Lettre CXII
Je ne reçois qu’à l’instant même, ma chère belle, votre lettre du II38, et les doux reproches qu’elle contient. Convenez que vous aviez bien envie de m’en faire davantage, et que si vous ne vous étiez pas ressouvenue que vous étiez ma fille, vous m’auriez réellement grondée. Vous auriez été pourtant bien injuste ! C’était le désir et l’espoir de pouvoir vous répondre moi-même qui me faisaient différer chaque jour, et vous voyez encore qu’aujourd’hui je suis obligée d’emprunter la main de ma femme de chambre. Mon malheureux rhumatisme m’a repris, il s’est niché cette fois sur le bras droit, et je suis absolument manchotte. Voilà ce que c’est, jeune et fraîche comme vous êtes, d’avoir une si vieille amie ! on souffre de ses incommodités.
Aussitôt que mes douleurs me donneront un peu de relâche, je me promets bien de causer longuement avec vous. En attendant, sachez seulement que j’ai reçu vos deux lettres ; qu’elles auraient redoublé, s’il était possible, ma tendre amitié pour vous, et que je ne cesserai jamais de prendre part, bien vivement, à tout ce qui vous intéresse.
Mon neveu est aussi un peu indisposé, mais sans aucun danger et sans qu’il faille en prendre aucune inquiétude ; c’est une incommodité légère qui, à ce qu’il me semble, affecte plus son humeur que sa santé. Nous ne le voyons presque plus.
Sa retraite et votre départ ne rendent pas notre petit cercle plus gai. La petite Volanges, surtout, vous trouve furieusement à dire et bâille, tant que la journée dure, à avaler ses poings. Particulièrement depuis quelques jours, elle nous fait l’honneur de s’endormir profondément toutes les après-dînées.
Adieu, ma chère belle, je suis toujours votre bien bonne amie, votre maman, votre sœur même, si mon grand âge me permettait ce titre. Enfin je vous suis attachée par tous les plus tendres sentiments.
Signé : Adélaïde pour Mme De Rosemonde.
Du château de…, ce 14 octobre 17**.