Yvette

IV

Le lendemain, dès le matin, Yvette s’en allatoute seule s’asseoir à la place où Servigny lui avait lul’histoire des fourmis. Elle se dit :

– Je ne m’en irai pas de là avant d’avoirpris une résolution.

Devant elle, à ses pieds, l’eau coulait, l’eaurapide du bras vif, pleine de remous, de larges bouillons quipassaient dans une fuite muette avec des tournoiementsprofonds.

Elle avait déjà envisagé toutes les faces dela situation et tous les moyens d’en sortir.

Que ferait-elle si sa mère ne tenait passcrupuleusement la condition qu’elle avait posée, ne renonçait pasà sa vie, à son monde, à tout, pour aller se cacher avec elle dansun pays lointain ?

Elle pouvait partir seule… fuir. Maisoù ? Comment ? De quoi vivrait-elle ?

En travaillant ? À quoi ? À quis’adresserait-elle pour trouver de l’ouvrage ? Et puisl’existence morne et humble des ouvrières, des filles du peuple,lui semblait un peu honteuse, indigne d’elle. Elle songea à sefaire institutrice, comme les jeunes personnes des romans, et àêtre aimée, puis épousée par le fils de la maison. Mais il auraitfallu qu’elle fût de grande race, qu’elle pût, quand le pèreexaspéré lui reprocherait d’avoir volé l’amour de son fils, dired’une voix fière :

– Je m’appelle Yvette Obardi.

Elle ne le pouvait pas. Et puis c’eût été mêmeencore là un moyen banal, usé.

Le couvent ne valait guère mieux. Elle ne sesentait d’ailleurs aucune vocation pour la vie religieuse, n’ayantqu’une piété intermittente et fugace. Personne ne pouvait la sauveren l’épousant, étant ce qu’elle était ! Aucun secours n’étaitacceptable d’un homme, aucune issue possible, aucune ressourcedéfinitive !

Et puis, elle voulait quelque chosed’énergique, de vraiment grand, de vraiment fort, qui serviraitd’exemple ; et elle se résolut à la mort.

Elle s’y décida tout d’un coup,tranquillement, comme s’il s’agissait d’un voyage, sans réfléchir,sans voir la mort, sans comprendre que c’est la fin sansrecommencement, le départ sans retour, l’adieu éternel à la terre,à la vie.

Elle fut disposée immédiatement à cettedétermination extrême, avec la légèreté des âmes exaltées etjeunes.

Et elle songea au moyen qu’elle emploierait.Mais tous lui apparaissaient d’une exécution pénible et hasardeuse,et demandaient en outre une action violente qui lui répugnait.

Elle renonça bien vite au poignard et aurevolver qui peuvent blesser seulement, estropier ou défigurer, etqui exigent une main exercée et sûre – à la corde qui est commune,suicide de pauvre, ridicule et laid – à l’eau parce qu’elle savaitnager. Restait donc le poison, mais lequel ? Presque tous fontsouffrir et provoquent des vomissements. Elle ne voulait nisouffrir, ni vomir. Alors elle songea au chloroforme, ayant lu dansun fait divers comment avait fait une jeune femme pour s’asphyxierpar ce procédé.

Et elle éprouva aussitôt une sorte de joie desa résolution, un orgueil intime, une sensation de fierté. Onverrait ce qu’elle était, ce qu’elle valait.

Elle rentra dans Bougival, et elle se renditchez le pharmacien, à qui elle demanda un peu de chloroforme pourune dent dont elle souffrait. L’homme, qui la connaissait, luidonna une toute petite bouteille de narcotique.

Alors elle partit à pied pour Croissy, où ellese procura une seconde fiole de poison. Elle en obtint unetroisième à Chatou, une quatrième à Rueil, et elle rentra en retardpour déjeuner. Comme elle avait grand-faim après cette course, ellemangea beaucoup, avec ce plaisir des gens que l’exercice acreusés.

Sa mère, heureuse de la voir affamée ainsi, sesentant tranquille enfin, lui dit, comme elles se levaient detable :

– Tous nos amis viendront passer lajournée de dimanche. J’ai invité le prince, le chevalier etM. de Belvigne.

Yvette pâlit un peu, mais ne réponditrien.

Elle sortit presque aussitôt, gagna la gare etprit un billet pour Paris.

Et pendant tout l’après-midi, elle alla depharmacie en pharmacie, achetant dans chacune quelques gouttes dechloroforme.

Elle revint le soir, les poches pleines depetites bouteilles.

Elle recommença le lendemain ce manège, etétant entrée par hasard chez un droguiste, elle put obtenir, d’unseul coup, un quart de litre.

Elle ne sortit pas le samedi ; c’était unjour couvert et tiède ; elle le passa tout entier sur laterrasse, étendue sur une chaise longue en osier.

