Et Forestier, prenant le bras de son ancien
camarade, lui parla de sa maladie, lui raconta les
consultations, les opinions et les conseils des
médecins, la difficulté de suivre leurs avis dans
sa position. On lui ordonnait de passer l’hiver
dans le Midi ; mais le pouvait-il ? Il était marié et
journaliste, dans une belle situation.
– Je dirige la politique à La Vie Française. Je
fais le Sénat au Salut, et, de temps en temps, des
chroniques littéraires pour La Planète. Voilà, j’ai
fait mon chemin.
Duroy, surpris, le regardait. Il était bien
changé, bien mûri. Il avait maintenant une allure,
une tenue, un costume d’homme posé, sûr de lui,
et un ventre d’homme qui dîne bien. Autrefois il
était maigre, mince et souple, étourdi, casseur
d’assiettes, tapageur et toujours en train. En trois
ans Paris en avait fait quelqu’un de tout autre, de
gros et de sérieux, avec quelques cheveux blancs
sur les tempes, bien qu’il n’eût pas plus de vingt-
sept ans.
Forestier demanda :
– Où vas-tu ?
