Les Confidences d’Arsène Lupin

Chapitre 2L’anneau nuptial

Yvonne d’Origny embrassa son fils et lui recommanda d’être biensage.

– Tu sais que ta grand-mère d’Origny n’aime pas beaucoup lesenfants. Pour une fois qu’elle te fait venir chez elle, il faut luimontrer que tu es un petit garçon raisonnable.

Et s’adressant à la gouvernante :

– Surtout, Fraulein, ramenez-le tout de suite après dîner…Monsieur est encore ici ?

– Oui, Madame, M. le comte est dans son cabinet de travail.

Aussitôt seule, Yvonne d’Origny marcha vers la fenêtre afind’apercevoir son fils dès qu’il serait dehors. En effet, au boutd’un instant il sortit de l’hôtel, leva la tête et lui envoya desbaisers comme chaque jour. Puis sa gouvernante lui prit la maind’un geste dont Yvonne remarqua, avec étonnement, la brusquerieinaccoutumée. Elle se pencha davantage et, comme l’enfant gagnaitl’angle du boulevard, elle vit soudain un homme qui descendaitd’une automobile et qui s’approchait de lui. Cet homme – ellereconnut Bernard, le domestique de confiance de son mari – cethomme saisit l’enfant par le bras, le fit monter dans l’automobileainsi que la gouvernante, et donna l’ordre au chauffeur des’éloigner.

Tout cela n’avait pas duré dix secondes.

Yvonne, bouleversée, courut jusqu’à la chambre, empoigna unvêtement se dirigea vers la porte. La porte était fermée à clef, etil n’y avait point de clef sur la serrure. En hâte, elle retournadans son boudoir.

La porte de son boudoir était fermée également.

Tout de suite, l’image de son mari la heurta, cette figuresombre qu’aucun sourire n’éclairait jamais, ce regard impitoyableoù, depuis des années, elle sentait tant de rancune et dehaine.

– C’est lui ! C’est lui ! se dit-elle… Il a prisl’enfant… Ah c’est horrible !

A coups de poing, à coups de pied, elle frappa la porte, puisbondit vers la cheminée et sonna, sonna éperdument.

Du haut en bas de l’hôtel, le timbre vibra. Les domestiquesallaient venir. Des passants peut-être s’ameuteraient dans la rue.Et elle pressait le bouton avec un espoir forcené.

Un bruit de serrure. La porte s’ouvrit violemment. Le comteapparut au seuil du boudoir. Et l’expression de son visage était siterrible qu’Yvonne se mit à trembler.

Il s’avança. Cinq ou six pas le séparaient d’elle. Dans uneffort suprême, elle tenta un mouvement, mais il lui fut impossiblede bouger, et, comme elle cherchait à prononcer des paroles, ellene put qu’agiter ses lèvres et qu’émettre des sons incohérents.Elle se sentit perdue. L’idée de la mort la bouleversa. Ses genouxfléchirent, et elle s’affaissa sur elle-même avec ungémissement.

Le comte se précipita et la saisit à la gorge.

– Tais-toi n’appelle pas, disait-il d’une voix sourde, cela vautmieux pour toi…

Voyant qu’elle n’essayait pas de se défendre, il desserra sonétreinte et sortit de sa poche des bandes de toile toutes prêtes etde longueurs différentes. En quelques minutes la jeune femme eutles bras attachés le long du corps, et fut étendue sur undivan.

L’ombre avait envahi le boudoir. Le comte alluma l’électricitéet se dirigea vers un petit secrétaire où Yvonne avait l’habitudede ranger ses lettres. Ne parvenant pas à l’ouvrir, il le fracturaà l’aide d’un crochet de fer, vida les tiroirs, et, de tous lespapiers, fit un monceau qu’il emporta dans un carton.

– Du temps perdu, n’est-ce pas ? ricana-t-il. Rien que desfactures et des lettres insignifiantes… Aucune preuve contre toi…Bah ! N’empêche que je garde mon fils, et je jure Dieu que jene le lâcherai pas !

Comme il s’en allait, il fut rejoint près de la porte par sondomestique Bernard. Ils conversèrent tous deux à voix basse, maisYvonne entendit ces mots que prononçait le domestique :

– J’ai reçu la réponse de l’ouvrier bijoutier. Il est à madisposition.

Et le comte répliqua :

– La chose est remise à demain midi. Ma mère vient de metéléphoner qu’elle ne pouvait venir auparavant.

Ensuite Yvonne perçut le cliquetis de la serrure et le bruit despas qui descendaient jusqu’au rez-de-chaussée où se trouvait lecabinet de travail de son mari.