Elle ne pensait presque à rien, très résolueet très tranquille.

Elle mit, le lendemain, une toilette bleue quilui allait fort bien, voulant être belle.

En se regardant dans sa glace elle se dit toutd’un coup : « Demain, je serai morte. » Et unsingulier frisson lui passa le long du corps. – Morte ! Je neparlerai plus, je ne penserai plus, personne ne me verra plus. Etmoi je ne verrai plus rien de tout cela !

Elle contemplait attentivement son visagecomme si elle ne l’avait jamais aperçu, examinant surtout ses yeux,découvrant mille choses en elle, un caractère secret de saphysionomie qu’elle ne connaissait pas, s’étonnant de se voir,comme si elle avait en face d’elle une personne étrangère, unenouvelle amie.

Elle se disait :

– C’est moi, c’est moi que voilà danscette glace. Comme c’est étrange de se regarder soi-même. Sans lemiroir cependant, nous ne nous connaîtrions jamais. Tous les autressauraient comment nous sommes, et nous ne le saurions point,nous.

Elle prit ses grands cheveux tressés en natteset les ramena sur sa poitrine, suivant de l’œil tous ses gestes,toutes ses poses, tous ses mouvements.

– Comme je suis jolie !pensa-t-elle. Demain, je serai morte, là, sur mon lit.

Elle regarda son lit, et il lui sembla qu’ellese voyait étendue, blanche comme ses draps.

– Morte. Dans huit jours, cette figure,ces yeux, ces joues ne seront plus qu’une pourriture noire, dansune boîte, au fond de la terre.

Une horrible angoisse lui serra le cœur.

Le clair soleil tombait à flots sur lacampagne et l’air doux du matin entrait par la fenêtre.

Elle s’assit, pensant à cela :« Morte. » C’était comme si le monde allait disparaîtrepour elle ; mais non, puisque rien ne serait changé dans cemonde, pas même sa chambre. Oui, sa chambre resterait toutepareille avec le même lit, les mêmes chaises, la même toilette,mais elle serait partie pour toujours, elle, et personne ne seraittriste, que sa mère peut-être.

On dirait : « Comme elle étaitjolie ! cette petite Yvette », voilà tout. Et comme elleregardait sa main appuyée sur le bras de son fauteuil, elle songeade nouveau à cette pourriture, à cette bouillie noire et puante queferait sa chair. Et de nouveau un grand frisson d’horreur luicourut dans tout le corps, et elle ne comprenait pas bien commentelle pourrait disparaître sans que la terre tout entières’anéantît, tant il lui semblait qu’elle faisait partie de tout, dela campagne, de l’air, du soleil, de la vie.

Des rires éclatèrent dans le jardin, un grandbruit de voix, des appels, cette gaieté bruyante des parties decampagne qui commencent, et elle reconnut l’organe sonore deM. de Belvigne, qui chantait :

Je suis sous ta fenêtre,

Ah ! daigne enfin paraître.

Elle se leva sans réfléchir et vint regarder.Tous applaudirent. Ils étaient là tous les cinq, avec deux autresmessieurs qu’elle ne connaissait pas.

Elle se recula brusquement, déchirée par lapensée que ces hommes venaient s’amuser chez sa mère, chez unecourtisane.

La cloche sonna le déjeuner.

– Je vais leur montrer comment on meurt,se dit-elle.

Et elle descendit d’un pas ferme, avec quelquechose de la résolution des martyres chrétiennes entrant dans lecirque où les lions les attendaient.

Elle serra les mains en souriant d’une manièreaffable, mais un peu hautaine. Servigny lui demanda :

– Êtes-vous moins grognon, aujourd’hui,mam’zelle ?

Elle répondit d’un ton sévère etsingulier :

– Aujourd’hui, je veux faire des folies.Je suis dans mon humeur de Paris. Prenez garde.

Puis, se tournant versM. de Belvigne :

– C’est vous qui serez mon patito, monpetit Malvoisie. Je vous emmène tous, après le déjeuner, à la fêtede Marly.

C’était la fête, en effet, à Marly. On luiprésenta les deux nouveaux venus, le comte de Tamine et le marquisde Briquetot.

Pendant le repas, elle ne parla guère, tendantsa volonté pour être gaie dans l’après-midi, pour qu’on ne devinâtrien, pour qu’on s’étonnât davantage, pour qu’on dît :« Qui l’aurait pensé ? Elle semblait si heureuse, sicontente ! Que se passe-t-il dans cestêtes-là ? »

Elle s’efforçait de ne point songer au soir, àl’heure choisie, alors qu’ils seraient tous sur la terrasse.

Elle but du vin le plus qu’elle put, pour semonter, et deux petits verres de fine champagne, et elle étaitrouge en sortant de table, un peu étourdie, ayant chaud dans lecorps et chaud dans l’esprit, lui semblait-il, devenue hardiemaintenant et résolue à tout.

