LE MALADE IMAGINAIRE – MOLIÈRE > SECOND INTERMÈDE
Second intermède
Le frère du…
Le frère du Malade imaginaire lui amène, pour le divertir, plusieurs Egyptiens et Egyptiennes, vêtus en Mores, qui font des danses entremêlées de chansons.
Première femme More
Profitez du printemps
De vos beaux ans,
Aimable jeunesse ;
Profitez du printemps
De vos beaux ans,
Donnez-vous à la tendresse.
Les plaisirs les plus charmants,
Sans l’amoureuse flamme,
Pour contenter une âme
N’ont points d’attraits assez puissants.
Profitez du printemps
De vos beaux ans,
Aimable jeunesse ;
Profitez du printemps
De vos beaux ans,
Donnez-vous à la tendresse.
Ne perdez point ces précieux moments :
La beauté passe,
Le temps l’efface,
L’âge de glace
Vient à sa place,
Qui nous ôte le goût de ces doux passe-temps. Profitez du printemps
De vos beaux ans
Aimable jeunesse ;
Profitez du printemps
De vos beaux ans.
Donnez-vous à la tendresse.
Seconde femme More
Quand d’aimer on nous presse
A quoi songez-vous ?
Nos coeurs, dans la jeunesse,
N’ont vers la tendresse
Qu’un penchant trop doux ;
L’amour a pour nous prendre
De si doux attraits,
Que de soi, sans attendre,
On voudroit se rendre
A ses premiers traits :
Mais tout ce qu’on écoute
Des vives douleurs
Et des pleurs
Qu’il nous coûte
Fait qu’on en redoute
Toutes les douceurs.
Troisième femme More
Il est doux, à notre âge,
D’aimer tendrement
Un amant
Qui s’engage : Mais s’il est volage,
Hélas ! quel tourment !
Quatrième femme More
L’amant qui se dégage
N’est pas le malheur :
La douleur
Et la rage,
C’est que le volage
Garde notre coeur.
Seconde femme More
Quel parti faut-il prendre
Pour nos jeunes coeurs ?
Quatrième femme More
Devons-nous nous y rendre
Malgré ses rigueurs ?
Ensemble
Oui, suivons ses ardeurs,
Ses transports, ses caprices,
Ses douces langueurs ;
S’il a quelques supplices,
Il a cent délices
Qui charment les coeurs.
Entrée de ballet
Tous les Mores dansent ensemble et font sauter des singes qu’ils ont amenés avec eux.
LE MALADE IMAGINAIRE – MOLIÈRE > ACTE III
Acte III
Scène I
Béralde, Argan, Toinette
Béralde
Hé bien ! mon frère, qu’en dites-vous ? cela ne vaut-il pas bien une prise de casse ?
Toinette
Hon, de bonne casse est bonne.
Béralde
Oh çà ! voulez-vous que nous parlions un peu ensemble ?
Argan
Un peu de patience, mon frère, je vais revenir.
Toinette
Tenez, Monsieur, vous ne songez pas que vous ne sauriez marcher sans bâton.
Argan
Tu as raison.
Scène II
Béralde, Toinette
Toinette
N’abandonnez pas, s’il vous plaît, les intérêts de votre nièce.
Béralde
J’emploierai toutes choses pour lui obtenir ce qu’elle souhaite.
Toinette
Il faut absolument empêcher ce mariage extravagant qu’il s’est mis dans la fantaisie, et j’avois songé en moi-même que ç’auroit été une bonne affaire de pouvoir introduire ici un médecin à notre poste, pour le dégoûter de son Monsieur Purgon, et lui décrier sa conduite. Mais, comme nous n’avons personne en main pour cela, j’ai résolu de jouer un tour de ma tête.
Béralde
Comment ?
Toinette
C’est une imagination burlesque. Cela sera peut-être plus heureux que sage. Laissez-moi faire : agissez de votre côté. Voici notre homme.
Scène III
Argan, Béralde
Béralde
Vous voulez bien, mon frère, que je vous demande, avant toute chose, de ne vous point échauffer l’esprit dans notre conversation.
Argan
Voilà qui est fait.
Béralde
De répondre sans nulle aigreur aux choses que je pourrai vous dire.
Argan
Oui.
Béralde
Et de raisonner ensemble, sur les affaires dont nous avons à parler, avec un esprit détaché de toute passion.
Argan
Mon Dieu ! oui. Voilà bien du préambule.
Béralde
D’où vient, mon frère, qu’ayant le bien que vous avez, et n’ayant d’enfants qu’une fille, car je ne compte pas la petite, d’où vient, dis-je, que vous parlez de la mettre dans un couvent ?
