— Eh quoi! lui dis-je, ne faudrait-il point appeler
Prodicus et Hippias avec leur compagnie, afin qu’ils nous
entendissent? Je le veux bien, dit Protagoras; et Callias
prenant la parole: Voulez-vous, nous a-t-il dit, que nous
préparions des sièges, afin que vous parliez assis? —
Cela nous a paru fort bien pensé, et en même temps,
dans l’impatience d’entendre parler des hommes si
habiles, nous nous sommes tous mis à transporter les
sièges et les bancs auprès d’Hippias, parce qu’il y avait
déjà des bancs dans cet endroit. Dans cet intervalle,
Callias et Alcibiade sont revenus, amenant Prodicus
qu’ils avaient fait lever, et tous ceux qui étaient avec lui.
Quand nous avons été tous assis, Protagoras,
m’adressant la parole, me dit: Socrate, tu peux me dire
présentement devant toute cette compagnie ce que tu as
déjà commencé à me dire pour ce jeune homme.
— Protagoras, lui ai-je dit, mon début est le
même que tout-à-l ‘heure. Hippocrate, que voici, meurt
d’envie d’entrer dans ton école, et il voudrait bien savoir
l’avantage qu’il en retirera: voilà tout ce que nous avons
à te dire.
Alors Protagoras se tournant vers Hippocrate, Mon cher
enfant, lui a-t-il dit, l’avantage que tu retireras d’être
avec moi, c’est que dès le premier jour de ce commerce,
tu t’en retourneras le soir plus habile que tu ne seras
venu le matin: le lendemain de même, et tous les jours
tu sentiras que tu as fait de nouveaux progrès.
— Mais, Protagoras, lui dis-je, il n’y a rien là de
bien surprenant et qui ne soit fort ordinaire; car toi-
même, quelque avancé en âge et en science que tu sois,
si quelqu’un t’enseignait ce que tu ne sais pas, tu
deviendrais aussi plus savant que tu n’es. Ce n’est pas là
ce que nous demandons. Mais supposons qu’Hippocrate
change tout d’un coup de fantaisie, et qu’il lui prenne
envie de s’attacher à ce jeune peintre qui vient d’arriver
en cette ville, à Zeuxippe d’Héraclée; il s’adresse à lui
comme il s’adresse présentement à toi; ce peintre
lui fait les mêmes promesses que tu lui fais, que chaque
jour il se rendra plus habile et fera de nouveaux progrès.
Si Hippocrate lui demande, En quoi ferai-je de si grands
progrès? n’est-il pas vrai que Zeuxippe lui répondra qu’il
les fera dans la peinture? Ou bien qu’il lui vienne dans la
tête de s’attacher à Orthagoras le Thébain, et qu’après
avoir entendu de sa bouche les mêmes choses qu’il a
entendues de la tienne, s’il lui fait encore la même
demande, en quoi il deviendra tous les jours plus habile,
n’est-il pas vrai qu’Orthagoras lui répondra que c’est
dans l’art de jouer de la flûte ? Cela étant, je te prie,
Protagoras, de nous répondre de même à ce jeune
homme et à moi qui t’interroge pour lui. Tu dis que
si Hippocrate s’attache à toi dès le premier jour il s’en
retournera plus habile, et ainsi tous les jours de sa vie.
Mais explique-nous en quoi et sur quoi.
Protagoras ayant entendu ces paroles m’a dit: Socrate,
ta question est bien faite, et je me plais à répondre à
ceux qui me font de bonnes questions. Hippocrate
n’éprouvera point en s’attachant à moi, ce qui lui serait
arrivé s’il s’était adressé à tout autre sophiste. Les autres
perdent la jeunesse. Quelque aversion qu’elle
témoigne pour les arts, ils l’y jettent malgré elle, lui
apprenant le calcul, l’astronomie, la géométrie et la
musique (en disant ces mots, il jetait les yeux sur
Hippias): au lieu qu’Hippocrate n’apprendra à mon école
que ce qu’il vient pour y apprendre; et ce que j’enseigne
c’est l’intelligence des affaires domestiques, afin qu’on
sache gouverner sa maison le mieux possible, et
des affaires publiques, afin qu’on devienne capable de
parler et d’agir pour les intérêts de l’état.