– En route ! cria-t-elle.

Elle prit le bras de M. de Belvigneet régla la marche des autres :

– Allons, vous allez former monbataillon ! Servigny, je vous nomme sergent ; vous voustiendrez en dehors, sur la droite. Puis vous ferez marcher en têtela garde étrangère, les deux Exotiques, le prince et le chevalier,puis, derrière, les deux recrues qui prennent les armesaujourd’hui. Allons !

Ils partirent. Et Servigny se mit à imiter leclairon, tandis que les deux nouveaux venus faisaient semblant dejouer du tambour. M. de Belvigne, un peu confus, disaittout bas :

– Mademoiselle Yvette, voyons, soyezraisonnable, vous allez vous compromettre.

Elle répondit :

– C’est vous que je compromets, Raisiné.Quant à moi, je m’en fiche un peu. Demain, il n’y paraîtra plus.Tant pis pour vous, il ne faut pas sortir avec des filles commemoi.

Ils traversèrent Bougival, à la stupéfactiondes promeneurs. Tous se retournaient ; les habitants venaientsur leurs portes ; les voyageurs du petit chemin de fer qui vade Rueil à Marly les huèrent ; les hommes, debout sur lesplates-formes, criaient :

– À l’eau !… à l’eau !…

Yvette marchait d’un pas militaire, tenant parle bras Belvigne comme on mène un prisonnier. Elle ne riait point,gardant sur le visage une gravité pâle, une sorte d’immobilitésinistre. Servigny interrompait son clairon pour hurler descommandements. Le prince et le chevalier s’amusaient beaucoup,trouvaient ça très drôle et de haut goût. Les deux jeunes gensjouaient du tambour d’une façon ininterrompue.

Quand ils arrivèrent sur le lieu de la fête,ils soulevèrent une émotion. Des filles applaudirent ; desjeunes gens ricanaient ; un gros monsieur, qui donnait le brasà sa femme, déclara, avec une envie dans la voix :

– En voilà qui ne s’embêtent pas.

Elle aperçut des chevaux de bois et forçaBelvigne à monter à sa droite tandis que son détachement escaladaitpar derrière les bêtes tournantes. Quand le divertissement futterminé, elle refusa de descendre, contraignant son escorte àdemeurer cinq fois de suite sur le dos de ces montures d’enfants, àla grande joie du public qui criait des plaisanteries.M. de Belvigne, livide, avait mal au cœur endescendant.

Puis elle se mit à vagabonder à travers lesbaraques. Elle força tous ces hommes à se faire peser au milieud’un cercle de spectateurs. Elle leur fit acheter des jouetsridicules qu’ils durent porter dans leurs bras. Le prince et lechevalier commençaient à trouver la plaisanterie trop forte. Seuls,Servigny et les deux tambours ne se décourageaient point.

Ils arrivèrent enfin au bout du pays. Alorselle contempla ses suivants d’une façon singulière, d’un œilsournois et méchant ; et une étrange fantaisie lui passant parla tête, elle les fit ranger sur la berge droite qui domine lefleuve.

– Que celui qui m’aime le plus se jette àl’eau, dit-elle.

Personne ne sauta. Un attroupement se formaderrière eux. Des femmes, en tablier blanc, regardaient avecstupeur. Deux troupiers, en culotte rouge, riaient d’un airbête.

Elle répéta :

– Donc, il n’y a pas un de vous capablede se jeter à l’eau sur un désir de moi ?

Servigny murmura :

– Ma foi, tant pis.

Et il s’élança, debout, dans la rivière.

Sa chute jeta des éclaboussures jusqu’auxpieds d’Yvette. Un murmure d’étonnement et de gaieté s’éleva dansla foule.

Alors la jeune fille ramassa par terre unpetit morceau de bois, et, le lançant dans le courant :

– Apporte ! cria-t-elle.

Le jeune homme se mit à nager, et saisissantdans sa bouche, à la façon d’un chien, la planche qui flottait, illa rapporta, puis, remontant la berge, il mit un genou par terrepour la présenter.

Yvette la prit.

– T’es beau, dit-elle.

Et, d’une tape amicale, elle caressa sescheveux.

Une grosse dame, indignée, déclara :

– Si c’est possible !

Une autre dit :

– Peut-on s’amuser comme ça !

Un homme prononça :

– C’est pas moi qui me serait baigné pourune donzelle !

Elle reprit le bras de Belvigne, en lui jetantdans la figure :

– Vous n’êtes qu’un oison, mon ami ;vous ne savez pas ce que vous avez raté.

Ils revinrent. Elle jetait aux passants desregards irrités.

– Comme tous ces gens ont l’air bête,dit-elle.

Puis, levant les yeux sur le visage de soncompagnon :

– Vous aussi, d’ailleurs.