Argan
D’où vient, mon frère, que je suis maître dans ma famille pour faire ce que bon me semble ?
Béralde
Votre femme ne manque pas de vous conseiller de vous défaire ainsi de vos deux filles, et je ne doute point que, par un esprit de charité, elle ne fût ravie de les voir toutes deux bonnes religieuses.
Argan
Oh çà ! nous y voici. Voilà d’abord la pauvre femme en jeu : c’est elle qui fait tout le mal, et tout le monde lui en veut.
Béralde
Non, mon frère ; laissons-la là ; c’est une femme qui a les meilleures intentions du monde pour votre famille, et qui est détachée de toute sorte d’intérêt, qui a pour vous une tendresse merveilleuse, et qui montre pour vos enfants une affection et une bonté qui n’est pas concevable : cela est certain. N’en parlons point, et revenons à votre fille. Sur quelle pensée, mon frère, la voulez-vous donner en mariage au fils d’un médecin ?
Argan
Sur la pensée, mon frère, de me donner un gendre tel qu’il me faut.
Béralde
Ce n’est point là, mon frère, le fait de votre fille, et il se présente un parti plus sortable pour elle.
Argan
Oui, mais celui-ci, mon frère ; est plus sortable pour moi.
Béralde
Mais le mari qu’elle doit prendre doit-il être, mon frère, ou pour elle, ou pour vous ?
Argan
Il doit être, mon frère, et pour elle, et pour moi, et je veux mettre dans ma famille les gens dont j’ai besoin.
Béralde
Par cette raison-là, si votre petite étoit grande, vous lui donneriez en mariage un apothicaire ?
Argan
Pourquoi non ?
Béralde
Est-il possible que vous serez toujours embéguiné de vos apothicaires et de vos médecins, et que vous vouliez être malade en dépit des gens et de la nature ?
Argan
Comment l’entendez-vous, mon frère ?
Béralde
J’entends, mon frère, que je ne vois point d’homme qui soit moins malade que vous, et que je ne demanderois point une meilleure constitution que la vôtre. Une grande marque que vous vous portez bien, et que vous avez un corps parfaitement bien composé, c’est qu’avec tous les soins que vous avez pris, vous n’avez pu parvenir encore à gâter la bonté de votre tempérament, et que vous n’êtes point crevé de toutes les médecines qu’on vous a fait prendre.
Argan
Mais savez-vous, mon frère, que c’est cela qui me conserve, et que Monsieur Purgon dit que je succomberois, s’il étoit seulement trois jours sans prendre soin de moi ?
Béralde
Si vous n’y prenez garde, il prendra tant de soin de vous, qu’il vous envoiera en l’autre monde.
Argan
Mais raisonnons un peu, mon frère. Vous ne croyez donc point à la médecine ?
Béralde
Non, mon frère, et je ne vois pas que, pour son salut, il soit nécessaire d’y croire.
Argan
Quoi ? vous ne tenez pas véritable une chose établie par tout le monde, et que tous les siècles ont révérée ?
Béralde
Bien loin de la tenir véritable, je la trouve, entre nous, une des plus grandes folies qui soit parmi les hommes ; et à regarder les choses en philosophe, je ne vois point de plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule qu’un homme qui se veut mêler d’en guérir un autre.
Argan
Pourquoi ne voulez-vous pas, mon frère, qu’un homme en puisse guérir un autre ?
Béralde
Par la raison, mon frère, que les ressorts de notre machine sont des mystères, jusques ici, où les hommes ne voient goutte, et que la nature nous a mis au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connoître quelque chose.
Argan
Les médecins ne savent donc rien, à votre compte ?
Béralde
Si fait, mon frère. Ils savent la plupart de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ; mais, pour ce qui est de les guérir, c’est ce qu’ils ne savent point du tout.
Argan
Mais toujours faut-il demeurer d’accord que, sur cette matière, les médecins en savent plus que les autres.
Béralde
Ils savent, mon frère, ce que je vous ai dit, qui ne guérit pas de grand’chose ; et toute l’excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets.
Argan
Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages et aussi habiles que vous ; et nous voyons que, dans la maladie, tout le monde a recours aux médecins.
Béralde
C’est une marque de la foiblesse humaine, et non pas de la vérité de leur art.
Argan
Mais il faut bien que les médecins croient leur art véritable, puisqu’ils s’en servent pour eux-mêmes.
