Robin Hood, le proscrit – Tome II

Chapitre 5

 

Marianne et Maude habitaient depuis un mois lechâteau de Barnsdale, et elles ne devaient reprendre leur ancienmode d’existence qu’après leur entier rétablissement ; car onn’a pas oublié que les deux jeunes femmes étaient devenuesmères.

Robin Hood ne put supporter longtempsl’absence de sa bien-aimée compagne. Un matin il emmena avec luiune partie de sa bande et l’installa dans la forêt de Barnsdale.William, qui naturellement avait suivi son jeune chef, déclarabientôt que la demeure souterraine construite en grande hâte dansle voisinage du château valait infiniment mieux que celle du grandbois de Sherwood, ou du moins que, s’il y manquait différenteschoses pour compléter le bien-être de la troupe, il y avait dans laproximité du hall de Barnsdale une très agréable compensation.

Robin et William étaient donc enchantés deleur changement de domicile, et deux jeunes gens de notreconnaissance partageaient pour la même cause leur expansivesatisfaction. Ces deux jeunes gens se nommaient Petit-Jean et MuchCokle, le fils du meunier. Robin s’aperçut bientôt que Petit-Jeanet Much s’absentaient sans motif apparent à toute heure du jour.Cette désertion se renouvela tant de fois que Robin eut le désird’en connaître la cause ; il prit des informations, et on luirévéla que sa cousine Winifred, aimant fort à se promener, avaitdemandé à Petit-Jean de lui faire visiter les sites les plusremarquables de la forêt de Barnsdale. « Bon ! dit Robin,voilà pour Petit-Jean ; et Much ? » On répondit quemiss Barbara, partageant la curiosité de sa sœur à l’endroit desbeautés de la campagne, avait voulu l’accompagner dans sesexcursions champêtres ; mais que Petit-Jean, avec une prudencedigne d’éloge, avait fait observer à la jeune demoiselle que, laresponsabilité d’une femme étant déjà chose grave, il lui étaitimpossible d’accepter sa compagnie et les charges qui en devaientrésulter. En conséquence, Much avait offert sa protection à missBarbara, et miss Barbara l’avait acceptée. Les deux couples s’enallaient donc errer à travers les arbres et dans les endroits lesplus mystérieux et les plus ombragés ; tout en causant on nesait de quoi, ils oubliaient de regarder les objets qu’ils étaientvenus voir, et les vieux chênes tordus, les hêtres aux gracieusesbranches, les ormes séculaires passaient devant leurs yeux sansobtenir la moindre attention. Puis, une fatalité plus étrangeencore que cette indifférence pour les splendeurs du bois jetaitsans cesse chacun des deux couples dans un chemin contraire à labonne route, et ils ne se rencontraient qu’à la porte du château,au lever des premières étoiles.

Ces promenades, qui se renouvelaientjournellement, expliquèrent à Robin la double absence de ses deuxcompagnons.

Un soir, la journée avait été brûlante, et unvent tiède rafraîchissait l’atmosphère : Marianne et Maude,appuyées aux bras de Robin et de William, sortirent du château pourentreprendre une longue promenade dans les clairières parfumées dubois. Winifred et Barbara suivaient les jeunes couples, etPetit-Jean et son inséparable Much servaient d’ombre aux deuxsœurs.

– Ici, je respire, dit Marianne enprésentant à la brise son visage pâli ; il me semble que l’airme manque dans un appartement, et j’ai hâte de reprendre le cheminde la forêt.

– Il est donc bien agréable de vivre dansles bois ? demanda miss Barbara.

– Oui, reprit Marianne, il y a tant desoleil, de lumière, d’ombre, de fleurs et de feuillage !

– Much m’a dit hier, continua Barbara,que la forêt de Sherwood surpassait en beauté celle deBarnsdale ; il faut alors qu’elle réunisse toutes lesmerveilles de la création, car nous avons ici des endroitsravissants.

– Vous trouvez donc le bois de Barnsdale,très joli, Barbara ? demanda Robin en dissimulant unsourire.

– Charmant, répondit la jeune fille avecvivacité ; il s’y trouve des paysages délicieux.

– Quelle est la partie du bois qui aparticulièrement attiré vos regards, ma cousine ?

– Je ne saurais répondre très clairementà votre question, Robin ; cependant, je crois que mon souveniraccorde une petite préférence à une vallée qui, j’en suis certaine,n’a pas son égale dans le vieux bois de Sherwood.

– Et cette vallée se trouve ?…

– Loin d’ici ; mais vous ne pourriezimaginer rien de plus frais, de plus silencieux, de plus parfuméque ce petit coin de terre. Représentez-vous, mon cousin, une vastepelouse entourée d’un terrain en pente sur le sommet duquelcroissent à profusion des arbres de toutes les espèces. La nuancedifférente de leurs feuilles éclairée par le soleil prend desaspects merveilleux : tantôt vous avez devant les yeux unrideau d’émeraude, tantôt un voile aux couleurs multicolores sedéroule sous vos regards. Le gazon qui couvre cette valléeressemble à un grand tapis vert ; pas un pli n’en ride lasurface. Aux pieds des arbres et sur la pente de ce semblant decollines, jetez des fleurs de pourpre, d’iris et d’or, faitescourir au bas du ravin ombragé un mince filet d’eau qui roule enmurmurant entre ses deux rives, et vous aurez sous les yeux l’oasisde la forêt de Barnsdale. Et puis, continua la jeune fille, lecalme est si grand dans cette délicieuse retraite, l’air qu’on yrespire est si pur, qu’on se sent le cœur tout dilaté de joie.Enfin, je n’ai jamais vu de ma vie un endroit aussi ravissant.

– Où est donc cette vallée enchanteresse,Barbara ? demanda naïvement Winifred.

– Vous ne vous promeniez donc pastoujours ensemble ? interrompit Robin en souriant.

– Mais si, ajouta Winifred ;seulement nous nous perdions toujours… non, je voulais dire trèssouvent… quelquefois est plus juste. Je veux dire enfin quePetit-Jean se trompait de chemin, et alors nous nous trouvionsséparés ; nous nous cherchions et je ne sais comment cela sefaisait, mais nous ne parvenions jamais à nous rejoindre avantd’être arrivés au château. Cette continuelle séparation avait lieu,je vous l’assure, tout à fait par accident.

– Oui, en vérité, c’était par accident,reprit Robin d’un air moqueur, et personne ne suppose le contraire.Aussi, pourquoi rougissez-vous, Barbara ? pourquoibaissez-vous les yeux, Winifred ? Voyez, ni Jean ni Much nesont embarrassés, eux ; ils savent si bien que vous vouségariez dans le bois sans vous en apercevoir !

– Mon Dieu ! oui, répondit Much, etconnaissant le goût de miss Barbara pour les endroits retirés ettranquilles, je l’avais conduite dans la petite vallée dont ellevient de faire la description.

– Je suis tenté de croire, reprit Robin,que Barbara possède une grande facilité d’observation pour avoir puembrasser d’un coup d’œil toutes les choses charmantes dont ellevient de nous parler. Mais dites-moi, Barbara, n’avez-vous pastrouvé dans cet oasis de Barnsdale, ainsi que vous nommiez tout àl’heure la vallée découverte par Much, quelque chose de pluscharmant encore que les arbres aux feuilles diaprées, le gazonvert, le ruisseau chanteur, et les fleurs multicolores ?

