La Cerisaie

Scène II

LES MÊMES, EPIKHODOV

Epikhodov entre, tenant un bouquet. Veston, bottes très cirées,qui crissent. Epikhodov laisse tomber son bouquet, le ramasse, etle remet à Douniacha.

EPIKHODOV. – Le jardinier envoie ces fleurspour la salle à manger.

Douniacha prend les fleurs.

LOPAKHINE, à Douniacha. – Apporte-moidu kvas.

DOUNIACHA. – Bien, monsieur.

Elle sort.

EPIKHODOV. – Trois degrés, de la geléeblanche, et les cerisiers en fleur ! Je ne saurais approuvernotre climat ! (Il soupire.)Il ne peut rien donner àpropos. Ermolaï Alekséïevitch, j’ajouterai que j’ai achetéavant-hier une paire de bottes, et, j’ose vous l’affirmer, ellescrissent au-delà de toute permission. Avec quoi pourrait-on bienles graisser ?

LOPAKHINE. – Tu m’ennuies ;laisse-moi.

EPIKHODOV. – Il n’est pas de jour où il nem’arrive quelque malheur ; et je ne me plains pas ; j’ysuis même habitué ; je souris.

Douniacha apporte le kvas et sert Lopakhine.

EPIKHODOV. – Je m’en vais. (Il se heurte àune chaise qui tombe. D’un air de triomphe.) Voilà ! Vousvoyez ! Pardon, pour l’expression, quelle mésaventure entreautres… C’est vraiment remarquable !

Il sort.

DOUNIACHA. – Et moi, il faut que je vousl’avoue, Ermolaï Alekséïevitch, Epikhodov m’a fait une demande enmariage.

LOPAKHINE. – Ah !

DOUNIACHA. – Je ne sais que faire… C’est unhomme doux, mais souvent, quand il vous parle, on ne comprend rien.Ce qu’il dit est touchant et bien ; mais on ne comprend pas.Je crois qu’il me plaît. Il m’aime à la folie ; mais c’est unhomme à malheurs ; tous les jours il lui arrive quelquechose ; on l’a surnommé Vingt-Deux-Malheurs.

LOPAKHINE, prêtant l’oreille. – Jecrois que les voici.

DOUNIACHA. – C’est eux ! Qu’est-ce quim’arrive ?… Je me sens toute froide.

LOPAKHINE. – Oui, c’est eux ! Allons àleur rencontre. Va-t-elle me reconnaître ? Il y a cinq ans quenous ne nous sommes vus.

DOUNIACHA, émue. – Jedéfaille !… Ah ! je défaille !

On entend arriver deux voitures. Lopakhine et Douniacha sortentprécipitamment. La scène est vide. On entend du bruit dans lespièces voisines. Firs, revenant de la gare où il est allé chercherMme Ranievskaïa, traverse la scène, appuyé sur unbâton. Il porte une livrée ancienne et un chapeau haut de forme. Ilmarmonne quelque chose. Le bruit, derrière la scène, augmente. Unevoix : Passons par ici. Mme Ranievskaïa, Aniaet Charlotta Ivanovna ; cette dernière mène un petit chien,attaché par une chaînette ; toutes trois sont en costume devoyage. Varia a un manteau ; sur la tête, un mouchoir enmarmotte. Gaïev, Simeonov-Pichtchik, Lopakhine, Douniacha tient ungros paquet enveloppé dans du linge et un parapluie ; desdomestiques apportent les bagages. Tous traversent lascène.

ANIA. – Maman, te rappelles-tu cettechambre ?

MME RANIEVSKAÏA, joyeuse, les larmes auxyeux. – La chambre des enfants !

VARIA. – Comme il fait froid ; j’ai lesdoigts gelés. (à Mme Ranievskaïa.) Mère,vos deux chambres, la blanche et la violette, n’ont pas ététouchées.

MME RANIEVSKAÏA. – La chambre des enfants.Comme je l’aime, comme elle est jolie ! J’y couchais quandj’étais petite… (Une larme.) Et encore aujourd’hui, jesuis comme toute petite. (Elle embrasse son frère, puis Varia,et encore son frère.) Varia aussi est toujours la même ;elle a l’air d’une religieuse… J’ai aussi reconnu Douniacha…

Elle l’embrasse.

GAÏEV. – Le train a eu deux heures de retard,qu’en pensez-vous !… Quel ordre !

CHARLOTTA, à Pichtchik. – Mon chienmange même des noisettes[1].

PICHTCHIK, étonné. – Voyez-moiça !

Tous sortent, sauf Ania et Douniacha.

DOUNIACHA. – Comme on vousattendait !…

Elle aide Ania à quitter son manteau et son chapeau.

ANIA. – Voilà quatre nuits que je ne dorspas ; je suis toute transie.