Béralde
C’est qu’il y en a parmi eux qui sont eux-mêmes dans l’erreur populaire, dont ils profitent, et d’autres qui en profitent sans y être. Votre Monsieur Purgon, par exemple, n’y sait point de finesse : c’est un homme tout médecin, depuis la tête jusqu’aux pieds ; un homme qui croit à ses règles plus qu’à toutes les démonstrations des mathématiques, et qui croiroit du crime à les vouloir examiner ; qui ne voit rien d’obscur dans la médecine, rien de douteux, rien de difficile, et qui, avec une impétuosité de prévention, une roideur de confiance, une brutalité de sens commun et de raison, donne au travers des purgations et des saignées, et ne balance aucune chose. Il ne lui faut point vouloir mal de tout ce qu’il pourra vous faire : c’est de la meilleure foi du monde qu’il vous expédiera, et il ne fera, en vous tuant, que ce qu’il a fait à sa femme et ses enfants, et ce qu’en un besoin il feroit à lui-même.
Argan
C’est que vous avez, mon frère, une dent de lait contre lui. Mais enfin venons au fait. Que faire donc quand on est malade ?
Béralde
Rien, mon frère.
Argan
Rien ?
Béralde
Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature, d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.
Argan
Mais il faut demeurer d’accord, mon frère, qu’on peut aider cette nature par de certaines choses.
Béralde
Mon Dieu ! mon frère, ce sont pures idées, dont nous aimons à nous repaître ; et, de tout temps, il s’est glissé parmi les hommes de belles imaginations, que nous venons à croire, parce qu’elles nous flattent et qu’il seroit à souhaiter qu’elles fussent véritables. Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le coeur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années : il vous dit justement le roman de la médecine. Mais quand vous en venez à la vérité et à l’expérience, vous ne trouvez rien de tout cela, et il en est comme de ces beaux songes qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus.
Argan
C’est-à-dire que toute la science du monde est renfermée dans votre tête, et vous voulez en savoir plus que tous les grands médecins de notre siècle.
Béralde
Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands médecins. Entendez-les parler : les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire : les plus ignorants de tous les hommes.
Argan
Hoy ! Vous êtes un grand docteur, à ce que je vois, et je voudrois bien qu’il y eut ici quelqu’un de ces Messieurs pour rembarrer vos raisonnements et rabaisser votre caquet.
Béralde
Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine ; et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît. Ce que j’en dis n’est qu’entre nous, et j’aurois souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes, et, pour vous divertir, vous mener voir sur ce chapitre quelqu’une des comédies de Molière.
Argan
C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins.
Béralde
Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.
Argan
C’est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au corps des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces Messieurs-là.
Béralde
Que voulez-vous qu’il y mette que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d’aussi bonne maison que les médecins.
Argan
Par la mort non de diable ! si j’étois que des médecins, je me vengerois de son impertinence ; et quand il sera malade, je le laisserois mourir sans secours. Il auroit beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerois pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement, et je lui dirois : « Crève, crève ! cela t’apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté. »
Béralde
Vous voilà bien en colère contre lui.
Argan
Oui, c’est un malavisé, et si les médecins sont sages, ils feront ce que je dis.
Béralde
Il sera encore plus sage que vos médecins, car il ne leur demandera point de secours.
Argan
Tant pis pour lui s’il n’a point recours aux remèdes.
Béralde
Il a ses raisons pour n’en point vouloir, et il soutient que cela n’est permis qu’aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste pour porter les remèdes avec la maladie ; mais que, pour lui, il n’a justement de la force que pour porter son mal.
Argan
Les sottes raisons que voilà ! Tenez, mon frère, ne parlons point de cet homme-là davantage, car cela m’échauffe la bile, et vous me donneriez mon mal.
Béralde
Je le veux bien, mon frère ; et, pour changer de discours, je vous dirai que, sur une petite répugnance que vous témoigne votre fille, vous ne devez point prendre les résolutions violentes de la mettre dans un couvent ; que, pour le choix d’un gendre, il ne vous faut pas suivre aveuglément la passion qui vous emporte, et qu’on doit, sur cette matière, s’accommoder un peu à l’inclination d’une fille, puisque c’est pour toute la vie, et que de là dépend tout le bonheur d’un mariage.
Scène IV
Monsieur Fleurant, une seringue à la main ; Argan, Béralde
Argan
Ah ! mon frère, avec votre permission.
Béralde
Comment ? que voulez-vous faire ?
Argan
Prendre ce petit lavement-là ; ce sera bientôt fait.
Béralde
Vous vous moquez. Est-ce que vous ne sauriez être un moment sans lavement ou sans médecine ? Remettez cela à une autre fois, et demeurez un peu en repos.
Argan
Monsieur Fleurant, à ce soir, ou à demain au matin.
