L’Épouvante

Chapitre 3La dernière matinée d’Onésime Coche, reporter

 

Pendant plus de cinq minutes, le secrétaire dela rédaction du Monde cria, trépigna, jura.

– Allô ! Allô ! Bon Dieu !Répondez !… Les brutes ! Ils nous ont coupés !Allô ! Allô !

Il raccrocha le récepteur et se mit à sonneravec rage.

– Allô Monsieur ! Vous nous avezcoupés !

– Pas du tout. On a dû replacer lerécepteur.

– Alors, il y a erreur. Rappelez, je vous enprie…

Au bout d’un instant, une voix qui n’étaitplus celle de tout à l’heure, demanda :

– Allô. Vous demandez ?

– C’est bien d’ici qu’on vient detéléphoner ?

– On a en effet téléphoné il y a quelquesminutes, mais je ne sais pas si c’est à vous…

– Voulez-vous avoir l’obligeance de me direavec qui je cause ?

– Avec le café Paul, place du Trocadéro.

– C’est bien cela. Dites à la personne quiparlait que j’ai un mot à ajouter.

– Impossible, Monsieur, cette personne vientde partir.

– Envoyez un garçon… Courez… je vous enprie…

– Pas moyen, Monsieur, nous fermons, et cemonsieur doit être loin, maintenant.

– Pourriez-vous me dire comment était cemonsieur ?… Le connaissez-vous ?… Est-ce un habitué devotre café ?…

– Non, je le voyais pour la première fois…Pour ce qui est de vous le dépeindre, c’est un monsieur d’unetrentaine d’années, brun, avec de petites moustaches… Je crois bienqu’il était en habit de soirée… Mais je n’y ai pas fait trèsattention.

– Merci, pardon de vous avoir dérangé…

– Il n’y a pas de quoi. Bonsoir, Monsieur.

– Bonsoir…

Le secrétaire de la rédaction demeuraperplexe. Devait-il publier la nouvelle qu’on lui avait donnée, ouvalait-il mieux attendre au lendemain ? Si l’information étaitexacte, il serait désolant d’en laisser profiter un autre journal.Mais si elle était fausse ?… Il fallait prendre sur la secondeune grande résolution.

Ayant bien réfléchi il esquissa un gestevague, supprima quelques lignes qui donnaient le texte desdernières injures déversées par les partis d’opposition à la Diètecroate, et les remplaça par les suivantes :

« HORRIBLE TRAGÉDIE »

« Nous apprenons qu’un crime vient d’êtredécouvert au numéro 29, du boulevard Lannes, dans une maisonhabitée par un vieillard. La victime a été littéralement égorgéepar les meurtriers. Un de nos collaborateurs se rend sur leslieux. »

« Information de dernière heure soustoutes réserves. »

Quelques instants plus tard, les machinesroulaient à toute vitesse, et à trois heures du matin, trois centmille exemplaires partaient pour les diverses gares, emportant lanouvelle du « Crime du boulevard Lannes ». Àcinq heures moins le quart, la moitié de l’édition de Paris étaitfaite. À ce moment le secrétaire de la rédaction qui n’avait pasquitté le journal regarda sa montre, fit appeler ungarçon :

– Allez chez M. Onésime Coche, rue de Douai,et dites-lui de venir me parler immédiatement, pour une affairetout à fait urgente.

« De cette façon, pensa-t-il, cetincorrigible Coche ne pourra pas colporter la nouvelle. Si elle esterronée, la mention sous toutes réserves me met à l’abride tout reproche, et si elle est vraie, aucun confrère n’enprofitera. Ah ! si Coche était sérieux, je l’aurais faitprévenir sur l’heure. Mais fiez-vous donc à un garçon qui de lameilleure foi du monde, et avec les plus louables intentions auraitmis tout Paris au courant de l’affaire ; à un être charmantmais irrégulier, sautillant, et qui trouve moyen de ne pas venir aujournal, juste cette nuit ! Il suffît qu’on ait besoin de luipour ne pas l’avoir sous la main. Enfin… »

Puis satisfait d’avoir habilement solutionnéla question, il alluma une pipe et se frotta les mains enmurmurant :

« Mon ami, tu es un secrétaire derédaction épatant. »

… Onésime Coche venait de s’endormir quand legarçon du Monde sonna à sa porte. Il s’éveilla en sursaut,prêta l’oreille, n’étant pas sur de n’avoir pas rêvé, mais ausecond coup de sonnette, il se mit sur son séant, etdemanda :

– Qui est là ?

– Jules, le garçon du Monde.

– Un moment, j’arrive.

Il alluma sa bougie, enfila son pantalon etouvrit la porte, d’assez mauvaise humeur :

– Qu’est-ce qu’il y a de cassé, qu’est-cequ’on me veut ?

– M. Avyot vous fait dire de venir tout desuite.

– Ah ! non ! mais il rigole, M.Avyot ! Il n’est pas cinq heures du matin !

– Pardon, Monsieur, il est 5 heures 20.

– 5 heures 20 ! C’est pas une heure pourfaire sortir les gens de leur lit. Vous lui direz que vous nem’avez pas trouvé… Bonsoir, Jules.

Et il le poussa vers la porte.

– Moi, je veux bien, fit le garçon. Seulement,je crois que c’est urgent tout de même, rapport à ça…

– Quoi ça ?

Jules sortit de sa poche un journal encorehumide, où l’encre trop fraîche s’étalait sous le doigt. Il ledéplia à la troisième page, et désigna, tout en bas de la dernièreheure, l’information ayant trait au crime du boulevard Lannes.Tandis que Coche parcourait les lignes, il ajouta :

– C’est venu par téléphone au moment où nousallions rouler. Si c’est pas une blague, le rigolo qui a fait ça agagné vingt-cinq francs dans sa nuit.

– Vingt-cinq francs ?…

– Vous pensez bien qu’il n’a pas téléphoné çaqu’à nous. Il a fait son boniment, à tous les journaux du matin, ettout à l’heure il passera à la caisse et se fera reconnaître pourpalper. Moi, je l’ai fait pour l’incendie du Bazar de la Charité.Je me trouvais devant… Seulement c’était pour les journaux du soiret il y en a juste deux qui paient…

– Parfaitement… Parfaitement, dit Coche en luirendant son journal. Vous êtes un malin, Jules !…

Mais il pensait :

– Imbécile !

Puis il ajouta :

– Oui, c’est probablement ça, dites à M. Avyotque je viens. Le temps de m’habiller…

Resté seul, Coche se mit à rire. N’était-ilpas drôle, en effet, qu’on vint lui annoncer, à lui, cettenouvelle ? Sur le premier moment, il avait éprouvé unesurprise réelle. Deux ou trois heures de sommeil lourd lui avaientfait oublier les émotions de la nuit. Il s’était demandé pendant uninstant pourquoi on l’appelait, et n’avait compris que lorsqueJules avait déplié le journal. Décidément les choses allaient pourle mieux. Il avait craint qu’un autre ne fût mis sur cette affaire,ce qui eût un peu paralysé son action. Maintenant, il allaitpouvoir jouer la partie à sa façon.

