À CÉLIMÈNE.
Je ne vous aime pas, ô blonde célimène,
Et si vous l’avez cru quelque temps,apprenez
Que nous ne sommes point de ces gens que l’onmène
Avec une lisière et par le bout dunez ;
Je ne vous aime pas…depuis une semaine,
Et je ne sais pourquoi vous vous enétonnez.
Je ne vous aime pas ; vous êtes tropcoquette,
Et vos moindres faveurs sont de mauvaisaloi ;
Par le droit des yeux noirs, par le droit deconquête,
Il vous faut des amants. (On ne sait troppourquoi.)
Vous jouez du regard comme d’uneraquette ;
Vous en jouez, méchante…et jamais avecmoi.
Je ne vous aime pas, et vous aurez beaufaire,
Non, madame, jamais je ne vous aimerai.
Vous me plaisez beaucoup ; certes, jevous préfère
À Dorine, à Clarisse, à Lisette, c’estvrai.
Pourtant l’amour n’a rien à voir dans cetteaffaire,
Et quand il vous plaira, je vous leprouverai.
J’aurais pu vous aimer ; mais, ne vous endéplaise,
Chez moi le sentiment ne tient que par unfil…
Avouons-le, pourtant, quelque chose mepèse :
En ne vous aimant pas, comment donc sefait-il
Que je sois aussi gauche, aussi mal à monaise
Quand vous me regardez de face ou deprofil ?
Je ne vous aime pas, je n’aime rien aumonde ;
Je suis de fer, je suis de roc, je suisd’airain.
Shakespeare a dit de vous :« Perfide comme l’onde » ;
Mais moi je n’ai pas peur, car j’ai le piedmarin.
Pourtant quand vous parlez, ô ma sirèneblonde,
Quand vous parlez, mon cœur bat comme untambourin.
Je ne vous aime pas, c’est dit, je vousdéteste,
Je vous crains comme on craint l’enfer, depeur du feu ;
Comme on craint le typhus, le choléra, lapeste,
Je vous hais à la mort, madame ; mais,mon dieu !
Expliquez-moi pourquoi je pleure, quand jereste
Deux jours sans vous parler et sans vous voirun peu.