Un drame à Rio-de-Janeiro

Chapitre 6LE SECRET DE LA TOUR CARRÉE

Soudain, le sol trembla sous une galopadeeffrénée, de nombreux cavaliers lancés à toute bride approchaientet, presque aussitôt, le bois fut envahi de tous côtés.

Les survenants portaient l’uniforme vertgalonné de jonquille de la police montée brésilienne ; à leurtête, on apercevait don Fernandez Castro, bien en selle, sur ungrand cheval noir.

Cette intervention en renversant les rôles,devait décider du sort de la journée ; comprenant qu’ils nepouvaient espérer résister à la soixantaine de policiers, quientraient en ligne, les hommes de Pablo Vérez se débandèrent,fuyant dans toutes les directions.

Mais comme ils étaient habitués aux combats deguérilla, ils ne le firent point sans protéger leur fuite par unefusillade bien nourrie.

Au reste, la nature du terrain les favorisaitsingulièrement ; dans ces jardins coupés de boqueteaux, dehaies, de buissons épineux et dont la topographie leur étaitconnue, il avaient un avantage marqué sur les cavaliers deFernandez Castro.

Ces derniers ne les en poursuivirent pas moinsavec énergie, faisant une demi douzaine de prisonniers avec unnombre égal de blessés qu’on ramassa sur le terrain. Ce fut tout cedont on put s’emparer. Pablo Vérez n’était point parmi eux ;une fois de plus, le misérable avait réussi à sortir sain et saufde la bagarre.

Cette constatation arracha un geste de colèreau gouverneur, de même qu’au capitaine Jacobs, tous deuxcomprenaient que, tant que Pablo n’aurait point été capturé, rienne serait terminé.

– Patience, nous finirons bien par leprendre et par le pendre, je vous en donne ma parole, capitaine,conclut le gouverneur, avec conviction.

– Que le ciel vous entende, señor !riposta le brave officier.

En achevant cette conversation, les deuxhommes étaient revenus sur le théâtre de la lutte ; ils ytrouvèrent Eva et Maurice qui s’entretenaient à mi-voix, au milieudes policiers.

En effet, le premier soin du Français avaitété de courir à la jeune fille et maintenant, tous deux sefélicitaient d’avoir, une fois de plus, échappé à leur impitoyableennemi.

– Ah ! monsieur le gouverneur,s’exclama l’Américaine, en faisant quelques pas au-devant de donCastro, nous n’espérions plus en vous. Comment se fait-il que vousayez tant tardé à intervenir ?…

– Oui, c’est également ce que je voulaisvous demander, repartit Jacobs en écho.

Don Fernandez Castro eut un haussementd’épaules.

– J’ai exécuté une fausse manœuvre,lâchant la proie pour l’ombre, avoua-t-il.

Et, en quelques mots, il narra ce qui s’étaitpassé.

À l’aube, ses gens et lui étaient parvenus àla lisière des bois qui faisaient à la plantation une ceintureverdoyante, presque impénétrable. Les policiers étaient à peu près,certains de ne pas avoir été signalés et ils se proposaientd’attendre patiemment l’arrivée du détachement de la« Généreuse » lorsqu’un éclaireur envoyé enreconnaissance, dans les environs, était revenu, annonçant que destraces nombreuses se voyaient sur la piste conduisant vers le nord,c’est-à-dire dans la direction où s’étendent d’immensessavanes.

Évidemment, une troupe importante était passéelà, récemment ; d’autre part, l’aspect inhabité de laplantation révélait son abandon.

Dans ces conditions, don Fernandez avait cruque Pablo Vérez et ses gens, informés de son intervention, avaientpris le large et, sans plus hésiter, il s’était lancé à leurpoursuite, peu désireux de les laisser gagner les régionsdésertiques où on aurait grand’peine les rejoindre.

Le calcul s’était révélé faux ; aprèsplusieurs heures d’une chevauchée rapide, les policiers avaientrattrapé un convoi d’une centaine de nègres. C’étaient lestravailleurs de la plantation qui, ayant quitté celle-ci la veillesur l’ordre de Pablo, marchaient vers une hacienda éloignéedépendant du domaine. Leur chef, un mulâtre du nom de Gonzalez qui,en l’absence de Vérez remplissait les fonctions de régisseur,n’avait fait aucune difficulté pour communiquer ses instructions àdon Castro.

