Les Mines du roi Salomon

Chapitre 2

 

Après le dîner, M. Mackenzie promène partout ses nouveaux amis, en leur faisant admirer les détails d’un établissement supérieur à tout ce qu’ils ont rencontré de semblable jusque-là en Afrique. Quatermain, plus fatigué que les autres, vu son âge et le souvenir que garde sa jambe droite de sa lutte contre un lion, va s’asseoir sous la véranda, où Umslopogaas est en train de nettoyer à fond les fusils. C’est le seul ouvrage manuel dont il s’acquitte jamais, en sa qualité de chef zoulou.

Il a donné un nom à chaque fusil ; celui de sir Henry Curtis s’appelle Tonnerre ; un autre à la détonation particulièrement aiguë, est « le petit qui claque comme un fouet » ; les carabines à double détente sont« les femmes qui parlent si vite qu’on ne reconnaît pas une parole d’une autre », ainsi de suite. Quatermain lui demande pourquoi il a nommé sa hache Inkosi-kaas, c’est-à-dire femme-chef.Il répond que cette hache est certes féminine, ayant l’habitude de s’immiscer adroitement au fond des choses et qu’il n’y a pas à douter de sa puissance puisque tous tombent devant elle.Umslopogaas reconnaît qu’il consulte cette amie intime dans toutes les difficultés, ne doutant pas qu’elle ne soit sage puisqu’elle a pénétré dans tant de cerveaux. L’arme est d’aspect formidable, de l’espèce des haches d’armes, avec un manche en corne de rhinocéros,massif et flexible à la fois ; des encoches y sont marquées,chacune d’elles représentant une des victimes de la hache. Le tranchant aiguisé comme un rasoir ne sert qu’à porter de grands coups circulaires, car d’habitude Umslopogaas attaque avec la pointe, dont il perce proprement le crâne de son adversaire ;de là son second surnom de Pivert.

Le pivert ne quitte jamais son terrible bec ; jour et nuit il l’a sinon à la main, du moins sous sa jambe.

Après un entretien belliqueux avec le Zoulou et sa chère Inkosi-kaas, Allan Quatermain trouve un charme très doux à la conversation de miss Flossie qui vient le prendre par la main pour aller admirer ses fleurs. Il lui demande si elle a jamais vu le fameux lys Goya dont parlent avec admiration ceux des explorateurs de l’Afrique centrale qui ont eu la bonne chance de le rencontrer. Il ne fleurit qu’une fois tous les dix ans ; de la tige épaisse et grasse jaillit une coupe énorme de la plus extrême blancheur, qui renferme une autre corolle de velours cramoisi ayant au cœur un pistil d’or. Le parfum de ce lys ne le cède en rien à sa beauté. Flossie reconnaît la description :

« Oh ! j’en ai vu, dit-elle, mais je n’en possède pas dans mon jardin ; cependant, comme c’est la saison, je crois que je pourrai vous en procurer un échantillon.

« Tout le monde ici, ajoute-t-elle, est disposé à me faire plaisir.

– Ainsi, demande Quatermain, vous ne vous ennuyez pas, vous ne vous sentez jamais un peu seule ?

– Seule ?… Mais je ne le suis pas ! J’ai des compagnes. Cela me déplairait beaucoup de vivre au milieu de petites filles blanches toutes pareilles ; ici je suis chez moi ; tous les indigènes connaissent le lys d’eau,c’est le nom qu’ils me donnent. Et en Angleterre je ne serais pas libre comme je le suis !

– Ne seriez-vous pas bien aise d’apprendre ?

– Mais j’apprends ! Papa m’enseigne le français, avec un peu de latin et l’arithmétique.

– Et vous n’avez pas peur de ces sauvages ?