Barbara rougit.

– Je ne sais ce que vous voulez dire, moncousin.

– Vraiment ! Much me comprendramieux que vous, je l’espère. Voyons, Much, répondezfranchement : Barbara n’a-t-elle point oublié de nous fairepart d’un charmant épisode de votre visite dans ce paradisterrestre ?

– Quel épisode, Robin ? demanda lejeune homme en ébauchant un sourire.

– Mon discret ami, reprit Robin, est-iljamais parvenu à votre connaissance que deux jeunes gens épris l’unde l’autre soient allés seuls dans la délicieuse retraite dontBarbara garde si bien le souvenir au fond du cœur ?

Much rougit prodigieusement.

– Eh bien ! reprit Robin, deuxjeunes gens de ma connaissance particulière ont visité il y aquelques jours votre paradis de verdure. Arrivés sur les bordsfleuris du joli ruisseau, ils se sont assis l’un auprès de l’autre.D’abord ils ont admiré le paysage, prêté l’oreille aux chantsaériens des oiseaux ; puis ils sont restés quelques minutesaveugles et muets ; puis le jeune homme, enhardi par lasolitude, par le silence ému de sa tremblante compagne, a pris dansles siennes deux petites mains blanches. La jeune fille n’a paslevé les yeux, mais elle a rougi et cette rougeur a parlé pourelle. Alors, d’une voix qui a paru à la jeune fille plus douce quele chant des oiseaux, plus harmonieuse que le murmure de la brise,le jeune homme lui a dit : « Il n’y a personne dans lemonde entier que j’aime autant que vous ; je préférerais lamort à la perte de votre amour et si vous voulez être ma femme,vous me rendrez le plus heureux des hommes. » Dites-moi,Barbara, ajouta Robin en souriant, pourriez-vous me dire si lajeune fille a tendrement accueilli l’ardente prière de son galantcavalier ?

– Ne répondez pas à cette indiscrètedemande, Barby ! s’écria Marianne.

– Parlez au nom de Barbara, Much, ditRobin.

– Vous nous adressez à l’un et à l’autredes questions si bizarres, répondit le jeune homme, fort porté àcroire que Robin avait assisté à son tête-à-tête avec Barbara,qu’il m’est impossible d’en comprendre le but.

– Par ma foi ! Much, dit William, ilme semble que Robin parle au nom de la vérité et s’il faut encroire votre mine confuse et les couleurs éclatantes qui parent lefront et les joues de ma sœur, vous êtes les amoureux de la vallée.Vive Dieu ! Barbara, si on m’appelle Will Écarlate à cause demes cheveux roux, on pourra bientôt t’appeler aussi Barby Écarlate,car ton visage est tout à fait pourpre. N’est-ce pas vrai,Maude ?

– Monsieur William, dit Barbara d’un airmécontent, si tu étais à portée de ma main, je t’arracherais avecplaisir une boucle de ta vilaine chevelure.

– Tu aurais le droit d’agir ainsi sicette même chevelure se trouvait sur une autre tête que la mienne,dit William en jetant un regard à Much ; mais la tête de tonfrère est hors de cette atteinte ; elle a son tyranparticulier, n’est-ce pas, Maude ?

– Oui, Will ; mais je ne vous aijamais tiré les cheveux.

– Cela viendra, ma chère petitefemme.

– Jamais, dit Maude en riant.

– Ainsi, Much, vous ne voulez pas mefaire connaître la réponse de la jeune fille ?

– Si vous rencontrez quelque jour cettejeune demoiselle, il faudra l’interroger vous-même, Robin.

– Je n’y manquerai pas. Et vous,Petit-Jean, avez-vous connaissance d’un aimable garçon qui adore lasolitude en tête à tête avec une charmante personne ?

– Non, Robin ; mais si vous désirezconnaître ces amoureux, j’essayerai de les découvrir, réponditnaïvement Petit-Jean.

– Il me vient une idée, Jean, s’écriaWill en éclatant de rire. Ces amoureux dont parle Robin ne voussont pas inconnus, et je parie tout ce que vous voudrez que lejeune homme en question peut être appelé mon cousin, et que lajeune fille est une aimable personne du voisinage.

– Votre idée est mauvaise, Will, réponditJean ; il n’est pas question de moi.

– En effet, je fais fausse route, repritWill en souriant, il ne peut être question de vous, mon cousin, carvous n’avez jamais été amoureux.

– Je vous demande bien pardon, Will,reprit le géant d’un ton tranquille ; j’aime de tout mon cœuret depuis longtemps une belle et charmante fille.

– Ah ! ah ! s’écria Will,Petit-Jean amoureux, en voilà du nouveau !

– Et pourquoi donc Petit-Jean nepourrait-il être amoureux ? demanda le grand jeune homme avecbonhomie ; il n’y a rien d’extraordinaire à cela,j’imagine.

– Rien du tout, mon brave ami ;j’aime à voir tout le monde heureux, et le bonheur, c’estl’amour ; mais, par saint Paul ! je serai fort content depouvoir faire connaissance avec la dame de vos pensées.

– La dame de mes pensées ! exclamale jeune homme ; mais qui donc voulez-vous que ce soit, sinonvotre sœur Winifred, cousin Will ? votre sœur que j’aimedepuis l’enfance autant que vous aimez Maude, autant que Much aimeBarbara.

Un éclat de rire général répondit à lafranchise de Jean, et Winifred, entourée de félicitations, lança aujeune homme un regard plein de tendre reproche.

– Vous le voyez, Much, reprit Robin, tôtou tard la vérité parvient à se faire connaître. J’avais touchéjuste en vous désignant pour les héros de la petite scène qui s’estpassée dans le bois de Barnsdale.

– Vous en avez donc été témoin ?demanda Much.

– Non, je l’ai devinée, ou pour mieuxdire, je me suis souvenu de mes propres impressions ; il m’estarrivé la même chose il y a un an : Marianne m’avaitattiré…

– Comment, je vous avais attiré ! serécria la jeune femme ; c’était bien vous, Robin, je vous priede le croire, et si j’avais pu prévoir à cette époque-là de quellemanière vous me traiteriez après notre mariage…

– Qu’auriez-vous fait, Marianne ?interrompit Barbara.

– Je me serai mariée plus tôt, chèreBarbara, reprit la jeune femme en souriant à Robin.

– Voilà, je l’espère, une réponse quidoit encourager la confiance dont vous avez déjà secrètement donnédes preuves, espiègle Barby. Voyons, parlons à cœur ouvert, noussommes en famille. Dites-nous que vous aimez Much, et de son côté,Much nous fera le même aveu.

– Oui, je ferai cet aveu ! s’écriaMuch d’une voix émue ; oui, je dirai hautement : j’aimede toutes les forces de mon âme Barbara Gamwell. Je dirai à tousceux qui veulent l’entendre : les yeux de Barbara sont pourmoi la lumière du jour ; sa voix douce et vibrante résonne àmon oreille comme le chant harmonieux des petits oiseaux. Jepréfère l’aimable compagnie de ma chère Barbara aux plaisirs desfestins, à l’enivrement du bal sous les vertes feuilles du mois demai ; je préfère un tendre regard de ses yeux, un sourire deses lèvres, ou une bonne pression de sa petite main à toutes lesrichesses du monde ; je suis entièrement dévoué à Barbara etplutôt que de faire une chose qui pourrait lui être désagréable,j’irais demander au shérif de Nottingham de vouloir bien m’envoyerà la potence. Oui, mes bons amis, j’aime cette chère enfant, etj’appelle sur sa blonde tête toutes les saintes bénédictions duciel. Si elle veut bien m’accorder le bonheur de la protéger de monnom et de mon amour, elle sera heureuse et bien tendrementaimée.