Elle demeura longtemps inerte, le cerveau en déroute, avec desidées vagues et rapides qui la brûlaient au passage, comme desflammes. Elle se rappelait la conduite indigne du comte d’Origny,ses procédés humiliants envers elle, ses menaces, ses projets dedivorce, et elle comprenait peu à peu qu’elle était la victimed’une véritable conspiration, que les domestiques, sur l’ordre deleur maître, avaient congé jusqu’au lendemain soir, que lagouvernante, sur l’ordre du comte et avec la complicité de Bernard,avait emmené son fils, et que son fils ne reviendrait pas, etqu’elle ne le reverrait jamais !

– Mon fils ! cria-t-elle, mon fils !

Exaspérée par la douleur, de tous ses nerfs, de tous sesmuscles, elle se raidit, en un effort brutal. Elle fut stupéfaite :sa main droite conservait une certaine liberté.

Alors un espoir fou la pénétra, et patiemment, lentement, ellecommença l’œuvre de délivrance.

Ce fut long. Il lui fallut beaucoup de temps pour élargir lenœud suffisamment, et beaucoup de temps ensuite, quand sa main futdégagée, pour défaire les liens qui nouaient le haut de ses bras àson buste, puis ceux qui emprisonnaient ses chevilles.

Cependant l’idée de son fils la soutenait, et, comme la pendulefrappait huit coups, la dernière entrave tomba. Elle étaitlibre !

A peine debout, elle se rua sur la fenêtre et tournal’espagnolette avec l’intention d’appeler le premier passant venu.Justement, un agent de police se promenait sur le trottoir. Elle sepencha. Mais l’air vif de la nuit l’ayant frappée au visage, pluscalme, elle songea au scandale, à l’enquête, aux interrogatoires, àson fils. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Que faire pour lereprendre ? Par quels moyens s’échapper ? Au moindrebruit, le comte pouvait survenir. Et qui sait si, dans un mouvementde rage…

Des pieds à la tête elle frissonnait, prise d’une épouvantesubite. L’horreur de la mort se mêlait, en son pauvre cerveau, à lapensée de son fils, et elle bégaya, la gorge étranglée :

– Au secours ! Au secours !

Elle s’arrêta net, et redit tout bas, à plusieurs reprises : «Au secours ! Au secours ! » comme si ce mot éveillait enelle une idée, une réminiscence, et que l’attente d’un secours nelui parût pas une chose impossible. Durant quelques minutes, elleresta absorbée en une méditation profonde, coupée de pleurs et detressaillements. Puis, avec des gestes pour ainsi dire mécaniques,elle allongea le bras vers une petite bibliothèque suspendueau-dessus du secrétaire, saisit les uns après les autres quatrelivres qu’elle feuilleta distraitement et remit en place et finitpar trouver entre les pages du cinquième une carte de visite où sesyeux épelèrent ces deux mots : Horace Velmont, et cetteadresse écrite au crayon Cercle de la rue Royale.

Et sa mémoire évoqua la phrase bizarre que cet homme lui avaitdite quelques années auparavant en ce même hôtel, un jour deréception :

« Si jamais un péril vous menace, si vous avez besoin desecours, n’hésitez pas, jetez à la poste cette carte que je metsdans ce livre et quelle que soit l’heure, quels que soient lesobstacles, je viendrai. »

Avec quel air étrange il avait prononcé une telle phrase, etcomme il donnait l’impression de la certitude, de la force, de lapuissance illimitée, de l’audace indomptable !

Brusquement, inconsciemment, sous la poussée d’une décisionirrésistible et dont elle se refusait à prévoir les conséquences,Yvonne, avec ses mêmes gestes d’automate, prit une enveloppepneumatique, introduisit la carte de visite, cacheta, inscrivit lesdeux lignes : Horace Velmont, Cercle de la rue Royale ets’approcha de la fenêtre entrebâillée. Dehors l’agent de policedéambulait. Elle lança l’enveloppe, la confiant au hasard.Peut-être ce chiffon de papier serait-il ramassé, et, comme unelettre égarée, mis à la poste.

Elle n’avait pas accompli cet acte qu’elle en saisit toutel’absurdité. Il était fou de supposer que le message irait à sonadresse, et plus fou encore d’espérer que l’homme qu’elle appelaitpourrait venir à son secours, quelle que fût l’heure et quelsque fussent les obstacles.

Une réaction se produisit, d’autant plus vive que l’effort avaitété plus rapide et plus brutal. Yvonne chancela, s’appuya contre unfauteuil et se laissa tomber, à bout d’énergie.

