Lettre CXLIII
Le voile est déchiré, madame, sur lequel était peinte l’illusion de mon bonheur. La funeste vérité m’éclaire et ne me laisse voir qu’une mort assurée et prochaine, dont la route m’est tracée entre la honte et le remords. Je la suivrai… je chérirai mes tourments s’ils abrègent mon existence. Je vous envoie la lettre que j’ai reçue hier, je n’y joindrai aucune réflexion, elle les porte avec elle. Ce n’est plus le temps de se plaindre, il n’y a plus qu’à souffrir. Ce n’est pas de pitié que j’ai besoin, c’est de force.
Recevez, madame, le seul adieu que je ferai et excusez ma dernière prière ; c’est de me laisser à mon sort, de m’oublier entièrement, de ne plus me compter sur la terre. Il est un terme dans le malheur où l’amitié même augmente nos souffrances et ne peut les guérir. Quand les blessures sont mortelles, tout secours devient inhumain. Tout autre sentiment m’est étranger que celui du désespoir. Rien ne peut plus me convenir que la nuit profonde où je vais ensevelir ma honte. J’y pleurerai mes fautes, si je puis pleurer encore ! car, depuis hier, je n’ai pas versé une larme. Mon cœur flétri n’en fournit plus.
Adieu, madame. Ne me répondez point. J’ai fait le serment sur cette lettre cruelle de n’en plus recevoir aucune.
Paris, ce 27 novembre 17**.