– Hourra ! cria Will en jetant sonbonnet en l’air, voilà qui est bien dit. Petite sœur, essuyez vosbeaux yeux et venez, je vous en donne la permission, présenter vosjoues roses, écarlates, à ce brave amoureux. Si au lieu d’être unvaillant garçon j’étais une faible fille et que mon oreille eûtentendu de si douces choses, je serais déjà la main ouverte et lecœur sur la main dans les bras de mon fiancé. N’agirais-tu pasainsi, Maude ? Certainement, n’est-ce pas.

– Mais non, Will, la modestie…

– Nous sommes en famille, il n’y a doncpoint à rougir d’une action aussi naturelle. Je suis bien assuré,Maude, que tu es de mon avis. Si j’étais Much, et que tu fussesBarby, tu serais déjà dans mes bras et tu m’embrasserais de toutton cœur.

– Je me range du parti de William, ditRobin en souriant avec une certaine malice. Il faut que Barbaranous donne la preuve de son affection pour Much.

La jeune fille ainsi interpellée s’avança aucentre du joyeux groupe et dit d’un air timide :

– Je crois sincèrement à la tendresse queMuch me témoigne : je lui en suis très reconnaissante et jedois avouer à mon tour que… que…

– Que tu l’aimes autant qu’il t’aime,ajouta vivement Will. Tu as la parole bien difficile aujourd’hui,petite sœur ; je t’assure qu’il m’a fallu beaucoup moins detemps à moi pour faire comprendre à Maude que je l’aimais de toutesmes forces ; n’est-ce pas, Maude ?

– C’est vrai, Will, répondit la jeunefemme.

– Much, continua William d’un air plussérieux, je vous donne pour femme la gentille Barbara ; ellepossède toutes les qualités du cœur, et vous serez un heureux mari.Barby, mon amour, Much est un honnête homme, un brave Saxon, fidèlecomme l’acier ; il ne trompera pas tes tendres espérances, ilt’aimera toujours.

– Toujours ! toujours ! criaMuch en prenant les deux mains de sa fiancée.

– Embrassez votre future femme, ami Much,dit Will. Le jeune homme obéit et malgré le semblant de résistanceopposé par miss Gamwell, il effleura ses joues couvertes derougeur. Le baronnet donna son consentement au mariage de sesfilles et l’époque de la célébration de cette double union futaussitôt fixée. Le lendemain matin, Robin Hood, Petit-Jean et WillÉcarlate se trouvaient entourés d’une centaine de leurs joyeuxhommes sous les grands arbres de la forêt de Barnsdale, lorsqu’unjeune garçon qui paraissait avoir fait une longue route se présentadevant Robin.

– Mon noble maître, dit-il, je vousapporte une bonne nouvelle.

– Très bien, Georges, répondit le jeunehomme ; apprends-nous promptement ce dont il s’agit.

– Il s’agit d’une visite de l’évêqued’Hereford. Sa Seigneurie, accompagnée d’une vingtaine deserviteurs, doit traverser aujourd’hui même la forêt deBarnsdale.

– Bravo ! et voilà en vérité unebonne nouvelle. Sais-tu à quelle heure monseigneur doit nousaccorder l’honneur de sa présence ?

– Vers deux heures, capitaine.

– C’est parfait ; et comment as-tuété informé du passage de Sa Seigneurie ?

– Par un de nos hommes qui, en passant àSheffield, a appris que l’évêque d’Hereford se disposait à rendreune visite à l’abbaye de Sainte-Marie.

– Tu es un brave garçon, Georges et je teremercie d’avoir eu la bonne pensée de me mettre sur mes gardes.Mes enfants, ajouta Robin, attention au commandement, nous allonsrire. Will Écarlate, prends avec toi une vingtaine d’hommes et vagarder le chemin qui se trouve dans les environs du château de tonpère. Toi, Petit-Jean, va garder avec le même nombre de compagnonsle sentier qui descend vers le nord de la forêt. Much, allez vousposter à l’est du bois avec le reste de la troupe. Je vaism’établir sur le grand chemin. Il ne faut pas laisser à monseigneurla faculté de fuir, je désire l’inviter à prendre place à un royalfestin ; il sera traité grandement, mais il payera enconséquence. Quant à toi, Georges, tu vas choisir un daim de bellevenue, un chevreuil bien gras, et tu prépareras les deux pièces àrecevoir les honneurs de ma table.

Les trois lieutenants partis avec leur petitetroupe, Robin ordonna à ses hommes de revêtir un costume de berger(les forestiers possédaient dans leurs magasins toutes sortes dedéguisements) et lui-même endossa une modeste blouse. Cettetransformation opérée, on planta des bâtons dans la terre et on ysuspendit le daim et le chevreuil. Un bon feu alimenté par desbranches sèches commença bientôt à mordre de son ardente chaleurles chairs savoureuses de la venaison.

Vers deux heures ainsi que Georges l’avaitannoncé, l’évêque d’Hereford et sa suite parurent au bas de laroute, au milieu de laquelle se tenait Robin et ses hommes déguisésen bergers.

– Notre butin approche, dit Robin enriant ; allons, mes joyeux amis, arrosez le rôti, voici notreconvive. L’évêque, accompagné de sa suite, marchait rapidement, etbientôt la noble compagnie se trouva auprès des bergers.

À la vue de la gigantesque broche qui tournaitlentement autour du brasier, le prélat laissa échapper une violenteexclamation de colère.

– Qu’est-ce à dire ? coquins, quesignifie ?…

Robin Hood leva les yeux sur l’évêque, leregarda d’un air stupide et ne répondit pas.

– M’entendez-vous, coquins ? répétal’évêque ; je vous demande à qui vous destinez ce magnifiquefestin ?

– À qui ? répéta Robin avec uneexpression de niaiserie admirablement rendue.

– Oui, à qui ? Les cerfs de cetteforêt appartiennent au roi, et je vous trouve bien impudentsd’avoir osé y porter la main. Répondez à ma question : pourqui ce repas est-il apprêté ?

– Pour nous, monseigneur, répondit Robinen riant.

– Pour vous, imbécile ! pourvous ? quelle plaisanterie ! Assurément vous ne pouvezespérer de me faire accroire que cette profusion de viande vaservir à votre repas.

– Monseigneur, je dis vrai ; nousavons faim et dès que le rôti sera cuit à point, nous nous mettronsà table.

– À quelle propriétéappartenez-vous ? qui êtes-vous ?

– Nous sommes de simples bergers, nousgardons les troupeaux. Aujourd’hui nous avons voulu nous reposer denos fatigues et nous amuser un peu. Dans ce désir, nous avons tuéles deux beaux chevreuils que voici.

– Vraiment, vous avez voulu vousamuser ! Cette réponse est naïve. Et, dites-moi, qui vous adonné la permission d’abattre le gibier du roi ?

– Personne.

– Personne, misérable ! et vouspensez pouvoir manger tranquillement ce produit d’un vol aussiaudacieux ?