– Pas du tout. Ils croient que je suis Ngai, une espèce de divinité, parce que je suis blanche et blonde.Et puis regardez… – Plongeant la main dans son corsage, elle en tire un petit pistolet à deux coups. – Si quelqu’un me touchait,j’aurais vite fait de le tuer. Une fois j’ai tué un léopard qui avait sauté sur mon âne tandis que je me promenais… Oh ! j’ai eu peur !… Mais j’ai tiré dans son oreille et il est tombé ; sa peau est sur mon lit… Tenez… je vous ai dit que j’avais des amies : en voilà une, la plus belle de toutes,c’est la montagne. »

Le mont Kenia jusqu’alors caché dans le brouillard dévoile au moment même sa partie supérieure,apparaissant comme une vision féerique entre ciel et terre, car on la dirait posée sur des nuages. La solennelle splendeur de ce pic blanc élancé a inspiré aux indigènes de la mission un nom caractéristique : ils l’appellent le doigt de Dieu. Tandis que devant les neiges amoncelées qui semblent escalader l’azur, le vieux chasseur et sa petite amie adorent silencieusement l’auteur de tant de merveilles, les espions envoyés pour découvrir la trace des Masai reviennent avec des nouvelles excellentes ; ils ont battu le pays sans rien rencontrer.

On ne se rassure, hélas, que trop vite et trop complètement !

Le lendemain matin, Flossie ne paraît pas au déjeuner ; Mme Mackenzie l’excuse et montre un petit billet d’elle qu’en se levant elle a trouvé, glissé sous la porte de sa chambre :

« Chère maman, il commence à faire jour et je vais à la recherche du lys dont M. Quatermain a envie pour son herbier. Je monte l’âne blanc ; ma bonne et deux de nos hommes m’accompagnent ; nous emportons de quoi manger, car je serai peut-être absente toute la journée. Je veux le lys, je ferai vingt milles pour le trouver, s’il le faut.

« Votre Flossie. »

– Quelle indépendance ! s’écrie Quatermain en riant. Mais, reprend-il avec une soudaine inquiétude,je regrette qu’elle prenne tant de peine pour moi. Je n’avais jamais pensé qu’elle irait elle-même chercher cette fleur.

– Oh ! Flossie sait se conduire et se garder ; dit la mère ; c’est un enfant du désert, elle fait souvent de ces escapades. »

M. Mackenzie cependant relit le billet d’un air soucieux sans dire un mot et son silence persiste durant tout le déjeuner.

« Je crois que mon mari est mécontent,dit la mère de Flossie à l’oreille de Quatermain ; il est d’avis, sans doute, que je devrais commencer à tenir notre fille d’une main plus ferme. Mais il est difficile de changer de méthode tout à coup, de rogner les ailes au petit oiseau !

– Dieu merci, pense Quatermain, elle ne soupçonne pas la cause du tourment de ce pauvre homme ! »

Le repas terminé, il s’approche de M. Mackenzie et lui demande s’il ne serait pas opportun d’envoyer une petite troupe armée du coté où a pu se diriger la jeune fille, pour le cas où quelque Masai rôderait clans la campagne.

« À quoi bon ! répond tristement le père. Elle peut être maintenant à quinze milles d’ici et il est impossible de deviner le sentier qu’elle a pris pour gagner les collines que vous voyez là-bas.

Et il indique une longue ligne de coteaux presque parallèles au lit de la rivière Tana, mais qui graduellement s’abaissent vers une plaine couverte d’épais fourrés à cinq milles environ de la maison.

Il envoie cependant quelques hommes avec ordre de ramener Flossie, puis monte à son observatoire du grand pin et braque indéfiniment sa longue-vue sur la plaine ; mais de tous côtés les bois ou les fourrés roulent leurs immenses vagues interrompues seulement çà et là par quelques taches de culture ou par la surface brillante des lacs. Au nord-ouest, le Kenia dresse sa tête imposante et la rivière Tana, débouchant presque à ses pieds, court sinueuse comme un serpent argenté, bien loin, vers l’Océan. Aucun signe d’ailleurs de Flossie ni de son âne. Le pauvre père ne descend que pour interroger les hommes qui, expédiés à la recherche de Flossie, reviennent au rapport : ils disent qu’ils ont suivi la trace de l’âne pendant un couple de milles,puis qu’ils l’ont perdue sur le terrain caillouteux, et n’ont pu réussir à la retrouver ; ils ont battu le pays ensuite au hasard et de leur mieux, mais sans succès.

L’après-midi se passe, lugubre, à réconforter Mme Mackenzie qui, voyant que les heures s’écoulent sans lui rendre sa fille, passe de la confiance à l’angoisse, est saisie des plus noirs pressentiments et finit par perdre la tête.En vain essaye-t-on de tout ce qui est possible ; des messagers partent de divers côtés, des coups de feu sont tirés,toujours en vain ; la nuit venue, on attend encore la pauvre petite Flossie.