Tout en réfléchissant, il s’habillait. Commeil faisait froid dans la chambre sans feu, il prit une chemise deflanelle, des vêtements épais, et un gros pardessus d’automobile.Le chapeau sur la tête, il tâta ses poches, sentit ses clefs, sonportefeuille, son bloc-notes et son stylographe. Il n’oubliaitrien. En passant devant la loge du concierge, il demanda le cordon,et entendit une voix ensommeillée qui grognait derrière lavitre :

– Ça va bientôt finir cette nuit ?…

Un cocher maraudait. Il le héla, donnal’adresse du Monde, et de nouveau, se prit àréfléchir.

La seule attitude possible était, pour lejournal, celle de l’ignorance absolue. Un peu de mauvaise volontémême ne serait pas inutile. Une incrédulité à peine dissimulée nemessiérait point. De la sorte, il ôtait par avance tout soupçon, etlaissait au secrétaire de la rédaction l’orgueil d’avoir vu juste.Il connaissait trop bien les hommes en général, et les journalistesen particulier, pour négliger cette vérité que, pour arriver à sesfins, il faut leur laisser une part de succès dans touteentreprise : c’est un courtage comme un autre. Avyots’intéresserait d’autant plus à l’affaire qu’il pourrait dire àtout le monde :

– « J’ai eu du flair. Personne ne voulaitme suivre. Coche prétendait que je m’étais laissé mettre dedans.Mais j’ai tenu bon. Je sentais que ce n’était pas un canard ;on ne me la fait pas, je suis un vieux routier. »

La voiture s’était arrêtée. Il paya le cocheret monta rapidement à la rédaction. Le secrétaire l’attendaitmarchant de long en large dans son bureau. Dès qu’il l’aperçut, ils’écria :

– Vous voilà enfin ! On vous cherchedepuis une heure du matin. Je ne sais où vous passez vos nuits –cela vous regarde, d’ailleurs – mais franchement vous pourriez bienmonter au journal. On ne sait jamais où vous trouver…

– Chez moi, fit Coche le plus naturellement dumonde. J’ai dîné en ville, et à une heure du matin j’étais dans monlit. J’ai quitté le journal à sept heures et demi du soir, toutétait calme. Que s’est-il donc passé depuis qui ait nécessité maprésence ?

– Ceci : à deux heures du matin environ,j’ai été avisé qu’un crime venait d’être commis boulevardLannes.

– Fort bien, je saute en taxi-auto et je coursau commissariat de police du quartier.

Le secrétaire lui mit la main surl’épaule :

– Un moment ! On y serait fort en peinede vous donner le moindre renseignement, pour l’excellente raisonqu’on ignore ce dont il s’agit.

– Je ne saisis pas bien, fit Coche. On n’a pasconnaissance du crime au commissariat, et vous en êtes informé,vous ? Comment ?

– Voyez, fit Avyot en lui tendant lejournal.

Coche parcourut pour la seconde fois soninformation de dernière heure, et parut la lire avec la plus grandeattention.

– Diable, murmura-t-il, quand il eut fini.Voilà qui me semble louche. Êtes-vous bien sûr de n’avoir pas étémystifié ?

– Si j’en étais absolument sûr, répliqua lesecrétaire, je n’aurais pas mis la mention « sous toutesréserves… » Cependant – et son air devint mystérieux –j’ai de bonnes, d’excellentes raisons de croire.

– Serait-il indiscret de vous demander cesraisons ?…

– Indiscret ?… Non… Mais inutile, tout aumoins… Au demeurant la situation, assez simple, peut se résumer enquelques mots : Vérifier tout d’abord l’information. Ensuite,étant les premiers et les seuls à l’avoir, profiter de nosvingt-quatre heures d’avance sur les autres journaux pour poussernotre enquête parallèlement à celle de la police. Je pense que moncorrespondant ne s’en tiendra pas à sa communication de cette nuit,et que je le verrai sous peu, ne serait-ce que pour toucher quelqueargent…

– Croyez-vous ? fit Coche.

– Je le crois, affirma le secrétaire.

– Peuh ! murmura Coche.

– Mon cher, vous m’accorderez une certaineexpérience dans un métier que j’ai fait pendant vingtans ?…

– Âme naïve, songea Coche. Si tu leconnaissais, ce correspondant, comme tu serais étonné !Orgueilleux maladroit, tu n’avais pas le ton si tranchant cettenuit quand tu me suppliais… Non, il ne viendra pas frapper à lacaisse, ton informateur. Le louis que tu lui donnerais ne suffitpas à son ambition ; ton expérience est bien petite près de saruse. Et, tout haut, il ajouta :

– Certes… Il n’en est pas moins vrai que toutcela est bien bizarre, et que je me demande par quel bout il fautcommencer.

– C’est votre affaire. Assurez-vous d’abord dela véracité du fait, ensuite débrouillez-vous de façon à me donnerquatre cents lignes avec photographies pour ce soir. Si vous vousen tirez bien, je demanderai pour vous au patron une augmentationde cinquante francs par mois.

– Je vous suis tout à fait obligé, fit lereporter.

Et à part lui il pensa :

« Si je m’en tire bien, ce que moij’appelle bien m’en tirer, ce n’est pas de cinquante francs qu’ilsera question, mon bonhomme ! Le journal qui voudra OnésimeCoche y mettra le prix. Nous traiterons en grand, àl’américaine ! »

… Dehors le ciel se salissait de traînéespâles. Le jour prêt à venir mêlait ses reflets blancs à la lueur dela lampe. Les machines arrêtées, l’on n’entendait plus à la placede leur ronflement cadencé, que les murmures vagues, les bruitsmultiples et confus de la rue, coupés de temps en temps par l’appelsonore d’une trompe d’automobile. Un omnibus passa avec un grandfracas de roues et de vitres secouées. Onésime Coche se leva, pritun numéro du Monde, et le mit dans sa poche.

– Vous dites, boulevard Lannes,numéro ?…

– 29. Ne commencez pas à avoir la têteailleurs, ce n’est pas le moment.

– Oh ! protesta Coche, soyez tranquille.Il est sept heures, je me mets en campagne.

– Et moi, je vais me coucher. J’ai bien gagnéquelques heures de sommeil ; je travaillais, moi, pendant quevous dormiez…

Coche détourna la tête pour ne pas laisserdeviner le sourire qui plissait sa bouche, et la petite flamme quipassait dans ses yeux, puis sortit. Dans l’escalier, il croisa legarçon qui lui demanda :

– C’était bien pour ce que je vous aimontré ?

– Exactement.

Il prit une voiture et dit aucocher :

– Avenue Henri-Martin. Au coin du boulevardLannes.

Une espèce de pudeur, un scrupuleinexplicable, l’empêcha de donner l’adresse exacte. Sans s’enrendre compte, il agissait comme un coupable, n’osant pas fairearrêter sa voiture devant la maison. Quoi de plus naturelpourtant ? Il partait avec un mandat déterminé, au su et au vude tout le monde. Mais il s’imagina qu’à l’énoncé de cette adresse« 29, boulevard Lannes », le cocher le regarderait decôté. Sur les trottoirs, le long des devantures fermées, des genspassaient très vite. Il songea que cette nuit, qui s’en allaitainsi, laissant flotter autour de toutes choses une buée triste ettrès froide, était étrangement longue. Afin de mieux réfléchir, ilse cala dans un coin, ferma les yeux, et remua mille pensées,mêlant à ses projets, la vision de la chambre du crime, et celle ducafé où il avait pris sa résolution définitive. Le petit jour dontil gardait derrière ses paupières closes le reflet triste, évoquaitdans son esprit l’aube lugubre des matins d’exécution, et dans cechaos de pensées se chevauchant et se mêlant, passaient dans unva-et-vient monotone les faces des deux rôdeurs et de la femme, levisage exsangue de l’assassiné, et surtout la main sanglante auxdoigts énormes dont il avait lavé la trace sur le mur.