– Assurément, monseigneur ; maiss’il peut vous être agréable d’en prendre votre part, nous seronsflattés de l’honneur.

– Votre offre est une insulte,impertinent berger ; je la repousse avec indignation.Ignorez-vous que le braconnage est puni de la peine de mort ?Allons, assez de paroles inutiles ! préparez-vous à me suivreen prison et de là, on vous conduira au gibet.

– Au gibet ! s’écria Robin d’un airdésespéré.

– Oui, mon garçon, au gibet !

– Je n’ai pas envie d’être pendu, gémitRobin Hood avec un accent lamentable.

– Je suis convaincu de cela ; maispeu importe, tes compagnons et toi méritez la corde. Allons,idiots, préparez-vous à me suivre, je n’ai pas de temps àperdre.

– Pardon, monseigneur, mille fois pardon.Nous avons péché par ignorance, soyez indulgents pour de pauvresmalheureux, plus dignes de pitié que de blâme.

– De pauvres malheureux qui mangentd’aussi bons rôtis ne sont point à plaindre. Ah ! mesgaillards, vous vous nourrissez de la venaison du roi ; c’estbien, c’est fort bien ! Nous irons de compagnie en présence deSa Majesté, et nous verrons si elle vous accordera le pardon que jevous refuse.

– Monseigneur, reprit Robin d’une voixsuppliante, nous avons des femmes, des enfants, soyezmiséricordieux ; je vous implore au nom de la faiblesse desunes, de l’innocence des autres ; que deviendront sans notreappui ces pauvres créatures ?

– Vos femmes et vos enfants nem’intéressent point, repartit cruellement l’évêque. Saisissez cesmisérables, ajouta-t-il en se tournant vers les hommes de sa suiteet s’ils tentent de fuir, tuez-les sans miséricorde.

– Monseigneur, dit Robin Hood,permettez-moi de vous donner un bon conseil : rétractez cesinjustes paroles ; elles respirent la violence et manquent decharité chrétienne. Croyez-moi, il serait plus sage à vousd’accepter l’offre que je vous ai faite, le partage de notredîner.

– Je vous défends de m’adresser un seulmot ! cria furieusement l’évêque. Soldats, emparez-vous de cesbandits !

– N’approchez pas ! cria Robin d’unevoix de tonnerre ou, par Notre Dame ! vous vous enrepentirez !

– Chargez hardiment ces vils esclaves,répéta l’évêque, et ne les épargnez pas.

Les serviteurs du prélat se précipitèrent surle groupe des joyeux hommes et la mêlée allait devenir sanglantelorsque Robin sonna du cor et instantanément apparurent lesdifférentes parties de la troupe qui, averties de la présence del’évêque, s’étaient doucement rapprochées.

La première action des nouveaux venus fut dedésarmer la suite de l’évêque.

– Monseigneur, dit Robin au prélat, muetde terreur en reconnaissant en quelles mains il était tombé, vousvous êtes montré impitoyable, nous serons également sans pitié.Qu’allons-nous faire de celui qui voulait nous conduire à lapotence ? demanda le jeune chef à ses compagnons.

– L’habit qu’il porte adoucit la sévéritéde mon jugement, répondit Jean d’un air tranquille ; il nefaut point le faire souffrir.

– Votre conduite est celle d’un honnêtehomme, brave forestier.

– Vous croyez, monseigneur ! repritJean toujours impassible ; eh bien ! je vais achever devous transmettre mes pacifiques intentions : au lieu de voustorturer le corps et l’âme et de vous faire mourir à petit feu,nous allons tout simplement vous trancher la tête.

– Me trancher la tête, toutsimplement ! murmura l’évêque d’une voix mourante.

– Oui, reprit Robin, préparez-vous à lamort, monseigneur.

– Robin Hood, ayez pitié de moi, je vousen conjure ! supplia l’évêque en joignant les mains ;accordez-moi quelques heures, je ne veux pas mourir sansconfession.

– Votre arrogance première a fait place àune bien grande humilité, monseigneur, répondit froidementRobin ; mais cette humilité ne me touche pas, vous vous êtescondamné vous-même ; préparez donc votre âme à paraître devantDieu. Petit-Jean, ajouta Robin en faisant à son ami un signed’intelligence, veille à ce que rien ne manque à la solennité de lacérémonie. Monseigneur, veuillez me suivre, je vais vous conduireau tribunal de la justice.

À demi paralysé par l’épouvante, l’évêque setraîna en chancelant à la suite de Robin Hood.

Lorsqu’ils furent arrivés à l’arbre duRendez-Vous, Robin fit asseoir son prisonnier sur un tertre degazon, et ordonna à un de ses hommes d’apporter de l’eau.

– Vous plairait-il, monseigneur, demandapoliment le jeune chef, de vous rafraîchir les mains et lafigure ?

Quoique très surpris de recevoir une pareilleproposition, l’évêque répondit avec condescendance. Les ablutionsterminées, Robin ajouta :

– Me ferez-vous la grâce de partager monrepas ? Je vais dîner, car je ne saurais rendre un jugement àjeun.

– Je dînerai, si vous l’exigez, réponditl’évêque d’un ton résigné.

– Je n’exige pas, monseigneur, jeprie.

– Alors je me rends à votre prière, sirRobin.

– Eh bien ! à table, monseigneur. Enachevant ces mots, Robin conduisit son hôte à la salle du festin,c’est-à-dire vers une pelouse tout en fleurs, où le couvert setrouvait déjà confortablement mis. La table surchargée de metsprésentait aux regards un spectacle fort réjouissant, et son aspectparut ramener le prélat vers des idées moins lugubres. À jeundepuis la veille, l’évêque se sentait en appétit, et l’excitanteodeur de la venaison lui monta au cerveau.

– Voilà, dit-il en s’asseyant, desviandes admirablement cuites.

– Et d’un goût exquis, ajouta Robin enservant à son convive un morceau de choix.

Vers le milieu du repas, l’évêque oublia sescraintes ; au dessert, il ne vit plus en Robin qu’un aimablecompagnon.

– Mon excellent ami, dit-il, votre vinest délicieux, il me réchauffe le cœur ; tout à l’heurej’avais froid, j’étais malade, chagrin, inquiet, maintenant je mesens tout gaillard.

– Je suis très heureux de vous entendreparler ainsi, monseigneur, car vous faites l’éloge de monhospitalité. Généralement, mes convives sont très enchantés de labonne grâce qui les accueille ici. Cependant, il vient un quartd’heure désagréable pour eux, celui qui amène le règlement de ladépense ; ils aiment fort à recevoir, mais il leur paraît trèsdésagréable de donner.

– C’est vrai, c’est bien vrai, réponditle prélat sans savoir le moins du monde ce qu’il voulait dire parcette approbation. Oui, en vérité, le fait existe. Versez-moi àboire, s’il vous plaît ; il me semble que j’ai du feu dans lesveines. Ah ! ah ! savez-vous, mon hôte, que vous menezici une heureuse existence ?

– Aussi nous appelle-t-on les joyeuxhommes de la forêt.

– C’est juste, c’est juste. Maintenant,monsieur… je ne connais pas votre nom… permettez-moi de vous direadieu ; il faut que je continue ma route.

– Rien de plus juste, monseigneur. Payez,je vous prie, la note de votre dépense, et préparez-vous à boire lecoup de l’étrier.