Alors le temps s’écoula, le temps morne des soirées d’hiver oùles voitures interrompent seules le silence de la rue. La pendulesonnait, implacable. Dans le demi-sommeil qui l’engourdissait, lajeune femme en comptait les tintements. Elle percevait aussicertains bruits à différents étages de la maison, et savait de lasorte que son mari avait dîné, qu’il montait jusqu’à sa chambre etredescendait dans son cabinet de travail. Mais tout cela luisemblait très vague, et sa torpeur était telle qu’elle ne songeaitmême pas à s’étendre sur le divan, pour le cas où il entrerait…

Les douze coups de minuit… Puis la demie… Puis une heure… Yvonnene réfléchissait à rien, attendant les événements qui sepréparaient et contre lesquels toute rébellion était inutile. Ellese représentait son fils et elle-même, comme on se représente cesêtres qui ont beaucoup souffert et qui ne souffrent plus, et quis’enlacent de leurs bras affectueux. Mais un cauchemar la secoua.Voilà que, ces deux êtres, on voulait les arracher l’un à l’autre,et elle avait la sensation affreuse, en son délire, qu’ellepleurait, et qu’elle râlait…

D’un mouvement, elle se dressa. La clef venait de tourner dansla serrure. Attiré par ses cris, le comte allait apparaître. Duregard, Yvonne chercha une arme pour se défendre. Mais la porte futpoussée, et, stupéfaite, comme si le spectacle qui s’offrait à sesyeux lui eût semblé le prodige le plus inexplicable, elle balbutia:

– Vous ! Vous !

Un homme s’avançait vers elle, en habit, son macfarlane et sonclaque sous le bras, et cet homme jeune, de taille mince, élégant,elle l’avait reconnu, c’était Horace Velmont.

– Vous ! répéta-t-elle.

– Je vous demande pardon, madame, votre lettre ne m’a été remiseque tard.

– Est-ce possible ! Est-ce possible que ce soit vous quevous ayez pu !

Il parut très étonné.

– N’avais-je pas promis de me rendre à votre appel ?

– Oui mais…

– Eh bien, me voici, dit-il en souriant.

Il examina les bandes de toile dont Yvonne avait réussi à sedélivrer et hocha la tête, tout en continuant son inspection.

– C’est donc là les moyens que l’on emploie ? Le comted’Origny, n’est-ce pas ? J’ai vu également qu’il vous avaitemprisonnée… Mais alors, le pneumatique ? Ah ! par cettefenêtre… Quelle imprudence de ne pas l’avoir refermée !

Il poussa les deux battants. Yvonne s’effara.

– Si l’on entendait ?

– Il n’y a personne dans l’hôtel. Je l’ai visité.

– Cependant…

– Votre mari est sorti depuis dix minutes.

– Où est-il ?

– Chez sa mère, la comtesse d’Origny.

– Comment le savez-vous ?

– Oh très simplement. Il a reçu un coup de téléphone luiannonçant que sa mère était malade. Comme je l’avais prévu, puisquec’est moi qui ai téléphoné, le comte est sorti précipitamment,suivi de son domestique. Aussitôt, à l’aide de clefs spéciales, jesuis entré.

Il racontait cela le plus naturellement du monde, de même quel’on raconte, dans un salon, une petite anecdote insignifiante.Mais Yvonne demanda, reprise d’une inquiétude soudaine :

– Alors, ce n’est pas vrai… Sa mère n’est pas malade ? Ence cas, mon mari va revenir…

– Certes, le comte s’apercevra qu’on s’est joué de lui, et,d’ici trois quarts d’heure au plus…

– Partons… Je ne veux pas qu’il me retrouve ici… Je rejoins monfils.

– Un instant….

– Un instant ! Mais vous ne savez donc pas qu’on mel’enlève ? qu’on lui fait du mal, peut-être ?

La figure contractée, les gestes fébriles, elle cherchait àrepousser Velmont. Avec beaucoup de douceur, il la contraignit às’asseoir, et, incliné sur elle, d’attitude respectueuse, ilprononça d’un ton grave :

– Écoutez-moi, madame, et ne perdons pas un temps dont chaqueminute est précieuse. Tout d’abord, rappelez-vous ceci : Nous noussommes rencontrés quatre fois, il y a six ans… Et la quatrièmefois, dans les salons de cet hôtel, comme je vous parlais avec tropcomment dirais-je ? avec trop d’émotion, vous m’avez faitsentir que mes visites vous déplaisaient. Depuis, je ne vous ai pasrevue. Et pourtant, malgré tout, votre confiance en moi était telleque vous avez conservé la carte que j’avais mise entre les pages dece livre, et que, six ans après, c’est moi, et pas un autre, quevous avez appelé. Cette confiance, je vous la demande encore. Ilfaut m’obéir aveuglément. De même que je suis venu à travers tousles obstacles, de même je vous sauverai, quelle que soit lasituation.