DOUNIACHA. – Au moment du carême, quand vousêtes partie, il y avait de la neige, il gelait ; ce n’est pascomme maintenant. Ah ! chère mademoiselle ! (Elle ritet l’embrasse.) Comme il me tardait de vous voir, ma joie, malumière, mon cœur !… Il faut que je vous le dise sans perdreune seconde…

ANIA, fatiguée. – Encore unehistoire…

DOUNIACHA. – Epikhodov, le comptable, m’ademandée en mariage après Pâques.

ANIA. – Tu songes toujours à la même chose…(Elle arrange ses cheveux.) J’ai perdu toutes mesépingles…

Elle est très fatiguée et vacille.

DOUNIACHA. – Je ne sais que faire. Il m’aime,il m’aime extrêmement !

ANIA, regardant avec tendresse du côté desa chambre. – Ma chambre, mes fenêtres ! c’est comme sije n’étais pas partie. Je suis chez moi ! Demain, je courraiau jardin… Ah ! si je pouvais dormir ! Toute la route jen’ai pas dormi, tant j’étais inquiète.

DOUNIACHA. – Avant-hier, Piotr Serguéïevitchest arrivé ici.

ANIA, joyeuse… – Pierre[2] ?

DOUNIACHA. – Il s’est installé dans lepavillon du bain ; il dort. Il a eu peur de gêner. (Elleregarde sa montre.) Il faudrait le réveiller, mais VarvaraMikhaïlovna m’a défendu de le faire.

Entre Varia, son trousseau de clefs à la ceinture.

VARIA. – Douniacha, du café, vite ! Mèredemande du café.

DOUNIACHA. – Tout de suite.

Elle sort.

VARIA. – Enfin vous voilà arrivées, Dieumerci ! Te voici revenue. (La caressant.) Ma chérieest revenue, ma belle !

ANIA. – Ce que j’en ai vu, Varia !

VARIA. – Je me le figure.

ANIA. – Quand je suis partie, cette semained’avant Pâques, il faisait très froid. Charlotta, toute la route,n’a cessé de parler et de faire des tours de passe-passe… Pourquoim’as-tu empêtrée de cette Charlotta, Varia ?

VARIA. – À dix-sept ans, tu ne pouvaispourtant t’en aller toute seule à l’étranger.

ANIA. – Nous arrivons à Paris, il y faisaitfroid ; il y avait de la neige. Je parle atrocement lefrançais. Maman habite le cinquième étage. Je trouve chez elle desFrançais, des dames, un vieux prêtre, tenant un livre. Partout dela fumée de tabac ; aucun confort… J’ai eu soudain pitié demaman ; j’ai pris sa tête dans mes mains et ne pouvais plus lalâcher. Puis, maman m’a caressée, a pleuré…

VARIA, les larmes aux yeux. –Tais-toi, ne raconte plus !

ANIA. – Maman avait déjà vendu la villa deMenton ; il ne lui restait rien. Moi non plus, il ne me restepas un sou. C’est tout juste si nous avons pu revenir. Et maman nese rend compte de rien ! En voyage, nous mangeons auxbuffets ; elle demande tout ce qu’il y a de plus cher et donneaux garçons des roubles de pourboire ; Charlotta fait demême ; Iacha, un domestique de maman (nous l’avons amené ici),se fait servir tout un dîner ; c’est affreux…

VARIA. – Je l’ai vu, ce flandrin.

ANIA. – Et, ici, Varia, que s’est-ilpassé ? Les intérêts sont-ils payés ?

VARIA. – Avec quoi les payer ?

ANIA. – Mon Dieu, mon Dieu !

VARIA. – On vendra la cerisaie au moisd’août…

ANIA. – Mon Dieu !

Lopakhine entrouvre la porte, les aperçoit, fait« Hum », et s’en va.

VARIA, toujours pleurant, tendant le poingvers Lopakhine. – Voilà ce que je lui donnerais àcelui-là !

ANIA, elle embrasse Varia doucement.– Varia, est-ce qu’il t’a demandée en mariage ? (Variahoche la tête) Mais, voyons, il t’aime… Pourquoi ne vousexpliquez-vous pas ? Qu’attendez-vous ?

VARIA. – Je crois que cela ne se fera pas. Ilest très occupé et ne pense pas à moi. Que Dieu le bénisse !Il m’est pénible de le voir… Tout le monde parle de notremariage ; tout le monde me félicite ; et, au fond, il n’ya rien du tout. C’est comme un songe. (Changeant de ton.)Ah ! la jolie broche que tu as ! une abeille ?

ANIA, tristement. – C’est maman quime l’a achetée. (Elle va vers sa chambre et dit joyeusement,comme un enfant.) Varia, à Paris, je suis montée enballon !

VARIA. – Ma jolie, ma chère Ania estrevenue…

Douniacha, revenant avec une cafetière, prépare lecafé.