– Payer ma dépense ! grommelal’évêque ; suis-je donc ici dans une auberge ? Je mecroyais dans la forêt de Sherwood.

– Monseigneur, vous êtes dans uneauberge ; c’est moi qui suis le maître de la maison, et leshommes qui nous entourent sont mes serviteurs.

– Comment, tous ces hommes sont vosserviteurs ! mais il y en a pour le moins cent cinquante àdeux cents.

– Oui, monseigneur, sans compter lesabsents. Vous devez donc comprendre qu’avec un semblable entouragede valets, je doive faire payer mes hôtes le plus qu’il m’estpossible.

L’évêque poussa un soupir.

– Donnez-moi ma note, dit-il ettraitez-moi en ami.

– En grand seigneur, mon hôte, en grandseigneur, répondit gaiement Robin. Petit-Jean ! appela lejeune homme.

Celui-ci accourut. – Faites le compte demonseigneur l’évêque d’Hereford. Le prélat regarda Jean et se mit àrire.

– Eh bien ! dit-il, petit, petit, onvous appelle petit et vous pourriez être le fils d’un arbre,allons, donnez-moi votre note, gentil caissier.

– Inutile, monseigneur, il suffit de mefaire connaître où vous mettez votre argent, je me paieraimoi-même.

– Insolent ! dit l’évêque ; jete défends de fourrer tes longs doigts dans ma bourse.

– Je voulais vous épargner la peine decompter, monseigneur.

– La peine de compter ! pensez-vousque je sois ivre ? Allez chercher ma valise etapportez-la-moi, je vous donnerai une pièce d’or.

Petit-Jean se garda bien d’obéir au dernierordre du prélat ; il ouvrit le portemanteau et trouva un petitsac de cuir, Jean vida le sac ; il contenait trois centspièces d’or.

– Mon cher Robin, s’écria Jean toutjoyeux, le noble évêque mérite des égards ; il nous a enrichisde trois cents pièces d’or.

Le seigneur d’Hereford, l’œil demi-clos,écoutait sans y rien comprendre les triomphantes exclamations deJean, et lorsque Robin lui dit : « Monseigneur, nous vousremercions de votre générosité », il ferma les yeux etmarmotta de confuses paroles, au milieu desquelles Robin parvint àsaisir ces quelques mots :

– L’abbaye Sainte-Marie, à l’instant…

– Il veut partir, dit Jean.

– Faites venir son cheval, ajouta Robin.Sur un signe de Jean, un des joyeux hommes amena le cheval harnachéet la tête couronnée de fleurs. On hissa l’évêque à moitié endormisur la selle du cheval ; on l’y attacha afin de prévenir unechute qui aurait pu devenir funeste, et suivi de sa petite troupejoyeusement animée par le vin et par la bonne chère, l’évêque pritle chemin de Sainte-Marie. Une partie des joyeux hommes,fraternellement confondue avec l’escorte du prélat, conduisit toutela troupe jusqu’aux portes de l’abbaye. Il va sans dire que, aprèsavoir mis en mouvement une cloche d’appel, les forestierss’éloignèrent de toute la vitesse de leurs chevaux.

Nous n’essayerons pas de dépeindre lastupéfaction et l’épouvante des saints frères lorsque l’évêqued’Hereford parut devant eux le visage enluminé, la démarchechancelante et les vêtements en désordre.

Le lendemain de ce funeste jour, le prélatfaillit devenir fou de honte, de rage et d’humiliation ; ilpassa de longues heures en prières, demandant à Dieu de luipardonner ses fautes, et implorant la protection divine contre lemisérable Robin Hood.

À la requête du prélat outragé, le prieur deSainte-Marie fit armer une cinquantaine d’hommes et les mit à ladisposition de son hôte. Alors, le cœur bouillonnant de colère,l’évêque entraîna cette petite armée à la poursuite du célèbreoutlaw.

Ce jour-là, Robin Hood qui désirait se rendrecompte par lui-même de la situation de sir Richard de la Plaine,suivait solitairement un sentier dont les dernières limitesallaient aboutir au grand chemin. Le bruit d’une nombreusecavalcade attira l’attention de Robin ; il hâta le pas dans ladirection suivie par les nouveaux venus et se trouva face à faceavec l’évêque d’Hereford.

– Robin Hood ! s’écria l’évêque enreconnaissant notre héros, c’est Robin Hood ! Traître,rendez-vous !

Comme on doit bien le penser, Robin Hoodn’avait nullement le désir de répondre à cette intimation. Cerné detoute part, hors d’état de se défendre et même d’appeler les joyeuxhommes à son aide, il se glissa audacieusement entre deux cavaliersqui faisaient mine de vouloir lui barrer le chemin, et il s’élançaavec une vélocité de cerf vers une petite maison située à un quartde mille de l’endroit où se trouvaient les soldats de l’évêque.

Ceux-ci se mirent à la poursuite du jeunehomme ; mais, obligés de faire un détour, ils ne purentatteindre aussi rapidement que lui la maison où il allait sansdoute demander un asile.

Robin Hood avait trouvé ouverte la porte decette maison ; il y était entré et en avait barricadé lesfenêtres, sans prendre garde aux clameurs d’une vieille femmeassise devant un rouet.

– Ne craignez rien, ma bonne mère, ditRobin lorsqu’il eut achevé la clôture des portes et celle desfenêtres ; je ne suis point un voleur, mais un pauvremalheureux à qui vous pouvez rendre service.

– Quel service ? comment vousnommez-vous ? demanda la vieille femme d’un ton fort peurassuré.

– Je suis un proscrit, ma bonnemère ; je suis Robin Hood ; l’évêque d’Hereford est à mapoursuite et en veut à ma vie.

– Eh ! quoi ! vous êtes RobinHood ! dit la paysanne en joignant les mains, le noble etgénéreux Robin Hood ! Dieu soit loué d’avoir permis à unepauvre créature comme moi de payer sa dette de reconnaissance aucharitable proscrit. Regardez-moi, mon enfant et cherchez dans lesouvenir de vos œuvres bienfaisantes les traits de celle qui vousparle aujourd’hui. Il y a de cela deux ans : vous êtes entréici par hasard, dirait une femme ingrate, et moi je dis amené parla divine Providence. Vous m’avez trouvée seule, pauvre etmalade ; je venais de perdre mon mari, je n’avais plus qu’àmourir. Vos douces et consolantes paroles me rendirent le courage,les forces, la santé. Le lendemain, un homme envoyé par vos ordresm’apporta des vivres, des vêtements, de l’argent. Je lui demandaile nom de mon généreux bienfaiteur, et il me répondit :« Il s’appelle Robin Hood. » Depuis ce jour-là, monenfant, votre nom s’est trouvé dans toutes mes prières. Ma maisonest à vous, ma vie est votre bien ; disposez de votreservante.

– Merci, ma bonne mère, répondit RobinHood en serrant avec amitié les mains tremblantes de la paysanne.Je demande votre assistance, non par crainte du danger, mais pouréviter une inutile effusion de sang. L’évêque est accompagné d’unecinquantaine d’hommes et comme vous le voyez, la lutte entre nousest impossible, je suis seul.

– Si vos ennemis découvrent le lieu devotre retraite, ils vous assassineront, dit la vieille femme.

