Arsène Lupin, Gentleman-Cambrioleur

Arsène Lupin, Gentleman-Cambrioleur

de Maurice Leblanc

Arsène Lupin,Gentleman-Cambrioleur

Par Maurice Leblanc

Préface de
Jules Claretie
de l’Académie Française

Note du transcripteur: Arsène Lupin:Gentleman-Cambrioleur est le premier livre dans la série de Maurice Leblanc «Les Aventures Extraordinaires d’Arsène Lupin.» Cet eBook est basé sur l’édition éditée à Paris par Pierre Lafitte& Cie en 1907. Il a été créé du texte et des images généreusement rendues disponibles par Wikisource, Google Books, et l’Internet Archive.

 

À Pierre LAFITTE.

Mon cher ami,

Tu m’as engagé sur une route où je ne croyais point que je dusse jamais m’aventurer, et j’y ai trouvé tant de plaisir et d’agrément littéraire qu’il me paraît juste d’inscrire ton nom entête de ce premier volume, et de t’affirmer ici mes sentiments d’affectueuse et fidèle reconnaissance.

M. L.

 

PRÉFACE

—Racontez-nous donc, vous qui contez si bien, une histoire de voleurs…

—Soit, dit Voltaire (ou un autre philosophe du XVIIIe siècle, car l’anecdote est attribuée à plusieurs de ces causeurs incomparables).

Et il commença:

—Il était une fois un fermier général…

L’auteur des Aventures d’Arsène Lupin, qui sait si joliment conter, lui aussi, eût commencé tout autrement:

—Il était une fois, un gentilhomme cambrioleur…

Et ce début paradoxal eût fait dresser les têtes effarées des auditrices. Les aventures d’Arsène Lupin, aussi incroyables et entraînantes que celles d’Arthur Gordon Pym, ont fait mieux. Elles n’ont pas seulement intéressé un salon, elles ont passionné lafoule. Depuis le jour où cet étonnant personnage a fait sonapparition dans Je sais tout, il a effrayé, il a charmé,il a amusé des lecteurs par centaines de mille et, sous la formenouvelle du volume, il va entrer triomphalement dans labibliothèque, après avoir conquis le magazine.

Ces histoires de détectives et d’apaches du high life ou de larue ont toujours eu une singulière et puissante attraction. Balzac,en quittant Mme de Morsauf, vivait l’existencedramatique d’un limier de police. Il laissait là le lys de lavallée pour le réfractaire du ruisseau. Victor Hugo inventaitJavert, donnant la chasse à Jean Valjean comme l’autre «inspecteur»poursuivait Vautrin. Et tous deux songeaient à Vidocq, cet étrangeloup-cervier devenu chien de garde, dont le poète desMisérables et le romancier de Rubempré avaient purecueillir les confidences. Plus tard, et dans un ordre inférieur,Monsieur Lecoq avait éveillé la curiosité des fervents du romanjudiciaire, et M. de Bismarck et M. de Beust, ces deux adversaires,l’un farouche, l’autre spirituel, avaient trouvé, avant et aprèsSadowa, ce qui les divisait le moins: les récits de Gaboriau.

Il arrive ainsi à l’écrivain de rencontrer sur son chemin unpersonnage dont il fait un type et qui, à son tour, fait la fortunelittéraire de son inventeur. Heureux qui crée de toutes pièces unêtre qui semblera bientôt aussi vivant que les vivants: Delobelleou Priola! Le romancier anglais Conan Doyle a popularisé SherlockHolmes. M. Maurice Leblanc a trouvé, lui, son Sherlock Holmes, etje crois bien que depuis les exploits de l’illustre détectiveanglais, pas une aventure au monde n’a aussi vivement excité lacuriosité que les exploits de cet Arsène Lupin, cettesuccession de faits devenus aujourd’hui un livre.

Le succès des récits de M. Leblanc a été, on peut le dire,foudroyant dans la revue mensuelle où le lecteur, qui se contentaitjadis des vulgaires intrigues du roman feuilleton, va chercher(évolution significative) une littérature qui le divertisse, maisqui reste pourtant de la littérature.

L’auteur avait débuté, il y a une douzaine d’années, si je ne metrompe, dans l’ancien Gil Blas, où ses nouvellesoriginales, sobres, puissantes, le placèrent du premier coup aumeilleur rang des conteurs. Normand, Rouennais, l’auteur étaitvisiblement de la bonne lignée des Flaubert, des Maupassant, desAlbert Sorel (qui fut, lui aussi, un novellière à sesheures). Son premier roman, Une Femme, fut très remarqué,et, depuis, plusieurs études psychologiques, l’Œuvre deMort, Armelle et Claude, l’Enthousiasme, unepièce en trois actes, applaudie chez Antoine, la Pitié,étaient venues s’ajouter à ces petits romans en deux cents lignesoù excelle M. Maurice Leblanc.