Il faisait grand jour quand la voitures’arrêta. Onésime Coche descendit le boulevard Lannes à pas lents.Une à une, les maisons s’éveillaient. Entre les volets brusquementouverts et qui tapaient les murs, des formes apparaissaient, desvisages encore lourds de sommeil. Sur la chaussée, très peu demonde. Une voiture d’épicier stationnait devant une porte. Ungarçon boucher, son panier sous le bras, marchait en sifflotant. Unfacteur sonnait à la grille d’un petit hôtel. Coche regarda lenuméro de la maison et lut 17. Le boulevard était si différent lejour de ce qu’il était la nuit, qu’il était arrivé tout près de lamaison du crime sans s’en apercevoir.

La journée s’annonçait froide, mais trèsbelle. Derrière de petits nuages le soleil montait doucement àl’horizon, et mettait sur le sol très blanc, le long des murschargés de lierre, sur les maisons aux toits pointus, une lumièrejeune de printemps. Il ne restait plus rien des ombres de la nuit,et, pendant une seconde, tant le contraste était violent entre lesdeux aspects de cette rue, Coche se demanda s’il n’avait pas rêvé,si tout cela n’était pas un cauchemar. Il était plus de huitheures. Depuis longtemps, bien des gens avaient acheté leMonde, et personne ne semblait soupçonner le drame. Ungendarme qui remontait vers l’avenue lisait précisément le journalà la page où figurait la nouvelle. Coche pensa : « Oubien j’ai rêvé toute cette histoire, ou bien il va voir, et alors,il s’arrêtera. »

Mais le gendarme passa son chemin.

– Voyons, voyons, murmura Coche, je ne suispas fou ; je ne divague pas. Ce qui existe dans ma pensée abien existé réellement. J’ai bien longé ce trottoir cettenuit ; je suis bien entré dans un jardin, j’ai bien vu unhomme égorgé sur son lit ; j’ai…

Il appuya sa main sur son front et ressentitprès de la tempe une douleur assez vive. Il regarda sa main :un peu de sang rougissait le bout de ses doigts.

Alors, ce qui semblait obscur et confus seprécisa. Il se souvint de la chute qu’il avait faite en entrant, dela blessure qu’il portait au front, et, comme il levait les yeux,il vit qu’il était arrivé devant le 29.

Tout était clos et silencieux. Dans le sablejaune, la trace de ses pas subsistait, plus nette encore sur lebord de la plate-bande, où son pied, foulant le gazon, avait effacéla gelée blanche, retombée depuis très légère sur la place où avaitposé sa semelle. Il n’avait pas songé à ce détail, s’en réjouit,comme d’une aide que lui aurait apportée le hasard, et se mit àfaire les cent pas devant la maison. Des gens allaient et venaientsur la route. Un ouvrier le regarda fixement, du moins il le crutainsi. Il était inutile de prolonger cette station qui risquaitd’attirer l’attention sur lui. Sait-on jamais comment un individuvous remarque, et, dans la suite vous reconnaît ?

N’était-il pas plus piquant d’aller, lui,simple journaliste, trouver le Commissaire de police, et de luimettre le journal sous les yeux ?

Dans le même moment, deux fiacres arrivèrentet s’arrêtèrent à quelques pas de lui. Il en vit descendreplusieurs hommes, parmi lesquels il reconnut le Commissaire depolice ; quatre agents cyclistes suivaient. Ils rangèrenttours machines le long du petit mur, exactement à la place oùquelques heures plus tôt il avait écarté le lierre pour lire lenuméro.

Le Commissaire hésita une seconde devant laporte, tira la sonnette, et attendit.

Alors Coche, qu’il regardait depuis uneseconde, s’avança, et dit avec son plus aimable sourire :

– Je ne pense pas qu’on vous ouvre, Monsieur.La maison est vide, ou tout au moins, vide de gens capablesd’entendre votre appel…

– Qui êtes-vous, Monsieur ? je ne vousdemande rien, veuillez me laisser, je vous prie.

– En effet, poursuivit Coche en s’inclinant,j’aurais dû me présenter moi-même tout d’abord. Veuillez excusercet oubli : Onésime Coche, du Monde. Voici ma carte,mon coupe-file…

– C’est différent, répliqua le Commissaire enlui rendant son salut, et je suis enchanté de vous rencontrer.Votre journal publie dans sa dernière heure une nouvelle qui m’agrandement surpris. Mais je crains qu’il ait accepté cetteinformation bien à la légère…

– Croyez-vous, Monsieur ? Nous nousentourons toujours de toutes les précautions nécessaires. Si leMonde a publié l’information dont il s’agit, cetteinformation doit être vraie. Nous tirons à huit cent mille, nous nesommes pas un journal à canards ou à scandales.

– Je sais. Pourtant, je me demande quelleenquête vous avez pu faire, étant donnée l’heure supposée de cecrime supposé, étant donné surtout que je n’en étais pas avertimoi-même.

– La presse dispose de moyens d’investigationsmultiples…

– Hem… Hem… murmura le Commissaire incrédule,et il sonna une seconde fois.

– Au demeurant, poursuivit Coche, netrouvez-vous pas surprenant que personne ne réponde ?

– Pas le moins du monde. Il peut n’y avoir làqu’une simple coïncidence. Si cet hôtel n’est pashabité ?…

– Oui… mais il est habité.

– Comment le savez-vous ?

– Vous me permettrez, Monsieur le Commissaire,de me retrancher ici derrière le secret professionnel. Je seraienchanté de vous aider dans vos recherches, mais ne m’en demandezpas plus que je ne puis vous en dire.

– Pour être à ce point précis dans vos propos,avez-vous donc des certitudes ?

– Quelque chose comme cela. Notre informateurétait certainement très bien renseigné.

– Son nom ?

– Voyous, Monsieur le Commissaire, vous medemandez de brûler un de mes hommes… Vous ne le feriez pas pourl’un des vôtres !…

Le Commissaire regarda Coche, droit dans lesyeux :

– Si cependant je vous obligeais àparler ?

– À moins de me mettre à la question – etencore – je ne vois pas par quel moyen vous pourriez me contraindreà dire ce que je veux taire. Mais, je tiens trop à rester en termesexcellents avec vous pour envenimer cet entretien, et je préfèrevous dire que j’ignore tout de mon correspondant : Son nom,son âge, son sexe. tout… tout… sauf l’accent de sincérité de savoix, la précision de son information, l’autorité de sa parole.

– Je vous le répète, Monsieur, dès l’instantque le Commissaire de police ignorait tout, seuls l’assassin ou savictime pouvaient parler. Or, la victime, d’après vous seraitmorte… Ce serait donc l’assassin qui…

– Vous ai-je dit que ce n’était pas là mapensée ?…

– De mieux en mieux. Voilà, sur ma foi,l’assassin le plus fantaisiste qu’on ait jamais connu. Au cours dema carrière déjà longue, j’ai rencontré des coupablesextraordinaires, mais pareils à celui-là, jamais. Ma foi, s’il estde vos amis, Monsieur Coche, montrez-le moi.