VARIA, près de la porte d’Ania. –Tout le jour, ma chérie, je trotte dans la maison et ne songe qu’àune chose : te voir mariée à un homme riche. Alors je seraistranquille et m’en irais dans un couvent. Ensuite, Kiev… Moscou…tous les lieux saints ; je les visiterais et encore et encore.Quelle splendeur divine !

ANIA. – Au jardin les oiseaux chantent. Quelleheure est-il ?

VARIA. – Il doit être trois heures. Il esttemps que tu dormes, chérie. (Elle entre dans la chambred’Ania) Splendeur divine !

Entre Iacha, portant un plaid et une valise ; il traversela scène en prenant des airs.

IACHA. – On peut passer par ici ?

DOUNIACHA. – On ne vous reconnaîtrait plus,Iacha. Comme vous avez changé à l’étranger !

IACHA. – Hum ! Et vous… quiêtes-vous ?

DOUNIACHA. – Quand vous êtes parti je n’étaispas plus haute que ça… Je suis Douniacha, la fille de FiodorKozoïédov. Vous ne vous rappelez plus ?

IACHA. – Ah !… mon petit chou !

Il regarde autour de lui et lui prend lataille. Douniacha pousse un cri et laisse tomber une soucoupe.Iacha sort vite.

VARIA, sur le seuil, d’un tonmécontent. – Qu’y a-t-il encore là-bas ?

DOUNIACHA, les larmes aux yeux. –J’ai cassé une soucoupe.

VARIA. – C’est bon signe.

ANIA, sortant de sa chambre. – Ilfaudrait prévenir maman que Pierre est ici.

VARIA. – J’ai donné ordre de ne pas leréveiller.

ANIA. – Il y a six ans que mon père est mort.Un mois après, mon frère Gricha se noyait dans la rivière ; unjoli gamin de sept ans. Maman n’a pas pu en endurerdavantage ; elle est partie, partie pour ne plus revenir…(Elle frissonne.) Ah ! si elle savait comme je lacomprends ! (Un silence.) Pierre Trofimovétait alors précepteur de Gricha. Il peut tout lui rappeler…

Entre Firs, en veston et gilet blanc. Ilva vers la table, préoccupé.

FIRS. – Madame prendra-t-elle le caféici ?… (Il met ses gants blancs.) Le café estprêt ? (Sévèrement, à Douniacha.) Eh bien, toi, àquoi penses-tu ? Et la crème ?

DOUNIACHA. – Ah ! mon Dieu !

Elle sort précipitamment.

FIRS, arrangeant la table. –Ah ! empotée !… (Il marmonne.) Elles reviennentde Paris… et monsieur, lui aussi, autrefois, allait à Paris… envoiture…

Il rit.

VARIA. – Firs, qu’as-tu à rire ?

FIRS. – Que désirez-vous ?(Joyeux.) Madame est revenue. J’ai vécu jusqu’à cejour-là ; maintenant je peux mourir.

Il pleure de joie. Entrent Mme Ranievskaïa,Gaïev et Simeonov-Pichtchik. Simeonov-Pichtchik porte le costumerusse en drap fin, large pantalon et bottes. Gaïev fait, des braset du buste, des gestes comme s’il jouait au billard.

MME RANIEVSKAÏA. – Comment est-ce ?Laissez-moi me rappeler. La jaune dans l’angle ; doublé aumilieu.

GAÏEV. – Je pousse dans l’angle !… Direqu’il fut un temps, ma sœur, où nous donnions dans cettechambre-là. Et maintenant, j’ai déjà cinquante et un ans !Est-ce étrange !

LOPAKHINE. – Oui, le temps passe.

GAÏEV. – Quoi ?

LOPAKHINE. – Je dis le temps passe.

GAÏEV. – Ici, ça sent encore le patchouli.

ANIA. – Je vais aller dormir. Bonne nuit,maman.

Elle embrasse sa mère.

MME RANIEVSKAÏA. – Chère petite adorée.(Elle lui baise les mains.) Tu es heureuse d’être à lamaison ! Moi, je n’en reviens pas encore.

ANIA. – Bonjour, mon oncle.

GAÏEV, il l’embrasse et lui baise lesmains. – Dieu te garde, mignonne ! Comme tu ressembles àta mère ! (À Mme Ranievskaïa.)À sonâge, Liouba, tu étais exactement ainsi.

Ania tend la main à Lopakhine et à Pichtchik. Elle sort etferme la porte derrière elle.

MME RANIEVSKAÏA. – Elle est très fatiguée.

PICHTCHIK. – C’est que le voyage est long.

VARIA, à Lopakhine et Pichtchik. –Messieurs, il est trois heures, il faut se retirer.

MME RANIEVSKAÏA, riant. – Toujours lamême, Varia. (Elle l’attire à elle et l’embrasse.) Je vaisprendre mon café et nous nous en irons tous dans nos chambres.(Firs lui glisse un tabouret sous les pieds) Merci, monbon. J’ai pris l’habitude du café. J’en bois jour et nuit. Merci,Firs.

