La Ceinture empoisonnée

Chapitre 6Le grand réveil

J’en viens maintenant à la conclusion de cetteextraordinaire aventure qui éclipse toutes les autres, nonseulement celles de nos médiocres existences individuelles, maisencore celles de l’histoire générale de l’espèce humaine. Comme jel’ai dit au début de mon récit lorsque j’ai commencé à retracer lesfaits, voilà une expérience qui surpasse tous les événements commeune cime de montagne s’élève au-dessus des contreforts quil’entourent. Notre génération est promise à un destin bien spécialpuisqu’elle a été choisie pour témoigner d’une chose aussimiraculeuse ! L’avenir seul nous dira combien de temps l’effeten aura duré, jusqu’à quand l’humanité aura conservé l’humilité etle respect que ce grand choc lui a enseignés. Il est normald’écrire, je crois, que les choses ne redeviendront jamais cequ’elles étaient avant. Personne ne peut réaliser l’étendue de sonimpuissance et de son ignorance, ni sentir comment il est soutenupar une main invisible tant que cette main ne se referme pas uninstant pour le broyer. La mort a été suspendue au-dessus de nostêtes. Nous savons qu’à tout moment elle peut revenir. Sa présencelugubre assombrit nos existences ; mais qui peut nier que souscette ombre le sens du devoir, le sentiment de la responsabilité,une juste appréciation de la gravité de la vie et de ses fins,l’ardent désir de nous développer et de progresser se sont accrus,et que nous avons fait entrer toutes ces considérations dans nosréalités quotidiennes au point que notre société en est transforméedu tout au tout ? Par-delà les sectarismes, par-delà lesdogmes, quelque chose existe : disons un changement deperspectives, une modification de notre échelle des proportions, lacompréhension de notre insuffisance et de notre fragilité, lacertitude formelle que nous existons par tolérance, que notre vieest suspendue au premier vent un peu froid qui souffle del’inconnu. Mais de ce que le monde est devenu plus grave, il nes’ensuit pas, selon moi, qu’il soit devenu plus triste. Sûrement,nous convenons que les plaisirs sobres et modérés du présent sontplus profonds et plus sages que les folles bousculades bruyantesqui passaient si souvent pour la joie dans les temps d’autrefois –ces temps si proches et pourtant si inconcevablesaujourd’hui ! Les existences, dont on gaspillait le vide dansles visites qu’on recevait et qu’on rendait, dans le vain entretienfastidieux des grandes maisons, dans la préparation de repascompliqués et pénibles, ont maintenant trouvé à se remplirsainement dans la lecture, la musique, et la douce communion detoute une famille. Des plaisirs plus vifs et une santé plusflorissante les ont rendues plus riches qu’auparavant, même aprèsqu’aient été acquittées ces contributions accrues au fonds communqui a ainsi élevé le standard de vie dans les îlesBritanniques.

Les opinions divergent sur l’heure exacte dugrand réveil. On s’accorde généralement pour admettre que, comptetenu des différences d’heures, il a pu y avoir des causes localesqui influençaient l’action du poison. Assurément, dans chaquecommune prise à part, la résurrection a été pratiquementsimultanée. De nombreux témoins affirment que Big Ben marquait sixheures dix. La Société royale des astronomes l’a fixée à dix heuresdouze à l’heure de Greenwich. D’autre part, Laird Johnson,observateur très compétent de l’East Anglia, a noté dix huit heuresvingt. Aux Hébrides, on l’enregistra à dix neuf heures. Dans notrecas, il ne peut y avoir aucun doute, car j’étais assis dans lebureau de Challenger et j’avais en face de moi monchronomètre : il marquait six heures et quart.