– C’est que, murmura Coche, avec son éternelsourire, il ne partage sans doute pas votre désir. Il nesignifie, du reste, pas pour moi le coupable, mais mon informateur.Si je savais d’une façon certaine que ce fût lui le meurtrier, monrespect des Lois me commanderait de ne rien vous cacher. Mais,j’inclinerais plutôt à croire que nous sommes en présence d’unpolicier amateur, d’une rare perspicacité, du reste ; un deces détectives qui travaillent pour le plaisir, pour la gloire…

À ce moment, un agent s’approcha duCommissaire :

– Il n’y a pas d’entrée de l’autre côté. Lamaison est adossée à un immeuble habité, et la seule porte estcelle où nous sommes.

– Alors, allons-y, fit le Commissaire. Leserrurier est là ?… D’ailleurs, ce n’est pas la peine, laporte s’ouvre toute seule.

– Voyez-vous un inconvénient a ce que je vousaccompagne demanda Coche ?

– Inconvénient n’est peut-être pas le mot.Vous comprendrez que je préfère, pour les premières constatations,s’il y a lieu d’en faire, être seul. Si légitime que soit le désirdu public d’être renseigné, celui de la justice de ne pas êtreentravée dans son action m’apparaît plus légitime encore.

Coche s’inclina.

– Au reste, poursuivit le Commissaire, je nepense pas, agissant ainsi, faire tort à votre journal. Votreinformateur si bien renseigné en sait sans doute aussi long quej’en saurai moi-même en quittant cette maison. Et si, d’aventure,j’estimais, dans l’intérêt de l’instruction, devoir vous tairequelques détails, il vous les fournirait aisément…

Coche se mordit les lèvres etsongea :

« Tu as tort de jouer l’ironie avec moi.Nous causerons de tout cela, plus tard. »

Une chose, entre toutes, lui étaitinsupportable : N’être pas pris au sérieux. Et, malgré qu’ilfût certain – et pour cause – d’avoir la seconde manche, ils’irrita d’entendre qu’on lui parlait sur un ton persifleur.

Il regarda le Commissaire, son secrétaire etun inspecteur entrer dans la maison, haussa les épaules, et restaen faction devant la porte, afin d’être bien sûr que si luin’entrait pas, du moins aucun confrère n’entrerait. Attirés par laprésence des agents, par les allées et venues insolites, des genss’étaient arrêtés. Des groupes se formaient où l’on se demandait cequi pouvait bien être arrivé. Un homme expliqua la chose à safaçon : c’était une affaire politique, une perquisition ;un autre, qui avait parcouru le Monde, rétablit lesfaits : Un meurtre avait été commis. Il donnait des détails,précisant l’heure, laissant entrevoir les causes ténébreuses de cedrame. Déjà, l’on reprochait à la police sa lenteur. Est-ce qu’aulieu d’immobiliser des agents devant la maison du crime, on neferait pas mieux de les lancer dans toutes les directions ? defouiller les bouges ? Du reste, quoi d’étonnant à ce qu’uncrime fût perpétré avec une pareille audace ? Jamais desergent de ville aux endroits dangereux ! Les rues, passéminuit ? Des coupe-gorges ; et pour ne pas être protégéson payait des impôts plus lourds chaque année. Les agents,impassibles, prêtaient une oreille distraite à ces discours. Coche,sur le premier moment, s’en était amusé. Bientôt il n’écouta plus.Une curiosité impatiente le tenaillait. Par la pensée, à traversles murs, il suivait le Commissaire ; il le devinait entrantdans le corridor, gravissant l’escalier, hésitant sur le palier dupremier étage entre deux ou trois portes – à moins pourtant que destraces de sang qu’il n’aurait pas vues dans la nuit ne luiindiquassent le chemin. Il eut même une seconde d’émotionvéritable : Si les assassins avaient marqué leur passage dansl’escalier, toute sa mise en scène devenait inutile. Mais, cettecrainte l’abandonna vite. S’il en avait été ainsi, le Commissaireserait déjà entré dans la chambre, on aurait entendu un bruit devoix. Non. Là-haut, dans l’obscurité des pièces aux rideaux tirés,on avançait à tâtons. La fenêtre du couloir donnant sur leboulevard était protégée par un store épais ; il l’avait tirélui-même afin de n’être pas dérangé cette nuit.

Par-dessus tout cela, il retrouvait en luil’odeur fade de cette chambre inondée de sang, le relent aigre desverres à demi remplis de vin rouge, il revoyait le grand trou noirde la glace crevée, et le corps effroyable aux yeux immenses,étendu en travers du lit.

Jamais il n’avait connu de minutes aussiviolentes, jamais il n’avait pensé aussi vite.

Il regardait les quatre fenêtres, et sedemandait :

– Laquelle est celle de la chambre àcoucher ? Laquelle s’ouvrira la première ?

Tout à coup, un remous se fit dans la fouleassez considérable maintenant, suivi d’un grand silence au milieuduquel on entendit des volets claquer sur le mur. Entre les deuxmontants de la fenêtre ouverte, une tête apparut, puis disparutderrière les vitres refermées.

Coche regarda sa montre. Il était neuf heureset trois minutes.

À cet instant précis, la justice savait unepartie de ce que lui savait depuis la nuit. Il avait exactementhuit heures d’avance sur elle. Il s’agissait de ne pas les perdre,mais, avant tout, il importait de connaître l’impression premièredu Commissaire.

Cette première impression – qui, généralement,est la mauvaise – influe considérablement, sur la marche del’instruction. Le mauvais policier part en aveugle sur la premièrepiste venue, cherchant surtout à « faire vite » ; levrai limier, lui, sans se départir jamais de son calme, avancelentement, certain que le temps n’est jamais perdu quand il a étéemployé d’une façon judicieuse, et que la déduction la plus logiquea moins de valeur que l’indice infiniment petit qu’on découvretoujours, lorsqu’on sait regarder.

Les curieux étaient venus en si grand nombrequ’on avait dû établir un service d’ordre. On avait dégagé lesabords de la maison, et, dans un demi-cercle vide, Coche etquelques journalistes arrivés en hâte causaient avec animation.

Le représentant d’un journal du soir, unméridional ardent et parlant fort, s’irritait de ne rien savoir deprécis. Il lui fallait absolument un papier pour midi, et il étaitprès de dix heures ! Coche, dont le journal avait, le premieret le seul, annoncé la nouvelle, était assailli de questions. Maissa loquacité habituelle avait fait place à une réserveobstinée.

Il n’était au courant de rien. Il attendait,comme les autres. S’il avait eu la moindre indication, il se seraitfait un plaisir de la passer aux confrères. Ne fait-on pas ainsijournellement, entre reporters, et n’est-ce pas le meilleur moyende donner des renseignements nombreux et sûrs ? Chacun glanece qu’il peut. Bien qu’ « Envoyé spécial » d’une feuille,on se partage la besogne, et la dépêche qu’on expédie n’est que lerésumé, plus ou moins adroit de ce que chacun sait. Tout le monde ygagne, en somme, car on ne peut exiger d’un homme qu’il se trouveen dix endroits à la fois. Pour faire l’information tout seul, ilfaudrait disposer de sommes parfois considérables, de moyens detransport coûteux où impossibles à se procurer.