La tranquillité d’Horace Velmont, sa voix impérieuse auxintonations amicales, apaisaient peu à peu la jeune femme. Toutefaible encore, elle éprouvait de nouveau, en face de cet homme, uneimpression de détente et de sécurité.

– N’ayez aucune peur, reprit-il. La comtesse d’Origny habite àl’extrémité du bois de Vincennes. En admettant que votre maritrouve une auto, il est impossible qu’il soit de retour avant troisheures et quart. Or il est deux heures trente-Cinq. Je vous jurequ’à trois heures exactement nous partirons et que je vousconduirai vers votre fils. Mais je ne veux pas partir avant de toutsavoir.

– Que dois-je faire ? dit-elle.

– Me répondre, et très nettement. Nous avons vingt minutes.C’est assez. Ce n’est pas trop.

– Interrogez-moi.

– Croyez-vous que le comte ait eu des projetscriminels ?

– Non.

– Il s’agit donc de votre fils ?

– Oui.

– Il vous l’enlève, n’est-ce pas, parce qu’il veut divorcer etépouser une autre femme, une de vos anciennes amies, que vous avezchassée de votre maison ? Oh ! je vous en conjure,répondez-moi sans détours. Ce sont là des faits de notoriétépublique, et votre hésitation, vos scrupules, tout doit cesseractuellement, puisqu’il s’agit de votre fils. Ainsi donc, votremari veut épouser une autre femme ?

– Oui.

– Cette femme n’a pas d’argent. De son côté, votre mari, quis’est ruiné, n’a d’autres ressources que la pension qui lui estservie par sa mère, la comtesse d’Origny, et les revenus de lagrosse fortune que votre fils a héritée de deux de vos oncles.C’est cette fortune que votre mari convoite et qu’ils’approprierait plus facilement si l’enfant lui était confié. Unseul moyen le divorce. Je ne me trompe pas ?

– Non.

– Ce qui l’arrêtait jusqu’ici, c’était votre refus ?

– Oui, et celui de ma belle-mère dont les sentiments religieuxs’opposent au divorce. La comtesse d’Origny ne céderait que dans lecas…

– Que dans le cas ?

– Où l’on pourrait prouver que ma conduite est indigne.

Velmont haussa les épaules.

– Donc il ne peut rien contre vous ni contre votre fils. Aupoint de vue légal, comme au point de vue de ses intérêts, il seheurte à un obstacle qui est le plus insurmontable de tous, lavertu d’une honnête femme. Et cependant voilà que, tout d’un coup,il engage la lutte.

– Que voulez-vous dire ?

– Je veux dire que, si un homme comme le comte, après tantd’hésitations et malgré tant d’impossibilités, se risque dans uneaventure aussi incertaine, c’est qu’il a, ou qu’il croit avoirentre les mains, des armes.

– Quelles armes ?

– Je l’ignore. Mais elles existent… Sans quoi il n’eût pascommencé par prendre votre fils.

Yvonne se désespéra.

– C’est horrible… Est-ce que je sais, moi, ce qu’il a pufaire ! Ce qu’il a pu inventer !

– Cherchez bien… Rappelez vos souvenirs… Tenez, dans cesecrétaire qu’il a fracturé, il n’y avait pas une lettre qu’il fûtpossible de retourner contre vous ?

– Aucune.

– Et dans les paroles qu’il vous a dites, dans ses menaces, iln’y a rien qui vous permette de deviner ?

– Rien.

– Pourtant, pourtant, répéta Velmont, il doit y avoir quelquechose…

Et il reprit :

– Le comte n’a pas un ami plus intime…, auquel il seconfie ?

– Non.

– Personne n’est venu le voir hier ?

– Personne.

– Il était seul quand il vous a liée et enfermée ?

– A ce moment, oui.

– Mais après ?

– Après, son domestique l’a rejoint près de la porte, et j’aientendu qu’ils parlaient d’un ouvrier bijoutier…

– C’est tout ?

– Et d’une chose qui aurait lieu le lendemain, c’est-à-direaujourd’hui, à midi, parce que la comtesse d’Origny ne pouvaitvenir auparavant.

Velmont réfléchit.