Vois, lui ai-je dit, si je comprends bien ta pensée; il me
semble que tu veux parler de la politique, et que tu te
fais fort de former de bons citoyens.
— C’est cela même, dit-il: voilà de quoi je me vante.
— En vérité, lui ai-je dit, Protagoras, tu possèdes une
science merveilleuse, s’il est vrai que tu la possèdes; car
je ne ferai pas difficulté de te dire librement ce que je
pense. Jusqu’ici j’avais cru que c’était une chose qui ne
pouvait être enseignée; mais, puisque tu dis que tu
l’enseignes, le moyen de ne pas te croire? Cependant il
est juste que je te dise les raisons que j’ai de penser
qu’elle ne peut être enseignée, et qu’il ne dépend pas
des hommes de communiquer cette science aux
hommes. Je suis persuadé, comme tous les Grecs, que
les Athéniens sont fort sages. Or, je vois dans toutes nos
assemblées, que, lorsque l’on veut entreprendre quelque
édifice, on appelle les architectes pour demander leur
avis; que, quand on veut bâtir des navires, on fait venir
les charpentiers qui travaillent dans les arsenaux; et
qu’on en use de même sur toutes les choses que
l’on juge de nature à être enseignées et apprises, et si
quelque autre, qui ne sera pas du métier, se mêle de
donner ses conseils, quelque beau, quelque riche et
quelque noble qu’il puisse être, on ne l’écoute seulement
pas, mais on se moque de lui, et on fait un bruit
épouvantable jusqu’à ce qu’il se retire, ou que les
archers l’enlèvent ou le traînent dehors par l’ordre des
prytanes. Voilà de quelle manière on se conduit dans
toutes les choses qui dépendent des arts. Mais toutes les
fois qu’on délibère sur ce qui regarde le
gouvernement de la république, alors on écoute tout le
monde indistinctement. On voit le maçon, le serrurier, le
cordonnier, le marchand, le patron de vaisseau, le
pauvre, le riche, le noble, le roturier, se lever pour dire
son avis, et personne ne s’avise de le trouver mauvais,
comme dans les autres occasions, et de reprocher à
aucun d’eux qu’il s’ingère de donner des conseils sur des
choses qu’il n’a jamais apprises, et sur lesquelles il n’a
point eu de maîtres: preuve évidente que les Athéniens
croient que cela ne peut être enseigné. Et il en est non-
seulement ainsi dans les affaires publiques, mais dans
le particulier, les plus sages et les plus habiles de nos
concitoyens ne peuvent communiquer leur sagesse et
leur habileté aux autres. Sans aller plus loin, Périclès a
fort bien fait apprendre à ses deux fils ici présents tout
ce qui dépend des maîtres; mais, pour ce qu’il sait,
il ne le leur apprend point, et ne les envoie pas chez
d’autres pour l’apprendre; et, semblables à ces animaux
consacrés aux dieux, à qui on laisse la liberté de paître
où ils veulent, ils errent à droite et à gauche, pour voir si
d’eux-mêmes ils ne tomberont point par bonheur sur la
vertu. Veux-tu un autre exemple? Le même Périclès,
chargé de la tutelle de Clinias, frère cadet d’Alcibiade
que voici, de peur que ce dernier ne corrompît son jeune
frère, prit le parti de les séparer, et il mit Clinias chez
Ariphron , et prit soin lui-même de l’élever et de
l’instruire. Mais qu’arriva-t-il? Clinias ne fut pas là six
mois que Périclès, ne sachant qu’en faire, le rendit
à Alcibiade. Je pourrais en citer une infinité d’autres, qui,
avec beaucoup de mérite, n’ont jamais pu rendre
meilleurs ni leurs propres enfants, ni les enfants d’autrui.