M. de Belvigne salua. S’étantretournée, elle vit que le prince et le chevalier avaient disparu.Servigny, morne et ruisselant, ne jouait plus du clairon etmarchait, d’un air triste, à côté des deux jeunes gens fatigués,qui ne jouaient plus du tambour.

Elle se mit à rire sèchement :

– Vous en avez assez, paraît-il. Voilàpourtant ce que vous appelez vous amuser, n’est-ce pas ? Vousêtes venus pour ça ; je vous en ai donné pour votreargent.

Puis elle marcha sans plus rien dire, et, toutd’un coup, Belvigne s’aperçut qu’elle pleurait. Effaré, ildemanda :

– Qu’avez-vous ?

Elle murmura :

– Laissez-moi, cela ne vous regardepas.

Mais il insistait, comme un sot :

– Oh ! mademoiselle, voyons,qu’est-ce que vous avez ? Vous a-t-on fait de lapeine ?

Elle répéta, avec impatience :

– Taisez-vous donc !

Puis, brusquement, ne résistant plus à latristesse désespérée qui lui noyait le cœur, elle se mit àsangloter si violemment qu’elle ne pouvait plus avancer.

Elle couvrait sa figure sous ses deux mains ethaletait avec des râles dans la gorge, étranglée, étouffée par laviolence de son désespoir.

Belvigne demeurait debout, à côté d’elle, toutà fait éperdu, répétant :

– Je n’y comprends rien.

Mais Servigny s’avança brusquement.

– Rentrons, mam’zelle, qu’on ne vous voiepas pleurer dans la rue. Pourquoi faites-vous des folies comme ça,puisque ça vous attriste ?

Et, lui prenant le coude, il l’entraîna. Mais,dès qu’ils arrivèrent à la grille de la villa, elle se mit àcourir, traversa le jardin, monta l’escalier et s’enferma chezelle.

Elle ne reparut qu’à l’heure du dîner, trèspâle, très grave. Tout le monde était gai cependant. Servigny avaitacheté chez un marchand du pays des vêtements d’ouvrier, unpantalon de velours, une chemise à fleurs, un tricot, une blouse,et il parlait à la façon des gens du peuple.

Yvette avait hâte qu’on eût fini, sentant soncourage défaillir. Dès que le café fut pris, elle remonta chezelle.

Elle entendait sous sa fenêtre les voixjoyeuses. Le chevalier faisait des plaisanteries lestes, des jeuxde mots d’étranger, grossiers et maladroits.

Elle écoutait, désespérée. Servigny, un peugris, imitait l’ouvrier pochard, appelait la marquise la patronne.Et, tout d’un coup, il dit à Saval :

– Hé ! patron !

Ce fut un rire général.

Alors, Yvette se décida. Elle prit d’abord unefeuille de son papier à lettres et écrivit :

« Bougival, ce dimanche, neuf heures dusoir.

« Je meurs pour ne point devenir unefille entretenue.

« YVETTE. »

Puis en post-scriptum :

« Adieu, chère maman, pardon. »

Elle cacheta l’enveloppe, adressée àMme la marquise Obardi.

Puis elle roula sa chaise longue auprès de lafenêtre, attira une petite table à portée de sa main et plaçadessus la grande bouteille de chloroforme à côté d’une poignée deouate.

Un immense rosier couvert de fleurs qui, partide la terrasse, montait jusqu’à sa fenêtre, exhalait dans la nuitun parfum doux et faible passant par souffles légers ; et elledemeura quelques instants à le respirer. La lune, à son premierquartier, flottait dans le ciel noir, un peu rongée à gauche, etvoilée parfois par de petites brumes.

Yvette pensait : « Je vaismourir ! je vais mourir ! » Et son cœur gonflé desanglots, crevant de peine, l’étouffait. Elle sentait en elle unbesoin de demander grâce à quelqu’un, d’être sauvée, d’êtreaimée.

La voix de Servigny s’éleva. Il racontait unehistoire graveleuse que des éclats de rire interrompaient à toutinstant. La marquise elle-même avait des gaietés plus fortes queles autres. Elle répétait sans cesse :

– Il n’y a que lui pour dire de ceschoses-là ! ah ! ah ! ah !

Yvette prit la bouteille, la déboucha et versaun peu de liquide sur le coton. Une odeur puissante, sucrée,étrange, se répandit ; et comme elle approchait de ses lèvresle morceau de ouate, elle avala brusquement cette saveur forte etirritante qui la fit tousser.

Alors, fermant la bouche, elle se mit àl’aspirer. Elle buvait à longs traits cette vapeur mortelle,fermant les yeux et s’efforçant d’éteindre en elle toute penséepour ne plus réfléchir, pour ne plus savoir.