Elle lui baise le front.

VARIA. – Il faut aller voir si tous lesbagages sont là.

MME RANIEVSKAÏA. – Est-il possible que je soisici !… (Elle rit.) Je voudrais sauter, battre desmains… (Elle se couvre le visage de ses mains.) Est-ce queje ne rêve pas ?… Dieu le sait, j’aime tendrement monpays ! Je ne pouvais regarder par la portière sans pleurer…(Elle pleure.) Allons, il faut prendre notre café !Merci, Firs ; merci, mon bon. Je suis si heureuse de teretrouver en vie.

FIRS, gravement. – Avant-hier.

GAÏEV. – Il n’entend presque plus rien.

LOPAKHINE. – Il faut que je parte à cinqheures pour Kharkov, quel ennui ! J’aurais voulu vous voir,causer… Vous êtes toujours aussi magnifique.

PICHTCHIK, soupirant profondément. –Elle a même embelli !… Habillée à la parisienne… Va te fairelanlaire…

LOPAKHINE. – Tenez, Lioubov Andréïevna, votrefrère Léonid Andréïevitch dit que je suis un manant, unaccapareur ; mais ça m’est entièrement égal. Je voudraisseulement que vous ayez confiance en moi comme autrefois, que vosyeux extraordinaires, émouvants, me regardent comme jadis. Dieumiséricordieux ! Mon père était serf de votre grand-père et devotre père ; mais vous avez tant fait pour moi que j’ai oubliétout cela ; je vous aime comme quelqu’un de proche, plus queproche…

MME RANIEVSKAÏA. – Je ne puis tenir en place.(Elle se lève et marche avec agitation.) Je ne pourraisurvivre au bonheur d’être de retour. Moquez-vous de moi ; jesuis folle… ; cette chère petite armoire ! (Ellel’embrasse.) Cette chère petite table !…

GAÏEV. – En ton absence, Liouba, notre vieillenounou est morte.

MME RANIEVSKAÏA, elle s’assied et boit soncafé. – Dieu ait son âme ! On me l’a écrit.

GAÏEV. – Anastase, lui aussi, est mort.Pétrouchka, le bigle, m’a quitté. Il est maintenant en ville chezle commissaire.

Il tire de sa poche une boîte de caramels et en prendun.

PICHTCHIK. – Ma fille Dachenka m’a chargé devous saluer…

LOPAKHINE. – Je voudrais vous dire quelquechose de très agréable, de réconfortant… (Il regarde samontre.) Il faut partir, je n’ai pas le temps de beaucoupparler… Enfin, en deux ou trois mots… Vous savez que votre cerisaieva se vendre le 22 août ; c’est la date fixée. Mais ne vousinquiétez pas, chère madame ; dormez tranquille ;l’affaire n’est pas sans issue… J’ai un projet ; écoutez-moi.Votre propriété n’est qu’à vingt verstes de la ville ; lechemin de fer la traverse maintenant et, si on lotit votre cerisaieet la terre qui longe la rivière pour y construire des villas, vousn’en tirerez pas moins de 25 000 roubles par an.

GAÏEV. – Vous n’y songez pas ! quelleabsurdité !

MME RANIEVSKAÏA. – Je ne vous entends pasbien, Ermolaï Alekséïevitch.

LOPAKHINE. – Chaque locataire du terrain vouspaiera par an au moins vingt-cinq roubles l’arpent. Et si vousannoncez dès maintenant que vous lotissez, je vous promets, sur cequ’il vous plaira, qu’à l’automne il ne vous restera pas la moindreparcelle de terre non louée. On enlèvera tout. En un mot, vous êtessauvée ; ce dont je vous félicite ! L’emplacement estmagnifique ; la rivière profonde ; il n’y a qu’à nettoyerun peu ; abattre, par exemple, toutes les vieillesbâtisses ; cette maison-ci, qui n’est plus bonne à rien ;abattre la vieille cerisaie…

MME RANIEVSKAÏA. – Abattre la cerisaie !Pardon, mon cher, vous n’y entendez rien ! S’il y a dans toutenotre province quelque chose d’intéressant, de remarquable, c’estnotre cerisaie.

LOPAKHINE. – Il n’y a de remarquable dansvotre cerisaie que son étendue ; il n’y a des cerises que tousles deux ans et alors même on n’en sait que faire ; personnene veut les acheter.

GAÏEV. – Même dans le Dictionnaireencyclopédique, il est parlé de cette cerisaie !

LOPAKHINE, consultant sa montre. – Sinous ne trouvons rien, si nous ne nous arrêtons à rien, lacerisaie, et tout le bien, seront vendus aux enchères ;décidez donc ! Il n’y a aucune autre issue, je vous le jure.Aucune !

