Antigone de Sophocle

se sont frappés l’un l’autre de leurs lances et ont reçu une
commune mort.
Antistrophe II.
Nika : Déesse de la victoire.
Mais Nika, au nom illustre, est venue sourire à Thèbes
aux chars innombrables. Oublions donc ces combats, et
menons des choeurs nocturnes dans tous les temples des
dieux, et que Bacchus les conduise, lui qui ébranle la
terre Thèbaienne ! Voici le roi du pays, Créon
Ménoikéide. Il vient à cause des faits récents qu’ont
voulus les Dieux, roulant quelque dessein, puisqu’il a
convoqué cette assemblée de vieillards réunis par un
appel commun.
CRÉON.
Hommes ! Les dieux ont enfin sauvé cette ville qu’ils
avaient battue de tant de flots. Je vous ai ordonné par des
envoyés de vous réunir ici, choisis entre tous, parce que
vous avez, je le sais, toujours honoré la puissance de
Laios, et gardé la même foi constante à Oedipe quand il
commandait dans la ville, et, lui mort, à ses enfants.
Puisqu’ils ont péri tous deux en un même jour, tués l’un
par l’autre en un meurtre mutuel et impie, je possède
maintenant la puissance et le trône, étant le plus proche
parent des morts. L’esprit, l’âme et les desseins d’un
homme ne peuvent être connus avant qu’il ait mené la
chose publique et appliqué les lois. Quiconque régit la
ville et ne se conforme point aux meilleurs principes,
mais réprime sa langue par frayeur, celui-là est le pire des
hommes, je l’ai toujours pensé et je le pense encore ; et je
n’estime en aucune façon celui qui préfère un ami à sa
patrie. J’en atteste Zeus qui voit toutes choses ! Je ne me
tais point quand je vois qu’une calamité menace le salut
des citoyens, et jamais je n’ai en amitié un ennemi de la
patrie ; car je sais que c’est le salut de la patrie qui sauve
les citoyens, et que nous ne manquons point d’amis tant
qu’elle est en sûreté. C’est par de telles pensées que
j’accroîtrai cette ville. Et j’ai ordonné par un édit qu’on
enfermât dans un tombeau Étéocle qui, en combattant
pour cette ville, est mort bravement, et qu’on lui rendît les
honneurs funèbres dus aux ombres des vaillants hommes.
Mais, pour son frère Polynice qui, revenu de l’exil, a
voulu détruire par la flamme sa patrie et les dieux de sa
patrie, qui a voulu boire le sang de ses proches et réduire
les citoyens en servitude, je veux que nul ne lui donne un
tombeau, ni ne le pleure, mais qu’on le laisse non
enseveli, et qu’il soit honteusement déchiré par les
oiseaux carnassiers et par les chiens. Telle est ma
volonté. Les impies ne recevront jamais de moi les
honneurs dus aux justes ; mais quiconque sera l’ami de
cette ville, vivant, ou mort, sera également honoré par
moi.
LE CHOEUR.
Il te plaît d’agir ainsi, Créon, fils de Ménoikeus, envers
l’ennemi de cette ville et envers son ami. Tous, tant que
nous sommes, vivants ou morts, nous sommes soumis à
ta loi, quelle qu’elle soit.

CRÉON.
Veillez donc à ce que l’édit soit respecté.
LE CHOEUR.
Confie ce soin à de plus jeunes.
CRÉON.
Il y a déjà des gardiens du cadavre.
LE CHOEUR.
Que nous ordonnes-tu donc de plus ?
CRÉON.
De ne point permettre qu’on désobéisse.
LE CHOEUR.
Nul n’est assez insensé pour désirer mourir.
CRÉON.
Certes, telle est la récompense promise ; mais l’espoir
d’un gain a souvent perdu les hommes.
LE GARDIEN, CRÉON, LE
CHOEUR.
LE GARDIEN.
Roi, je ne dirai pas sans doute que je suis venu, haletant,
d’un pas rapide et pressé. Je me suis attardé en proie à
beaucoup de soucis, et retournant souvent en arrière sur
mon chemin. En effet,je me suis dit bien des fois : ?
Malheureux ! pourquoi courir à ton propre châtiment ?
Mais t’arrêteras-tu, malheureux ? Si Créon apprend ceci
de quelque autre, comment échapperas-tu à ta perte ? ?
Roulant ces choses dans mon esprit, j’ai marché
lentement de sorte que la route est devenue longue, bien
qu’elle soit courte. Enfin j’ai résolu de venir à toi, et
quoique je ne rapporte rien de certain, je parlerai
cependant. En effet, je viens dans l’espoir de ne souffrir
que ce que la destinée a décidé.
CRÉON.
Qu’est-ce ? Pourquoi es-tu inquiet dans ton esprit ?

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