Tandis qu’à trois ou quatre qui s’entendent,on met les frais et les renseignements en commun. Enfin, pourdonner à son papier une note personnelle, pour avoir l’air d’avoirdit quelque chose, on invente, on brode. Une rectification seproduit-elle ? On l’insère parce que la loi l’ordonne, mais enayant bien soin de la faire suivre d’une courte note où l’onaffirme – après avoir souligné le respect qu’on a du droit desindividus – qu’on maintient formellement les termes del’information produite la veille.

Et Coche, se défendant de rien savoir,insistait sur ce point, évoquant dix, vingt circonstances danslesquelles, bon confrère, il n’avait jamais gardé par devers luiles renseignements qu’il tenait du hasard ou de son habileté.

Le journaliste du Midi approuvait ses paroles,tout en trépignant d’impatience. Les autres avaient le temps d’êtrecalmes, parbleu ! Il leur restait l’après-midi et la soiréepour aller aux nouvelles : lui, était pris de court.

Il ne comprenait pas qu’en ce moment leCommissaire pût avoir une préoccupation plus grave quecelle-là.

… Le temps passait, et personne ne sortaittoujours pas de la maison. Un des reporters émit l’avis qu’ilfaisait soif, et qu’on pourrait tout aussi bien attendre dans uncafé. Mais, dans ce sale quartier, où en trouver un ?

– À cinq minutes d’ici, fit un curieux. Aubout du boulevard, prenez l’avenue Henri-Martin ; il y en a unplace du Trocadéro.

– Parfait, fit le méridional. Vous venez,Coche ?

– Oh ! moi, je ne peux pas, je ne peuxpas tout de suite, du moins. Mais, allez-y, vous ; si j’aiquelque chose, je vous préviendrai.

– Entendu, vous venez, les autres ?

Coche regarda ses confrères partir, et seretrouva seul.

Il ne lui déplaisait pas de les voirs’éloigner. Depuis qu’ils étaient là, il sentait tout le poids deson secret. Vingt fois il avait été sur le point de laisseréchapper un mot, une phrase. Il avait dû faire un effort très grandsur lui-même pour ne rien dire au confrère du Midi, sachant que lepauvre diable comptait peut-être sur son papier du soir, à quatrecentimes la ligne, pour donner un à-compte à son restaurateur.Mais, quoi ! Par une vaine pitié, par une sensiblerie degrisette, allait-il tout gâter, déflorer son information, risquerde perdre une partie si bien engagée ?… Plus tard, il ledédommagerait. Pour l’instant, cette affaire était son affaire. Labonne camaraderie ne lui avait pas si bien réussi, qu’il luisacrifiât une pareille chance de succès.

Petit à petit, il sentait l’énervement del’attente l’envahir. Il était partagé entre la joie secrète desavoir la police en train de patauger, et la curiosité de connaîtreles détails de cette constatation. Entre temps, il écoutait lesbavardages de la foule, essayant d’attraper un mot qui lerenseignât sur l’identité de la victime, ses habitudes, sa façon devivre. Car, il se trouvait dans cette situation bizarre, deconnaître mieux que personne une partie de la vérité, la partiepassionnante, terrible, mais d’ignorer, de la façon la plusabsolue, cette chose que n’importe qui pouvait savoir : le nomde l’assassiné.

Des bribes de phrases qu’il entendait, ilressortait que personne n’était plus avancé que lui.

Des voisins racontaient que le vieillardsortait rarement, juste pour faire ses provisions ; que,parfois, l’été, à la nuit close, il se promenait un peu dans sonjardin, mais qu’il ne recevait jamais personne, faisant lui-mêmeson ménage, menant une existence calme et mystérieuse, dont onavait cherché souvent, mais en vain, à en découvrir le secret.

Vers midi, le Commissaire, accompagné de sonsecrétaire et de l’inspecteur, sortit. Les trois hommess’arrêtèrent dans le jardin, levèrent les yeux vers les fenêtres,s’approchèrent du mur, tout en parlant avec animation, puis sedirigèrent vers la grille. Au moment où ils allaient la franchir,Coche fit un pas :

– Eh bien, Monsieur le Commissaire ?…

– Votre information était exacte…

– Maintenant que vos premières constatationssont faites, serait-il possible d’entrer, ne fût-ce qu’unmoment ?

– Ce serait tout à fait dénué d’intérêt, jevous assure. Je ne demande pas mieux que de faciliter votre tâche,et, si vous voulez m’accompagner jusqu’à mon bureau, en route jevous raconterai ce que j’ai vu, ce que je peux vous dire. J’ajouteque mon opinion est faite, et que les choses iront, je pense,rondement…

– Vous avez découvert des indices, relevé destraces ?…

– Monsieur Coche, ne m’en demandez pas trop…Et vous, pendant tout ce temps, qu’avez-vous fait ?

– J’ai réfléchi… j’ai écouté… j’airegardé…

– Et c’est tout ?

– À peu près…

– Vous voyez que si je ne disais rien, vousseriez fort en peine pour faire votre article de demain ? Maisrassurez-vous, je vous en confierai plus qu’il n’en faut pourremplir deux colonnes.

– Eh bien, Monsieur le Commissaire, je ne veuxpas être en reste avec vous. Au cours des trois heures que j’aipassées ici, j’ai, comme je vous le disais tout à l’heure,réfléchi, écouté et regardé. La réflexion, je l’avoue, ne m’a pasconduit à grand’chose ; en écoutant, je n’ai pas recueilli derenseignements précieux. Mais en regardant… oh ! enregardant !… Vous n’imaginez pas quelle acuité prend le sensde la vue quand il travaille seul. Ce qui nous gêne, la plupart dutemps, ce qui paralyse l’effort de nos sens, c’est la distractionde l’un par l’autre. Il m’a toujours semblé, sinon impossible, dumoins, très difficile, de percevoir nettement, en tirant un coup defusil, le bruit de la détonation, le nuage de fumée, l’odeur de lapoudre et la secousse de l’épaule. Mais, si je parvenais à fixer unseul de mes sens, celui de l’ouïe, par exemple, j’analyserais ladétonation d’une façon parfaite. Dans ce bruit, simple enapparence, et violent, je démêlerais presque les milledéflagrations des mille grains de poudre, le frisson que le plombfilant à toute vitesse fait passer dans les feuilles, etj’entendrais l’écho, à la seconde où il s’éveillerait dans lesbois… Or, tout à l’heure, certain que je n’entendrais rien, que pasun murmure ne viendrait du dedans jusqu’à moi, que lesconversations des badauds n’avaient pas plus d’importance que desbavardages de commères ; fatigué de chercher à déchiffrer unmystère dont la clé était sans doute entre vos mains, j’airegardé…

Le Commissaire qui, depuis un instant écoutaitdistraitement, ouvrit la bouche et commença :

– Mais…

Coche ne le laissa pas formuler sa phrase et,très naturellement, poursuivit :

– J’ai regardé, oh ! regardépassionnément, furieusement, comme doit regarder un être qui n’aplus que le sens de la vue pour le guider ; regardé commeregarde un sourd, comme écoute un aveugle. Toute mon intelligence,toute ma volonté de comprendre a passé dans mes yeux, et mes yeuxtravaillant seuls, sans le secours de mes autres sens, mes yeux ontvu une chose à laquelle vous n’avez pas, je crois, prêté la moindreattention, une chose qui peut être sans intérêt, comme elle peutêtre d’une importance capitale, une chose qu’il faut voiraujourd’hui, car elle aura sans doute disparu demain… ce soir… dansune heure…

– Et cette chose ?