FIRS. – Dans le temps, il y a quarante oucinquante ans, on faisait sécher les cerises ; on lesconservait dans l’eau, dans le vinaigre ; on en faisait desconfitures ; il arrivait…

GAÏEV. – Tais-toi, Firs.

FIRS. – Il arrivait qu’on envoie à Moscou et àKharkov des charrettes entières de cerises sèches. Ça faisait del’argent. Et les cerises, alors, étaient douces, juteuses,parfumées ; on savait la manière de les préparer.

MME RANIEVSKAÏA. – Et qui en a la recetteaujourd’hui ?

FIRS. – On l’a oubliée ; personne ne lasait plus.

PICHTCHIK, àMme Ranievskaïa. – Qu’y a-t-il de nouveau àParis ? Qu’y fait-on ? Avez-vous mangé desgrenouilles ?

MME RANIEVSKAÏA. – J’ai même mangé descrocodiles.

PICHTCHIK. – Voyez-moi ça !…

LOPAKHINE. – Jadis, il n’y avait à la campagneque des propriétaires et des paysans ; maintenant, il vientdes gens pour passer l’été. Toutes les villes, même les pluspetites, sont aujourd’hui entourées de villas. On peut dire quedans vingt ans l’estivant de villas se sera multiplié à l’infini. Àprésent, il se contente de boire son thé sous la véranda ;mais il se peut que, sur son seul arpent de terre, il veuille fairede l’agriculture. Alors votre cerisaie sera un endroit riche,splendide, luxueux…

GAÏEV, s’énervant. – Quelleabsurdité !

Entrent Varia et Iacha.

VARIA. – Mère, voici deux télégrammes.

Elle prend une des clefs de son trousseau et ouvre la vieillearmoire, dont la serrure est à avertisseur.

MME RANIEVSKAÏA. – C’est de Paris. (Elledéchire les télégrammes sans les lire.) C’en est fini deParis…

GAÏEV. – Sais-tu un peu, Liouba, combien cettearmoire a d’années ? La semaine dernière, j’ouvre un destiroirs, je regarde, et j’aperçois des chiffres marqués aufer ; l’armoire a été faite il y a juste un siècle.Hein ! Crois-tu ! On pourrait fêter son jubilé. Un objetinanimé, évidemment, mais tout de même, c’est une bibliothèque…

PICHTCHIK, surpris. – Un siècle,voyez-moi ça !…

GAÏEV. – Oui, c’est quelque chose !(Touchant l’armoire.) Chère armoire, je te respecte !Salut à ta longue existence, vouée depuis plus d’un siècle à unlumineux idéal de justice et de bien. Ta silencieuse invite autravail ne s’est pas affaiblie. Tu entretiens (ils’attendrit) dans les générations de notre famille la foi enun avenir meilleur, et nous éveilles au bien et à la consciencesociale.

Silence.

LOPAKHINE. – Ah ! oui…

MME RANIEVSKAÏA. – Tu es toujours le même,Lionia[3] !

GAÏEV, un peu interloqué. – Boule àdroite dans l’angle ; je joue au milieu.

LOPAKHINE, regardant sa montre. –Cette fois, il est temps que je parte.

IACHA, présentant un remède àMme Ranievskaïa.– Ne voulez-vous pas prendrevos pilules, maintenant ?

PICHTCHIK, péremptoire. – Chère dame,il ne faut pas prendre de remèdes ! ça ne produit aucun effet.Donnez-moi ça ! (Il verse les pilules dans le creux de samain, souffle dessus, les met dans sa bouche et les avale avec unverre de kvas.) Voilà !

MME RANIEVSKAÏA, effrayée. – Maisvous êtes fou !

PICHTCHIK, radieux. – J’ai toutavalé.

LOPAKHINE. – Quel gouffre !

Tout le monde rit.

FIRS. – Monsieur est venu ici à Pâques et il amangé un demi-seau de concombres salés.

Il continue à marmonner quelque chose.

MME RANIEVSKAÏA. – Quemarmotte-t-il ?

VARIA. – Voilà déjà trois ans qu’il marmonnecomme ça ; nous y sommes habitués.

IACHA. – Les années en sont cause.

Charlotta Ivanovna, maigre, très serrée, robe blanche,face-à-main à la ceinture, traverse la scène.

LOPAKHINE. – Pardon, Charlotta Ivanovna, jen’ai pas encore eu le temps de vous saluer.

Il veut lui baiser la main.

CHARLOTTA, retirant sa main. – Si onvous permet de baiser la main, vous demanderez le coude, puisl’épaule…

LOPAKHINE. – Pas de chance, aujourd’hui !(Tout le monde rit.) Charlotta Ivanovna, faites-nous un devos tours de passe-passe.

CHARLOTTA. – Pas maintenant. J’ai envie dedormir.