– Cette conversation a-t-elle un sens qui vous éclaire sur lesprojets de votre mari ?

– Je n’en vois pas…

– Où sont vos bijoux ?

– Mon mari les a vendus.

– Il ne vous en reste pas un seul ?

– Non.

– Pas même une bague ?

– Non, dit-elle en montrant ses mains, rien que cet anneau.

– Qui est votre anneau de mariage ?

– Qui est…, mon anneau…

Elle s’arrêta, interdite. Velmont nota qu’elle rougissait, et ill’entendit balbutier :

– Serait-ce possible ? Mais non… Mais non. Il ignore…

Velmont la pressa de questions aussitôt, et Yvonne se taisait,immobile, le visage anxieux. A la fin, elle répondit, à voix basse:

– Ce n’est pas mon anneau de mariage. Un jour, il y a longtemps,je l’ai fait tomber de la cheminée de ma chambre, où je l’avais misune minute auparavant, et, malgré toutes mes recherches, je n’ai pule retrouver. Sans rien dire, j’en ai commandé un autre…, que voicià ma main.

– Le véritable anneau portait la date de votremariage ?

– Oui 23 octobre.

– Et le second ?

– Celui-ci ne porte aucune date.

Il sentit en elle une légère hésitation et un trouble qu’elle necherchait d’ailleurs pas à dissimuler.

– Je vous en supplie, s’écria-t-il, ne me cachez rien… Vousvoyez le chemin que nous avons parcouru en quelques minutes, avecun peu de logique et de sang-froid. Continuons, je vous le demandeen grâce.

– Êtes-vous sûr, dit-elle, qu’il soit nécessaire ?

– Je suis sûr que le moindre détail a son importance et que noussommes près d’atteindre le but. Mais il faut se hâter. L’heure estgrave.

– Je n’ai rien à cacher, fit-elle en relevant la tête. C’était àl’époque la plus misérable et la plus dangereuse de ma vie.Humiliée chez moi, dans le monde j’étais entourée d’hommages, detentations, de pièges, comme toute femme qu’on voit abandonnée deson mari. Alors, je me suis souvenue. Avant mon mariage, un hommem’avait aimée, dont j’avais deviné l’amour impossible et qui,depuis, est mort. J’ai fait graver le nom de cet homme, et j’aiporté cet anneau comme on porte un talisman. Il n’y avait pasd’amour en moi puisque j’étais la femme d’un autre. Mais dans lesecret de mon cœur, il y eut un souvenir, un rêve meurtri, quelquechose de doux qui me protégeait…

Elle s’était exprimée lentement, sans embarras, et Velmont nedouta pas une seconde qu’elle n’eût dit l’absolue vérité. Comme ilse taisait, elle redevint anxieuse et lui demanda :

– Est-ce que vous supposez que mon mari ?

Il lui prit la main, et prononça, tout en examinant l’anneaud’or :

– L’énigme est là. Votre mari, je ne sais comment, connaît lasubstitution. A midi, sa mère viendra. Devant témoins, il vousobligera d’ôter votre bague, et de la sorte, il pourra, en mêmetemps que l’approbation de sa mère, obtenir le divorce, puisqu’ilaura la preuve qu’il cherchait.

– Je suis perdue, gémit-elle, je suis perdue !

– Vous êtes sauvée, au contraire ! Donnez-moi cette bagueet tantôt, c’est une autre qu’il trouvera, une autre que je vousferai parvenir avant midi, et qui portera la date du 23 octobre.Ainsi…

Il s’interrompit brusquement. Tandis qu’il parlait, la maind’Yvonne s’était glacée dans la sienne, et, ayant levé les yeux, ilvit que la jeune femme était pâle, affreusement pâle.

– Qu’y a-t-il ? Je vous en prie…

Elle eut un accès de désespoir fou.

– Il y a, il y a que je suis perdue ! Il y a que je ne peuxl’ôter, cet anneau ! Il est devenu trop petit !Comprenez-vous ? Cela n’avait pas d’importance, et je n’ypensais pas… Mais aujourd’hui… Cette preuve… Cette accusation…Ah ! quelle torture ! Regardez… Il fait partie de mondoigt… Il est incrusté dans ma chair… et je ne peux pas… je ne peuxpas.

Elle tirait vainement de toutes ses forces, au risque de seblesser. Mais la chair se gonflait autour de l’anneau, et l’anneaune bougeait point.

