Le voleur de feu Arthur Rimbaud

Le voleur de feu

Arthur Rimbaud


Scène 1
Izambard s’adresse au public.
IZAMBARD : Georges Izambard, professeur de rhétorique. C’est en janvier 1870, quand
j’ai effectué un remplacement au collège de Charleville, dans les Ardennes, que j’ai fait
sa connaissance. Arthur Rimbaud, 15 ans. J’ai tout de suite remarqué qu’il détonnait
parmi ses camarades. Des vêtements bleu marine, une mèche rebelle, des gestes brusques
et maladroits. En classe, c’est un élève guindé, sage et soumis, qui collectionne les
bonnes notes, sauf en mathématiques. Mais son visage devient par moments tendu et
agressif. Ses yeux d’habitude si doux se mettent à lancer des éclairs. Il est rapidement
venu me trouver et nous avons lié connaissance. Je le raccompagne sur le chemin de sa
maison. Il m’a raconté sa vie, son père parti pour l’Afrique et qu’il n’a jamais revu, ses
deux sœurs, son grand frère et sa mère tres autoritaire qui rend le climat familial étouffant.
C’est un personnage. Contrairement à la plupart des adolescents, il apprécie la littérature,
il dévore les romans à une cadence impressionnante. Un boulimique de lecture. Je
l’encourage et lui prête mes livres. Il écrit aussi, une veritable frénésie d’écriture, et il me
montre ses poèmes. Il m’impressionne, un style flamboyant, étrange, novateur. Je perçois
dans ses vers un talent bien prometteur, mais aussi de l’orgueil et de la violence. La
plupart de ses autres professeurs ne partagent pas mon opinion. Malgre ses excellents
résultats, ils s’en méfient, ils le considèrent comme un sournois. Il traîne d’ailleurs des
antécédents disciplinaires qui ont valu à sa mère de se voir convoquée…
Izambard s’efface. Le professeur Coudard amène Arthur, les habits déchirés, à Madame
Rimbaud.
COUDARD : Je tenais à vous rencontrer, Madame Rimbaud, votre fils a encore fait des
siennes.
MADAME RIMBAUD : Vraiment ? Pourtant je veille à ce qu’il étudie bien ses leçons.
Tous mes espoirs sont en lui, vous savez.
COUDARD : Oh il ne s’agit pas de cela, scolairement, votre fils est brillant, c’est sans
nul doute le meilleur de cet établissement. Il me rend des compositions tout simplement
exceptionnelles. Je n’ai jamais vu un tel talent chez un garçon de cet âge.
MADAME RIMBAUD : Mon fils serait donc un surdoué ?
COUDARD : Le problème c’est qu’il se surpasse aussi dans la provocation. A Arthur.
Môssieur Rimbaud, dois-je répéter à Madame votre mère votre récente traduction latine ?
ARTHUR les yeux fixés au sol : Allez-y.
COUDARD : Figurez-vous, Madame Rimbaud, que devant toute la classe, en lieu et
place de « debellare superbos », il m’a récité « degueulare superbos » !
MADAME RIMBAUD : Oh le scandaleux !
COUDARD : Vous savez réagir, c’est bien. Mais méfiez-vous. Il a des tics noirs et des
yeux hypocrites qui ne me plaisent pas. Je vous dis qu’il finira mal.
MADAME RIMBAUD : Rassurez-vous ! Je vais le reprendre en main. Il aura des
diplômes, une situation, il fera sa place, ici à Charleville, et la société le respectera.
ARTHUR : Je ne veux pas de place ! Je ne veux plus travailler ! Sa mère le taloche.