LOPAKHINE. – Allons, il faut que je parte. Jereviendrai dans trois semaines. (Il baise la main deMme Ranievskaïa.) D’ici là, adieu. (ÀGaïev.) Au revoir. (Il embrasse Pichtchik.) Aurevoir. (Il tend la main à Varia, à Firs et à Iacha.)Pourtant je ne voudrais pas partir… (ÀMme Ranievskaïa.) Si vous décidez quelquechose au sujet des villas, mandez-le-moi ; je vous trouveraiimmédiatement cinquante mille roubles. C’est sérieux ;pensez-y !

VARIA, fâchée. – Partez donc, à lafin !

LOPAKHINE. – Je m’en vais, je m’en vais.

Il sort.

GAÏEV. – Le mufle ! Ah ! pardon…c’est le fiancé de Varia…

VARIA. – Ne parlez pas pour ne rien dire,oncle !

MME RANIEVSKAÏA. – Pourquoi non, Varia ?J’en serais très heureuse. C’est un brave homme.

PICHTCHIK. – C’est à la vérité un homme desplus dignes… Ma fille le dit aussi… Elle dit diverses choses…(Il fait un ronflement, mais se réveille aussitôt.) Àpropos, chère madame, rendez-moi un service, avancez-moi deux centquarante roubles ; il me les faut demain pour payer lesintérêts de mon hypothèque…

VARIA, effrayée, vite. – On ne les apas ! on ne les a pas !…

MME RANIEVSKAÏA. – C’est vrai ;réellement, je n’ai absolument rien.

PICHTCHIK, riant. – Vous entrouverez. Je ne perds pas espoir. Voyez ; je croyais que toutétait perdu, que j’étais ruiné ; et le chemin de fer traversemes terres : on me paye. Patientez ; avec le temps,quelque chose arrivera encore. Ma fille gagnera le gros lot… Elle aun billet.

MME RANIEVSKAÏA. – Tout le monde a bu soncafé ? On peut aller se reposer.

FIRS, il brosse Gaïev et lui parle comme àun enfant. – Vous avez encore pris le pantalon qu’il nefallait pas ! Que puis-je faire de vous ?

VARIA, à demi-voix. – Chut, Aniadort !… (Elle ouvre doucement la fenêtre.) Le soleilest déjà levé ; il ne fait pas froid. Voyez, mère, quels beauxarbres !… Mon Dieu, quel air ! Les sansonnetschantent !

GAÏEV, ouvrant l’autre fenêtre. –Toute la cerisaie est blanche. Te souviens-tu, Liouba, de cettelongue allée toute droite, droite comme une courroie tendue ?Les nuits de lune, elle brille. Te souviens-tu ?

MME RANIEVSKAÏA, regardant la cerisaie parla fenêtre. – Oh ! ma jeunesse, ma candeur ! J’aidormi dans cette chambre d’enfant ; chaque matin, le bonheurs’y réveillait en même temps que moi. D’ici, je regardais lacerisaie ; elle était exactement comme je la voisaujourd’hui ; rien n’a changé ! (Elle rit dejoie.) Tout est blanc, blanc… Ma cerisaie, après un noir etvilain automne, et un hiver glacé, te revoilà, jeune, pleine debonheur. Les anges du ciel ne t’ont pas quittée !… Ah !si je pouvais faire tomber de mes épaules le fardeau qui pèse surelles. Si je pouvais oublier le passé !…

GAÏEV. – Dire que la cerisaie va être vendue àcause de nos dettes !… N’est-ce pas étrange ?…

MME RANIEVSKAÏA, agitée. – Voyez,notre défunte mère traverse la cerisaie, vêtue de blanc. (Ellerit de joie.) Oui, c’est elle !

GAÏEV. – Où cela ?

VARIA. – Voyons, mère, qu’avez-vous ?

MME RANIEVSKAÏA, abattue. – Il n’y apersonne !… Il m’a semblé… Là-bas, près du pavillon, ce petitarbre blanc qui penche ; on dirait une femme.

Entre Trofimov. Uniforme d’étudiant usé. Lunettes.

MME RANIEVSKAÏA, rêvant. – Quellemagnifique cerisaie ! Une blanche masse de fleurs, un cielbleu…

TROFIMOV. – Bonjour, madame.(Mme Ranievskaïa se retourne.) Je ne faisque vous saluer et je pars. (Il lui baise la main aveceffusion.) On m’avait dit d’attendre jusqu’au matin pour vousvoir, mais je n’ai pu y tenir davantage.

Mme Ranievskaïa le regarde sans lereconnaître.

VARIA, émue. – C’est PierreTrofimov.

TROFIMOV. – Pierre Trofimov, l’ancienprécepteur de Gricha… Ai-je donc tant changé !…

Mme Ranievskaïa l’embrasse et pleuredoucement.