Voilà les motifs qui me font croire, Protagoras, que la
vertu ne peut être enseignée; mais aussi quand je
t’entends dire le contraire, je suis ébranlé, et je
commence à croire que tu dis vrai, persuadé que je suis,
que tu es homme d’une grande expérience, ayant appris
beaucoup de choses des autres, et en ayant trouvé
beaucoup par toi-même. Si tu peux donc nous
démontrer clairement que la vertu est de nature à
être enseignée, ne nous cache pas un si grand trésor, et
fais-nous-en part, je t’en conjure. Je ne te le cacherai
pas non plus, reprît Protagoras, mais choisis: veux-tu
que, comme un vieillard qui parle à des jeunes gens, je
te fasse cette démonstration par le moyen d’une fable,
ou bien que j’emploie le raisonnement?
A ces mots, la plupart de ceux qui étaient là assis se sont
écriés qu’il était le maître. Puisque cela est, dit-il, je crois
que la fable sera plus agréable.
Il fut un temps où les dieux existaient, et où il n’y avait
point encore d’êtres mortels. Lorsque le temps de
leur existence marqué par le destin fut arrivé, les dieux
les formèrent dans le sein de la terre, les composants de
terre, de feu, et des autres éléments qui se mêlent avec
le feu et la terre. Quand ils furent sur le point de les faire
paraître à la lumière, ils chargèrent Prométhée et
Épiméthée du soin de les orner, et de pourvoir
chacun d’eux des facultés convenables. Épiméthée
conjura son frère de lui laisser faire cette distribution.
Quand je l’aurai faite, dit-il, tu examineras si elle est
bien. Prométhée y ayant consenti, il se met à faire le
partage: il donne aux uns la force sans vitesse,
compense la faiblesse des autres par l’agilité; arme ceux-
ci, et à ceux-là qu’il laisse sans défense il réserve
quelque autre moyen d’assurer leur vie; les petits
reçoivent des ailes, ou une demeure souterraine; et ceux
qui ont la grandeur en partage, il les met en sûreté
par leur grandeur même. Il suit le même plan et la
même justice dans le reste de la distribution, pour
qu’aucune espèce ne soit détruite. Après avoir pris les
mesures nécessaires pour empêcher leur destruction
mutuelle, il s’occupe des moyens de les faire vivre sous
les diverses températures, en les revêtant d’un poil épais
et d’une peau ferme, qui pussent les défendre contre le
froid et la chaleur, et tinssent lieu à chacun de
couvertures naturelles, quand ils se retireraient pour
dormir. De plus, il leur met sous les pieds, aux uns
une corne, aux autres des calus et des peaux très
épaisses et dépourvues de sang. Il leur fournit ensuite
des aliments de différente espèce, aux uns l’herbe de la
terre, aux autres les fruits des arbres, à d’autres des
racines. La nourriture qu’il destina à quelques-uns fut la
substance même des autres animaux. Mais il fit en sorte
que ces bêtes carnassières multipliassent peu, et attacha
la fécondité à celles qui devaient leur servir de pâture,
afin que leur espèce se conservât. Comme Épiméthée
n’était pas fort habile, il ne s’aperçut pas qu’il avait
épuisé toutes les facultés en fa- vent des êtres privés de
raison. L’espèce humaine restait donc dépourvue de
tout, et il ne savait quel parti prendre à son égard. Dans
cet embarras, Prométhée survint pour jeter un coup-d
‘œil sur la distribution. Il trouva que les autres animaux
étaient partagés avec beaucoup de sagesse, mais que
l’homme était nu, sans chaussure, sans vêtements, sans
défense. Cependant le jour marqué approchait, où
l’homme devait sortir de terre et paraître à la, lumière.