Il lui sembla d’abord que sa poitrines’élargissait, s’agrandissait, et que son âme tout à l’heurepesante, alourdie de chagrin, devenait légère, légère comme si lepoids qui l’accablait se fût soulevé, allégé, envolé.

Quelque chose de vif et d’agréable lapénétrait jusqu’au bout des membres, jusqu’au bout des pieds et desmains, entrait dans sa chair, une sorte d’ivresse vague, de fièvredouce.

Elle s’aperçut que le coton était sec, et elles’étonna de n’être pas encore morte. Ses sens lui semblaientaiguisés, plus subtils, plus alertes.

Elle entendait jusqu’aux moindres parolesprononcées sur la terrasse. Le prince Kravalow racontait comment ilavait tué en duel un général autrichien.

Puis, très loin, dans la campagne, elleécoutait les bruits dans la nuit, les aboiements interrompus d’unchien, le cri court des crapauds, le frémissement imperceptible desfeuilles.

Elle reprit la bouteille, et imprégna denouveau le petit morceau de ouate, puis elle se remit à respirer.Pendant quelques instants, elle ne ressentit plus rien ; puisce lent et charmant bien-être qui l’avait envahie déjà, laressaisit.

Deux fois elle versa du chloroforme dans lecoton, avide maintenant de cette sensation physique et de cettesensation morale, de cette torpeur rêvante où s’égarait sonâme.

Il lui semblait qu’elle n’avait plus d’os,plus de chair, plus de jambes, plus de bras. On lui avait ôté toutcela, doucement, sans qu’elle s’en aperçût. Le chloroforme avaitvidé son corps, ne lui laissant que sa pensée plus éveillée, plusvivante, plus large, plus libre qu’elle ne l’avait jamaissentie.

Elle se rappelait mille choses oubliées, despetits détails de son enfance, des riens qui lui faisaient plaisir.Son esprit, doué tout à coup d’une agilité inconnue, sautait auxidées les plus diverses, parcourait mille aventures, vagabondaitdans le passé, et s’égarait dans les événements espérés del’avenir. Et sa pensée active et nonchalante avait un charmesensuel, elle éprouvait, à songer ainsi, un plaisir divin.

Elle entendait toujours les voix, mais elle nedistinguait plus les paroles, qui prenaient pour elle d’autressens. Elle s’enfonçait, elle s’égarait dans une espèce de féerieétrange et variée.

Elle était sur un grand bateau qui passait lelong d’un beau pays tout couvert de fleurs. Elle voyait des genssur la rive, et ces gens parlaient très fort, puis elle se trouvaità terre, sans se demander comment ; et Servigny, habillé enprince, venait la chercher pour la conduire à un combat detaureaux.

Les rues étaient pleines de passants quicausaient, et elle écoutait ces conversations qui ne l’étonnaientpoint, comme si elle eût connu les personnes, car à travers sonivresse rêvante elle entendait toujours rire et causer les amis desa mère sur la terrasse.

Puis tout devint vague.

Puis elle se réveilla, délicieusementengourdie, et elle eut quelque peine à se souvenir.

Donc, elle n’était pas morte encore.

Mais elle se sentait si reposée, dans un telbien-être physique, dans une telle douceur d’esprit qu’elle ne sehâtait point d’en finir ! Elle eût voulu faire durer toujourscet état d’assoupissement exquis.

Elle respirait lentement et regardait la lune,en face d’elle, sur les arbres. Quelque chose était changé dans sonesprit. Elle ne pensait plus comme tout à l’heure. Le chloroforme,en amollissant son corps et son âme, avait calmé sa peine, etendormi sa volonté de mourir.

Pourquoi ne vivrait-elle pas ? Pourquoine serait-elle pas aimée ? Pourquoi n’aurait-elle pas une vieheureuse ? Tout lui paraissait possible maintenant, et facileet certain. Tout était doux, tout était bon, tout était charmantdans la vie. Mais comme elle voulait songer toujours, elle versaencore cette eau de rêve sur le coton, et se remit à respirer, enécartant parfois le poison de sa narine, pour n’en pas absorbertrop, pour ne pas mourir.

Elle regardait la lune et voyait une figurededans, une figure de femme. Elle recommençait à battre la campagnedans la griserie imagée de l’opium. Cette figure se balançait aumilieu du ciel ; puis elle chantait ; elle chantait, avecune voix bien connue, l’Alleluia d’amour.

C’était la marquise qui venait de rentrer pourse mettre au piano.

Yvette avait des ailes maintenant. Ellevolait, la nuit, par une belle nuit claire, au-dessus des bois etdes fleuves. Elle volait avec délices, ouvrant les ailes, battantdes ailes, portée par le vent comme on serait porté par descaresses. Elle se roulait dans l’air qui lui baisait la peau, etelle filait si vite, si vite qu’elle n’avait le temps de rien voirau-dessous d’elle, et elle se trouvait assise au bord d’un étang,une ligne à la main ; elle pêchait.