GAÏEV, troublé. – Allons, Liouba,allons !…

VARIA, pleurant. – Je vous avais biendit, Pétia, d’attendre jusqu’au matin…

MME RANIEVSKAÏA, pleurant. – MonGricha !… mon enfant !… mon petit !…

VARIA. – Mère, que voulez-vous… C’était lavolonté de Dieu !

TROFIMOV, tendrement, les larmes auxyeux. – Allons, ne pleurez plus ! ne pleurezplus !

MME RANIEVSKAÏA, pleurant doucement.– Mon petit s’est noyé… Pourquoi cela ? pourquoi, monami ? (Baissant la voix.) Ania dort là-bas et jeparle haut… Dites-moi, Pierre, pourquoi êtes-vous aussichangé ? Qu’est-ce qui vous a vieilli ?

TROFIMOV. – Une bonne femme en wagon m’aappelé le monsieur déplumé…

MME RANIEVSKAÏA. – Vous étiez en ce temps-làun bon petit étudiant, tout jeune, et maintenant vos cheveuxs’éclaircissent ; vous portez des lunettes. Êtes-vous encoreétudiant ?

Elle va vers la porte.

TROFIMOV. – Je le resterai probablementtoujours !

MME RANIEVSKAÏA, elle embrasse son frère,puis Varia. – Enfin, allons dormir… Toi aussi, Léonid, tu asvieilli.

PICHTCHIK, la suivant. – Alors on vadormir ?… Ah ! ma goutte !… Écoutez, je restecoucher ici… Demain, ma chère amie, demain matin, LioubovAndréïevna, il me faudrait deux cent quarante roubles…

GAÏEV. – En voilà un qui ne perd pas lacarte !

PICHTCHIK. – Deux cent quarante roubles… pourles intérêts de mon hypothèque.

MME RANIEVSKAÏA. – Mon bon, je n’ai pasd’argent.

PICHTCHIK. – Je vous les rendrai, chèredame ; c’est une petite somme de rien !

MME RANIEVSKAÏA. – Allons, c’est bon ;Léonid vous les donnera. Donne-les-lui, Léonid !

GAÏEV. – Oui, comptez-y !

MME RANIEVSKAÏA. – Que faire, Léonid,donne-les-lui. Il en a besoin ; il les rendra.

Elle sort ainsi que Trofimov, Pichtchik et Firs.

GAÏEV, grognant. – Ma sœur n’a pasperdu l’habitude de semer l’argent. (À Iacha.) Recule-toiun peu, l’ami, tu sens le poulailler.

IACHA, souriant. – Et vous, LéonidAndréïevitch, vous êtes toujours le même.

GAÏEV. – Quoi ? (À Varia.)Qu’a-t-il dit ?

VARIA, à Iacha, l’expédiant. – Tamère est arrivée hier soir et, depuis, elle est assise à t’attendredans la chambre des domestiques ; elle veut te voir…

IACHA. – Que Dieu la bénisse !

VARIA. – Ah ! effronté !

IACHA. – J’ai bien besoin d’elle… Elle auraitpu aussi bien ne venir que demain.

Il sort.

VARIA. – Mère est toujours ce qu’elleétait ; elle n’a pas du tout changé ; si on la laissaitfaire, elle donnerait tout ce qu’elle a.

GAÏEV. – C’est vrai. (Un silence.) Sidans une maladie on prescrit beaucoup de remèdes, c’est que lamaladie est incurable. Je pense, je me travaille, je trouve unefoule de moyens, et, par suite, aucun ne vaut rien… Il serait biend’hériter de quelqu’un !… Il serait bien de marier Ania à unhomme très riche !… Il serait bien d’aller à Iaroslavl, tenterla chance auprès de la comtesse, notre tante !… Elle estriche, très riche…

VARIA, pleurant. – Si Dieu voulaitnous aider !

GAÏEV. – Oh ! ne geins pas, hein ?Notre tante est très riche, mais elle ne nous aime pas… D’abordLiouba a épousé un avocat qui n’appartenait pas à la noblesse…

Ania apparaît à la porte de sa chambre.

GAÏEV, il poursuit. – Ensuite, on nepeut pas dire que sa conduite ait été parfaite. Elle est très bravefemme ; je l’aime beaucoup, mais on a beau chercher descirconstances atténuantes, il faut convenir que c’est une femmevicieuse ; cela se sent à chacun de ses mouvements…

VARIA, à voix basse, suppliante. –Ania est là !

GAÏEV, gêné. – Comment ?…(Silence.) C’est drôle, il m’est entré quelque chose dansl’œil, je n’y vois plus… Figure-toi que jeudi, au tribunal…

Ania entre et s’avance.

VARIA. – Pourquoi ne dors-tu pas,Ania ?

ANIA. – Je ne puis pas m’endormir.

GAÏEV. – Ma petite ! (Il lui baiseles mains et le visage.) Mon enfant ! (Ils’attendrit.) Tu n’es pas ma nièce, tu es mon ange gardien. Tues tout pour moi ; crois-le.