Prométhée, fort incertain sur la manière dont il
pourvoirait à la sûreté de l’homme, prit le parti de
dérober à Vulcain et à Minerve les arts et le feu: car sans
le feu la connaissance des arts serait impossible et
inutile; et il en fil présent à l’homme. Ainsi notre espèce
reçut l’industrie nécessaire au soutien de sa vie; mais elle
n’eut point la politique, car elle était chez Jupiter, et il
n’était pas encore au pouvoir de Prométhée d’entrer
dans la citadelle, séjour de Jupiter, devant laquelle
veillaient des gardes redoutables. Il se glisse donc en
cachette dans l’atelier où Minerve et Vulcain travaillaient
en commun, dérobe l’art de Vulcain, qui s’exerce par le
feu, avec les autres arts propres à Minerve, et les donne
à l’homme; voilà comment l’homme a le moyen de
subsister. Prométhée, à ce qu’on dit, porta dans la suite
la peine de son larcin, dont Épiméthée avait été la cause.
L’homme ayant donc quelque part aux avantages divins,
fut aussi le seul d’entre les animaux qui, à cause de son
affinité avec les dieux, reconnut leur existence, conçut la
pensée de leur dresser des autels, et de leur ériger des
statues. Ensuite il trouva bientôt l’art d’articuler des sons,
et de former des mots; il se procura une habitation, des
vêtements, une chaussure, de quoi se couvrir la nuit, et
tira sa nourriture de la terre. Ainsi pourvus du
néc essaire, les premiers hommes vivaient
dispersés, et les villes n’existaient pas encore. C’est
pourquoi ils étaient détruits par les bêtes, étant trop
faibles à tous égards pour leur résister: et leurs arts
mécaniques, qui suffisaient pour leur donner de quoi
vivre ne suffisaient point pour combattre les animaux;
car ils ne connaissaient pas encore l’art politique, dont
celui de la guerre fait partie. Aussi ils cherchaient à se
rassembler, et à se mettre en sûreté en bâtissant des
villes; mais, lorsqu’ils étaient réunis, ils se nuisaient les
uns aux autres, parce que la politique leur manquait, de
sorte que, se dispersant de nouveau, ils devenaient la
proie des bêtes féroces. Jupiter, craignant donc
que notre espèce né pérît entièrement, envoya Mercure
pour faire présent aux hommes de la pudeur et de la
justice, afin qu’elles missent l’ordre dans les villes, et
resserrassent les liens de l’union sociale.
Mercure demanda à Jupiter de quelle manière il devait
faire la distribution de la justice et de la pudeur. Les
distribuerai-je comme on a fait les arts? or les arts ont
été distribués de cette manière: la médecine a été
donnée à un seul pour l’usage de plusieurs qui n’en ont
aucune connaissance, et de même par rapport aux
autres artisans. Suivrai-je la même règle dans le partage
de la justice et de la pudeur, ou les distribuerai-je
entre tous? Entre tous, repartit Jupiter; et que tous y
aient part. Car si la distribution s’en fait entre un petit
nombre, comme celle des autres arts, jamais les villes ne
se formeront. De plus, tu leur imposeras de ma part
cette loi, de mettre à mort quiconque ne pourra
participer à la pudeur et à la justice, comme un fléau de
la société.
C’est ainsi, Socrate, et pour ces motifs que les Athéniens
et les autres peuples, lorsqu’ils délibèrent sur des objets
relatifs à la profession du charpentier, ou à quelque
autre art mécanique, croient devoir prendre l’avis de peu
de personnes; et que, si quelqu’un n’étant pas du
petit nombre de ces experts, s’avise de dire son
sentiment, ils ne l’écoutent pas, comme tu dis, et avec
raison, à ce que je prétends. Au lieu que quand leurs
délibérations roulent sur la vertu politique, qui
comprend nécessairement la justice et la tempérance, ils
écoutent tout le monde, et ils font bien; car il faut que
tous participent à la vertu politique, ou il n’y a point de
cités. Telle est, Socrate, la raison de cette conduite.