Bien entendu, ses malheureux parents ne paraissent point au repas du soir. Les trois voyageurs sont navrés d’être la cause involontaire de tant de souci ; Quatermain surtout ne se console pas d’avoir jamais parlé du lys Goya. Il lui est impossible de souper ; il sort sur la véranda et y reste abîmé dans de douloureuses réflexions. Tout à coup il lui semble entendre une des portes du jardin s’ouvrir doucement ; il écoute, mais, le bruit ayant cessé, conclut qu’il a dû se tromper ; la nuit est sombre. Bientôt une sorte de boule tombe lourdement sur les dalles de la véranda et vient rouler à ses pieds.

Quelque animal sans doute ? Il se penche,étend les mains ; la chose ne bouge pas. Non, ce n’est point un animal, et cependant c’est quelque chose de chaud et de doux à toucher. Vivement Quatermain soulève l’objet, quel qu’il soit, et le regarde de près à la faible clarté qui tombe des étoiles :c’est une tête humaine fraîchement coupée !

Malgré tout son sang-froid professionnel, le vieux chasseur se sent défaillir. Quelle est cette tête ?Comment est-elle venue ? Il n’entend et ne voit rien ;s’engager dans l’obscurité serait risquer sa vie ; il rentre,ferme à clef la porte de la maison et appelle Curtis pour lui montrer son horrible trouvaille.

Curtis accourt, mais accompagné de M. Mackenzie. Celui-ci tient une lumière à la main ;effaré, il la dirige sur la tête coupée : « C’est la tête d’un des indigènes qui accompagnaient Flossie ! Dieu merci, ce n’est pas la sienne ! »

Au moment même on frappe à la porte verrouillée : « Ouvrez, mon père, ouvrez ! » Et un homme effaré, l’un de ceux qu’on avait envoyés en reconnaissance, se précipite dans le vestibule :

« Père, les Masai sont sur nous !Ils ont tourné la colline en grand nombre et se dirigent vers le vieux kraal près du ruisseau. Père ! parmi eux j’ai vu l’âne blanc et sur l’âne le lys d’eau, et un elmoran conduisait l’âne, et à côté marchait la nourrice tout en larmes. Je n’ai pas vu les autres qui l’accompagnaient ce matin.

– L’enfant était-elle vivante ?demanda M. Mackenzie d’une voix rauque.

– Elle se tenait ferme, mon père ;mais elle était blanche comme la neige. Je l’ai vue comme je vous vois, car ils ont passé tout près de l’endroit où je me cachais.

– Que Dieu ait pitié d’elle et de nous ! » murmure M. Mackenzie.

Puis reprenant son interrogatoire :

« Combien étaient-ils ?

– Plus de deux cent cinquante. »

Curtis, Good et Quatermain se regardent consternés. Que faire contre une telle force ! Au moment même,des cris bruyants éclatent derrière le mur.

« Homme blanc, homme blanc, un héraut vient te parler. »

Umslopogaas qui est accouru, marche droit au mur se hisse au-dessus de la crête et regarde. « Je ne vois qu’un homme, dit-il, un homme armé, qui porte un panier à la main.

– Ouvrez ! ordonne Quatermain. Et toi, Umslopogaas, prends ta hache et tiens-toi prêt. Laisse passer l’homme ; si un autre suit, tue… »

La porte s’ouvre. Dans l’ombre du mur se tient le terrible Zoulou, la hache dressée au-dessus de sa tête pour frapper. Alors, sous la lune qui se lève, faisant étinceler la grande lance qu’il porte, entre un elmoran masai, en tenue de guerre, un panier à la main. L’homme est superbe, il mesure près de six pieds, de haut. Arrivé en face de M. Mackenzie, il pose son panier par terre.

« Causons, dit-il dans sa langue. Le premier messager que nous t’avons envoyé ne pouvait pas parler ; il montre d’un geste la tête coupée, mais j’ai des paroles pour toi si tu as des oreilles qui veulent entendre et je t’apporte des cadeaux en outre. »

Il désigne le panier avec un rire dédaigneux dont on ne peut s’empêcher d’admirer l’insouciance, en considérant que cet étrange parlementaire est seul, environné d’ennemis.

« Continue, lui dit M. Mackenzie.