ANIA. – Je te crois, mon oncle. Tout le mondet’aime et te respecte… Mais il faudrait moins parler, cher oncle…Que viens-tu de dire de maman, de ta sœur !… Pourquoi as-tudit tout cela ?

GAÏEV. – Oui, tu as raison. (Il prend lesmains d’Ania et se cache le visage avec.) Vraiment, c’estmal ! Mon Dieu, ayez pitié de moi ! Aujourd’hui encore,j’ai fait tout un discours devant l’armoire ; c’est sibête ! Et ce n’est que quand j’ai eu fini que j’ai compriscomme ce l’était…

VARIA. – Vraiment, petit oncle, il faudraitmoins parler !

ANIA. – Si tu parles moins, tu n’en seras queplus tranquille.

GAÏEV. – Je me tairai. (Il baiseles mains de Varia et d’Ania.) Je me tais. Mais parlons denotre affaire. Jeudi, j’étais au tribunal ; il est venu dumonde ; on a commencé à parler de choses et d’autres, etpatati et patata : il me semble qu’on pourra emprunter surbillet de quoi payer les intérêts.

VARIA. – Si Dieu voulait nous aider !

GAÏEV. – Mardi, je retournerai en ville et enparlerai encore… (À Varia.) Ne pleure pas… (ÀAnia.) Ta mère causera avec Lopakhine ; il ne luirefusera certainement pas de l’aider. Et toi, quand tu serasreposée, ma chérie, tu iras à Iaroslavl chez ta grand-tante lacomtesse. Ainsi nous agirons de trois côtés, et notre affaires’arrangera. Nous paierons les intérêts, j’en suis convaincu.(Il se met un bonbon dans la bouche.) Sur mon honneur, surtout ce que tu voudras, je le jure : le bien ne sera pasvendu ! (Excité.) Tiens ma main (il la luitend), tu m’appelleras ensuite homme de rien, malhonnêtehomme, si l’on en vient à la vente publique ; je jure de toutmon être que cela ne sera pas !

ANIA, redevenue tranquille, heureuse.– Comme tu es bon, mon oncle, comme tu as de l’esprit !(Elle l’embrasse.) Maintenant je suis tranquille etheureuse.

Entre Firs.

FIRS, d’un ton de reproche. – LéonidAndréïevitch, vous n’y songez pas ; quanddormirez-vous ?

GAÏEV. – Tout de suite, tout de suite.Va-t’en, Firs ! Maintenant, n’importe, je me déshabilleraiseul. Allons, les enfants, do-do. À demain les détails. (Ilembrasse Ania et Varia) Je suis de la génération de1880 ; on ne la vante guère ; et pourtant je puis direque mes opinions m’ont déjà coûté cher. Ce n’est pas pour rien queles moujiks m’aiment ! Il faut connaître le moujik…

ANIA. – Te voilà encore lancé, mon oncle.

VARIA. – Taisez-vous, petit oncle.

FIRS, sévèrement. – LéonidAndréïevitch !

GAÏEV. – Je m’en vais, je m’en vais. Allezvous coucher ! Double bande au milieu. Le coup est sûr.

Il sort ; Firs le suit à petits pas.

ANIA. – Je suis tranquille, maintenant. Je neveux pas aller à Iaroslavl ; je n’aime pas magrand-tante ; mais pourtant j’ai confiance ; j’enremercie mon oncle.

Elle s’assied.

VARIA. – Il faut aller dormir ; moi, j’yvais. Tu sais, Ania, il y a eu ici, pendant ton absence, des tasd’histoires. Tu te rappelles les vieux domestiques qui vivent dansl’ancienne cuisine, Iéfimiouchka, Polia, Evstigueï, et enfin Karp.Ils se mirent à laisser coucher chez eux des passants. Je ne disrien. Mais voilà que le bruit courut que j’avais donné ordre, paravarice, de ne les plus nourrir que de pois. C’était Evstigueï quiinventait tout cela. Je me dis, tu vas voir ; j’appelleEvstigueï. (Elle bâille.) Il arrive… Comment oses-tu, luidis-je, espèce d’imbécile… (Elle regarde Ania.) Ma petiteAnia !… (Un temps.) Elle dort !… (Elle laprend sous le bras.) Allons, au lit !… (Elle laconduit.) La chère petite est endormie…

Elles sortent.

Au loin, par-delà la cerisaie, un berger joue dupipeau.

Trofimov traverse la scène et, voyant Varia et Ania,s’arrête.

VARIA. – Chut, chut !… Elle dort… Viens,ma chérie.

ANIA, doucement, dormant à moitié. –Je suis si lasse… Tous ces grelots. Cher oncle… mon oncle etmaman…

VARIA. – Viens, ma petite.

Elle entre dans la chambre d’Ania.

TROFIMOV, attendri. – Ô, mon soleil !…Mon printemps !

RIDEAU

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