COUDARD : Qu’est ce que je vous disais, Madame Rimbaud. C’est un tordu. Le
proviseur lui-même a jugé que rien de banal ne germe dans la tête de cet enfant : ce sera
le génie du bien ou celui du mal. Mais personnellement je penche nettement vers la
seconde option.
MADAME RIMBAUD à Arthur : Je ne te laisserai pas sortir du droit chemin, entends-tu ?
COUDARD : Et encore, je ne vous ai pas expliqué pourquoi son pantalon est déchiré.
MADAME RIMBAUD : J’espère pour lui qu’il ne s’est pas battu !
COUDARD : Malheureusement oui, Madame Rimbaud.
MADAME RIMBAUD : Il sait pourtant que la violence est un péché !
COUDARD : Vous ne croyez pas si bien dire, car savez-vous à qui il s’est attaqué ? A un
séminariste ! Parfaitement Madame ! Un jeune pensionnaire du séminaire qui suit
quelques cours dans notre collège.
MADAME RIMBAUD : Un homme d’Eglise ! Seigneur Dieu !
ARTHUR : Ce mouchard m’avait dénoncé au prof. Il sentait la sueur et la sacristie !
COUDARD à Arthur : Et pourquoi donc, s’il vous plaît ? Un temps. Parce que vous
écriviez de la poésie au lieu de faire des mathématiques ! Parfaitement Môssieur ! Or il
n’y a pas que la littérature dans la vie, mon petit Môssieur !
MADAME RIMBAUD : Et agresser un curé, quelle honte !
ARTHUR à part : Pourtant on leur dit bien de tendre l’autre joue, aux corbeaux.
COUDARD : On a dû les séparer de force. Ils ont roulé par terre et comme la soutane de
sa victime s’etait relevée, il l’a carrément mordu aux fesses.
MADAME RIMBAUD talochant Arthur à nouveau : C’en est trop ! Comptez sur moi, il
sera puni. Il se couchera sans souper et il ne mangera qu’un quignon de pain pendant trois
jours ! Ses sœurs et son frère n’auront pas le droit de lui parler et il gardera son pantalon
déchiré pour aller à l’école, ça lui rappellera sa faute, sa très grave faute.
COUDARD : Bravo Madame.
Scène 2
Arthur est enfermé dans son coin et marmonne pour lui-même en gribouillant sur un
cahier.
ARTHUR : « Il te faut étudier, Arthur… étudier, étudier ! » Ils finiront par me clouer la
cervelle! Je ne veux plus user mes culottes sur les bancs d’école ! Je ne veux pas être
reçu, je ne veux pas être premier de classe, je ne veux pas de place ! Les examens, c’est
pour gagner sa place d’éboueur ou de porcher ! Travailler, moi ? Je suis en grève ! J’ai
cent fois mieux à faire ! Et avec ça je reçois des baffes pour toute récompense ! Ah ! Je
hais le grec, le latin et l’histoire ! Merde à l’empereur ! Apprendre la vie de Chinaldon,
de Nabopolassar, de Darius, de Cyrus et d’Alexandre, c’est un supplice ! Que m’importe
à moi que Jules César ait été célèbre ! Que m’importe… Qui sait si les Romains ont
existé ? Et quand bien même ils auraient existé, qu’ils me laissent tranquille et qu’ils
gardent leurs histoires pour eux ! Quel mal leur ai-je fait, aux Grecs et aux Latins, pour
qu’ils me flanquent au supplice ! Leur langue n’est plus parlée par personne au monde !
Ah, saperpouillotte ! Entre Vitalie.
VITALIE : Arthur ?
3