Une incommensurable dépression s’était abattuesur moi. L’effet cumulatif de tous les spectacles horribles quenous avions vus au cours de notre voyage du matin pesait lourdementsur mon âme. Étant donné ma santé surabondante de jeune animal etma grande énergie physique, je ne me laissais jamais assombrirfacilement ! Je possédais la faculté irlandaise de discernertoujours une étincelle d’humour dans n’importe quelle situationbien noire. Mais pour une fois j’étais oppressé, découragé. Lesautres se trouvaient en bas, ils bâtissaient des projets d’avenir.Moi, j’étais allé près de la fenêtre ouverte, et le menton appuyédans ma main, je méditais sur la misère de notre position.Pourrions-nous continuer à vivre ? Du moins, c’était laquestion que je me posais pour moi-même. Était-il possible de vivresur un monde mort ? De même qu’en physique le corps le plusgrand attire et entraîne le plus petit, ne subirions-nous pasl’insurmontable puissance d’attraction de cette immense humanitéqui avait fait le saut dans l’inconnu ? Et comment notre viese terminerait-elle ? Par un retour offensif du poison ?Ou bien la terre deviendrait-elle inhabitable sous l’effet dupourrissement des corps ? Et je redoutais aussi que notreaffreuse situation ne finît par nous faire perdre notre équilibremental… Alors, une équipe de fous sur un monde mort ? Monesprit était en train de se nourrir de cette déplorable perspectivelorsqu’un bruit léger m’a fait tourner la tête vers la route endessous de moi : le vieux cheval du fiacre montait lacôte !

Au même instant, j’ai pris conscience que lesoiseaux recommençaient à gazouiller, que dans la cour quelqu’untoussait, et que tout le paysage semblait se mettre en mouvement.Mais je me rappelle bien que c’est cette antique haridelle,absurde, décharnée, grotesque, qui a capté d’abord mon attention.Puis mes yeux se sont portés vers le cocher remonté sur son siège,vers le jeune homme qui était penché par la portière pour ordonnerune direction à prendre : indiscutablement –agressivement ! – ils étaient rendus à la vie.

Les hommes s’étaient remis à vivre !Avais-je donc subi alors une hallucination ? Cette histoired’une ceinture empoisonnée autour de la terre n’aurait-elle étéqu’un cauchemar ? Pendant quelques instants, ahuri, j’ai étédisposé à le croire. Puis j’ai regardé mes mains : il y avaittoujours les ampoules que je m’étais faites en sonnant les clochesde Sainte Marie. Je n’avais pas rêvé. Et cependant le monderessuscitait : c’était la marée de la vie qui cette foissubmergeait la planète. Mes regards fouillaient la campagne :tout recommençait, tout repartait de l’endroit même où tout s’étaitarrêté. Les joueurs de golf, par exemple : allaient-ilsreprendre leur partie ? Oui, l’un d’eux exécutait undrive ; d’autres, sur un green, se remettaient à putter versle trou. Quant aux moissonneurs, ils se dirigeaient lentement versles champs. La gouvernante avait hissé sur un bras son bébé, et del’autre elle poussait la petite voiture vers le haut de la côte.Chacun renouait avec insouciance le fil de sa vie à l’endroit mêmeoù il avait été cassé.

J’ai dévalé l’escalier, mais la porte duvestibule était ouverte, et j’ai entendu dans la cour les voix demes compagnons, leurs exclamations de surprise, leurscongratulations… Ah ! les poignées de main que nous avonséchangées, et ces rires ! Mme Challenger, dansson émotion, nous a tous embrassés avant de se jeter dans lespattes d’ours de son mari.

– Mais enfin, ils n’étaient pasendormis ! s’est écrié lord John. Au diable tout cela,Challenger ! Vous croyez, vous, que ces gens dormaient avecles yeux ouverts, leurs membres rigides, et cet affreux souriregrimaçant sur le visage ?

– Ils étaient sans doute tombés en catalepsie,a répondu Challenger. C’est un phénomène assez rare, qu’autrefoison a souvent confondu avec la mort. Pendant que le sujet est danscet état, sa température tombe, la respiration disparaît, lebattement du cœur est imperceptible… En fait, c’est la mort, aveccette différence que c’est une mort provisoire. L’intelligence laplus compréhensive…

Ici, il a fermé les yeux et a souri avecsuffisance.

–… aurait eu du mal à concevoir une catalepsieuniverselle éclatant sous cette forme.

– Vous pouvez l’appeler catalepsie, a faitobserver Summerlee. Mais en somme, c’est un nom, rien deplus ! Et nous ne connaissons pas davantage ses effets que legenre de poison qui l’a provoquée. Tout ce que nous pouvons dire seborne à ceci : l’éther vicié a provoqué une mortprovisoire.