Ce dernier avait compris, mais un peu tard,qu’il s’était laissé entraîner sur une fausse piste et, à touteallure, il était revenu sur ses pas, avec ses hommes, non sansintimer à Gonzalez l’ordre de le suivre.

Puisque Pablo Vérez n’était pas là, c’est quele danger se trouvait ailleurs.

– Enfin, vous êtes encore arrivé à temps,monsieur le gouverneur, et c’est là le principal, intervint MauriceHamard.

Comme on pénétrait dans les vastes salonsluxueusement meublés occupant le rez-de-chaussée et ouvrant sur unevéranda fleurie, un sergent et quelques hommes amenèrent à donCastro un vieux nègre qu’ils avaient trouvé blotti au fond d’unesoupente. La peau du pauvre diable avait cette teinte grisâtre quirévèle, chez les noirs, la peur poussée à son paroxysme et iltremblait de tous ses membres.

C’était le seul habitant demeuré au logis.

– Que faisais-tu là ? questionnarudement don Fernandez, croyant avoir affaire à quelquepillard.

Une exclamation échappée à Miyala, la nourricede miss Eva, qui se tenait à l’écart, lui coupa la parole.

– Artago !… comment, c’esttoi ? disait Miyala en se précipitant vers soncompatriote.

De son côté, celui-ci l’avait égalementreconnue ; la joie des pauvres diables était évidente. ParMiyala, on sut qu’Artago était l’un des vieux serviteurs de lafamille Brant.

Interrogé à son tour, le nègre fit le récitsuivant :

– Jadis, il avait assisté impuissant àl’assassinat de ses maîtres mais il était déjà âgé, débile et horsd’état de les secourir. Bien mieux, il n’avait même pas osé enavertir les autorités dans la crainte de s’attirer la vengeance dePablo Vérez. Quant à s’éloigner de la plantation maudite, leBrésilien qui redoutait ses révélations ne le lui avait paspermis.

Artago était donc demeuré, courbant lesépaules sous la volonté du nouveau maître et attendant, il nesavait trop quoi.

Pourtant, son espoir n’avait pas été déçu.Quelques mois auparavant, alors qu’il errait à la lisière de laforêt, il avait rencontré un blanc qui semblait se cacher.

C’était Dick Brant.

Ce dernier s’était fait reconnaître et, lanuit suivante, tandis que tout le monde dormait, Artago l’avaitintroduit dans l’habitation. Le vieux noir avait fait le guettandis que l’Américain descendait dans la cave creusée sous la tourcarré, flanquant le corps de logis principal du côté du Nord.Lorsque Dick était remonté, deux heures plus tard, il semblait fortsatisfait ; il avait recommandé à Artago le plus profondsilence et était reparti, annonçant son prochain retour.

Cette fois, il ne serait pas seul et vengeraitles siens.

Artago avait attendu mais en vain, aussi,lorsque la veille, Pablo Vérez était rentré de voyage, donnantl’ordre d’évacuer le domaine, le vieux nègre avait cru au retourimminent de son jeune maître.

Désireux de se mettre à sa disposition, ils’était caché dans la soupente où on venait de le découvrir.

Ce récit empreint d’une évidence de sincéritéfit monter les larmes aux yeux de miss Eva en lui rappelant la mortde son frère bien-aimé.

Non, Dick ne reviendrait plus en cetteplantation où il avait vu le jour, il ne jouirait point de lafortune des siens enfin reconquise.

Brièvement, la jeune fille conta au pauvrenègre l’assassinat de Dick puis, profitant de cette occasion, elleprésenta Maurice Hamard au gouverneur, lui faisant part del’accusation portée par Pablo contre le Français.

– C’est bien, nous nous occuperons decela plus tard, fit don Castro avec bonté.