Quelque chose tirait sur le fil qu’ellesortait de l’eau, en amenant un magnifique collier de perles, dontelle avait eu envie quelque temps auparavant. Elle ne s’étonnaitnullement de cette trouvaille, et elle regardait Servigny, venu àcôté d’elle sans qu’elle sût comment, pêchant aussi et faisantsortir de la rivière un cheval de bois.

Puis elle eut de nouveau la sensation qu’ellese réveillait et elle entendit qu’on l’appelait en bas.

Sa mère avait dit :

– Éteins donc la bougie.

Puis la voix de Servigny s’éleva claire etcomique :

– Éteignez donc vot’bougie, mam’zelleYvette.

Et tous reprirent en chœur :

– Mam’zelle Yvette, éteignez donc votrebougie.

Elle versa de nouveau du chloroforme dans lecoton, mais, comme elle ne voulait pas mourir, elle le tint assezloin de son visage pour respirer de l’air frais, tout en répandanten sa chambre l’odeur asphyxiante du narcotique, car elle compritqu’on allait monter ; et, prenant une posture bien abandonnée,une posture de morte, elle attendit.

La marquise disait :

– Je suis un peu inquiète ! Cettepetite folle s’est endormie en laissant sa lumière sur sa table. Jevais envoyer Clémence pour l’éteindre et pour fermer la fenêtre deson balcon qui est restée grande ouverte.

Et bientôt la femme de chambre heurta la porteen appelant :

– Mademoiselle, mademoiselle !

Après un silence, elle reprit :

– Mademoiselle, Mme lamarquise vous prie d’éteindre votre bougie et de fermer votrefenêtre.

Clémence attendit encore un peu, puis frappaplus fort en criant :

– Mademoiselle, mademoiselle !

Comme Yvette ne répondait pas, la domestiques’en alla et dit à la marquise :

– Mademoiselle est endormie sansdoute ; son verrou est poussé et je ne peux pas laréveiller.

Mme Obardi murmura :

– Elle ne va pourtant pas rester commeça ?

Tous alors, sur le conseil de Servigny, seréunirent sous la fenêtre de la jeune fille, et hurlèrent enchœur : – Hip ! – hip ! – hurra ! – mam’zelleYvette !

Leur clameur s’éleva dans la nuit calme,s’envola sous la lune dans l’air transparent, s’en alla sur le paysdormant ; et ils l’entendirent s’éloigner ainsi que fait lebruit d’un train qui fuit.

Comme Yvette ne répondit pas, la marquiseprononça :

– Pourvu qu’il ne lui soit rienarrivé ; je commence à avoir peur.

Alors, Servigny, cueillant les roses rouges dugros rosier poussé le long du mur et les boutons pas encore éclos,se mit à les lancer dans la chambre par la fenêtre.

Au premier qu’elle reçut, Yvette tressauta,faillit crier. D’autres tombaient sur sa robe, d’autres dans sescheveux, d’autres, passant par-dessus sa tête, allaient jusqu’aulit, le couvraient d’une pluie de fleurs.

La marquise cria encore une fois, d’une voixétranglée :

– Voyons, Yvette, réponds-nous.

Alors, Servigny déclara :

– Vraiment, ça n’est pas naturel, je vaisgrimper par le balcon.

Mais le chevalier s’indigna.

– Permettez, permettez, c’est là unegrosse faveur, je réclame ; c’est un trop bon moyen… et untrop bon moment pour obtenir un rendez-vous !

Tous les autres, qui croyaient à une farce dela jeune fille, s’écriaient :

– Nous protestons. C’est un coup monté.Montera pas, montera pas.

Mais la marquise, émue, répétait :

– Il faut pourtant qu’on aille voir.

Le prince déclara, avec un gestedramatique :

– Elle favorise le duc, nous sommestrahis.

– Jouons à pile ou face qui montera,demanda le chevalier.

Et il tira de sa poche une pièce d’or de centfrancs.

Il commença avec le prince :

– Pile, dit-il.

Ce fut face.

Le prince jeta la pièce à son tour, en disantà Saval :

– Prononcez, monsieur.

Saval prononça :

– Face.

Ce fut pile.

Le prince ensuite posa la même question à tousles autres. Tous perdirent.

Servigny, qui restait seul en face de lui,déclara de son air insolent :

– Parbleu, il triche !

Le Russe mit la main sur son cœur et tendit lapièce d’or à son rival, en disant :

– Jouez vous-même, mon cher duc.

Servigny la prit et la lança encriant :

– Face !

Ce fut pile.

Il salua et indiquant de la main le pilier dubalcon :

– Montez, mon prince.

Mais le prince regardait autour de lui d’unair inquiet.