– Ah ! balbutia-t-elle, étreinte par une idée qui laterrifia… Je me souviens, l’autre nuit un cauchemar que j’ai eu… Ilme semblait que quelqu’un entrait dans ma chambre et s’emparait dema main. Et je ne pouvais pas me réveiller… C’était lui !c’était lui ! Il m’avait endormie, j’en suis sûre… Et ilregardait la bague… Et tantôt il me l’arrachera devant sa mère…Ah ! je comprends tout… Cet ouvrier bijoutier… c’est lui quime la coupera à même la main… Vous voyez… Je suis perdue…

Elle se cacha la tête et se mit à pleurer. Mais dans le silence,la pendule sonna une fois, et puis une autre fois, et une foisencore. Et Yvonne se redressa d’un bond.

– Le voilà cria-t-elle. Il va venir… Il va venir… Il est troisheures… Allons-nous-en…

– Vous ne partirez pas.

– Mon fils… Je veux le voir, le reprendre…

– Savez-vous seulement où il est ?

– Je veux partir !

– Vous ne partirez pas ! Ce serait de la folie.

Il la saisit aux poignets. Elle voulut se dégager, et Velmontdut apporter une certaine brusquerie pour vaincre sa résistance. Ala fin, il réussit à la ramener vers le divan, puis à l’étendre,et, tout de suite sans prêter attention à ses plaintes, il repritles bandes de toile et lui attacha les bras et les chevilles.

– Oui, disait-il, ce serait de la folie. Qui vous auraitdélivrée ? Qui vous aurait ouvert cette porte ? Uncomplice ? Quel argument contre vous, et comme votre mari s’enservirait auprès de sa mère ! Et puis, à quoi bon ? Vousenfuir, c’est accepter le divorce…, et sait-on jamais ledénouement ? Il faut rester ici.

Elle sanglotait.

– J’ai peur… J’ai peur… Cet anneau me brûle… Brisez-le…Brisez-le… Emportez-le… Qu’on ne le retrouve pas !

– Et si l’on ne le retrouve pas à votre doigt, qui l’auraitbrisé ? Toujours un complice… Non, il faut affronter la lutte,et vaillamment, puisque je réponds de tout… Croyez en moi… Jeréponds de tout… Dussé-je m’attaquer à la comtesse d’Origny etretarder ainsi l’entrevue…, dussé-je venir moi-même avant midi,c’est l’anneau nuptial que l’on arrachera de votre doigt je vous lejure et votre fils vous sera rendu…

Dominée, soumise, Yvonne, par instinct, s’offrait elle-même auxentraves. Quand il se releva, elle était liée comme auparavant.

Il inspecta la pièce pour s’assurer qu’aucune trace ne demeuraitde son passage. Puis il s’inclina de nouveau sur la jeune femme etmurmura :

– Pensez à votre fils, et, quoi qu’il arrive, ne craignez rien…,je veille sur vous…

Elle l’entendit ouvrir et refermer la porte du boudoir, puis,quelques minutes après, la porte de la rue.

A trois heures et demie, une automobile s’arrêtait. La porte, enbas, claqua de nouveau, et presque aussitôt Yvonne aperçut son mariqui entrait rapidement, l’air furieux. Il courut vers elle,s’assura qu’elle était toujours attachée, et, s’emparant de samain, examina la bague. Yvonne s’évanouit…

Elle ne sut pas au juste, en se réveillant, combien de tempselle avait dormi. Mais la clarté du grand jour pénétrait dans leboudoir, et elle constata, au premier mouvement qu’elle fit, queles bandes étaient coupées. Alors elle tourna la tête et vit auprèsd’elle son mari qui la regardait.

– Mon fils mon fils, gémit-elle, je veux mon fils…

Il répliqua, d’une voix dont elle sentit la raillerie :

– Notre fils est en lieu sûr. Et, pour l’instant, il ne s’agitpas de lui, mais de vous. Nous sommes l’un en face de l’autre sansdoute pour la dernière fois, et l’explication que nous allons avoirest très grave. Je dois vous avertir qu’elle aura lieu devant mamère. Vous n’y voyez pas d’inconvénient ?

Yvonne s’efforça de cacher son trouble et répondit :

– Aucun.

– Je puis l’appeler ?

– Oui. Laissez-moi, en attendant. Je serai prête quand elleviendra.

– Ma mère est ici.

– Votre mère est ici ? s’écria Yvonne, éperdue et serappelant la promesse d’Horace Velmont.

– Oui.

– Et c’est maintenant ? C’est tout de suite que vousvoulez ?

– Oui.

– Pourquoi ? Pourquoi pas ce soir ? Demain ?