Cependant, la journée était fortavancée ; chacun se sentait las ; aussi, le gouverneurdonna-t-il ses ordres pour que sa troupe s’installât dans lescommuns. Un corps de garde composé d’une demi-douzaine de policiersfut posté dans le grand vestibule de l’habitation.

En effet, un retour offensif de l’ennemi étaittoujours à redouter ; il ne fallait pas se laissersurprendre.

L’heure d’après, don Castro, le capitaineJacobs et Maurice Hamard prenaient place aux côtés de miss EvaBrant dans la salle à manger afin de savourer le repas que Miyalaavait préparé avec l’aide d’Artago. Dans les dépendances, lespoliciers faisaient de même ; dans les cases transformées enambulance, les blessés qui avaient reçu les soins que comportaitleur état, somnolaient, en proie à la fièvre.

Ce fut à l’issue de ce dîner que miss Brant,étalant sur la table les papiers contenus dans le portefeuille deson frère, les communiqua au gouverneur.

Tous se penchaient sur le plan qui, selon DickBrant, devait permettre de parvenir jusqu’au trésor enfoui, jadis,par le vieux planteur.

Sans les diamants rapportés par l’Américain etque Maurice avait remis à, Eva, afin que celle-ci pût financerl’expédition présente, on eût pu douter de sa réalité, mais lesgemmes précieuses attestaient son existence.

– C’est bien, nous allons procéder à unevisite minutieuse des lieux ! murmura don Castro en selevant.

Au fond de lui-même, l’excellent gouverneurn’était rien moins que convaincu qu’on trouverait quelquechose ; au cours des semaines qui venaient de s’écouler, PabloVérez avait dû multiplier les perquisitions et il était biensurprenant qu’il n’eût point réussi à mettre la main sur le magottant convoité.

Pourtant, don Fernandez garda pour lui sesréflexions pessimistes. Quelques minutes plus tard, les jeunesgens, armés de torches et précédés d’Artago, gagnaient la tourcarrée.

Cette dernière, haute de deux étages et reliéeà l’habitation par une galerie couverte n’était, à la vérité, qu’unposte de guetteur.

Les salles qu’elle comprenait étaient à peinemeublées et celles du rez-de-chaussée avaient été, depuislongtemps, converties en cellier. Des barriques de rhum, de vin,vides pour la plupart, s’y entassaient pêle-mêle avec des madriers,des meubles hors d’usage.

Artago, lors de la visite de Dick, était restéà faire le guet, dans la galerie, il ne pouvait donc fournird’indications utiles.

Puisque selon le plan, le trésor était enfouidans les caves, la première chose à faire était donc de déblayer leterrain ; Jacobs et Maurice Hamard s’y employèrenténergiquement.

Au reste, l’escalier devait se trouver dans lecoin gauche et, en effet, on n’eut pas trop de peine pour parvenirjusqu’à lui.

Il était visible que quelqu’un était déjàpassé par là récemment ; mais était-ce ce pauvre Dick Brant oule misérable Pablo Vérez ?

Inquiétante question à laquelle nul ne pouvaitfaire de réponse satisfaisante.

Bientôt, une dalle grossièrement encastréedans le sol et munie en son centre d’un anneau de fer rouillé,apparut.

Jacobs et Maurice la soulevèrent, démasquantainsi les premières marches de pierre d’un escalier s’enfonçantdans les profondeurs du sol. Précédés d’Artago la torche au poing,les chercheurs s’y engagèrent à la suite les uns des autres, car lepassage était tellement étroit qu’on ne pouvait y descendre qu’un àun.

On parvint ainsi dans une vaste cave de formecirculaire et dont le sol était de terre battue ; on yrespirait un air lourd chargé d’humidité.

Les assistants échangèrent un coup d’œil quirévélait leur perplexité ; rien ne décelait l’endroit où étaitsituée la cachette.

– Un peu de patience ! fit MauriceHamard, si la chose avait été facile, Pablo Vérez eût trouvé letrésor avant nous. Mais nous avons un plan qu’il ne possédait pas,tâchons de nous y reconnaître.

À nouveau, le document fut déplié et examinéavec attention.