Et afin que tu ne penses pas que je te trompe, en disant
que tous les hommes sont véritablement persuadés que
chaque particulier a sa part de la justice et des autres
branches de la vertu politique, en voici une preuve que
je te prie d’écouter. Par rapport aux autres talents,
comme tu dis, si quelqu’un se donne pour bien jouer de
la flûte, ou pour posséder quelque autre art qu’il ne
possède point, on s’en moque, ou l’on s’emporte
contre lui, et ses proches s’avançant tâchent de lui
remettre la tête comme à un insensé. Mais pour ce qui
est de la justice et des autres vertus civiles, lors même
que l’on sait qu’un homme est injuste, s’il lui échappait
de dire la vérité contre lui-même en présence de
plusieurs personnes, l’aveu de la vérité qui aurait passé
dans le cas précédent pour sagesse, passerait ici pour
folie: et l’on tient qu’il faut que tous se disent justes, qu’il
le soient ou non, sous peine d’être réputé insensé, si l’on
ne se donne pour tel: parce que c’est une nécessité
que tout homme, quel qu’il soit, participe de quelque
manière à la justice, ou qu’il ne soit point compté parmi
les hommes. Voilà ce que j’avais à dire pour expliquer
comment on a raison d’admettre tout le monde à donner
son avis sur ce qui concerne cette vertu, à cause de la
persuasion où l’on est que tous y ont part. Je vais
maintenant essayer de te démontrer que les hommes ne
regardent cette vertu, ni comme un don de la nature, ni
comme une qualité qui naît d’elle-même, mais comme
une chose qui peut s’enseigner et qui est le fruit de
l’étude et de l’exercice. Car pour les défauts que les
hommes attribuent à la nature ou au hasard, on ne
se fâche point contre ceux qui les ont. Nul ne les
réprimande, ne leur fait des leçons, ne les châtie, afin
qu’ils cessent d’être tels; mais on en a pitié. Par
exemple, qui serait assez insensé pour s’aviser de
corriger les personnes contrefaites, de petite taille, ou de
complexion faible? C’est que personne n’ignore, je
pense, que les bonnes qualités en ce genre, ainsi que les
mauvaises, viennent aux hommes de la nature ou de la
fortune. Mais, pour les biens qu’on croit que l’homme
peut acquérir par l’application, l’exercice et l’instruction,
lorsque quelqu’un ne les a point, et qu’il a les vices
contraires, c’est alors que la colère, les châtiments et les
réprimandes ont lieu. Du nombre de ces vices est
l’injustice, l’impiété, en un mot, tout ce qui est
opposé à la vertu politique. Si l’on se fâche en ces
rencontres, si l’on use de réprimandes, c’est évidemment
parce qu’on peut acquérir cette vertu par l’exercice et
par l’étude. En effet, Socrate, si tu veux faire réflexion
sur ce qu’on appelle punir les méchants, et sur la force
attachée à cette punition, tu y reconnaîtras l’opinion où
sont les hommes qu’il dépend de nous d’être vertueux.
Personne ne châtie ceux qui se sont rendus coupables
d’injustice, par la seule raison qu’ils ont commis une
injustice, à moins qu’on ne punisse d’une manière
brutale et déraisonnable. Mais lorsqu’on fait usage de sa
raison dans les peines qu’on inflige, on ne châtie pas à
cause de la faute passée; car on ne saurait empêcher
que ce qui est fait ne soit fait, mais à cause de la faute à
venir, afin que le coupable n’y retombe plus, et que son
châtiment retienne ceux qui en seront les témoins. Et
quiconque punit par un tel motif est persuadé que la
vertu s’acquiert par l’éducation: aussi se propose-t-il
pour but en punissant de détourner du vice. Tous ceux
donc qui infligent des peines, soit en particulier, soit en
public, sont dans cette persuasion. Or, tous les
hommes punissent et châtient ceux qu’ils jugent
coupables d’injustice, et les Athéniens, tes concitoyens,
autant que personne. Donc, suivant ce raisonnement, les
Athéniens ne pensent pas moins que les autres, que la
vertu peut être acquise et enseignée. Ce n’est donc pas
sans raison que tes citoyens trouvent bon que le
forgeron et le cordonnier aient part aux délibérations
politiques, et qu’ils regardent la vertu comme pouvant
être enseignée et acquise. Voilà qui est, ce me semble,
suffisamment démontré.
