l’homme se regarde, lui et lemonde, en sens inverse, il est facilement en proie au vertige. Il yeut même quelques personnes appartenant à la classe la plusinstruite du royaume qui prétendirent que la source Urdarn’existait pas : source Urdar fut, en effet, le nom donnéaussitôt par le roi et par le peuple à l’eau magnifique issue duprisme mystérieux d’Hermod.

Le roi Ophioch et la reine Liris se jetèrenttous deux aux pieds du grand mage Hermod, qui leur avait apporté lebonheur et la guérison, et ils le remercièrent avec les paroles etles expressions les plus belles qu’ils purent trouver. Le mageHermod les releva avec une noblesse gracieuse ; il pressad’abord la reine, puis le roi sur sa poitrine, et, comme le bonheurdu pays des Jardins d’Urdar lui tenait fort à cœur, il promit de semontrer parfois sur l’observatoire en cas d’événement critique. Leroi Ophioch voulut absolument baiser sa main vénérable ; maisil ne le souffrit pas et il s’éleva aussitôt dans les airs. Et, duhaut des nues, il prononça encore, d’une voix qui résonnait commedes cloches de métal qu’on sonne avec force, ces paroles :

La pensée détruit la contemplation, et,arraché de la poitrine maternelle, l’homme erre sans patrie, dansun délire insensé et dans un profond aveuglement, jusqu’à ce que lepropre reflet de la pensée procure à la pensée elle-même laconscience de son existence et lui fait comprendre qu’elle règne ensouveraine sur les trésors inépuisables que lui a ouverts la reinesa mère, même si elle doit obéir comme son vassal.

(Fin de l’histoire du roi Ophioch et de la reine Liris.)

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Celionati se tut ; les jeunes gensrestèrent plongés, eux aussi, dans le silence de la méditationqu’avait fait naître en eux le conte qu’ils s’étaient imaginé toutautre, du vieux Ciarlatano.

– Maître Celionati, – fit Franz Reinhold,en rompant enfin le silence, – votre conte rappelle l’Edda, laVoluspa, le Sanscrit et je ne sais quels autres vieux livresmystiques ; mais, si je vous ai bien compris, la source Urdarqui fit le bonheur des habitants du pays des Jardins d’Urdar n’estpas autre chose que ce que nous, Allemands, nous appelons humour, –la faculté merveilleuse, née de la profonde contemplation de lanature, qu’a la pensée de jouer, par rapport à elle-même, le rôled’un ironique sosie, dans les étranges farces de qui elle reconnaîtles siennes propres et, – je répéterai ce mot impertinent, – lesfarces de tout être terrestre, tout en s’en réjouissant. Cependant,Maître Celionati, vous nous avez montré par votre mythe que vouscomprenez d’autres plaisanteries que celle de votre Carnaval ;je vous range désormais au sein de l’Église invisible, et je pliele genou devant vous, comme le roi Ophioch le fit devant le grandmage Hermod, car vous aussi vous êtes un puissant magicien.

– Quoi ? – s’écria Celionati, – queparlez-vous là de conte et de mythe ? Vous ai-je donc racontéautre chose, ai-je voulu vous raconter autre chose qu’une joliehistoire de la vie de mon ami Ruffiamonte ? Il faut que voussachiez que celui-ci, dont je suis l’intime, est précisément legrand mage Hermod qui a guéri le roi Ophioch de sa tristesse. Sivous ne voulez pas me croire, vous pouvez le questionner lui-mêmesur toutes choses ; car il se trouve ici et habite au palaisPistoia.

À peine Celionati eut-il nommé le palaisPistoia que tous se rappelèrent cette si extravagante mascaradequi, quelques jours auparavant, était entrée dans ce palais. Et ilsposèrent à l’étrange Ciarlatano cent questions pour lui demander ceque cela signifiait, car ils supposaient que, lui-même étant unaventurier, il devait être mieux instruit que quiconque des chosessi extraordinaires remarquées dans le cortège.

– Bien sûr, – s’écria Reinhold en riant,– le joli vieux qui, dans sa tulipe, s’adonnait à la science, étaitvotre intime, le grand mage Hermod, autrement dit le nécromancienRuffiamonte ?

– Oui, – répondit Celionatitranquillement, – il en est ainsi, mon brave fils ; du reste,il n’est pas encore temps de parler beaucoup des habitants dupalais Pistoia. Hum ! si le roi Cophétua a épousé une fille demendiant, la grande et puissante princesse Brambilla peut bien,elle aussi, courir après un mauvais comédien…

Ce disant, Celionati quitta le café etpersonne ne sut ou ne pressentit ce qu’il avait voulu dire dans sadernière phrase ; mais, comme c’était très souvent le cas dece qu’il disait, personne ne songea guère à méditer là-dessus.

Tandis que cela se passait au Café Greco,Giglio, revêtu de son grotesque travesti, allait et venait sur leCorso. Il n’avait pas manqué, comme la princesse Brambilla le luiavait demandé, de prendre une coiffure qui, avec ses bordssaillants, avait l’air d’un casque singulier, et de s’armer d’unlarge sabre de bois. Tout son être était rempli par la dame de soncœur ; mais lui-même ne savait pas comment il pouvait se faireque la conquête de l’amour de la princesse lui parût quelque chosede tout à fait ordinaire et comme un bonheur aisémentaccessible ; il ne savait pas comment il se pouvait que, avecune impudente hardiesse, il crût qu’il était nécessaire qu’elle luiappartînt, parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement ; etcette pensée l’enflammait d’une gaieté folle, qui se manifestaitpar les grimaces les plus outrancières et qui le faisait frémirlui-même dans tout son être.

La princesse Brambilla ne se montrait nullepart ; mais Giglio n’en criait pas moins, tout hors delui : « Ma princesse, ma colombe, enfant de mon cœur, jete trouverai bien, je te trouverai bien. » Et, comme un fou,il tournait et virait autour de cent masques jusqu’à ce qu’ilaperçût un couple de danseurs qui attira toute son attention.

En effet, un être singulier, vêtu jusqu’auplus petit détail, comme Giglio lui-même, et qui pour la taille,l’attitude, etc., était véritablement son second moi, dansait, enjouant de la cithare, avec une femme très élégamment habillée, quifaisait claquer des castagnettes. Si l’aspect de son moi dansantpétrifia Giglio, sa poitrine s’anima de nouveau d’une vive ardeur,lorsqu’il examina la jeune fille ; il crut n’avoir jamais vuautant de grâce et de beauté ; chacun de ses mouvementstrahissait l’exaltation d’une joie tout à fait particulière, etc’était justement cette exaltation qui prêtait un charme indicible,même à l’outrance sauvage de la danse.

Il ne faut pas nier que le contraste grotesqueexistant entre les deux partenaires du couple dansant avait uncaractère de bouffonnerie qui, forcément, faisait rire chaquespectateur, en même temps qu’il était en adoration admirativedevant la charmante jeune fille ; mais c’était précisément cesentiment résultant d’éléments contraires qui produisait dansl’esprit de chacun cette exaltation, faite d’une gaieté étrange etindicible, à laquelle étaient en proie la danseuse et son grotesquecavalier. Giglio sentait monter en lui comme une vague idée de lapersonnalité de la danseuse, lorsqu’un masque, à côté de lui,s’écria :

– C’est la princesse Brambilla, qui danseavec son amant, le prince assyrien Cornelio Chiapperi.

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