– Je crois que j’ai compris, fit tout àcoup le Français en montrant un point presque imperceptible, marquéà l’encre, à gauche du débouché de l’escalier.

S’étant orienté, le Français prit des mesureset, peu après, il inspectait les blocs de pierre composant lamuraille.

Au bout de quelques minutes, une exclamationde satisfaction lui échappa ; l’une de ces masses ne semblaitpas cimentée mais simplement encastrée au milieu des autres. De lapoussière, des mousses artistement disposées masquaient lesjointures.

S’armant d’un levier de fer, le jeune hommeentreprit d’en glisser l’extrémité dans l’une de ces rainures etopéra une pesée ; presque aussitôt le bloc oscillalégèrement.

– Nous y sommes, cria Hamard enredoublant d’efforts.

De fait, bientôt il parvenait à extraire lecube de pierre de alvéole, découvrant ainsi une cachette profondeaménagée dans l’épaisseur de la muraille.

Un coffret de fer se trouvait au fond ;Maurice Hamard l’attira à lui et la minute suivante en ayant forcéla serrure à l’aide de son levier, il mettait au jour le trésortant cherché.

Des lingots d’or pur, des diamants, des rubis,des émeraudes étincelaient sous la clarté rougeoyante de la torched’Artago ; une enveloppe de parchemin y était jointe.

Maurice l’ayant saisie, la tendit à miss Branten disant :

– Ceci vous revient, miss…

D’une main tremblante d’émotion, la jeunefille la prit : sur un papier contenu à l’intérieur, leslignes suivantes étaient tracées :

« Ceci est mon bien, en toute propriété,que je destine à mes chers enfants, Dick et Eva ».

C’était signé : « JamesBrant ».

– Oh ! mon père… Oh ! monpère ! murmura Eva en tombant à genoux.

Silencieux, les assistants respectaient,l’émotion de la jeune fille. Soudain, une pierre s’éboulant del’escalier dégradé accédant au caveau, ricocha sur la terrebattue.

Instinctivement, tous se retournèrent.

Alors, un même cri de colère leur échappa.

En haut des degrés, le visage pâle et crispé,Pablo Vérez les contemplait d’un regard de haine.

– Ah ! misérable, cria Maurice en lemenaçant du poing.

Tandis que ses hommes fuyaient devant lescavaliers de Fernandez, le Brésilien avait dû se cacher aux abordsimmédiats de l’habitation. Le soir venu, il s’était glissé àl’intérieur de celle-ci et c’est ainsi que, de loin, il avait suiviEva et ses amis.

– Attention ! s’écria le capitaineJacobs qui, arrachant la torche des mains d’Artago, la jeta au loinoù elle s’éteignit.

En effet, l’officier avait vu Pablo tirer unrevolver de sa ceinture et le braquer vers le groupe réuni autourdu coffret.

La balle se perdit dans les ténèbres cependantque les échos du caveau répercutaient lugubrement ladétonation.

– Il ne faut pas qu’il nouséchappe ! clama Maurice Hamard.

Aussitôt tout le monde s’élança vers l’étroitescalier afin de s’emparer du bandit. Mais l’exiguïté du passageretarda la poursuite, si bien que lorsqu’ils arrivèrent dans lagalerie, celle-ci était vide.

Une fenêtre aux volets entrebâillés donnantsur les jardins, leur fit comprendre bientôt par où l’ennemis’était enfui. De la croisée où, tous avaient couru, ils aperçurentun cavalier qui s’enfuyait à travers les pelouses.

À la clarté de la lune, ils lereconnurent : c’était Pablo Vérez. S’étant emparé de l’un deschevaux des policiers attaché à un piquet non loin de là, ils’efforçait de tirer au large.

Mais les hommes de garde dans le grandvestibule, alertés par le coup de feu et les cris, apparaissaientsous la véranda, Un ordre bref retentit et tous les fusilss’abaissèrent, couchant en joue le fuyard.

– Ne le tuez pas… il faut le prendrevivant !… clama don Fernandez Castro.

L’ordre arrivait trop tard ; la voix dugouverneur fut couverte par un feu de salve.