Austin était assis sur le marchepied de lavoiture. C’était sa toux que j’avais entendue tout à l’heure. Ilavait gardé le silence tout en se frictionnant la tête, maismaintenant il marmonnait en contemplant la voiture.

– Jeune imbécile ! grommela-t-il. Il fauttoujours qu’il touche à quelque chose !

– Qu’est-ce qu’il y a, Austin ?

– L’huile coule, monsieur. Quelqu’un s’estamusé avec la voiture. Je pense que c’est le gosse du jardinier,monsieur.

Lord John a pris un air coupable.

« Je ne sais pas ce qui cloche, apoursuivi Austin, en se mettant péniblement debout. Je me rappelleque je me suis senti devenir bizarre pendant que je lavais lavoiture. Je crois que je suis tombé sur le marchepied. Mais je jurebien que j’avais pensé à l’huile !

Un récit succinct des événements lui a alorsété fait ; Austin a appris du même coup ce qui lui étaitarrivé, à lui et au monde entier. Le mystère de l’huile lui a étéexpliqué. Il nous a écoutés en manifestant un mépris visible pourl’amateur qui avait conduit sa voiture, mais un très vif intérêtpour le compte rendu de notre voyage dans la City endormie. Je mesouviens de son commentaire :

– Vous vous êtes donc trouvé près de la Banqued’Angleterre, monsieur ?

– Oui, Austin.

– Et il y avait tous ces millions àl’intérieur, et tout le monde dormait ?

– Mais oui, Austin !

– Et je n’étais pas là ! a-t-il gémiavant de se détourner pour reprendre son tuyau d’arrosage.

Des roues ont grincé sur le gravier. Le vieuxfiacre s’est arrêté devant la porte de Challenger. J’ai vu le jeuneoccupant en sortir. Un instant plus tard, la bonne, qui semblaitaussi ahurie que si on l’avait arrachée au sommeil le plus profond,a apporté sur un plateau une carte de visite. Quand il l’a lue,Challenger a reniflé avec férocité, et son épaisse barbe noires’est agitée.

– Un journaliste ! a-t-il rugi.

Puis un sourire méprisant a élargi sabouche :

– Après tout, il est naturel que le mondeentier soit pressé d’apprendre ce que je pense d’un telévénement !

– Ce n’est certainement pas là l’objet de sacourse, a dit Summerlee, car votre journaliste était déjà sur laroute dans son fiacre avant que ne commençât la catastrophe.

J’ai pris la carte et j’ai lu :« James Baxter, correspondant à Londres du New YorkMonitor ».

– Le verrez-vous ? ai-je demandé.

– Pas moi !

– Oh ! George ! Tu devrais être plussociable, plus aimable ! Est-il possible que tu n’aies tiréaucune leçon de cette aventure ?

– Tut, tut ! s’est-il borné à répondre ensecouant sa tête aussi volumineuse qu’entêtée.

Et puis il a explosé :

« Une engeance empoisonnée, eh !Malone ? La pire espèce de la civilisation moderne ! Uninstrument de charlatanisme, l’obstacle à tout progrèshumain ! Quand les journalistes ont-ils jamais dit une bonneparole sur mon compte ?

– Et vous ? Quand avez-vous jamais tenuun propos équitable sur leur compte ? ai-je répliqué. Voyons,monsieur, c’est un étranger qui s’est déplacé pour vous voir. Jesuis sûr que vous ne le décevrez pas.

– Bon, bon ! a-t-il grommelé. Venez avecmoi, et parlez en mon nom. Par avance, je proteste contre uneintrusion aussi offensante dans ma vie privée.

Grognant, grondant, il m’a suivi comme undogue en colère.

Le jeune Américain était tiré à quatreépingles ; il a sorti son carnet de notes, et à pieds jointsil a sauté dans le sujet.

– Je suis venu, monsieur, parce que notrepeuple, aux États-Unis, désire être averti du danger qui, selonvous, menace grandement le monde.

– Je ne connais pas de danger qui menacegrandement le monde, a répondu Challenger d’une voix bourrue.