– Soyez sans inquiétude, ma bonne mère,ils ne pourront en venir à cette extrémité. Nous allons inventer unmoyen de nous soustraire à leur violence.

– Quel moyen, mon enfant ? Parlez,je suis prête à vous obéir.

– Voulez-vous échanger vos vêtementscontre les miens ?

– Échanger nos vêtements ! s’écriala vieille paysanne ; je crains, mon fils, que cette ruse nesoit inutile ; comment voulez-vous pouvoir transformer unefemme de mon âge en galant cavalier ?

– Je vous déguiserai si bien, ma bonnemère, répondit Robin qu’il vous sera possible de tromper dessoldats auxquels mon visage est probablement inconnu. Vous feindrezl’ivresse, et monseigneur d’Hereford sera si empressé de se saisirde ma personne qu’il ne verra que le costume.

La transformation fut vite opérée. Robinendossa la robe grise et la coiffe de la vieille dame, puis ill’aida à revêtir ses chausses, sa tunique et ses brodequins. Celafait, Robin cacha soigneusement les cheveux gris de la paysannesous son élégante toque, et il lui attacha ses armes à laceinture.

Le double déguisement était achevé lorsque lessoldats arrivèrent devant la porte de la petite maison.

Ils frappèrent d’abord à coups redoublés, puisun soldat proposa à l’évêque d’enfoncer la porte avec les pieds dederrière de son cheval.

Le prélat accueillit favorablement laproposition. Le cavalier tourna aussitôt son cheval et le lançacontre la porte en le piquant de sa lance. Cette piqûre produisitun effet contraire à celui qu’en attendait le soldat ; carl’animal, se cabrant avec force, désarçonna son cavalier.

L’évolution du pauvre soldat (il avaittraversé l’espace avec la rapidité d’une flèche) eut un résultatdésastreux. L’évêque, qui s’était approché afin de voir tomber laporte et fermer le passage à Robin Hood, si celui-ci tentait defuir, fut violemment frappé au visage par les éperons dusoldat.

La douleur occasionnée par ce coup exaspératellement le vieillard que, sans réfléchir à l’injuste cruauté desa fureur, il leva l’espèce de massue qu’il portait à la main commeun signe de son rang, et acheva d’assommer le malheureux, étendudemi-mort aux pieds du cheval en révolte.

Au beau milieu de la vaillante occupation àlaquelle se livrait monseigneur d’Hereford, la porte de lamaisonnette s’ouvrit.

– Serrez vos rangs ! cria l’évêqued’une voix impérative ; serrez vos rangs !

Les soldats se pressèrent en tumulte autour dela maison. L’évêque descendit de cheval ; mais en mettant piedà terre, il trébucha sur le corps du soldat ensanglanté, et allatomber la tête la première dans l’ouverture béante de la porte.

La confusion produite par ce grotesqueaccident servit à merveille les projets de Robin Hood. Étourdi ettout essoufflé, l’évêque regarda sans l’examiner, un personnage quise tenait immobile dans le coin le plus obscur de la chambre.

– Saisissez ce coquin ! criamonseigneur en désignant la vieille femme à ses soldats ;mettez-lui un bâillon, liez-le sur un cheval, votre vie me répondde sa capture ; car, si vous le laissiez échapper, vous serieztous pendus sans miséricorde !

Les soldats se précipitèrent sur la personneindiquée par les clameurs furieuses de leur chef, et, à défaut debâillon, ils enveloppèrent le visage de la vieille femme d’un largemouchoir qui leur était tombé sous la main.

Audacieux jusqu’à l’imprudence, Robin Hoodimplora d’une voix tremblante la grâce du prisonnier ; maisl’évêque le repoussa et sortit de la maisonnette après avoir eul’extrême satisfaction de voir son ennemi pieds et poings liés surle dos d’un cheval.

Malade et presque éborgné par la blessure quiavait balafré son visage, monseigneur se remit en selle et ordonnaà ses gens de le suivre à l’arbre du Rendez-Vous des outlaws.C’était à la plus haute branche de cet arbre que l’évêque seproposait de faire pendre Robin. Il tenait fort, le digne prélat, àdonner aux proscrits un épouvantable avertissement de leur sortfutur s’ils continuaient à suivre le mode d’existence de leurmisérable chef.

Aussitôt que la cavalcade se fut enfoncée dansles profondeurs du bois, Robin Hood sortit de la maisonnette et sedirigea en courant vers l’arbre du Rendez-Vous.

Il venait d’entrer dans une clairièrelorsqu’il aperçut, mais à une distance encore considérable,Petit-Jean, Will Écarlate et Much.

– Regardez donc là-bas, au milieu de laclairière, disait Jean à ses deux amis, l’étrange personne qui nousarrive ; on dirait une vieille sorcière. Par Notre Dame !si je pouvais croire à cette mégère des intentions hostiles, je luienverrais une bonne flèche.

– Ta flèche ne saurait l’atteindre,répondit Will en riant.

– Et pourquoi donc, je te prie ?Mets-tu mon adresse en doute ?

– Pas le moins du monde ; mais si,comme tu le supposes, cette femme est sorcière, elle arrêtera levol de tes flèches.

– Ma foi ! dit Much qui n’avait pasdétourné son attention de la bizarre voyageuse, je me range àl’avis de Petit-Jean : cette dame me paraît fortextraordinaire : sa taille est gigantesque, puis elle nemarche pas comme une personne de son sexe, elle enjambe le terrainpar des bonds prodigieux, elle m’effraie, et si vous le permettez,Will, nous allons mettre à l’épreuve la puissance de la sorcelleriedont elle nous semble si richement dotée.

– N’agissez pas à la légère, Much,répondit Will ; cette pauvre créature porte des vêtementsdignes de tout notre respect ; puis, quant à moi, vous lesavez, je suis incapable de faire du mal à une femme. Qui saitencore si ce monstre femelle est une sorcière ? Il ne faut passe fier aux apparences ; car il arrive souvent qu’une vilaineécorce sert d’enveloppe à un excellent fruit. En dépit du ridiculede son extérieur, la pauvre vieille dame est peut-être une bonnepersonne, une honnête chrétienne. Ménagez-la et, afin de vousrendre l’indulgence plus douce, songez aux ordres de Robin :ces ordres nous interdisent toute démonstration hostile ouseulement irrespectueuse à l’égard des femmes.

Petit-Jean fit mine de bander son arc et d’enpointer la direction de la flèche sur la prétendue sorcière.

– Arrêtez ! cria une voix grave etsonore. – Les trois jeunes gens jetèrent un cri de surprise.– Je suis Robin Hood, ajouta le personnage qui avait sivivement occupé l’attention des forestiers et en disant son nom,Robin arracha la coiffe qui couvrait sa tête et une grande partiede ses traits.

– J’étais donc tout à faitméconnaissable ? demanda notre héros lorsqu’il eut rejoint sescompagnons.

– Vous étiez fort laid, mon cher ami,répondit Will.

– Pour quelle raison avez-vous pris undéguisement aussi disgracieux ? demanda Much.

Robin raconta en peu de mots à ses amis lamésaventure qui lui était arrivée.

– Maintenant, ajouta Robin après avoirachevé son récit, songeons à nous défendre. Il faut avant toutechose me procurer des vêtements. Vous allez, mon cher Much, merendre le service de courir en toute hâte au magasin et de m’enrapporter un costume convenable. Pendant ce temps-là, Will et Jeanréuniront autour de l’arbre du Rendez-Vous tous les hommes qui setrouvent dans la forêt. Dépêchez-vous mes garçons ; je vouspromets un dédommagement à tous les ennuis que nous causemonseigneur d’Hereford.