On vit cheval et cavalier chanceler, puisrouler sur le sol.

Lorsqu’on parvint auprès d’eux, on constataque l’animal avait une jambe cassée. Quant à Pablo Vérez, queplusieurs balles avaient traversé de part en part, il avait cesséde vivre, une ruade de sa monture lui ayant donné le coup de grâceen lui fracassant le crâne.

– Voilà de la besogne en moins pour lebourreau ! grommela le capitaine Jacobs.

– Sans doute ! riposta le gouverneurde Soledo, néanmoins, je ne puis que déplorer cet incident.J’aurais aimé faire passer ce misérable devant un tribunal, sonexécution eût servi d’exemple aux requins de son espèce, lesquels,malheureusement, ne manquent point dans la contrée.

Telle fut l’oraison funèbre de PabloVérez ; il n’en méritait pas d’autre.

Le lendemain, les serviteurs éloignés par leBrésilien, réintégraient la plantation. Don Fernandez Castro fitcomparaître devant lui le régisseur Gonzalez.

– Mon garçon, lui dit-il en le fixantd’un regard significatif, j’ignore si vous étiez le complice dePablo Vérez.

– Oh ! Excellence ! protestal’autre en pâlissant, pouvez-vous supposer une chosepareille ? Si j’avais su quel misérable était cet homme, il ya longtemps que je l’aurais quitté.

– Je veux bien vous croire ! repritlentement don Fernandez. Quoi qu’il en soit, soyez persuadé que, jen’ai nullement l’intention de me désintéresser de ce qui se passeraici, Miss Eva Brant est la seule et légitime propriétaire de cedomaine… servez-la fidèlement, vous n’avez rien de mieux àfaire.

– Je jure à Votre Excellence qu’elle serasatisfaite ! déclara le régisseur d’un ton convaincu.

De fait, il était évident qu’il ne se souciaitpoint de s’attirer l’hostilité de Don Castro. Au reste, durantquelque temps encore, Maurice Harmard, le capitaine Jacobs et lesquelques marins qui lui restaient, devaient demeurer à laplantation, et l’on pouvait compter sur eux pour faire respecterl’autorité de la jeune fille, le cas échéant.

Quant à don Castro, ayant ainsi tout remis enordre, il monta à cheval avec ses policiers dans l’intentiond’exécuter une vaste battue à travers le district environnant. Lescoquins rouges et blancs, embauchés par Pablo Vérez pour leseconder dans ses projets devaient encore rôder par la contrée etil s’agissait de les disperser une fois pour toutes.

Le gouverneur s’éloigna non sans promettre derevenir bientôt voir ses amis.

En effet, moins d’une semaine plus tard, ilétait de retour, ayant amené à bien son expédition. Au cours d’uneescarmouche, les débris de la bande du Brésilien avaient étédéfinitivement anéantis.

Désormais, le pays était pacifié.

Déjà, à la plantation, la vie avait repris soncours normal. Les travailleurs, bien traités, s’acquittaient aveczèle de leurs fonctions respectives ; quant à Gonzalez, demémoire de planteurs, on n’avait jamais vu régisseur aussiactif.

– J’espère que cela continuera ! fitsur un ton significatif, don Fernandez Castro.

Il avait été convenu que celui-ci répartiraitle lendemain avec son escorte afin de regagner sa résidence dont ilne pouvait demeurer plus longtemps éloigné. Sa présence n’étaitplus nécessaire en ces lieux, où grâce à lui, les choses étaientrentrées dans l’ordre.

La veille de son départ, miss Eva Brant et seshôtes se trouvaient unis, après le dîner, sous la véranda précédantl’habitation. Des senteurs parfumées montaient des jardinsvoisins ; là-bas, du coté des communs, où les hommes de lapolice montée avaient établit leur bivouac, on percevait desaccords de guitare. Parfois, un chant s’élevait ; c’était l’undes travailleurs, un noir, qui psalmodiait d’une voir gutturale unrefrain nostalgique, au rythme bizarre et cela ajoutait encore aucharme, à l’exotisme de l’heure.