– Que cherchez-vous ? demanda lechevalier.

– Mais… je… je voudrais bien… uneéchelle.

Un rire général éclata. Et Saval,s’avançant :

– Nous allons vous aider.

Il l’enleva dans ses bras d’hercule, enrecommandant :

– Accrochez-vous au balcon.

Le prince aussitôt s’accrocha, et Savall’ayant lâché, il demeura suspendu, agitant ses pieds dans le vide.Alors, Servigny saisissant ces jambes affolées qui cherchaient unpoint d’appui, tira dessus de toute sa force ; les mainslâchèrent et le prince tomba comme un bloc sur le ventre deM. de Belvigne qui s’avançait pour le soutenir.

– À qui le tour ? demandaServigny.

Mais personne ne se présenta.

– Voyons, Belvigne, de l’audace.

– Merci, mon cher, je tiens à mes os.

– Voyons, chevalier, vous devez avoirl’habitude des escalades. Je vous cède la place, mon cher duc.

– Heu !… heu !… c’est que jen’y tiens plus tant que ça.

Et Servigny, l’œil en éveil, tournait autourdu pilier.

Puis, d’un saut, s’accrochant au balcon, ils’enleva par les poignets, fit un rétablissement comme un gymnasteet franchit la balustrade.

Tous les spectateurs, le nez en l’air,applaudissaient. Mais il reparut aussitôt en criant :

– Venez vite ! Venez vite !Yvette est sans connaissance !

La marquise poussa un grand cri et s’élançadans l’escalier.

La jeune fille, les yeux fermés, faisait lamorte. Sa mère entra, affolée, et se jeta sur elle.

– Dites, qu’est-ce qu’elle a ?qu’est-ce qu’elle a ?

Servigny ramassait la bouteille de chloroformetombée sur le parquet :

– Elle s’est asphyxiée, dit-il.

Et il colla son oreille sur le cœur, puis ilajouta :

– Mais elle n’est pas morte ; nousla ranimerons. Avez-vous ici de l’ammoniaque ?

La femme de chambre, éperdue,répétait :

– De quoi… de quoi… monsieur ?

– De l’eau sédative.

– Oui, monsieur.

– Apportez tout de suite, et laissez laporte ouverte pour établir un courant d’air.

La marquise, tombée sur les genoux,sanglotait.

– Yvette ! Yvette ! ma fille,ma petite fille, ma fille, écoute, réponds-moi, Yvette, mon enfant.Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! qu’est-ce qu’ellea ?

Et les hommes effarés remuaient sans rienfaire, apportaient de l’eau, des serviettes, des verres, duvinaigre.

Quelqu’un dit : « Il faut ladéshabiller ! »

Et la marquise, qui perdait la tête, essaya dedévêtir sa fille ; mais elle ne savait plus ce qu’ellefaisait. Ses mains tremblaient, s’embrouillaient, se perdaient etelle gémissait : « Je… je… je ne peux pas, je ne peuxpas… »

La femme de chambre était rentrée apportantune bouteille de pharmacien que Servigny déboucha et dont il versala moitié sur un mouchoir. Puis il le colla sous le nez d’Yvette,qui eut une suffocation.

– Bon, elle respire, dit-il. Ça ne serarien.

Et il lui lava les tempes, les joues, le couavec le liquide à la rude senteur.

Puis il fit signe à la femme de chambre dedélacer la jeune fille, et quand elle n’eut plus qu’une jupe sur sachemise, il l’enleva dans ses bras, et la porta jusqu’au lit enfrémissant, remué par l’odeur de ce corps presque nu, par lecontact de cette chair, par la moiteur des seins à peine cachésqu’il faisait fléchir sous sa bouche.

Lorsqu’elle fut couchée, il se releva fortpâle. « Elle va revenir à elle, dit-il, ce n’est rien. »Car il l’avait entendue respirer d’une façon continue et régulière.Mais, apercevant tous les hommes, les yeux fixés sur Yvette étendueen son lit, une irritation jalouse le fit tressaillir, ets’avançant vers eux :

– Messieurs, nous sommes beaucoup tropdans cette chambre ; veuillez nous laisser seuls,M. Saval et moi, avec la marquise.

Il parlait d’un ton sec et plein d’autorité.Les autres s’en allèrent aussitôt.

Mme Obardi avait saisi sonamant à pleins bras, et, la tête levée vers lui, elle luicriait :

– Sauvez-la… Oh !sauvez-la !…

Mais Servigny, s’étant retourné, vit unelettre sur la table. Il la saisit d’un mouvement rapide et lutl’adresse. Il comprit et pensa : « Peut-être ne faut-ilpas que la marquise ait connaissance de cela. » Et, déchirantl’enveloppe, il parcourut d’un regard les deux lignes qu’ellecontenait :

« Je meurs pour ne pas devenir une filleentretenue. »

« YVETTE. »

« Adieu, ma chère maman.Pardon. »

– Diable, pensa-t-il, ça demanderéflexion.

