Lettre LXIX
Vous me demandez ce que je fais : je vous aime et je pleure. Ma mère ne me parle plus ; elle m’a ôté papier, plumes et encre ; je me sers d’un crayon qui, par bonheur, m’est resté, et je vous écris sur un morceau de votre lettre. Il faut bien que j’approuve tout ce que vous avez fait ; je vous aime trop pour ne pas prendre tous les moyens d’avoir de vos nouvelles et de vous donner des miennes. Je n’aimais pas M. de Valmont, et je ne le croyais pas tant votre ami, je tâcherai de m’accoutumer à lui et je l’aimerai à cause de vous. Je ne sais pas qui nous a trahis ; ce ne peut être que ma femme de chambre ou mon confesseur. Je suis bien malheureuse. Nous partons demain pour la campagne ; j’ignore pour combien de temps. Mon Dieu ! ne plus vous voir ! Je n’ai plus de place. Adieu ; tâchez de me lire. Ces mots tracés au crayon s’effaceront peut-être, mais jamais les sentiments gravés dans mon cœur.
De…, ce 10 septembre 17**.