ARTHUR : Vitalie ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu sais bien que la Rimbe t’a interdit de
m’adresser la parole !
VITALIE : La Rimbe ?
ARTHUR : Notre mère « chérie ».
VITALIE : Il paraît que tu as mordu un prêtre.
ARTHUR : J’en garde encore une mauvaise haleine. Sa chair était blanche et flasque. Il
avait le visage gras, la sueur avait maculé son col de traînées grisâtres, et ses souliers
fermentaient, comme ceux de Monsieur le curé, le dimanche, quand il bave sa foi.
VITALIE : Maman dit que c’est un péché grave et que ca plaît pas au bon Dieu
ARTHUR : Laisses-le donc, leur fantoche, je hais l’Eglise, je hais la messe. Chaque
dimanche, quand on y va en famille, je me retiens pour ne pas crier pendant le divin
babillage et les orémus risibles. Vraiment, c’est bête, ces églises. Tout ce temps foutu à
rien…
VITALIE lui tendant un morceau de pain : Prends ça, tu seras moins en colère.
ARTHUR : Où as-tu pris ça ?
VITALIE : Dans la huche à la cuisine.
ARTHUR : Va tout de suite le remettre en place ! La bouche d’ombre te tuerait !
VITALIE : La bouche d’ombre ?
ARTHUR : Oui, la mère quoi.
VITALIE : On a le temps, elle est partie au marché.
ARTHUR : Mais elle s’en apercevrait à ton retour. Remets ce pain où tu l’as pris ! Je
peux bien me passer de manger, tant que j’ai de quoi lire et écrire.
VITALIE : Qu’est-ce que tu vas devenir, Arthur ? Maman veut que tu sois notaire.
ARTHUR : Notaire, comme un bourgeois ? Jamais ! Il lui tend son cahier. Tiens, lis ceci !
VITALIE lisant : Tu… vates… eris… C’est du latin ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
ARTHUR : Ça veut dire « Tu seras poète ». Je serai poète, tu entends ? Jamais je ne serai
un bourgeois !
VITALIE : Qu’est-ce qu’on va penser de toi, à Charleville ?
ARTHUR : Que m’importent les béotiens de Charleville ! Dès que je le pourrai, je
partirai loin, bien loin d’ici, et on ne me verra plus dans ce bled. Je partirai chercher le
lieu et la formule !
VITALIE : Tu vas faire comme papa ?
ARTHUR songeant : Papa… C’est vrai, lui non plus n’est jamais revenu. Tu te souviens
de la dernière fois qu’on l’a vu ?
VITALIE : A peine, je n’avais que deux ans. On habitait encore rue Bourbon à l’époque.
ARTHUR : Il astiquait son sabre et maman nous a fait sortir pour le disputer.
VITALIE : Oui, mais nous on s’était cachés pour les observer, ils criaient et j’avais peur.
ARTHUR : Attends, cette scène me revient tout gentiment.
Lumière sur Madame et Monsieur Rimbaud, qui astique son sabre.
MONSIEUR RIMBAUD à sa femme : Il fait froid. Tu n’allumes pas le feu ?
MADAME RIMBAUD : Il ne fait pas encore assez nuit, et il n’y a pas de petites
économies.
MONSIEUR RIMBAUD : Alors, pourquoi tu as fait sortir les enfants ?
MADAME RIMBAUD : Parce que je voudrais que tu m’expliques pourquoi tu astiques
ton sabre à l’approche de Noël.
4