Et il cacha la lettre dans sa poche.

Puis il se rapprocha du lit, et aussitôt lapensée lui vint que la jeune fille avait repris connaissance, maisqu’elle n’osait pas le montrer par honte, par humiliation, parcrainte des questions.

La marquise était tombée à genoux, maintenant,et elle pleurait, la tête sur le pied du lit. Tout à coup elleprononça : « Un médecin, il faut un médecin. »

Mais Servigny, qui venait de parler bas avecSaval, lui dit : « Non, c’est fini. Tenez, allez vous-enune minute, rien qu’une minute, et je vous promets qu’elle vousembrassera quand vous reviendrez. » Et le baron, soulevantMme Obardi par le bras, l’entraîna.

Alors, Servigny, s’asseyant près de la couche,prit la main d’Yvette et prononça : « Mam’zelle,écoutez-moi… »

Elle ne répondit pas. Elle se sentait si bien,si doucement, si chaudement couchée, qu’elle aurait voulu ne plusjamais remuer, ne plus jamais parler, et vivre comme ça toujours.Un bien-être infini l’avait envahie, un bien-être tel qu’elle n’enavait jamais senti de pareil.

L’air tiède de la nuit entrant par souffleslégers, par souffles de velours, lui passait de temps en temps surla face d’une façon exquise, imperceptible. C’était une caresse,quelque chose comme un baiser du vent, comme l’haleine lente etrafraîchissante d’un éventail qui aurait été fait de toutes lesfeuilles des bois et de toutes les ombres de la nuit, de la brumedes rivières, et de toutes les fleurs aussi, car les roses jetéesd’en bas dans sa chambre et sur son lit, et les roses grimpées aubalcon, mêlaient leur senteur languissante à la saveur saine de labrise nocturne.

Elle buvait cet air si bon, les yeux fermés,le cœur reposé dans l’ivresse encore persistante de l’opium, ellen’avait plus du tout le désir de mourir, mais une envie forte,impérieuse, de vivre, d’être heureuse, n’importe comment, d’êtreaimée, oui, aimée.

Servigny répéta :

– Mam’zelle Yvette, écoutez-moi.

Et elle se décida à ouvrir les yeux. Ilreprit, la voyant ranimée :

– Voyons, voyons, qu’est-ce que c’est quedes folies pareilles ?

Elle murmura :

– Mon pauvre Muscade, j’avais tant dechagrin.

Il lui serrait la mainpaternellement :

– C’est ça qui vous avançait àgrand-chose, ah oui ! Voyons, vous allez me promettre de nepas recommencer ?

Elle ne répondit pas, mais elle fit un petitmouvement de tête qu’accentuait un sourire plutôt sensible quevisible.

Il tira de sa poche la lettre trouvée sur latable :

– Est-ce qu’il faut montrer cela à votremère ?

Elle fit « non » d’un signe dufront.

Il ne savait plus que dire, car la situationlui paraissait sans issue. Il murmura :

– Ma chère petite, il faut prendre sonparti des choses les plus pénibles. Je comprends bien votredouleur, et je vous promets…

Elle balbutia :

– Vous êtes bon…

Ils se turent. Il la regardait. Elle avaitdans l’œil quelque chose d’attendri, de défaillant ; et, toutd’un coup, elle souleva les deux bras, comme si elle eût voulul’attirer. Il se pencha sur elle, sentant qu’elle l’appelait ;et leurs lèvres s’unirent.

Longtemps ils restèrent ainsi, les yeuxfermés. Mais lui, comprenant qu’il allait perdre la tête, sereleva. Elle lui souriait maintenant d’un vrai sourire detendresse ; et, de ses deux mains accrochées aux épaules, ellele retenait.

– Je vais chercher votre mère,dit-il.

Elle murmura :

– Encore une seconde. Je suis sibien.

Puis, après un silence, elle prononça toutbas, si bas qu’il entendit à peine :

– Vous m’aimerez bien, dites ?

Il s’agenouilla près du lit, et baisant lepoignet qu’elle lui avait laissé :

– Je vous adore.

Mais on marchait près de la porte. Il sereleva d’un bond et cria de sa voix ordinaire qui semblait toujoursun peu ironique :

– Vous pouvez entrer. C’est faitmaintenant.

La marquise s’élança sur sa fille, les deuxbras ouverts, et l’étreignit frénétiquement, couvrant de larmes sonvisage, tandis que Servigny, l’âme radieuse, la chair émue,s’avançait sur le balcon pour respirer le grand air frais de lanuit, en fredonnant :

Souvent femme varie,

Bien fol est qui s’y fie.

 

29 août – 9 septembre 1884

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