Il faut avoir un don particulier d’imagination pour trouver deces drames en raccourci, de ces nouvelles rapides qui enserrent lasubstance même de volumes entiers, comme telles vignettesmagistrales contiennent des tableaux tout faits. Ces rares qualitésd’inventeur devaient nécessairement, un jour, trouver un cadre pluslarge, et l’auteur d’Une Femme allait bientôt seconcentrer après s’être dispersé en tant d’originaleshistoires.

C’est alors qu’il fit la connaissance du délicieux et inattenduArsène Lupin.

On sait l’histoire de ce bandit du XVIIIe siècle qui volait les gens avecdes manchettes, comme Buffon écrivait son HistoireNaturelle. Arsène Lupin est un petit neveu de ce scélérat quifaisait peur à la fois et souriait aux marquises épouvantées etséduites.

—Vous pouvez comparer, me disait M. Marcel L’Heureux enm’apportant les épreuves de l’œuvre de son confrère et les numérosoù Je sais tout illustrait les exploits d’Arsène Lupin,vous pouvez comparer Sherlock Holmes à Lupin et Maurice Leblanc àConan Doyle. Il est certain que les deux écrivains ont des pointsde contact. Même puissance de récit, même habileté d’intrigue, mêmescience du mystère, même enchaînement rigoureux des faits, mêmesobriété de moyens. Mais quelle supériorité dans le choix dessujets, dans la qualité même du drame! Et remarquez ce tour deforce: avec Sherlock Holmes on se trouve chaque fois en face d’unnouveau vol et d’un nouveau crime; ici, nous savons d’avancequ’Arsène Lupin est le coupable; nous savons que, lorsque nousaurons débrouillé les fils enchevêtrés de l’histoire, nous noustrouverons en face du fameux gentleman-cambrioleur! Il y avait làun écueil, certes. Il est évité, il était même impossible del’éviter avec plus d’habileté que ne l’a fait Maurice Leblanc. Àl’aide de procédés que le plus averti ne distingue pas il voustient en haleine jusqu’au dénouement de chaque aventure. Jusqu’à ladernière ligne on reste dans l’incertitude, la curiosité,l’angoisse, et le coup de théâtre est toujours inattendu,bouleversant et troublant. En vérité, Arsène Lupin est un type, untype déjà légendaire, et qui restera. Figure vivante, jeune, pleinede gaîté, d’imprévu, d’ironie. Voleur et cambrioleur, escroc etfilou, tout ce que vous voudrez, mais si sympathique, ce bandit! Ilagit avec une si jolie désinvolture! Tant d’ironie, tant de charmeet tant d’esprit! C’est un dilettante. C’est un artiste!Remarquez-le bien: Arsène Lupin ne vole pas; il s’amuse à voler. Ilchoisit. Au besoin, il restitue. Il est noble et charmant,chevaleresque, délicat, et je le répète, si sympathique, que toutce qu’il fait semble juste, et qu’on se prend malgré soi à espérerle succès de ses entreprises, que l’on s’en réjouit, et que lamorale elle-même a l’air de son côté. Tout cela, je le répète,parce que Lupin est la création d’un artiste, et parce qu’encomposant un livre où il a donné libre cours à son imagination,Maurice Leblanc n’a pas oublié qu’il était avant tout, et danstoute l’acception du terme, un écrivain!»

Ainsi parla M. Marcel L’Heureux, si bon juge en la matière etqui sait la valeur d’un roman pour en avoir écrit de siremarquables. Et me voici de son avis après avoir lu ces pagesironiquement amusantes, point du tout amorales malgré le paradoxequi prête tant de séduction au gentleman détrousseur de sescontemporains. Certes je ne donnerais pas un prix Montyon à ce trèsséduisant Lupin. Mais eût-on couronné pour sa vertu le Fra Diavoloqui charma nos grand-mères à l’Opéra-Comique, au temps lointain oùles symboles d’Ariane et Barbe Bleue n’étaient pasinventés?

Le voilà qui s’avance

La plume rouge à son chapeau…

Arsène Lupin, c’est un Fra Diavolo armé non d’un tromblon, maisd’un revolver, vêtu non d’une romantique veste de velours, maisd’un smoking de forme correcte, et je souhaite qu’il ait le succèsplus que centenaire de l’irrésistible brigand que fit chanter M.Auber.

Mais quoi! il n’y a rien à souhaiter à Arsène Lupin. Il estentré vivant dans la popularité. Et la vogue qu’a si bien commencéele magazine, le livre va la continuer.

Jules CLARETIE.

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