– Si vous voulez bien vous retourner, vous ladistinguerez, non pas aussi bien que moi, car elle s’est effacéedepuis une heure, mais assez cependant pour que vous regrettiez,j’en suis certain, de n’y avoir pas fait attention plus tôt. Cettechose c’est l’empreinte d’un pied marqué sur la terre, c’est cettepetite tache qui se dessine dans le gazon, un peu plus sombre aumilieu de la gelée blanche. Le soleil l’a quelque peu abîmée ;tout à l’heure, elle était d’une netteté remarquable.

– Rentrons, fit vivement le Commissaire.

Coche, cette fois, le suivit. Quand il posason pied sur le sable de l’allée, il éprouva une sensationindéfinissable d’orgueil et de peur. Machinalement il regardal’empreinte et ses pieds. La trace allongée, étroite, neressemblait guère à celle que ses gros souliers américains venaientde faire sur le sol (il avait adopté pour le travail les chaussuresà bout arrondi, à semelle débordante, mais ne portait, le soir, quedes souliers très fins, étant fier de son pied cambré etdélicat).

Penché sur le gazon, le Commissaire examinaitcette empreinte. Le soleil maintenant haut dans le ciel avait crevéles nuages gris. De petits rayons de lumière doraient par place lacouche mince de givre. L’un deux tomba directement surl’empreinte.

– Un centimètre, un crayon, vite, fit leCommissaire, en tendant la main sans se retourner.

– Un crayon, voilà, fit le secrétaire. Mais jen’ai pas de centimètre.

– Qu’on coure m’en chercher un. MonsieurCoche, vous avez un appareil photographique ?… Seriez-vousassez aimable pour me prendre un cliché de cetteempreinte ?

– Volontiers. Mais la photographie ne vousdonnera qu’une image, une simple image, très petite, à laquellemanqueront les rapports avec les points de repère que vous pourriezétablir sur le sol. Les clichés d’objets posés à terre sont trèsimparfaits ; pour relever la position d’un corps, il faut desappareils spéciaux, très compliqués. Au reste, nous sommes arrivésbien tard… Le soleil fait fondre tout cela… Mon empreinte…

Il eut une hésitation imperceptible enprononçant ces deux mots : « Mon empreinte » et,rectifia très vite :

… L’empreinte que j’avais remarquée devient deplus en plus vague… ses bords s’estompent, disparaissent… Dans uneminute il n’en restera rien… Voyez, on ne distingue presque plus letalon… la semelle à son tour commence à fondre… diminue… C’estfini !… Quel dommage que vous ne soyez pas sorti quelquesinstants plus tôt !

Tout au fond de lui, il éprouva un soulagementréel et très grand. Pendant quelques minutes, il lui avait semblé –pure imagination du reste – que les trois hommes l’avaient dévisagéà la dérobée, comme si sous ses gros souliers ils avaient deviné lepied fin et petit, capable de laisser dans la gelée blanche dumatin, l’empreinte que le soleil avait fait disparaître en uninstant. Son but, pourtant, était bien de se faire soupçonner,arrêter même. Mais, plus ce but devenait proche, plus ils’efforçait, malgré lui, de l’éloigner.

La justice lui apparaissait comme une forceredoutable, comme une bête aux cent bras qui ne rend pas volontierssa proie. Puis, il sentait qu’il avait tout à gagner à restermaître de l’heure, à pouvoir choisir l’instant précis où il luiplairait de se laisser prendre. Pour bien connaître et bien jugertous les rouages de la police, il voulait en pouvoir suivre le jeu,en commander presque la marche, la ralentir ou l’accélérer à saguise. Aussi, lorsque le Commissaire, pour ne pas laisser devinerson dépit, murmura :

– Après tout, peut-être, cette empreinteparvenait-elle de l’un de nous ? Mon secrétaire qui était à magauche peut fort bien avoir posé le pied sur le gazon…

Coche se rangea à son avis, sans capitulertout à fait cependant.

Il n’était pas mauvais qu’un peu de troublesubsistât dans l’esprit du magistrat. Il sentait qu’en disant cela,le Commissaire masquait une partie de sa pensée, et que, sans tenircompte d’une façon apparente de cette empreinte, il ne pourraits’empêcher, au cours de son enquête, d’en faire état. Il dit donc,d’un ton assez détaché :

– Autant que je puis l’affirmer, il me semblebien que personne de vous n’a marché sur la plate-bande. Pendantque vous traversiez le jardin, je vous suivais des yeux, etj’aurais remarqué, je crois… La seule chose dont je sois certain,c’est que cette empreinte était d’une netteté parfaite lorsque jel’ai vue pour la première fois. Maintenant, je vous le répète, delà à certifier qu’elle existât avant votre entrée dans l’allée… Lemieux en tout cas est de n’en point parler.

Cette dernière phrase acheva de rassurer leCommissaire. Il lui eût été désagréable qu’on pût lui reprocherd’avoir été moins perspicace qu’un journaliste. Cette faute pouvaitnuire a son avancement, et, reconnaissant à Coche d’avoir deviné sapensée, devancé ses désirs, il lui dit d’un ton presqueamical :

– Montez en voiture avec moi. J’aurai le tempsde vous donner quelques tuyaux.

– Je préférerais, fit Coche, le sentant un peuà sa discrétion, pénétrer avec vous, ne fût-ce qu’une minute, dansla chambre du crime. Les renseignements que vous me donnerez meseront précieux, sans aucun doute, mais qu’un confrère vienne dansune heure à votre commissariat, vous ne pourrez guère lui taire ceque vous m’aurez révélé.

« Tandis que, vous voyez, je suis seuljournaliste avec vous. Les autres, perdant patience, sont partis,et, si vous accédez à mon désir, il vous sera facile de répondre àceux qui se plaindraient d’avoir été moins favorisés que moi :« Il fallait être là… »

« Et puis, une chose vue prend uneimportance énorme aux yeux du lecteur. Quand bien même je neresterais en présence du corps qu’une seconde, je pourrais endonner une impression bien plus violente.

– Si cela vous tient tant au cœur, suivez-moidonc. Nous ne ferons qu’entrer et sortir, mais du moins, vous aurezvu…

– Je n’en demande pas davantage.

Le petit groupe entra dans la maison. Lecorridor que Coche avait exploré la nuit, à tâtons, lui parut trèslarge. Il se l’imaginait étroit, avec des dalles grises, des mursnus et blancs.

Le carrelage était en briques rougesluisantes, le mur d’un vert tendre, était orné de vieillesgravures, d’armes, de bibelots anciens, et l’escalier, qu’il eûtjuré de bois vermoulu, était en pitchpin ciré. Tout, dans cettedemeure, était propre et gai.