Comme don Castro parlait à nouveau de sonprochain départ le capitaine Jacobs répliqua :

– Je compte également m’éloigner souspeu… Mes armateurs doivent trouver que mon voyage se prolonge.

Et comme la jeune fille esquissait un geste deprotestation, le brave officier reprit non sans quelquemélancolie :

– Que voulez-vous, miss, il n’est sibonne compagnie qui ne se quitte, mais je vous promets qu’àl’occasion, je reviendrai vous voir.

– Et vous serez toujours le bienvenu ici,mon cher ami, déclara la jeune Américaine.

– J’en suis bien convaincu.

– Je partirai avec vous ! fit à sontour Maurice Hamard. Eva qui s’éloignait pour donner :quelques ordres à ses serviteurs n’entendit sans doute pas sesparoles, car elle ne tourna pas la tête.

– Mais pourquoi vous éloigner déjà ?s’étonnait Jacobs.

– Mais, à présent, miss Eva est heureuseet riche ! elle n’a donc plus besoin de moi ! murmura leFrançais.

– Et où irez-vous ?

– D’abord à Rio-de-Janeiro… il faut queje me lave de l’accusation d’assassinat sur la personne du pauvreDick Brant, accusation que porta contre moi ce misérable PabloVérez.

– Je vous accompagnerai, mon ami,intervint don Fernandez ; et je dirai à tous quel homme loyalet brave vous êtes. Justice vous sera rendue, j’en prends icil’engagement formel.

– Merci, fit Hamard en serrant les mainsque le gouverneur tendait en un geste de cordialité spontanée.

Mais le capitaine Jacobs, qui s’était éloignéde quelques pas, revenait vers ses compagnons.

– Ma foi, mon cher Hamard, articula-t-ilavec un malicieux sourire, je crois que miss Eva, que voici, aquelques mots à vous dire.

– À moi ?

– Certes !

– Mais… je suis à son entièredisposition.

– Eh bien ! c’est cela, allez donctous les deux faire un tour de promenade. Un peu d’exercice vousfera du bien, surtout par cette soirée délicieuse. En votreabsence, je tiendrai compagnie à M. le gouverneur.

– Parfaitement, approuva ce dernier d’unair entendu.

Déjà miss Brant faisait un pas vers l’escalierpermettant de gagner l’allée voisine. S’inclinant respectueusementdevant elle, Maurice Hamard lui offrit son bras qu’elle pritgracieusement et tous deux s’éloignèrent.

Lorsque moins d’une demi-heure plus tard, ilsrevinrent de cette promenade, un sourire heureux illuminait leurvisage.

Alors le capitaine Jacobs se tourna vers donFernandez et en se frottant les mains :

– Mon cher gouverneur, j’ai une, bonnenouvelle à vous annoncer.

– Voyons !…

– J’ai l’honneur de vous faire part dumariage prochain de la charmante miss Eva Brant et de notre amiMaurice Hamard.

– Cette nouvelle ne me surprend nullementet j’en suis tout à fait heureux, répliqua don Fernandez enenveloppant les deux jeunes gens d’un bienveillant regard.

Cependant, le capitaine reprenait en tapantfamilièrement sur l’épaule du Français :

– N’étiez-vous pas fou, de vouloirquitter celle que vous aviez protégée jusqu’ici de si vaillantemanière ?

Le jeune homme hocha la tête :

– Je suis pauvre et elle est riche !murmura-t-il.

– Bah ! vous êtes bon et brave, celavaut bien tous les trésors ! Eva sourit en approuvant d’unsigne et c’est ainsi que furent conclues les fiançailles des deuxjeunes gens.

Quinze jours plus tard, dans la plantation enfête, leur mariage fut célébré.

Don Fernandez a tenu sa promesse, MauriceHarmard a été mis hors de cause par la justice brésilienne au sujetdu meurtre de Dick Brant ; aujourd’hui, il dirige laplantation de Rio Malès qui, grâce à lui, est devenue l’une desplus prospères de la contrée.

Eva et lui sont parfaitement heureux et leurjoie redouble quand, de temps à autre, le bon capitaine Jacobsvient leur rendre visite.

FIN

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