– Aujourd’hui, et maintenant, déclara le comte. Il s’est produitau cours de la nuit un incident assez bizarre et que je nem’explique pas : on m’a fait venir chez ma mère dans le but évidentde m’éloigner d’ici. Cela me détermine à devancer le moment del’explication. Vous ne désirez pas prendre quelque nourritureauparavant ?

– Non… non…

– Je vais donc chercher ma mère.

Il se dirigea vers la chambre d’Yvonne. Celle-ci jeta un coupd’œil sur la pendule. La pendule marquait dix heurestrente-cinq !

– Ah ! fit-elle avec un frisson d’épouvante.

Dix heures trente-cinq ! Horace Velmont ne la sauveraitpas, et personne au monde, et rien au monde ne la sauverait, car iln’y avait point de miracle qui pût faire que l’anneau d’or ne fûtpas à son doigt.

Le comte revint avec la comtesse d’Origny et la pria des’asseoir. C’était une femme sèche, anguleuse, qui avait toujoursmanifesté contre Yvonne des sentiments hostiles. Elle ne salua mêmepas sa belle-fille, montrant ainsi qu’elle était gagnée àl’accusation.

– Je crois, dit-elle, qu’il est inutile de parler trèslonguement. En deux mots, mon fils prétend…

– Je ne prétends pas, ma mère, dit le comte, j’affirme.J’affirme sous serment que, il y a trois mois, durant les vacances,le tapissier, en reposant les tapis de ce boudoir et de la chambre,a trouvé, dans une rainure de parquet, l’anneau de mariage quej’avais donné à ma femme. Cet anneau, le voici. La date du 23octobre est gravée à l’intérieur.

– Alors, dit la comtesse, l’anneau que votre femme porte…

– Cet anneau a été commandé par elle en échange du véritable.Sur mes indications, Bernard, mon domestique, après de longuesrecherches, a fini par découvrir, aux environs de Paris, où ilhabite maintenant, le petit bijoutier à qui elle s’était adressée.Cet homme se souvient parfaitement, et il est prêt à en témoigner,que sa cliente ne lui a pas fait inscrire une date, mais un nom. Cenom, il ne se le rappelle pas, mais peut-être l’ouvrier quitravaillait avec lui, dans son magasin, s’en souviendrait-il.Prévenu par lettre que j’avais besoin de ses services, cet homme arépondu hier qu’il était à ma disposition. Ce matin, dès neufheures, Bernard allait le chercher. Tous deux attendent dans moncabinet.

Il se tourna vers sa femme.

– Voulez-vous, de votre plein gré, me donner cetanneau ?

Elle articula :

– Vous savez bien, depuis la nuit où vous avez essayé de leprendre à mon insu, qu’il est impossible de l’ôter de mondoigt.

– En ce cas, puis-je donner l’ordre que cet homme monte ?Il a les instruments nécessaires.

– Oui, dit-elle d’une voix faible.

Elle était résignée. En une sorte de vision elle évoquaitl’avenir, le scandale, le divorce prononcé contre elle, l’enfantconfié par jugement au père, et elle acceptait cela en pensantqu’elle enlèverait son fils, qu’elle partirait avec lui au bout dumonde et qu’ils vivraient tous deux, seuls, heureux…

Sa belle-mère lui dit :

– Vous avez été bien légère, Yvonne.

Yvonne fut sur le point de se confesser à elle et de luidemander sa protection. A quoi bon ? Comment admettre que lacomtesse d’Origny pût la croire innocente ? Elle ne répliquapoint.

Tout de suite, d’ailleurs, le comte rentrait, suivi de sondomestique et d’un homme qui portait une trousse sous le bras.

Et le comte dit à cet homme :

– Vous savez de quoi il s’agit ?

– Oui, fit l’ouvrier. Une bague qui est devenue trop petite etqu’il faut trancher… C’est facile… Un coup de pince…

– Et vous examinerez ensuite, dit le comte, si l’inscription quiest à l’intérieur de cet anneau fut bien gravée par vous.

Yvonne observa la pendule. Il était onze heures moins dix. Illui sembla entendre quelque part dans l’hôtel un bruit de voix quidisputaient, et, malgré elle, un sursaut d’espoir la secoua.Peut-être Velmont avait-il réussi… Mais, le bruit s’étantrenouvelé, elle se rendit compte que des marchands ambulantspassaient sous ses fenêtres et s’éloignaient.

C’était fini. Horace Velmont n’avait pas pu la secourir. Et ellecomprit que, pour retrouver son enfant, il lui faudrait agir parses propres forces, car les promesses des autres sont vaines.

Elle eut un mouvement de recul. Elle avait vu sur sa main lamain sale de l’ouvrier, et ce contact odieux la révoltait.