L’escalier gravi, il se reconnut mieux sur lepalier, et, de lui-même, s’arrêta devant la porte. Il regretta cetarrêt involontaire, et se demanda :

« À la place du Commissaire, l’aurais-jeremarqué ?… »

Mais il n’eut pas le temps de réfléchirlonguement. La porte s’était ouverte. Il fit un pas et s’arrêta,très ému.

Ce retour dans la chambre où il avait passédes minutes si effrayantes, était doublement impressionnant. Enl’espace d’une seconde il déplora son projet de la veille, et lacuriosité qui l’avait poussé à revoir ce spectacle. D’un gestemachinal, sans oser regarder autour de lui, il se découvrit.

Chose étrange, lui qui n’avait pas craint defouiller les papiers épars, de remuer les linges maculés de sang,de toucher même ce cadavre, à l’heure où tout était danger, où,ignorant des êtres et des lieux, il risquait sa vie pour un geste,pour un murmure, il tressaillit et retrouva en lui cette peurimprécise, inexplicable, et souveraine qui, la veille, l’avaitétreint sur le boulevard solitaire, près du quartier degendarmerie.

– Faites bien attention, lui dit leCommissaire. Ne touchez à rien… ne déplacez rien, même pas cemorceau de verre, là… sous votre pied… Rien n’est négligeable, enpareil cas… là… là… C’est un fragment de bouton de manchette… çan’a probablement aucune importance… mais on ne sait jamais…

Coche n’était pas de ceux qui demeurentlongtemps sous une impression pénible. À force de blaguer lesautres, il en était arrivé à se blaguer lui-même, et la réflexioncandide du Commissaire l’emplit d’une joie profonde. Ce bouton demanchette, sans importance !… Il réfléchit :

– Et si ce policier était de premièreforce ? S’il avait su démêler, au milieu de ce désordre, cequi est vrai de ce qui est truqué ? S’il lisait en moi,ironique à sa façon, s’amusant à me voir me donner tant de peinepour mal mentir ?…

Le Commissaire reprit :

– Tout indique une lutte courte, maisdésespérée… Cette table déplacée, cette chaise brisée, la glacefendue, le corps renversé sur le bord du lit… Regardez-le ;vous ne trouverez jamais face d’assassiné plus effrayante. Toute lascène du meurtre est là, sur cette figure. Je la devine aux lèvresretroussées, aux yeux révulsés ; je la lis sur ces mainsagrippées aux draps… N’est-ce pas que c’est terrible ? Vousn’avez jamais rien vu de pareil, j’en suis sûr…

– Si, murmura Coche, se répondant à lui-même.J’ai vu, un jour, un homme assassiné, mais assassiné depuis uneheure, une demi-heure à peine. À peine refroidi, il gardait commeun souvenir de la vie dans les yeux. Il était étendu ainsi, dansune mare de sang ; la blessure qu’il portait était presqueidentique… et cependant, il avait je ne sais quoi de plus sinistreque celui-ci… Celui-ci, je le regarde sans peur, comme jeregarderais un visage de cire… C’est un mort, simplement… Cettechambre est pareille à vingt autres chambres… tandis qu’encontemplant l’autre… celui que j’ai vu… autrefois… j’eus lasensation qu’il lui restait de l’épouvante autour de la figure,entre les lèvres, devant les yeux ; la maison… une maisonpaisible et gaie comme celle-ci, suait le meurtre, sentait le sang,le sang vivant, chaud et fumant, pareil à celui qui coule entre lesdalles des abattoirs… Demain, dans huit jours, j’aurai oublié celuiqui est devant moi… L’autre… je garde son image et je sens que jela garderai toujours…

Il avait parlé d’une voix sèche, appuyant lesphrases, crispant les doigts, à la fois tenaillé par une épouvanteréelle, et enivré par la volupté redoutable de se savoir au bord del’abîme et de penser :

« En ce moment, les mots que je dis n’ontde sens que pour moi. Nul ne peut lire derrière la barrièreinfranchissable de mon crâne, où dort toute la vérité ! Je latiens dans ma main, comme un oiseau captif. J’entr’ouvre lesdoigts, et je la sens battre mes paumes, prête à m’échapper ;je resserre mon étreinte, je l’étouffe, je la reprends… Je n’aiqu’un mot à dire… un geste à faire… Non… Je ne dirai pas ce mot… Jene ferai pas ce geste…

– C’est curieux… j’aurais cru, fit leCommissaire. Moi qui, pourtant, ai l’habitude de ces sortes despectacles, j’avoue que celui-ci m’a causé une émotionextraordinaire… Et… c’est à Paris que vous avez vu cemort ?…

– Oh non, en province, il y a longtemps, unedizaine d’années, balbutia Coche.

Et entendant que sa voix sonnait le mensonge,il ajouta, pour effacer l’impression bizarre causée par sonrécit :

– Je débutais, dans une petite feuille locale,du côté de Lyon… Le crime, assez banal, ne fit de bruit que dans larégion… je me souviens qu’on n’en parla pas du tout dans lesjournaux de Paris.

Cette fois, il eut la sensation très nette queles trois hommes avaient les yeux fixés sur lui, et son angoissefut si violente qu’il dut reculer d’un pas, et s’appuyer au murpour ne pas fléchir sur ses jambes.

– Je crois, fit le Commissaire, que vous enavez vu assez pour faire votre article. Mais, que diable, vous quiavez de pareils souvenirs, vous devriez être un peu plus solide…Vous êtes effroyablement pâle…

– Oui… je sens… je dois, en effet, être trèspâle… Brusquement, la tête m’a tourné… ce ne sera rien…

– Allons-nous-en, répondit le Commissaire enlui montrant le chemin, et, à mi-voix, il glissa à sonsecrétaire :

– Tous les mêmes, ces sacrésjournalistes ! Ils ont toujours vu « plus fort », etquand ils sont au pied du mur…

Coche n’entendit pas, mais voyant leCommissaire parler bas en le regardant de côté, convaincu qu’ils’était trahi par sa sortie maladroite et son insistance à donnerdes détails que personne ne lui demandait, il pensa :

– Déjà !… je ne suis qu’unmaladroit !

En traversant la chambre, ses yeux seportèrent sur la glace. Son visage s’y reflétait à la place où ill’avait vu la veille ; il lui sembla qu’il était bien pluspâle, qu’un cercle plus foncé se creusait au-dessous de ses yeux,qu’un rictus plus sinistre tordait sa bouche, et que sa face,enfin, était pareille à celle des condamnés à mort que le bourreautraîne sous le couteau.

Il ferma les yeux pour ne plus se voir, etsortit de la chambre les épaules serrées, les jambes raides,claquant des dents.

Il ne reprit son sang-froid que dans la rue.L’air frais qui lui fouettait le visage dissipa l’affreuse vision.Il sourit de sa terreur, et, assis dans le fiacre,s’écria :

– Décidément, j’ai perdu l’entraînement.Pardonnez-moi… J’ai été lamentable… au-dessous de tout…

– Peuh… manque d’habitude…

La voiture roulait doucement, secouée par letrot inégal du cheval poussif. La lumière, un instant plus vivesous la caresse du soleil frileux, commençait à s’éteindre. Uneombre grise descendait du ciel plus bas. La neige se mit à tomber,d’abord en une poussière fine, puis à gros flocons serrés et lourdsqui descendaient verticalement dans le grand silence du boulevarddésert.