– Je suis le lygonani (le capitaine) d’une partie des Masai de la Guasa Amboni. Moi et mes hommes nous avons suivi ces trois blancs que voilà, mais ils nous ont échappé. Nous leur en voulons et nous comptons les tuer.

– Vraiment, mon ami ? dit Quatermain, sardonique.

– Tout en guettant ces étrangers,poursuit le Masai, nous avons attrapé ce matin trois noirs, deux hommes et une femme, un âne blanc et une petite fille blanche. Nous avons tué l’un des hommes et vous avez reçu sa tête, l’autre s’est sauvé. La femme noire, la petite fille blanche et l’âne blanc sont avec nous. La preuve, c’est que j’apporte le panier que portait ton enfant, car c’est ton enfant, n’est-ce pas »

M. Mackenzie, hors d’état de répondre,fait un signe affirmatif.

« Eh bien, nous ne lui en voulons pas, ni à toi non plus ; avec vous nous n’avons pas de querelle. Nous vous avons seulement pris deux cent quarante têtes de bétail, une pour le père de chacun de nous. [1] »

Si inquiet qu’il soit sur le compte de Flossie, le missionnaire éleveur ne peut retenir un soupir de regret pour le troupeau qu’il a nourri avec tant de soin.

« Quant à prendre cette place, la chose ne serait pas facile, ajoute franchement le Masai, avec un coup d’œil aux murailles ; nous t’y laisserons tranquille ;mais pour ce qui est de ces trois hommes, c’est différent. Nous les traquons depuis des jours et des nuits. Si nous rentrions à notre kraal sans leurs têtes, les femmes se moqueraient de nous. Il faut qu’ils meurent. Cependant j’ai une proposition à te communiquer.Nous ne voudrions pas faire de mal à ta fille. Donne-nous un de ces trois hommes ; vie contre vie, et nous la laisserons repartir avec la femme noire. Nous n’en demandons qu’un, nous saurons bien ailleurs retrouver les deux autres Je ne choisirai même pas,quoique pour mon goût je préfère le grand, dit-il en montrant sir Henry. Il est fort et mettrait plus de temps à mourir.

– Et si je dis non ? demande M. Mackenzie.

– Prends garde avant de répondre, homme blanc. Ta fille dans ce cas-là mourrait à l’aube et la femme qui est avec elle dit que tu n’as pas d’autre enfant. Si elle était plus âgée, je la prendrais comme servante, mais elle est trop jeune… Je la tuerai donc de ma main… oui, avec cette lance. Tu pourras venir voir, si tu veux. Je te donnerai un sauf-conduit. »

Et le démon éclate de rire.

« Acceptez son offre, dit le vieux Quatermain. Le sens commun et la justice veulent qu’une carrière bien près de finir, comme la mienne, soit sacrifiée à une jeune existence. J’irai remplacer Flossie. Je stipule seulement qu’on ne me mettra à mort qu’après qu’elle sera rentrée ici saine et sauve.

– Non ! s’écrie M. Mackenzie.Je n’aurai pas sur les mains le sang d’un de mes semblables. S’il plaît à Dieu que ma fille périsse de cette horrible mort, que sa volonté soit faite. Vous êtes un noble cœur, M. Quatermain,mais je ne vous laisserai pas partir.

– J’irai, s’il n’y a pas d’autre moyen,réplique Quatermain en s’entêtant.

– L’affaire est importante et mérite qu’on y songe, dit le missionnaire au lygonani, avec une héroïque affectation de sang-froid. Vous aurez notre réponse à l’aurore.

– Très bien, répond le sauvage d’un air d’indifférence ; rappelle-toi seulement que si la réponse arrive trop tard, ta petite fleur blanche ne sera jamais qu’un bouton. Je te soupçonnerais de vouloir nous attaquer cette nuit, si nous ne savions que tous tes hommes sont à la côte et que tu n’en as ici qu’une vingtaine. Ce n’est pas sage de tenir une si petite garnison dans ton kraal. Bonne nuit, hommes blancs dont j’aurai bientôt fait de fermer les yeux pour toujours. »

Puis, se tournant d’un air arrogant vers Umslopogaas qui ne l’a pas quitté du regard pendant toute cette scène :

« Allons ! ouvre vite la porte. »

C’en est trop pour la patience du chef zoulou.Plaçant sa longue main fine sur l’épaule de l’ elmoran, il le force à se retourner vers lui, puis il rapproche sa figure féroce de cette autre figure non moins infernale :

« Me vois-tu ? demande-t-il.