Petit-Jean et Will s’élancèrent dans la forêtpar deux directions différentes et Much alla chercher les vêtementsdemandés par Robin.

Une heure après, revêtu d’un élégant costumed’archer, Robin se trouvait à l’arbre du Rendez-Vous.

Jean amena soixante hommes et Will en réunitune quarantaine.

Robin dissémina sa troupe dans les fourrés quiformaient à la clairière une impénétrable ceinture, et allas’asseoir au pied du grand arbre désigné par monseigneur pour luiservir de potence.

À peine ces dispositions étaient-elles prisesque l’approche de la cavalcade fit retentir le sol ; l’évêqueparut accompagné de toute sa suite.

Lorsque les soldats eurent pénétré au centrede la clairière, le son d’un cor résonna dans l’air, le feuillagedes jeunes arbres s’agita, et de tous les côtés de cette haie deverdure sortirent des hommes armés jusqu’aux dents.

À la vue de la formidable apparition desforestiers, qui sur un signe de leur chef, encore invisible àl’évêque, se rangeaient en bataille, un frisson glacial parcourutles membres du prélat ; il jeta autour de lui un regardépouvanté, et aperçut un jeune homme revêtu d’une tunique écarlate,qui, les paroles du commandement aux lèvres, dirigeait la troupedes outlaws.

– Quel est cet homme ? demandal’évêque en désignant Robin à un soldat proche voisin du prisonnierlié sur le cheval.

– Cet homme est Robin Hood, répondit leprisonnier d’une voix tremblante.

– Robin Hood ! exclamal’évêque ; et qui donc es-tu, misérable ?

– Je suis une femme, monseigneur, unepauvre vieille femme.

– Malheur sur toi, affreusesorcière ! cria l’évêque exaspéré ; malheur surtoi ! Allons, mes enfants, ajouta monseigneur en faisant ungeste d’appel à sa troupe, lancez-vous dans la clairière, necraigniez rien ; tracez un chemin avec la pointe de votre épéeà travers les rangs de ces misérables ; en avant, les bravescœurs ! en avant !

Les braves cœurs trouvèrent sans doute que sil’ordre d’attaquer les proscrits était facile à donner, il étaitplus difficile à mettre en action, car ils restèrent immobiles.

Sur un signal de Robin, les forestiersajustèrent leurs flèches et levèrent leurs arcs avec un ensembleadmirable, et leur réputation d’adresse était si connue et siredoutée, que les soldats de l’évêque, non contents de resterinactifs, se courbèrent entièrement sur leur selle.

– Bas les armes ! dit Robin Hood.Détachez le prisonnier.

– Les soldats obéirent aux ordres dujeune homme. – Ma bonne mère, dit Robin en attirant la vieillefemme en dehors de la clairière, regagne ta demeure, je t’enverraidemain la récompense de ta bonne action. Va vite, je n’ai pas letemps de te remercier aujourd’hui ; mais n’oublie pas que mareconnaissance est grande.

La bonne vieille baisa les mains de Robin Hoodet s’éloigna accompagnée d’un guide.

– Ayez pitié de moi, Seigneur ! ayezpitié de moi ! criait l’évêque en se tordant les mains. RobinHood s’approcha de son ennemi.

– Soyez le bienvenu, monseigneur, dit-ild’une voix caressante et permettez-moi de vous remercier de votrevisite. Mon hospitalité, je le vois, a des charmes si grands quevous n’ayez pu résister au désir d’en partager encore le joyeuxentrain.

L’évêque jeta sur Robin un regard désespéré etlaissa échapper de ses lèvres un profond soupir.

– Vous me paraissez triste,monseigneur ? reprit Robin ; quel chagrinavez-vous ? n’êtes-vous pas heureux de me revoir ?

– Je ne puis dire que j’en sois content,répondit l’évêque ; car la position dans laquelle je me trouverend ce sentiment impossible. Vous devinez sans peine avec quelleintention j’étais venu ici et naturellement vous vous vengerez demoi en toute liberté de conscience, puisque vous frapperez unantagoniste. Cependant, je crois devoir vous dire ceci :Laissez-moi partir et jamais, dans aucune circonstance, je nechercherai à vous faire du mal ; laissez-moi partir avec meshommes et votre âme n’aura point à répondre devant Dieu d’un péchémortel ; car ce serait un péché mortel qued’attenter àl’existence d’un grand prêtre de la sainte Église.

– Je hais le meurtre et la violence,monseigneur, répondit Robin Hood et mes actions en donnentjournellement la preuve. Je n’attaque jamais ; je me contentede défendre ma vie et celle des braves gens qui se sont confiés àmoi. Si j’avais dans le cœur le moindre sentiment de haine ou derancune contre vous, monseigneur, je vous infligerais le suppliceque vous aviez l’intention de me faire subir. Il n’en est pasainsi, je n’ai point de haine pour vous et je ne me venge jamais dumal qu’on n’a pas réussi à me faire. Je vais donc vous rendre votreliberté, mais à une condition.

– Parlez, messire, dit polimentl’évêque.

– Vous allez me promettre de respectermon indépendance, la liberté de mes hommes, vous allez me jurerqu’à aucune époque de l’avenir et dans aucune circonstance vous neprêterez les mains à un attentat contre ma vie.

– Je vous ai promis de mon propre gré dene vous faire aucun mal, répondit doucement l’évêque.

– Une promesse n’engage à rien uneconscience peu timorée, monseigneur ; je désire unserment.

– Je jure par saint Paul de vous laisservivre à votre guise.

– Très bien, monseigneur ;maintenant vous êtes libre.

– Je vous remercie mille fois, RobinHood. Veuillez donner l’ordre qu’on réunisse mes hommes ; ilsse sont dispersés et fraternisent déjà avec vos compagnons.

– Je vous obéis, monseigneur ; dansquelques minutes les soldats seront en selle. Voulez-vous accepter,en attendant l’heure du départ, un légerrafraîchissement ?

– Rien, je ne veux rien, se hâta derépondre l’évêque, épouvanté à l’audition seule de cette dangereuseproposition.

– Vous êtes à jeun depuis longtemps,monseigneur, et une tranche de pâté…

– Pas un morceau, mon cher hôte, pas mêmeun morceau.

– Alors une coupe de bon vin ?

– Non, non, cent fois non !

– Vous ne voulez donc ni boire ni mangeravec moi, mon seigneur ?

– Je n’ai ni faim ni soif ; jedésire m’éloigner, voilà tout. Ne cherchez pas à me retenir pluslongtemps, je vous en supplie.

– Que votre volonté soit faite,monseigneur ; Petit-Jean, ajouta Robin, Sa Seigneurie demandeà nous quitter.

– Sa Seigneurie en est parfaitement lamaîtresse, répondit Jean d’un ton goguenard, et je vais lui donnersa note.

– Ma note ! répéta l’évêque d’un tonsurpris ; que voulez-vous dire ? Je n’ai ni bu nimangé.