Le journaliste l’a dévisagé avecétonnement.

– Je veux parler, monsieur, de l’éventualité,selon laquelle le monde pourrait être enveloppé d’une ceintured’éther empoisonné.

– Je ne redoute à présent aucun danger de cegenre.

La perplexité du journaliste s’est visiblementaccrue.

– Vous êtes bien le Pr Challenger,n’est-ce pas ?

– Oui, monsieur.

– Alors je ne peux pas comprendre comment vouspouvez dire qu’un tel danger n’existe pas. Dois-je vous rappelervotre propre lettre au Times,qui a paru sous votresignature dans l’édition de ce matin ?

À son tour, Challenger a paru étonné.

– Ce matin ? Il n’y a pas eu deTimes publié à Londres ce matin.

– Certainement si, monsieur ! a ditl’Américain sur un ton de doux reproche. Vous admettez bien que leTimes est un journal quotidien… – Voici la lettre àlaquelle je me réfère.

Il a tiré de sa poche un exemplaire duTimes. Challenger a gloussé de joie et s’est frotté lesmains.

– Je commence à comprendre. Ainsi, c’est cematin que vous avez lu cette lettre ?

– Oui, monsieur.

– Et aussitôt vous êtes venum’interviewer ?

– Oui, monsieur.

– Avez-vous remarqué quelque chose d’anormalpendant votre voyage jusqu’ici ?

– Hé bien ! monsieur, pour dire le vrai,vos compatriotes m’ont semblé plus vivants et plus humains qued’habitude. Le convoyeur de bagages est sorti du fourgon pour meraconter une histoire drôle : dans ce pays, c’était vraimentune nouvelle expérience pour moi.

– Rien d’autre ?

– Ma foi, non, monsieur. Rien dont je ne mesouvienne en tout cas.

– Voyons, quand avez-vous quitté la gare deVictoria ?

L’Américain a souri.

– Je suis venu pour vous interviewer,professeur, mais j’ai l’impression que vous renversez lesrôles…

– Figurez-vous que cela m’intéresse. Vousrappelez-vous l’heure de votre départ ?

– Bien entendu. Il était midi et demi.

– Et vous êtes arrivé à… ?

– Deux heures et quart.

– Et vous avez pris un fiacre ?

– En effet.

– Quelle distance pensez-vous qu’il y a entreici et la gare ?

– Trois kilomètres, au moins.

– Alors, combien de temps faut-il, à votreavis, pour franchir ces trois kilomètres ?

– Eh bien ! peut-être une demi-heure,avec ce cheval asthmatique.

– Donc, il devrait être troisheures ?

– Oui, à peine davantage.

– Regardez votre montre.

L’Américain a obéi, et la stupéfaction s’estpeinte sur son visage.

– Mais dites donc, elle est arrêtée ! Cecheval a cassé tous les ressorts, c’est sûr ! Le soleil estassez bas, maintenant que j’y pense… Oh ! il se passe quelquechose ici que je ne comprends pas !

– Vous n’avez aucun souvenir d’un incidentquelconque pendant que vous grimpiez la côte ?

– Écoutez, il me semble me rappeler qu’à unmoment donné j’ai eu une forte envie de dormir… Et puis, cela merevient maintenant que je voulais dire quelque chose au cocher, etqu’il ne m’entendait pas. J’ai cru que c’était la chaleur, mais jeme suis senti un instant des vertiges… C’est tout.

– Il en est de même pour toute l’espècehumaine ! m’a dit Challenger. Un instant, ils se sont toussenti des vertiges. Personne n’a encore réalisé ce qui est arrivé.Et tous reprendront leur travail interrompu, comme Austin qui aramassé son tuyau d’arrosage, ou leur partie, comme les golfeurs.Votre rédacteur en chef, Malone, continue de préparer son journal,et il sera stupéfait un jour quand il découvrira qu’il manque unnuméro… Oui, mon jeune ami, a-t-il ajouté à l’adresse dujournaliste américain, et avec une soudaine poussée de bonnehumeur, cela peut vous intéresser de savoir que le monde a traverséle courant empoisonné qui tournoie dans l’éther comme le GulfStream dans l’océan. Et vous voudrez bien noter aussi, pour votrecommodité et vos rendez-vous, que nous ne sommes pas aujourd’huivendredi 27 août, mais samedi 28 août : vous êtes resté sansconnaissance dans votre fiacre pendant vingt-huit heures sur lacôte de Rotherfield.

