SCÈNE II
EntrePUCK.
Voici l’heure où le lion affamé rugit,
Où le loup hurle à la lune,
Tandis que le lourd laboureur ronfle
Épuisé de sa pénible tâche.
Maintenant les tisons consumés brillent dans le foyer ;
La chouette, poussant son cri sinistre,
Rappelle aux malheureux, couchés dans les douleurs,
Le souvenir d’un drap funèbre.
Voici le temps de la nuit,
Où les tombeaux, tous entr’ouverts,
Laissent échapper chacun son spectre,
Qui va errer dans les sentiers des cimetières.
Et nous, fées, qui voltigeons
Près du char de la triple Hécate,
Fuyant la présence du soleil,
Et suivant l’ombre comme un songe,
Nous gambadons maintenant. Pas une souris
Ne troublera cette maison sacrée.
Je suis envoyé devant, avec un balai,
Pour balayer la poussière derrière la porte[46].
(Entrent Oberon et Titania avec leurcour.)
OBERON.
Qu’une faible lumière éclaire cette maison
Par le moyen de ce feu mourant ;
Que tous les esprits et toutes les fées
Sautent d’un pied léger, comme l’oiseau sur la branche.
Répétez après moi ce couplet :
Chantez et dansez rapidement à sa mesure.
TITANIA.
D’abord, répétez ce couplet par cœur ;
Et à chaque mot une cadence ;
Les mains enlacées, avec la grâce des fées,
Nous chanterons et nous bénirons cette demeure.
(Chant et danse[47].)
OBERON.
Àprésent, jusqu’à la pointe du jour,
Que chaque fée erre dans ce palais.
Nous irons au beau lit nuptial,
Et il sera béni parmi nous ;
Et la lignée qui y sera engendrée
Sera toujours heureuse.
Ces trois couples d’amants
Seront toujours sincères et fidèles,
Et les taches de la main de la nature
Ne se verront point sur leurs enfants.
Jamais signe, bec de lièvre, cicatrice,
Ou marque de sinistre augure, qui sont
Si pénibles à voir au jour de la nativité,
N’existeront pour leurs enfants.
Fées, dispersez-vous ;
Qu’avec la rosée des champs
Chacune voue chaque appartement
De ce palais à la douce paix,
Il subsistera toujours en sûreté,
Et le maître en sera toujours béni.
Allons, vite,
Ne tardons plus
Venez me rejoindre au point du jour.
(Oberon et Titania sortent avec leur cour.)
PUCK.
Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et ne le prenez que pour un songe :
Si vous faites grâce, nous corrigerons.
Et comme je suis un honnête Puck,
Si nous avons le bonheur immérité
D’échapper cette fois à la langue du serpent,
Nous ferons mieux avant peu,
Ou tenez Puck pour un menteur.
Ainsi ; bonne nuit à tous.
Prêtez-moi le secours de vos mains si nous sommes amis
Et Robin vous dédommagera quelque jour.
(Il sort.)
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.