– Oh ! cela ne fait rien, réponditJean d’un air tranquille ; du moment où vous êtes dansl’hôtellerie, vous en partagez la dépense. Vos hommes ont faim, ilsdemandent des vivres ; vos chevaux sont déjà rassasiés ;il ne faut pas non plus que, victimes de votre sobriété, noussoyons condamnés à ne rien recevoir, parce qu’il vous plaît de nerien accepter. Nous demandons largesses pour les serviteurs qui sefatiguent à héberger bêtes et gens.

– Prenez ce que vous voudrez, réponditimpatiemment l’évêque, et laissez-moi partir.

– Le sac est-il toujours dans le mêmeendroit ? demanda Petit-Jean.

– Le voici, répondit l’évêque endésignant un petit sac de cuir attaché à l’arçon de la selle de soncheval.

– Il me semble plus lourd qu’il nel’était à votre dernière visite, monseigneur.

– Je le crois bien, répondit l’évêque enfaisant des efforts désespérés pour paraître calme, il contient unesomme beaucoup plus forte.

– Vous m’en voyez ravi,monseigneur ; et peut-on vous demander combien il y a danscette gentille sacoche ?

– Cinq cents pièces d’or…

– C’est admirable ! Quellegénérosité de venir ici avec un pareil trésor ! réponditironiquement le jeune homme.

– Ce trésor, balbutia l’évêque, ce trésornous allons le partager, n’est-ce pas ? Vous n’oseriez medépouiller entièrement, me voler une somme aussi considérable.

– Vous voler ! répéta Petit-Jeand’un ton de dédain ; quel mot venez-vous de dire ? Vousne comprenez donc pas la différence qui existe entre voler ouprendre à un homme ce qui ne lui appartient pas ? Vous avezconquis cet argent à l’aide de faux prétextes, vous l’avez pris àceux qui en ont besoin, et je désire le leur rendre. Vous voyezbien, monseigneur, que je ne vous vole pas.

– Nous appelons notre manière d’agir dela philosophie forestière, dit Robin Hood en riant.

– La légalité de cette philosophie estdouteuse, repartit l’évêque ; mais, ne pouvant me défendre, jesuis obligé de subir tout ce qu’il vous plaît d’exiger ;prenez donc ma bourse.

– J’ai encore une demande à vousadresser, monseigneur, reprit Jean.

– Laquelle ? interrogea anxieusementl’évêque.

– Notre directeur spirituel, réponditJean, n’est pas à Barnsdale dans ce moment-ci et, comme il y alongtemps que nous n’avons profité de sa pleine assistance, nousvenons vous supplier, monseigneur, de vouloir nous dire unemesse.

– Quelle profane demande osez-vousm’adresser ? s’écria l’évêque ; je préférerais la mort àl’accomplissement d’une pareille impiété.

– Il est cependant de votre devoir,monseigneur, dit Robin, de nous aider en tout temps à adorerDieu ; Petit-Jean a raison, depuis plusieurs semaines nousn’avons eu le bonheur d’assister au saint sacrifice de la messe etnous ne pouvons laisser perdre l’heureuse occasion qui se présenteaujourd’hui ; veuillez donc vous préparer, je vous prie, àsatisfaire à notre juste demande.

– Ce serait un péché mortel, un crime etje m’attendrais à être frappé de la main de Dieu si je consentaiscommettre cet indigne sacrilège ! répondit l’évêque pourpre decolère.

– Monseigneur, reprit gravement Robin,nous révérons avec l’humilité la plus chrétienne les divinssymboles de la religion catholique, et, croyez-moi, vous netrouverez jamais, même dans l’enceinte de votre vaste cathédrale,des auditeurs plus attentifs ni plus recueillis que le seront lesoutlaws de la forêt de Sherwood.

– Puis-je ajouter foi à vosparoles ? interrogea l’évêque d’un ton rempli de doute.

– Oui, monseigneur, et vous allez bientôten reconnaître l’exacte vérité.

– Allons, je veux bien vous croire ;conduisez-moi à la chapelle.

– Venez, monseigneur. Robin se dirigea,suivi de l’évêque, vers un enclos situé à une courte distance del’arbre du Rendez-Vous. Là, au centre d’une espèce de vallée, setrouvait un autel de terre, garni d’une couche épaisse de mousseentremêlée de fleurs. Tous les objets nécessaires à la célébrationdu saint sacrifice étaient disposés sur le maître-autel avec ungoût exquis et Sa Révérence parut émerveillée de la fraîcheur de cereposoir naturel.

Ce fut alors un touchant spectacle que de voircette troupe, composée de cent cinquante à deux cents hommes,pieusement agenouillée, tête nue, le cœur et l’esprit enprières.

Après la messe, les joyeux hommes témoignèrentau prélat toute leur gratitude et celui-ci avait été si étonné del’attitude respectueuse des forestiers pendant le cours du saintoffice, qu’il ne put résister au désir d’adresser à Robin une foulede questions sur sa manière de vivre sous les grands arbres duvieux bois.

Tandis que Robin répondait avec une courtoisiecharmante aux interrogations de l’évêque, les forestiers faisaientattabler les soldats devant un copieux repas et Much veillait à lapréparation du plus délicat festin qui se fût jamais servi dans laverte forêt.

Insensiblement, amené par Robin devant lesjoyeux convives, l’évêque les considéra d’un œil d’envie et la vuede leur gaieté dissipa les derniers vestiges de sa mauvaisehumeur.

– Vos hommes emploient très bien leurtemps, dit Robin en désignant à Sa Révérence le groupe le plusvorace de toute l’assemblée.

– Ils mangent en effet avec un grandappétit.

– Ils devaient avoir faim,monseigneur ; il est deux heures et moi-même je sens le besoinde prendre quelque chose ; voulez-vous accepter votre partd’un petit dîner sans façon ?

– Merci, mon cher hôte, merci, réponditl’évêque en tâchant de rester sourd aux appels réitérés de sonestomac. Je ne veux rien, quoique j’éprouve une légère atteinte dela faim.

– Il ne faut jamais contrarier lesbesoins de la nature, monseigneur, répondit Robin d’un airsérieux ; l’esprit et le cœur en souffrent et la santé seperd. Allons, prenez place sur ce tapis de verdure ; on vavous servir et vous ne mangerez qu’un peu de pain si vous craignezde retarder votre départ.

– Il faut donc absolument vousobéir ? dit l’évêque avec une expression de joie vainementdissimulée.

– Vous n’y êtes pas contraint,monseigneur, répliqua Robin d’un ton malicieux et s’il vous déplaîtde goûter avec moi à ce délicieux pâté de venaison, au vin exquiscontenu dans cette bouteille, abstenez-vous, je vous prie car ilest encore plus dangereux de forcer son estomac à recevoir desaliments que de le priver de toute nourriture pendant plusieursheures.

– Oh ! je ne force pas mon estomac,repartit l’évêque en riant ; je suis doué d’un excellentappétit, et, comme il y a fort longtemps que je suis à jeun, jecrois pouvoir faire honneur à votre aimable invitation.

– Alors, à table, monseigneur, et bonappétit ! L’évêque d’Hereford dîna bien ; il aimait àboire et le vin que Robin Hood lui versait était si capiteux qu’àla fin du repas Sa Seigneurie devint tout à fait ivre ; puis,vers le soir, monseigneur rentra à l’abbaye de Sainte-Marie dansune situation d’esprit et de corps qui fit jeter de nouveaux crisd’horreur et d’indignation aux pieux moines du monastère.

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