MONSIEUR RIMBAUD : C’est que je… j’ai décidé d’écourter ma permission. Je repars
dès ce soir pour Grenoble.
MADAME RIMBAUD : Mais tu devais rester avec nous jusqu’à la fin de la semaine !
MONSIEUR RIMBAUD : Je devais ! Je devais ! J’ai changé d’avis, voilà tout ! J’ai
besoin de quelques jours pour acheter mon paquetage. Ma garnison part pour l’Egypte,
puis de là, vers l’Afrique profonde. C’est un voyage très long et je dois m’y préparer.
MADAME RIMBAUD : Qu’entends-tu par « long » ?
MONSIEUR RIMBAUD : Hé bien… je vais être absent pendant un an et demi. A peu
près. Un temps.
MADAME RIMBAUD : Renonce à ce voyage, Frédéric.
MONSIEUR RIMBAUD : Impossible, ce serait renoncer à mon métier. J’ai des ordres !
MADAME RIMBAUD : Parce que tu appelles ça un métier ? J’en ai assez ! Je ne peux
pas continuer ainsi, à attendre tes retours comme une mendiante, à élever seule les
enfants.
MONSIEUR RIMBAUD : Femme, tu ne vas pas recommencer avec tes jérémiades !
ARTHUR : Tu tremblais comme une feuille, et moi je te racontais que ce n’était pas pour
de vrai, que c’était comme au théâtre !
VITALIE : Mais moi je trouvais ça moins drôle que Guignol, parce que Guignol ne criait
pas si fort.
MADAME RIMBAUD : On n’est pas à l’armée ici ! Tu es responsable de notre malheur
à tous !
MONSIEUR RIMBAUD : Tu exagères ! Je t’ai toujours envoyé ma solde !
MADAME RIMBAUD : Et qu’est-ce qu’elle m’offre, ta solde ? Un taudis à Charleville,
parmi les ouvriers, la crasse, tout ce que j’exècre !
MONSIEUR RIMBAUD : Vitalie ! Tu savais, en m’épousant, que tu ne te marierais pas
à un paysan.
MADAME RIMBAUD : Eux au moins font un métier honorable !
MONSIEUR RIMBAUD : Je te vois venir ! Tu veux faire de moi un fermier, c’est ça ?
Jamais ! Jamais, tu m’entends ! J’ai besoin d’espace, de lumière, de soleil ! Les voyages
sont toute ma vie ! Je ne resterai pas ici, tu m’étouffes ! Il se lève et renverse tout.
ARTHUR : Papa s’était mis à tout renverser.
VITALIE : Moi je me blottissais contre toi.
Frédéric Rimbaud part en claquant la porte et laisse son épouse seule, désemparée. La
lumière s’éteint de son côté. Arthur et Vitalie se retrouvent seuls.
ARTHUR : Et puis il est parti en claquant la porte. Tu t’en souviens ? Il en a même cassé
un carreau.
VITALIE : Maman s’est retrouvée seule et il me semblait qu’elle pleurait. Ça m’a
surprise. Je ne savais pas qu’elle savait pleurer.
ARTHUR : Et cette année-là, nous n’avons pas reçu d’étrennes.
VITALIE : Est-ce qu’on en a jamais reçues ?
ARTHUR : Oui, l’année précédente, mais là tu étais vraiment trop petite pour t’en
rappeler. Une nuit, j’ai vu des joujoux, des bonbons habillés d’or, d’étincelants bijoux. Et
le matin, on s’est réveillés comme aux grands jours de fête. Papa avait tout décoré avec
des tissus en couleur. Tu avais reçu un hochet, et moi un livre d’images.
VITALIE : Nous avons grimpé sur le lit des parents, toute leur chambre était illuminée et
des reflets vermeils tournoyaient sur les meubles vernis. La gaieté était permise, alors.
5

ARTHUR surpris : Tu t’en souviens ?
VITALIE gênée : Non, euh, je l’ai lu dans ce poème que tu as laissé dans ta chambre. Un
temps. Tu m’en veux ?
ARTHUR : Ne t’inquiète pas, tu as bien fait, je l’ai bien montré à Izambard. De toute
façon la bouche d’ombre peut bien le lire aussi, elle n’y comprendra rien. Je n’ai rien à te
cacher. C’est moi qui t’ai appris à écrire, sœurette.
VITALIE : Ah de ça par contre, je m’en souviens très bien !
ARTHUR : Nous étions assis à la même table, et la Daromphe nous surveillait.
VITALIE : La Daromphe ?
ARTHUR : C’est de l’argot, Vitalie. J’aime appeler notre mère comme ça. Mais tu es
trop petite pour comprendre. C’est un mot plein de haine. Attends, on va faire comme si
je t’apprenais l’écriture.
Vitalie et Arthur font semblant d’être assis à la même table et de faire leurs devoirs.
VITALIE avec une voix enfantine : Arthur, comment on écrit le « O » ?
ARTHUR même jeu : Attends, je te le fais en bleu. Tu vois ? C’est comme ça, c’est tout
rond, comme l’embouchure d’une trompette.
VITALIE même jeu : Ah oui, comme les yeux de maman aussi, quand elle les ouvre en
grand.
ARTHUR reprenant une voix normale : Et là elle a beuglé… Une vraie bête de somme !
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Vitalie ! Change de place ! Viens près de moi ! Je ne
veux pas qu’Arthur t’aide à faire tes devoirs, comme hier. Tu dois apprendre à travailler
seule.
VITALIE reprenant une voix normale : Je lui ai demandé, plaintivement. Voix enfantine.
Et papa il viendra m’aider quand ?
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Pour la dernière fois, arrête de parler de ton père. Il
ne reviendra plus, un point c’est tout !
ARTHUR : Alors moi comme j’avais déjà terminé mon devoir de latin, je me mettais à
m’imaginer comment pouvait être papa, et je me l’inventais à ma manière.
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Refais-moi cette ligne de « A », Vitalie !
ARTHUR : Je me suis mis à écrire : « Mon père était officier dans les armées du roi.
C’était un homme grand, maigre, chevelure noire, yeux, peau de même couleur… »
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Les autres voyelles maintenant ! Dans l’ordre, et
dépêche-toi !
VITALIE : Moi, je demandais à les mettre en couleur, les voyelles, comme tu me l’avais
appris.
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Quelle idée ! Arthur ! Qu’est-ce que tu as raconté à
ta sœur ? Les devoirs se font tous à l’encre noire !
ARTHUR : « Mon père était d’un caractère vif, bouillant, souvent en colère et ne
souffrant rien qui lui déplût. Ma mère était bien différente : femme douce, calme… » Il
soupire. Ah, si seulement.
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Vitalie ! A quoi ressemblent tes « O » ?
VITALIE : Moi je lui ai innocemment répondu : « A tes yeux, maman. » Je me suis pris
une de ces gifles !
ARTHUR : Et là ma plume a déraillé. J’ai aligné des gros mots sur mon cahier :
« Saperlipopette ! Sapristi ! Saperlipopetouille ! Saperpouillotte ! » Heureusement, elle
6

