Le Misanthrope

Le Misanthrope

de Molière

Représentée en 1666.

Âge de Molière, 44 ans.

Cette comédie fut jouée pour la première fois, à Paris, le vendredi 4 juin, sur le théâtre du Palais-Royal, que Louis  XIV avait accordé à Molière et à sa troupe en 1660. Ce théâtre était situé dans la partie occidentale du palais, du côté où est aujourd’hui la rue de Valois.

EXPOSITION DU SUJET DU MISANTHROPE

Alceste, homme honnête et vertueux, mais exagérant l’honnêteté et la probité jusqu’à un rigorisme qui ne lui permet pas de supporter les travers et les imperfections de la nature humaine, est occupé d’un procès dont dépend une partie de sa fortune. Philinte, son ami, homme d’une humeur douce et indulgente, en un mot le parfait contraste d’Alceste, l’engage à visiter ses juges, à opposer la brigue à la brigue. Mais Alceste s’y refuse opiniâtrement ; il a pour lui, dit-il, le bon droit et l’équité, et il ne fera pas une démarche. Cependant cet homme si choqué du spectacle de la corruption générale, dont il ne sent pas son cœur atteint, est épris de Célimène, jeune veuve de 20 ans, coquette et médisante. Il rencontre chez elle deux femmes qui devraient lui plaire davantage par la solidité de leur caractère, et qui même ont du penchant pour lui, Éliante et Arsinoé, l’une cousine, et l’autre amie de Célimène. Mais cette dernière, malgré ses imperfections, l’a captivé, et il veut l’épouser.

Célimène connaît les sentiments d’Alceste pour elle, s’en montre flattée, et reçoit ses vœux, sans néanmoins se prononcer d’une manière définitive. Sa beauté lui attire les hommages de plusieurs seigneurs de la cour, et entre autres d’Oronte et de deux jeunes marquis, Acaste et Clitandre. Faire un choix la priverait des hommages des soupirants rejetés, et pour éviter cet échec à sa vanité de coquette, elle les entretient tous dans l’espoir d’une préférence. Alceste voit ce manège, et poursuit Célimène pour la forcer à se décider entre lui et ses rivaux. Plusieurs incidents retardent ce moment fatal : Oronte, qui a la manie du bel esprit est venu lire à notre misanthrope de méchants vers que celui-ci a critiqués trop franchement, et il en est résulté pour Alceste une citation devant les maréchaux de France, qui l’ont obligé à faire des excuses à Oronte.

Arsinoé, jalouse de Célimène, cherche à persuader Alceste qu’elle le trahit, et pour preuve, lui remet une lettre ambiguë de la coquette. Armé de cette lettre, Alceste vient lui faire une scène de jalousie qui éloigne encore tout éclaircissement. Enfin Alceste est mandé devant ses juges, pour son grand procès, qu’il perd, ainsi que le lui avait prédit Philinte. Presque ruiné par ce procès inique, qu’il se refuse à faire réviser, il revient chez Célimène pour éprouver son amour après une pareille catastrophe, et voir si la coquette lui fera l’aveu qu’il sollicite depuis longtemps. Au même instant, elle arrive avec Oronte, qui la conjure aussi de mettre fin à ses incertitudes, et de se prononcer entre Alceste et lui. Alors notre misanthrope s’approche et joint ses instances à celles de son rival. Célimène, jetée dans le plus grand embarras, esquive une décision en disant qu’elle ne saurait la faire connaître ici, et que ce sont des choses désobligeantes qui ne se doivent point dire en présence des gens.

Sur ces entrefaites, surviennent Acaste et Clitandre. L’un et l’autre croyait être préféré par Célimène ; ils s’étaient fait mutuellement cette confidence, et, ne pouvant tomber d’accord sur ce point, ils étaient convenus que si l’un d’eux pouvait obtenir un témoignage de son affection, l’autre se retirerait en renonçant à toute rivalité. Ils ont sollicité ce témoignage, et chacun a reçu de Célimène une lettre qu’ils se sont communiquée, et dont ils viennent donner connaissance à la compagnie. Ces deux lettres, lues à haute voix par les marquis, dévoilent la perfidie de la coquette : elle écrit à Clitandre qu’elle n’aime point Acaste, cherche à persuader à Acaste qu’elle n’a d’affection que pour lui, et tourne en ridicule tous ses adorateurs. Après cette lecture, les deux marquis et Oronte adressent à Célimène d’ironiques remerciements, en lui déclarant tour à tour qu’ils renoncent à sa main.

Alceste seul, dominé par sa passion, oublie les railleries de la coquette, et lui offre encore de l’épouser, si elle consent à venir vivre avec lui dans un désert, loin des hommes qu’il abhorre et qu’il veut fuir. Touchée d’abord du généreux pardon d’Alceste, Célimène s’effraye ensuite de quitter le monde tandis qu’elle est encore si jeune. Alors le misanthrope, profondément blessé de ce refus, abandonne aussi une femme qu’il reconnaît enfin n’être point digne de lui. Il s’excuse auprès d’Éliante de ne lui pas offrir son cœur ; mais cette dernière lui déclare qu’elle épousera Philinte. Alceste, plus exaspéré que jamais contre le genre humain, déclare qu’il va le fuir pour toujours,

Et chercher, sur la terre, un endroit écarté

Où d’être homme d’honneur on ait la liberté.

Nous ajouterons ici un passage curieux du Phédon, qui peut avoir été connu de Molière, et dont il résulterait, en admettant cette supposition, que le grand poète aurait emprunté à Platon l’idée première du caractère de son misanthrope.

« La misanthropie, dit Platon, vient de ce qu’après s’être beaucoup trop fié, sans aucune connaissance, à quelqu’un, et l’avoir cru tout à fait sincère, honnête et digne de confiance, on le trouve, peu de temps après, méchant et infidèle, et tout autre encore dans une autre occasion ; et lorsque cela est arrivé à quelqu’un plusieurs fois, et surtout relativement à ceux qu’il avait crus ses meilleurs et plus intimes amis, après plusieurs mécomptes, il finit par prendre en haine tous les hommes, et ne croire plus qu’il y ait rien d’honnête dans aucun d’eux… N’est-ce donc pas une honte ? N’est-il pas évident que cet homme-là entreprend de traiter avec les hommes, sans avoir aucune connaissance des choses humaines ? car s’il en avait eu un peu connaissance, il eût pensé, comme cela est en réalité, que les bons et les méchants sont les uns et les autres en bien petite minorité, et ceux qui tiennent le milieu, en un très-grand nombre. » (Œuvres de Platon, §. I, p. 258, in-8°, traduct. de M. Cousin.)

 

Personnages…

ALCESTE : amant de Célimène

PHILINTE : ami d’Alceste.

ORONTE : amant de Célimène.

CÉLIMÈNE.

ÉLIANTE : cousine de Célimène.

ARSINOÉ : amie de Célimène.

ACASTE : marquis.

CLITANDRE : marquis.

BASQUE : valet de Célimène.

UN GARDE de la maréchaussée de France.

DUBOIS : valet d’Alceste.

La scène est à Paris, dans la maison de Célimène.

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