– Oui, je te vois.

– Et vois-tu ceci ?… Lui mettant Inkosi-kaas à deux pouces du nez.

– Je vois ton joujou. Après ?…

– Toi, chien de Masai, voleur de petites filles, tu le sentiras, ce joujou ; il sciera un à un tous tes membres. C’est heureux pour toi d’être un héraut, sans cela je commencerais tout de suite. »

Le Masai secoue sa grande lance et rit très haut en répondant :

« Je voudrais me mesurer avec toi, homme contre homme ; alors nous verrions bien.

– Et nous verrons, sois tranquille,répondit Umslopogaas ; tu te retrouveras face à face avec Umslopogaas, du sang de Chaka, du peuple de l’ Amazula, capitaine dans le régiment de Nkomabakosi et tu salueras Inkosi-kaas, comme tant d’autres l’ont fait avant toi. Oui, tu peux rire, tu peux rire. Demain, les chacals riront aussi en te rongeant les côtes.

Quand le lygonani s’est retiré, Good ouvre le panier de Flossie et y trouve un délicieux échantillon, bulbe et fleur, du lys Goya ; cette plante, admirablement fraîche,cache un billet en gros caractères enfantins, crayonné sur du papier gras qui a évidemment servi à envelopper des provisions :

« Cher papa, chère maman, les Masai nous ont attrapés comme nous revenions avec le lys. J’ai essayé de leur échapper, je n’ai pu. Ils ont tué Tom, mais ils n’ont fait aucun mal à ma bonne ni à moi ; ils disent qu’ils veulent nous échanger. Tâchez donc de les attaquer plutôt cette nuit. Ils vont se régaler tout à l’heure des trois bœufs qu’ils nous ont pris.J’ai mon pistolet ; si aucun secours ne vient, je m’en servirai une fois ; et vous n’oublierez pas, chers parents,votre petite Flossie. J’ai bien peur, mais je prie le bon Dieu. Il ne faut pas que j’écrive davantage. On commence à me regarder… »

Elle avait ajouté sur le pli :« Amitiés à M. Quatermain. Comme les Masai vont emporter le panier, il aura le lys. »

Ces derniers mots, écrits par une brave petite fille à l’heure d’un péril qui eût mis plus d’un homme sens dessus dessous, arrache au vieux Quatermain la seule larme qu’il ait versée depuis la mort de son fils. Mais ce n’est pas l’heure de pleurer, il faut agir.

Avec un fiévreux emportement on discute la situation. Quatermain veut se livrer, Mackenzie repousse son dévouement, Curtis et Good jurent qu’ils iront mourir avec lui, les parents ne veulent pas survivre à leur fille ; bref, il est résolu que l’on risquera une attaque, quitte à se faire tuer tous ensemble.

C’est le guerrier Umslopogaas qui décide le plan de campagne.

Deux cent cinquante Masai ?… Qu’est-ce que cela pour Inkosi-kaas ! M. Mackenzie a vingt hommes,ses hôtes en ont amené cinq, et il y a quatre hommes blancs, en tout trente, c’est bien assez. Que ce festin des Masai soit leur repas de funérailles. Un peu avant le lever du jour, on les surprendra dans le vieux kraal où ils se sont établis. À chacun l’intrépide Massacreur distribue sa tâche ; le programme qu’il trace est merveilleux ; jamais général n’en improvisa de meilleur : Good avec dix hommes rampera vers l’une des issues du kraal et tuera silencieusement la sentinelle. Lui, Umslopogaas,avec un des Wakwafi en fera autant pour l’entrée du centre et puis guettera, sa hache à la main, ceux qui sortiront. Les autres combattants, au nombre de seize, sous les ordres de Quatermain et de M. Mackenzie, ouvriront le feu à droite et à gauche de l’enceinte, et alors Good avec ses hommes sautant par dessus le mur, attaquera les Masai dans leur sommeil. Ils s’élanceront ahuris vers l’entrée où veillera Inkosi-kaas qui fera promptement leur affaire.

« On n’a pas été pour rien un grand guerrier pendant trente ans, » dit modestement le Zoulou après avoir exposé cette tactique qui réunit tous les suffrages.

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