Les deux hommes se taisaient, plongés dansleurs réflexions. Coche effaça du bout des doigts la buée ducarreau et regarda le sol, les maisons et les flocons de neige. Ilaurait bien voulu savoir ce que pensait le Commissaire, ce qu’ilavait vu, ce qu’il croyait, mais, par une prudence excessive, ilhésitait à parler le premier. Pourtant, se rendant compte que sonmutisme pourrait sembler surprenant, il demanda :

– En somme, votre avis sur cette affaire,Monsieur le Commissaire ? Est-ce le crime banal ayant le volpour mobile, ou pensez-vous qu’on doive lui chercher des causesplus obscures, plus lointaines ?…

– S’il faut vous donner ma pensée exacte, jevous dirai que, dès à présent, j’écarte le vol. Je ne prétends pas,bien entendu, que certains objets, des valeurs même, n’aient pointdisparu : je suis certain, tout au contraire, qu’on asoustrait des bibelots, de l’argent… Mais c’est pour avoirl’air.

– C’est-à-dire ?…

– C’est-à-dire qu’on a tenté d’établir unemise en scène capable d’égarer la justice.

– Diable, songea Coche, serais-je tombé sur unMonsieur Lecoq en chair et en os ? S’il en est ainsi, la veinene veut pas de moi !

Et, tout haut, il ajouta :

– Hé ! Hé ! voilà qui est tout àfait intéressant ! J’avoue que rien de ce que j’ai pu voirn’avait fait naître en moi un semblable soupçon. Ainsi posé, leproblème apparaît singulièrement compliqué…

– Pour un esprit superficiel, oui… Pour moi,qui depuis vingt-trois ans ai pris l’habitude d’évoluer dans lesmilieux les plus divers, parmi les intrigues les plus savammentourdies, il n’en va pas de même. Bref, s’il me fallait exprimer monimpression, je dirais :

« Un homme, parfaitement au courant deshabitudes du vieillard, est entré dans la maison, s’est emparé depapiers capables ou de lui être utiles, ou de le compromettre…

– Ah bah, fit Coche, extraordinairementintéressé… Des papiers ?… de simples papiers ?… vouscroyez ?…

– J’en suis sûr. J’ai trouvé dans un tiroirplusieurs centaines de lettres, pêle-mêle. Elles n’avaient pas étéplacées ainsi par leur destinataire, j’en jurerais. L’assassin,après les avoir parcourues, après avoir fouillé les enveloppes, avivement rejeté le tout en désordre. Trouva-t-il ce qu’ilcherchait ? L’enquête nous renseignera sans doute sur cepoint… Le certain, c’est que, afin de faire croire au meurtre ayantle vol pour mobile, il s’est emparé de quelques pièces d’argenterie– le tiroir du buffet a été bousculé – et d’une somme d’argent quidevait se trouver dans un porte-monnaie ramassé par mon secrétairederrière le lit. Je ne serais pas étonné que certains bijouxeussent été dérobés – toujours pour la raison que je vous exposaisau commencement. Je puis vous le confier, puisqu’aussi bien, dansune heure, tous les bijoutiers de Paris, et demain tous lesbijoutiers de France le sauront, j’ai trouvé par terre un fragmentde bouton de manchette dit à chaînette qui appartenaitvraisemblablement à la victime… Enfin, et ceci pour n’être qu’unargument psychologique n’en a pas une moindre valeur à mes yeux,l’ordre – si je puis m’exprimer ainsi – qui régnait dans ledésordre ; je ne sais quel souci de propreté, mêlé à l’horreurdu massacre, me permettent d’affirmer que le crime est l’œuvre d’unpersonnage appartenant à une classe plutôt élégante de laSociété ; que ce personnage est un être parfaitementéquilibré, doué d’un rare sang-froid, et qu’il a agi seul… Je vousdirai encore… Mais je vous en ai déjà trop dit…

Coche avait écouté le Commissaire sansl’interrompre. Son inquiétude du début avait fait place à unesatisfaction profonde. Son plan si vite établi, si rigoureusementexécuté, n’échouerait pas, il en était sûr maintenant. Bien plus,sa mise en scène suggérait à la police des idées auxquelleslui-même n’avait pas songé. On eût dit que le Commissairecompliquait les choses à plaisir, et qu’au lieu de déduirelogiquement des faits un commencement de preuve, il s’efforçait dejouer la difficulté. Il n’était pas jusqu’aux choses les plussimples, qui ne prissent pour lui l’aspect d’indices sérieux. Partisur une fausse piste, il ramenait à son idée première les faits lesplus divers. Ayant écarté, dès la première minute, l’hypothèse d’uncrime de rôdeurs – la seule véritable, et la plus plausible en touscas – il interprétait tout en fonction de sa théorie personnelle.Au premier pas, sans hésitation, tête baissée, on était allé donnerdans le piège que lui, Coche, avait tendu. Lorsque le Commissaireavait dit :

« On a imaginé une mise en scène capabled’égarer la Justice… »

Coche avait cru que le magistrat, doué d’unerare pénétration d’esprit, avait entrevu la vérité, alors qu’enréalité il l’entourait d’un nuage plus épais, la protégeaitderrière une barrière plus infranchissable. Ainsi, non seulement saruse n’était pas soupçonnée, mais, par une extraordinairetransposition des faits, pour l’homme chargé de guider lespremières recherches, tout ce qui avait semblé au journalistedevoir constituer un début de charges contre lui, n’était tenu quepour quantité négligeable. Cette interprétation lui parut sibouffonne qu’il voulut l’entendre formuler nettement, en des termesne laissant place à aucune équivoque.

– Si je vous comprends bien, l’assassinunique, l’homme du monde meurtrier, a voulu faire croire à un crimede rôdeurs ? Il a essayé sans y parvenir de« faire » du désordre ? Il n’a pas volé, ainsi quel’aurait fait un professionnel du cambriolage. Il a opéré seul, eta voulu faire croire qu’il avait des complices.

– Exactement.

La voiture s’était arrêtée à la porte ducommissariat. Coche descendit le premier et tapa du pied pour sedégourdir les jambes. Il était d’une humeur charmante, les chosesmarchaient mieux qu’il n’aurait osé l’espérer. En quelques heures,il avait recueilli plus de renseignements, il avait entenduformuler plus d’erreurs qu’il ne lui en fallait pour rédiger sesdeux premiers articles. Il remercia le Commissaire, et lui dit,très naturellement :

– Avec ce que vous m’avez confié, me voilàtranquille. Je suis tout à votre disposition si je puis vous êtreutile en quoi que ce soit…

– Je ne dis pas… à l’occasion…

– Un mot encore. Vous ne ferez pas état dansvotre procès-verbal de l’empreinte que je vous avais signalée dansle jardin ?…

– Mon Dieu non… puisqu’aussi bien je ne l’aivue qu’à peine…

– Juste, très juste… De mon côté, je n’enparlerai pas. Allons, au revoir, Monsieur le Commissaire, et encoremerci.

– Tout à votre disposition, et à bientôtj’espère ?

– À bientôt.

– Et maintenant, songea Coche, à nousdeux !

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