Monsieur Fleurant, à Béralde.
De quoi vous mêlez-vous de vous opposer aux ordonnances de la médecine, et d’empêcher Monsieur de prendre mon clystère ? Vous êtes bien plaisant d’avoir cette hardiesse-là !
Béralde
Allez, Monsieur, on voit bien que vous n’avez pas accoutumé de parler à des visages.
Monsieur Fleurant
On ne doit point ainsi se jouer des remèdes, et me faire perdre mon temps. Je ne suis venu ici que sur une bonne ordonnance, et je vais dire à Monsieur Purgon comme on m’a empêché d’exécuter ses ordres et de faire ma fonction. Vous verrez, vous verrez…
Argan
Mon frère, vous serez cause ici de quelque malheur.
Béralde
Le grand malheur de ne pas prendre un lavement que Monsieur Purgon a ordonné. Encore un coup, mon frère, est-il possible qu’il n’y ait pas moyen de vous guérir de la maladie des médecins, et que vous vouliez être, toute votre vie, enseveli dans leurs remèdes ?
Argan
Mon Dieu ! mon frère, vous en parlez comme un homme qui se porte bien ; mais, si vous étiez à ma place, vous changeriez bien de langage. Il est aisé de parler contre la médecine quand on est en pleine santé.
Béralde
Mais quel mal avez-vous ?
Argan
Vous me feriez enrager. Je voudrois que vous l’eussiez mon mal, pour voir si vous jaseriez tant. Ah ! voici Monsieur Purgon.
Scène V
Monsieur Purgon, Argan, Béralde, Toinette
Monsieur Purgon
Je viens d’apprendre là-bas, à la porte, de jolies nouvelles : qu’on se moque ici de mes ordonnances, et qu’on a fait refus de prendre le remède que j’avois prescrit.
Argan
Monsieur, ce n’est pas…
Monsieur Purgon
Voilà une hardiesse bien grande, une étrange rébellion d’un malade contre son médecin.
Toinette
Cela est épouvantable.
Monsieur Purgon
Un clystère que j’avois pris plaisir à composer moi-même.
Argan
Ce n’est pas moi…
Monsieur Purgon
Inventé et formé dans toutes les règles de l’art.
Toinette
Il a tort.
Monsieur Purgon
Et qui devoit faire dans des entrailles un effet merveilleux
Argan
Mon frère ?
Monsieur Purgon
Le renvoyer avec mépris !
Argan
C’est lui…
Monsieur Purgon
C’est une action exorbitante.
Toinette
Cela est vrai.
Monsieur Purgon
Un attentat énorme contre la médecine.
Argan
Il est cause…
Monsieur Purgon
Un crime de lèse-Faculté, qui ne se peut assez punir.
Toinette
Vous avez raison.
Monsieur Purgon
Je vous déclare que je romps commerce avec vous.
Argan
C’est mon frère…
Monsieur Purgon
Que je ne veux plus d’alliance avec vous.
Toinette
Vous ferez bien.
Monsieur Purgon
Et que, pour finir toute liaison avec vous, voilà la donation que je faisois à mon neveu, en faveur du mariage.
Argan
C’est mon frère qui a fait tout le mal.
Monsieur Purgon
Mépriser mon clystère !
Argan
Faites-le venir, je m’en vais le prendre.
Monsieur Purgon
Je vous aurois tiré d’affaire avant qu’il fût peu.
Toinette
Il ne le mérite pas.
Monsieur Purgon
J’allois nettoyer votre corps et en évacuer entièrement les mauvaises humeurs.
Argan
Ah, mon frère !
Monsieur Purgon
Et je ne voulois plus qu’une douzaine de médecines, pour vuider le fond du sac.
Toinette
Il est indigne de vos soins.
Monsieur Purgon
Mais puisque vous n’avez pas voulu guérir par mes mains.
Argan
Ce n’est pas ma faute.
Monsieur Purgon
Puisque vous vous êtes soustrait de l’obéissance que l’on doit à son médecin.
Toinette
Cela crie vengeance.
Monsieur Purgon
Puisque vous vous êtes déclaré rebelle aux remèdes que je vous ordonnois…
Argan
Hé ! point du tout.
Monsieur Purgon
J’ai à vous dire que je vous abandonne à votre mauvaise constitution, à l’intempérie de vos entrailles, à la corruption de votre sang, à l’âcreté de votre bile et à la féculence de vos humeurs.
Toinette
C’est fort bien fait.
Argan
Mon Dieu !
Monsieur Purgon
Et je veux qu’avant qu’il soit quatre jours vous deveniez dans un état incurable.