Et là, je pourrais mettre un point final à cerécit. Vous vous êtes peut-être rendu compte, en le lisant, qu’iln’est qu’une version plus complète et plus détaillée du reportagequi a été publié le lundi suivant dans la Daily Gazette(reportage qui a été généralement considéré comme la plus grandexclusivité journalistique de tous les temps, et qui a fait vendretrois millions et demi d’exemplaires du journal). Encadrées sur lemur de mon bureau, ces manchettes somptueuses en disentlong :

LE MONDE DANS LE COMA PENDANT 28 HEURES

EXPÉRIENCE SANS PRÉCÉDENT

CHALLENGER AVAIT RAISON

NOTRE CORRESPONDANT EST ÉPARGNÉ

SON RÉCIT SENSATIONNEL

LA CHAMBRE À OXYGÈNE

UNE RANDONNÉE FANTASTIQUE

LONDRES DANS LA MORT

LA PAGE MANQUANTE EST RETROUVÉE

GRAVES INCENDIES – NOMBREUX MORTS

CE PHÉNOMÈNE RISQUE-T-IL DE SE REPRODUIRE ?

Au-dessous de ce chapeau glorieuxs’allongeaient neuf colonnes et demie de texte : l’unique,premier et dernier rapport sur l’histoire de la planète (telle dumoins qu’un seul observateur pouvait la relater) pendant la pluslongue journée de son existence. Dans un article voisin, Challengeret Summerlee traitaient le sujet sur le plan scientifique, mais àmoi seul était dévolu le soin du reportage. Certainement, je peuxchanter : Nunc dimittis ! Car ma carrière dejournaliste ne connaîtra plus semblable apothéose.

Mais je ne voudrais pas terminer sur desmanchettes à sensation ni sur un triomphe personnel. Permettez-moide citer, pour conclure, les dernières phrases retentissantes del’admirable éditorial publié par le plus grand quotidien du monde(éditorial que tout homme réfléchi devrait méditer) :

« Un truisme bien éculé, a dit leTimes, affirmait que notre espèce humaine était une fouledésarmée devant les forces latentes infinies qui nous environnent.Émanant des prophètes antiques et des philosophes contemporains, cemême message, qui était un avertissement, nous a été maintes foisadressé. Mais comme toutes les vérités trop souvent répétées, ilavait perdu de son actualité et de sa puissance. Il fallait uneleçon, ou une expérience saisissante, pour lui redonner vigueur.Nous venons d’émerger d’une épreuve salutaire mais terrible. Nosesprits sont encore stupéfaits de sa soudaineté, mais nos cœurs ontété radoucis parce que nous avons mesuré nos limites et nosinfirmités. Pour apprendre, le monde a payé un prix épouvantable.Nous ne connaissons encore qu’imparfaitement l’étendue dudésastre ; mais la destruction par le feu de New York,d’Orléans, de Brighton constitue en soit l’une des plus grandestragédies de l’histoire humaine. Quand le bilan des sinistresmaritimes et des catastrophes de chemins de fer sera établi, salecture provoquera l’effroi de tous. Et cependant, dans la majoritédes cas, les mécaniciens des trains et des paquebots sont parvenusà couper la pression avant de succomber au poison. Mais nouslaisserons de côté aujourd’hui les considérations relatives auxdommages matériels, pourtant si importants en vies et en biens. Letemps permettra d’ailleurs de les effacer. Ce qui ne doit pas êtreoublié, par contre, ce qui doit obséder constamment notreimagination, c’est la révélation des possibilités de l’univers, etla démonstration que l’étroit sentier sur lequel est engagée notreexistence physique se trouve bordé d’abîmes insondables. À la basede notre émotion actuelle, la gravité se mêle à l’humilité.Puissent-elles toutes deux servir de fondations au temple plusdigne que construira, nous l’espérons, une race mieux informée etque le respect inspirera davantage. »

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