ne les a pas vus, elle était trop occupée avec toi. Elle me tournait le dos et je lui ai tiré la
langue à cette vipère !
VITALIE : Quel fou ! Elle t’aurait tué !
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Récite-moi tes voyelles.
VITALIE voix enfantine : A, E, I, O, U…
VOIX DE MADAME RIMBAUD : Encore !
VITALIE voix normale : A, E, I, O, U… Rimbaud ferme les yeux.
ARTHUR : Encore !
VITALIE : A
ARTHUR : Noir.
VITALIE : E
ARTHUR : Blanc.
VITALIE : I
ARTHUR : Rouge.
VITALIE : O
ARTHUR : Bleu
VITALIE : U
ARTHUR : Vert.
VOIX DE MADAME RIMBAUD : C’est bien.
ARTHUR : C’est beau. Vitalie et prise d’une quinte de toux et se frotte les yeux. Qu’est-
ce que tu fais ?
VITALIE : Ça aussi c’est toi qui me l’as appris autrefois, pour faire venir les couleurs et
me faire oublier ma toux.
ARTHUR : Ah oui, c’était mon tour de magie favori.
VITALIE : Ça marchait et ça marche encore. Je vois les couleurs ! Le bleu, le rouge, le
vert… Elles prennent forme et elles dansent tout autour de moi. Et puis, et puis je finis par
voir une lumière bizarre. Ça me faisait peur, je te demandais si c’etait un péché.
ARTHUR riant : Peu importe si c’est un péché, l’essentiel c’est que ça t’illumine.
VITALIE : J’avais peur que le bon Dieu ne nous punisse.
ARTHUR à part : Dieu ne nous voit pas. Dieu ne nous aime pas.
VITALIE : Ensuite, comme nous avions terminé nos devoirs, elle nous a laissés seuls un
instant pour chauffer la soupe.
ARTHUR : On en a profité pour aller voir en vitesse Julie, notre voisine, tu t’en souviens ?
VITALIE : Maman nous défendait de la fréquenter ! Elle était sale ! Elle avait des poux !
Sa mère devait les lui enlever. Son papa buvait, en plus !
ARTHUR : Et pourtant moi aussi j’aurais voulu être sale et avoir des poux. J’aurais voulu
qu’on promène dans mes cheveux de frêles doigts aux ongles argentins, des doigts fins,
terribles, charmeurs, électriques et doux. J’aurais voulu être saoul à m’envoler !
VITALIE : Comme j’aime quand tu parles comme ça, ça me fait voir des choses…
Arthur ? Tu veux bien me raconter la mer ? Comme dans ce roman que tu lisais hier, avec
ce bateau qui va sous l’eau…
ARTHUR : Bien sûr Vitalie, mais tu sais quoi ? Nous allons laisser Jules Verne vingt
mille lieues sous ses mers et nous en aller nous-mêmes à l’Océan.
VITALIE : Mais tu n’as pas le droit de sortir d’ici, et puis l’Océan c’est si loin. A
Charleville, il ne coule que la Meuse.


Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer