Le Danseur mondain

Chapitre 10

 

 

La route d’Hyères à Toulon, puis à Tamaris,par la Seyne, est bien belle, par ces après-midi du premierprintemps, avec ses villas apparues entre les palmiers, lescerisiers en fleur, la première verdure de ses vignes, et les deuxmontagnes d’une si fière silhouette qui la dominent, le Coudon etle Faron. Est-il besoin de dire que Jaffeux eut à peine un regardpour cette magnificence et cette grâce du lumineux paysageprovençal ? Il n’avait pas menti en citant à Gilbert Favy cesparoles du psaume que commentait Pascal dans son Mystère deJésus : « Si tu connaissais tes péchés, tu perdraiscœur… À mesure que tu les expieras, tu les connaîtras. Fais doncpénitence pour tes péchés cachés et la malice occulte de ceux quetu connais… » Il était de ceux qui veulent, sur le soir deleurs jours, avoir mis en ordre tout leur passé, en s’humiliant ausouvenir des erreurs irréparables, en réparant à tout prix lesautres. Allait-il pouvoir faire un peu de bien àPierre-Stéphane ? Oui, puisque ce fils d’une femme qu’il avaittant admirée, tant vénérée, gardait quelques-unes des qualitésd’âme de sa mère. Sa conduite vis-à-vis du frère de Renée, siextraordinaire de générosité, le démontrait. L’image de cette noblefemme, à la mort de laquelle sa dureté pour son infidèle secrétaireavait fait, à son insu, participer l’avocat, flottait devant sesyeux. Il croyait entendre sa voix qui lui disait commeautrefois : « Soyez bon pour lui ! » – Maiscomment l’aider ? Qui était-il vraiment ? Cette question,énoncée tout haut devant Gilbert, il se la posait de nouveau toutbas, tandis que l’automobile l’emportait vers une rencontre, quisurexcitait aussi sa curiosité. À quels motifs avait obéi lepseudo-Neyrial en s’accusant faussement auprès du commissaire et dela jeune fille ? La pitié pour un camarade, dont l’aventureressemblait à la sienne, aurait-elle suffi à provoquer undévouement qu’une longue expérience rendait fantastique pour unhomme, comme celui-là, initié à tant de complications par tous lesprocédés qu’il avait plaidés ? D’aventure analogue, il n’enavait pas rencontré…

Mais déjà Toulon et La Seyne étaient loin.L’automobile traversait un bois de pins maritimes dont la sombreépaisseur évoqua soudain pour lui, dans la disposition d’esprit oùil était une phrase de Tourgueniev, le seul des romanciers russesque son goût exquis de vieux Français lui permît desupporter : « L’âme d’autrui est une forêtobscure. » Les villas de Tamaris apparaissaient, puis unefaçade sur laquelle se lisait, en énormes lettres dorées, le nom del’Eden-Hôtel, et il descendait, pour entendre, luiarrivant du fond d’une grande véranda ménagée en prolongement de labâtisse primitive, une musique pareille à celle duMèdes-Palace, le premier soir. Des silhouettes dedanseuses et de danseurs se dessinaient derrière les vitres. Unportier s’avançait au devant de lui, auquel il demanda s’il pouvaitparler à M. Neyrial.

– « M, Neyrial est en train deconduire le thé-dansant, » lui fut-il répondu dans un accentvenant tout droit d’Allemagne, qui justifiait trop sa remarque detout à l’heure sur l’invasion de la Côte d’Azur par lesétrangers.

– « Je vais l’attendre », ditJaffeux.

– « Si Monsieur veut entrer dansl’atrio qui précède la salle de danse ?… »suggéra un chasseur, Italien celui-là, comme en témoigna unCiao Peppino, jeté à un garçon de son âge, en train depousser de la main une bicyclette qu’il enfourcherait, aussitôthors l’hôtel.

Cette impression de capharnaüm cosmopolite futcorrigée pour Jaffeux, par l’accent marseillais du garçon qui ledébarrassa de son pardessus, à son entrée dans l’étroiteantichambre ; pompeusement qualifiée d’atrio parl’Italien et qui servait de vestiaire aux visiteurs duthé-dansant :

– « Monsieur ne préfère pass’asseoir là ? » disait cet homme, en montrant le salon.« Je lui trouverai une table… »

– « Non », fit Jaffeux, et,tirant de son portefeuille un billet de vingt francs : –« J’ai très peu de temps et je voudrais seulement causerquelques minutes avec M. Neyrial… »

– « Le nouveau danseur ?Ah ! ça ne sera pas facile, monsieur. Un danseur mondain, cen’est pas une sinécure. Celui-là vient d’arriver, cet après-midi.C’est un as, paraît-il, et toutes les dames vont le réclamer. Maisle système D, ça me connaît. Je vais m’arranger pour vousl’envoyer… »

Tandis que le complaisant personnage s’enallait par un couloir latéral, pour reparaître devant la porte dufond de la vaste salle, au pied même de l’estrade réservée àl’orchestre, Jaffeux, dissimulé dans un angle de sa retraite,pouvait voir celui qu’il cherchait vaquer à ses devoirs de danseurprofessionnel, qui consistent d’abord à faire danser les femmesqui, sans lui, ne danseraient pas. En ce moment, Neyrialentraînait, dans un boston, une Anglaise de cinquante ans trèspassés, massive et raide, avec un de ces rouges visages pourlesquels ses compatriotes ont inventé l’éloquente expression deport-wine face. Le jeune homme mettait à conduire cettedébutante en cheveux gris une gentillesse qui sauvait le ridiculede cette tardive initiation. Attentif à la fois et souriant, ilsemblait avoir oublié la scène pénible qui l’avait dressé, la cannehaute, en face de Renée défaillante et de son frère en fureur. Iln’eut pas plus tôt ramené sa lourde partenaire à sa chaise, qu’unejeune fille, délicieuse celle-là, de fraîcheur et de souplesse, seleva pour venir hardiment à lui, ce qui n’empêcha pas l’audacieuxMarseillais de s’avancer aussi, et de lui dire quelques mots àl’oreille, auxquels il répondit par un signe d’acquiescement, enpartant avec sa nouvelle compagne dans un paso-doble, dontles théoriciens de la chorégraphie moderne disent qu’il faut ledanser « sur un mouchoir de poche ». Maintenant, la joiedu mouvement vif et bien réglé semblait animer tout son corps. Sesyeux rayonnaient. Cette enfant de dix-huit ans peut-être et luifaisaient un couple d’une telle harmonie dans la sveltesse, que lesbuveurs de cocktails, debout là-bas, devant un bar dressé dans unrecoin, en oubliaient de déguster leur Manhattan et leurWidow’s smile, pour les regarder.

– « M. Neyrial viendrarejoindre monsieur. Je vous l’amène aussitôt après cettedanse », avait susurré le Marseillais, de retour auprès deJaffeux, et, avec une familiarité toute méridionale « Vousl’ai-je dit que c’était un as !… »

« Pourvu qu’il ne recommence pas le coupdu Mèdes-Palace, et qu’il ne se sauve point »,pensait Jaffeux. « Non. Il ne regarde pas de mon côté. Je suisbien caché, heureusement. Mais quand ce garçon me l’amènera, commeil dit ?… Ah ! cette fois, je ne le laisserai paspartir… »

Il considérait, en méditant ainsi, les deuxissues, dont l’une donnait sur le dancing, l’autre sur le vestibulede l’hôtel. Et voici que l’orchestre se taisait, et que le danseurtraversait toute la salle, pour arriver dans le petit salon. Ils’arrêta sur le seuil, en reconnaissant Jaffeux qui, s’avançant,lui mit la main sur l’épaule :

– « Reste, Pierre-Stéphane »,lui disait-il, en le tutoyant comme autrefois. « Je ne tegarderai pas longtemps, mais il faut que je t’aie parlé. Il lefaut. »

Fut-ce l’autorité d’affirmation qu’il avaitmise dans ce mot, répété ainsi ? Ou bien le jeune hommeavait-il désiré lui-même, tous ces jours derniers, cetteexplication, sans oser la provoquer ?

– « Je vous écoute, monsieur »,dit-il simplement.

– « Pas d’équivoque entrenous », reprit Jaffeux. : « tu te rappelles que jene les aime pas. J’ai à te dire d’abord que suis au courant de tesrapports avec Gilbert Favy, de tous, tu m’entends. Il t’a manquégravement, d’abord en te renvoyant brutalement les mille etquelques francs que tu lui avais prêtés, ensuite, en levant sacanne sur toi, tout à l’heure. Suis-je renseigné ? Il voulaitvenir ici te faire des excuses. Je l’en ai empêché. Votre colère, àtous deux, est trop récente. C’est moi qui te les apporte, sesexcuses, et qui te demande de les accepter… »

– « Je ne lui en ai pas voulu,monsieur Jaffeux », dit Pierre-Stéphane, en haussant lesépaules. « On n’en veut pas à un enfant qui ne sait pas cequ’il fait, et qui, d’ailleurs vous est indifférent. »

– « Indifférent ? » repritl’avocat. « À quels sentiments as-tu obéi alors, en l’aidantde ta bourse, pour régler sa dette de jeu, en essayant de l’arrêtersur une pente fatale, par cette parole d’honneur que tu lui asdemandée, puis, en te chargeant de restituer un bijou qu’il avaitvolé, enfin en prenant ce vol à ton compte, – je sais cela aussi, –quand tu t’es accusé à sa place chez le commissaire, et auprès desa sœur ?… Est-ce de retrouver ta propre aventure vécue devanttoi, par ce garçon, à l’âge même que tu avais alors et dans descirconstances si pareilles, qui t’a ému ? Ou bien… » – Ilhésita une minute « – Ou bien as-tu agi de la sorte par amourpour cette sœur, d’abord en secourant son frère, puis en luicachant, à elle, la faute de ce frère ? S’il en était ainsi,confie-toi à moi, Pierre-Stéphane. J’ai été très dur pour toi,jadis, et je me le suis souvent reproché. Oui, bien souvent je mesuis demandé : « Que fait-il ? Où vit-il « etcomment ? » Je ne te cacherai pas que, te retrouvantdanseur dans un Palace, puis apprenant la disparition dubijou et les soupçons de l’hôtelier, j’ai cru que c’était toi, lecoupable. Je le croyais toujours, ce matin même et cet après-midi.Ce que je viens d’apprendre, et par la confession de Gilbert Favylui-même, a changé mes idées. C’est le motif encore pour lequel jesuis ici, pour t’aider à refaire ta vie. Je te répète : j’aieu trop souvent des remords à la pensée que je te l’avais peut-êtregâtée… »

– « Ne vous faites pas de reproches,monsieur Jaffeux », interrompit Pierre-Stéphane. « C’estvrai que vous avez été très dur pour moi. Je vous en ai voulu, surle moment, à cause de ce qui a suivi. Plus tard, j’ai compris, envivant, que vous aviez eu raison. Et je vous ai été reconnaissant.Vous avez réveillé en moi le sursaut de l’honneur, et pourtoujours, en me faisant sentir l’énormité de la mauvaise action quej’avais commise. J’ai tant désiré vous rencontrer un jour, pourvous le dire, et puis, quand je vous ai vu, auprès des dames Favy,au Mèdes-Palace, j’ai eu peur. La honte m’a pris, comme sij’étais encore dans votre cabinet, à vous entendre prononcer laterrible phrase « Il manque ici…, » en montrant votrebibliothèque. J’avais tant besoin, moi, de retrouver un peu devotre estime !… Et je dois de la reconnaissance aussi àGilbert Favy, puisque vous me la rendez, cette estime, sur sontémoignage… Quant à la raison pour laquelle je me suis occupé delui, c’est en effet la ressemblance entre nos deux aventures, maisje n’ai pas eu à son égard cette pitié que vous croyez. Encore unefois, cet étourdi m’est indifférent. J’ai pensé à sa mère à causede la mienne. »

– « Tu as tremblé qu’ayant la mêmemaladie ?… »

– « Elle ne reçût le même coup. Oui.Voilà pourquoi je lui ai avancé cet argent, pourquoi je me suischargé de la restitution du bijou, pourquoi j’ai dit au commissaireque c’était moi, le voleur. Il parlait d’une enquête, si je nenommais pas la personne de qui je tenais cette barrette volée. Jeme suis nommé, moi, par terreur que cette enquête n’aboutît àdécouvrir le vrai coupable, et qu’alors Mme Favy…Qu’est-ce que ça me faisait, à moi le déclassé, d’être maljugé ? Je vous répète je ne pensais qu’à maman. J’avais pitiéd’elle, à travers cette mère. Vous trouverez cela bien étrange,sans doute. C’est ainsi… »

– « Mais quandMlle Renée t’a interrogé, tu n’avais plus d’enquêteà craindre. Tu savais bien qu’elle ne dénoncerait pas le fils à lamère, et tu t’es accusé de nouveau. Si tu ne l’aimes pas et si tun’as pas voulu lui épargner le chagrin d’apprendre la défaillancede son frère, je ne comprends plus… »

– « C’est pourtant trèssimple, » dit le jeune homme. « C’est vrai qu’elle m’abeaucoup intéressé tout cet hiver. Je la trouvais, je la trouvetoujours délicieuse de sensibilité fine, de grâce naïve, et sivibrante ! Alors j’ai été plus empressé auprès d’elle qu’iln’était raisonnable, je m’en rends compte aujourd’hui. Je voyaisbien que je lui plaisais, et j’avoue qu’il me plaisait de luiplaire. Vous savez, c’est un des charmes de notre métier que cesdemi-intimités, ces sympathies sans lendemain, qui vous laissentensuite comme le parfum d’un tendre souvenir. Mais, quand j’ai vuMlle Favy venir à moi, au moment où je quittaisPrandoni, mon compte réglé, pour gagner mon taxi chargé de mesmalles, j’ai compris, rien qu’à la regarder, que j’avais été trèsimprudent. Ne me prenez pas pour un fat, monsieur Jaffeux. Je n’ensuis pas un. Je sais trop ce que c’est qu’un caprice. J’en airessenti quelques-uns. J’en ai inspiré plusieurs. Ce que j’avaisdevant moi, c’était la passion, c’était l’amour, et quand elle m’ainterpellé, elle si modeste, avec cette voix, avec des larmes aubord des paupières, avec le tremblement de tout son être, je mesuis dit : « Qu’ai-je fait ? » Ce sursaut del’honneur, dont je vous parlais, je l’ai ressenti, là, devant cetteenfant, et si fort ! Je n’avais pas eu le droit de troubler cecœur, puisque moi, je ne l’aimais pas vraiment, que je n’avais eupour elle qu’un joli caprice amusé. Dans un éclair, j’aperçus mondevoir : mettre entre elle et moi l’irréparable. J’en avaisl’occasion. Je n’avais qu’à lui faire la même réponse qu’aucommissaire. J’en ai eu le courage… Il m’en a fallu, je vous jure.Elle souffre à cette minute, la pauvre petite, j’en suis sûr, maisle mépris tuera cet amour, qui n’est qu’un commencement, et dumoins, je n’aurai pas gâté sa vie. Vous avez là le symbole,monsieur Jaffeux, de ce qui a été ma règle constante, depuis quej’ai pris mon excentrique métier. Je vous répète : ne jamais,jamais manquer à l’honneur. S’il est excentrique, ce métier, c’enest un tout de même, et qui m’assure une indépendance honorable,par le travail. Il n’est pas de ceux que le monde accepte. Ça m’estégal, pourvu qu’en l’exerçant, moi, je reste propre à mes yeux. Àma pauvre mère mourante, j’avais juré que je redeviendrais unhonnête homme. Il y a une honnêteté de l’argent. Je n’y ai plusjamais, jamais manqué. Il y en a une du cœur. Je l’ai eue vis-à-visde cette jeune fille. Me comprenez-vous maintenant ?

– « Oui, » dit Jaffeux,« et aussi que tu ne peux pas continuer, avec ce que tu asdans l’esprit et dans le cœur, à mener cette absurde existence. Oùte conduira-t-elle ? Que penseraient de toi ceux qui ont connuet vénéré le bâtonnier Beurtin, s’ils savaient que son petit-fils apour profession de faire sauter les vieilles toquées dans leshôtels de saison, et, comme j’ai lu quelque part, « d’animerla piste ? » Tu n’as pas trente ans, Pierre-Stéphane, tupeux reprendre tes études de droit. Moi, je ne plaide plus autant,mais je donne des consultations, beaucoup, j’ai une correspondance,j’écris des articles dans des journaux spéciaux, j’ai besoin desecrétaires. Je t’offre de te reprendre comme tel. Tu prépares talicence et ton doctorat. Tu t’inscris au barreau. Qui donc irachercher Neyrial sous la toge de maître Pierre-StéphaneBeurtin ?… Et alors, écoute-moi bien. Si j’ai demandé àGilbert Favy de dire la vérité à sa sœur et que celle-ci ait gardépour toi le sentiment que tu as deviné, – et elle le gardera, c’estune âme profonde, – alors j’irai trouver le colonel Favy. Son filst’en a parlé comme d’un homme tout d’une pièce. Je sais, moi,combien il est sensible, sous sa dure écorce. Je lui apprends quitu es, ce que tu as fait, ton caractère, la passion de sa fille. Jela lui demande pour toi. Il te la donne. Est-ce un beau rêve ?Il ne dépend que de toi qu’il devienne une réalité. Qu’endis-tu ?… »

Le jeune homme se taisait. Il était devenutrès rouge, et Jaffeux le vit tout d’un coup porter la main à sonvisage, et ses doigts appuyés sur l’angle interne de ses yeux,écrasaient deux larmes.

– « Mais la voilà, taréponse, » dit le vieillard. « Ce n’est pas vrai que tun’aies pour Renée Favy qu’un caprice amusé. La vérité, c’est que tune t’es pas permis de l’aimer, et que tu l’aimes… Allons, soiscourageux, car c’est l’être que d’oser espérer. Accepte monoffre… » – et comme Pierre-Stéphane demeurait toujourssilencieux : – « Tu hésites ? Eh bien !réfléchis. Je reste à Hyères. Dans quarante-huit heures jereviendrai à l’Eden. Je n’apprendrai la vérité à RenéeFavy qu’une fois ta résolution prise, qui, j’en suis sûr, seracelle que je désire. »

– « Peut-être, » ditPierre-Stéphane.

– « Certainement, » insistaJaffeux. « Mais va, on te réclame, et n’aie pas l’air d’avoirpleuré. »

– « En effet, » dit le pseudoNeyrial en hochant la tête ironiquement. « Je suis un danseurmondain, et si un danseur mondain n’a pas le sourire, quil’aura ?… Adieu, patron, » – et il serra longuement lamain a Jaffeux, en l’appelant du nom qu’il lui donnait jadis. Puis,gravement : « – « Merci. Vous êtes bien celui dontmaman me parlait avec tant de respect : une âmed’apôtre ! »

– « D’ami, tout simplement, ami deton grand-père, ami de ta maman, ami de toi. Après-demain, donc, àla même heure. »

– « C’est convenu, » dit ledanseur ; et, d’un geste filial, il porta les doigts de soninterlocuteur à ses lèvres, puis s’élança hors du réduit où ilsvenaient d’avoir à mi-voix, entre deux tables encombrées dechapeaux et de pardessus, un dialogue si chargé pour tous deuxd’émotions intenses. Il était déjà dans la salle, et s’inclinaitdevant une jeune femme, abordée au hasard. Jaffeux regardalonguement ce couple glisser parmi les autres, balancé au rythme dela musique. Pierre-Stéphane était redevenu Le Neyrial desfox-trott et des shimmy, par ses pieds quisuivaient si exactement la mesure, par la grâce élégante de sasouple allure et de ses gestes ; mais son masque ne traduisaitplus ce plaisir animal du mouvement, comme le premier soir, authé-dansant du Mèdes-Palace. Une expression nouvelle yrévélait un trouble intérieur, dont Jaffeux ressentit en lui-mêmele contre-coup.

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