L’homme s’excusa avec embarras. Le comte dit à sa femme :

– Il faut pourtant vous décider.

Alors elle tendit sa main fragile et tremblante que l’ouvriersaisit de nouveau, qu’il retourna, et appuya sur la table, la paumedécouverte. Yvonne sentit le froid de l’acier. Elle souhaitamourir, d’un coup, et, s’attachant aussitôt à cette idée de mort,elle pensa à des poisons qu’elle achèterait et qui l’endormiraientpresque à son insu.

L’opération fut rapide. De biais, les petites tenailles d’acierrepoussèrent la chair, se firent une place, et mordirent la bague.Un effort brutal la bague se brisa. Il n’y avait plus qu’à écarterles deux extrémités pour la sortir du doigt. C’est ce que fitl’ouvrier.

Le comte s’exclama, triomphant :

– Enfin nous allons savoir… La preuve est là ! Et noussommes tous témoins…

Il agrippa l’anneau et regarda l’inscription. Un cri de stupeurlui échappa. L’anneau portait la date de son mariage avec Yvonne :« Vingt-trois octobre. »

Nous étions assis sur la terrasse de Monte-Carlo. Son histoireterminée, Lupin alluma une cigarette et lança paisiblement desbouffées vers le ciel bleu.

Je lui dis :

– Eh bien ?

– Eh bien, quoi ?

– Comment, quoi ? mais la fin de l’aventure…

– La fin de l’aventure ? Mais il n’y en a pas d’autre.

– Voyons vous plaisantez…

– Nullement. Celle-là ne vous suffit pas ? La comtesse estsauvée. Le mari, n’ayant pas la moindre preuve contre elle, estcontraint par sa mère à renoncer au divorce et à rendre l’enfant.Voilà tout. Depuis il a quitté sa femme, et celle-ci vit heureuse,avec son fils, un garçon de seize ans.

– Oui… oui… mais la façon dont la comtesse a étésauvée ?

Lupin éclata de rire.

– Mon cher ami…

(Lupin daigne parfois m’appeler de la sorte.)

– Mon cher ami, vous avez peut-être une certaine adresse pourraconter mes exploits, mais fichtre ! il faut mettre lespoints sur les i. Je vous jure que la comtesse n’a pas eu besoind’explication.

– Je n’ai aucun amour-propre, lui répondis-je en riant. Mettezles points sur les i.

Il prit une pièce de cinq francs et referma la main surelle.

– Qu’y a-t-il dans cette main ?

– Une pièce de cinq francs.

Il ouvrit la main. La pièce de cinq francs n’y était pas.

– Vous voyez comme c’est facile ! Un ouvrier bijoutiercoupe avec des tenailles une bague sur laquelle est gravé un nom,mais il en présente une autre sur laquelle est gravée la date du 23octobre. C’est un simple tour d’escamotage, et j’ai celui-là dansle fond de mon sac, ainsi que beaucoup d’autres. Bigre ! J’aitravaillé six mois avec Pickmann.

– Mais alors…

– Allez-y donc !

– L’ouvrier bijoutier ?

– C’était Horace Velmont !… C’était ce brave Lupin !En quittant la comtesse à trois heures du matin, j’ai profité desquelques minutes qui me restaient avant l’arrivée du mari pourinspecter son cabinet de travail. Sur la table, j’ai trouvé lalettre que l’ouvrier bijoutier avait écrite. Cette lettre medonnait l’adresse. Moyennant quelques louis j’ai pris la place del’ouvrier, et je suis venu avec un anneau d’or coupé et gravéd’avance. Passez, muscade. Le comte n’y a vu que du feu.

– Parfait, m’écriai-je.

Et j’ajoutai, un peu ironique à mon tour :

– Mais ne croyez-vous pas que vous-mêmes fûtes quelque peu dupéen l’occurrence ?

– Ah ! Et par qui ?

– Par la comtesse.

– En quoi donc ?

– Dame ! Ce nom inscrit comme un talisman… Ce beauténébreux qui l’aima et souffrit pour elle… Tout cela me paraîtfort invraisemblable, et je me demande si, tout Lupin que voussoyez, vous n’êtes pas tombé au milieu d’un joli roman d’amour bienréel et pas trop innocent.

Lupin me regarda de travers.

– Non, dit-il.

– Comment le savez-vous ?

– Si la comtesse altéra la vérité en me disant qu’elle avaitconnu cet homme avant son mariage et qu’il était mort, et si ellel’aima dans le secret de son cœur, j’ai du moins la preuve que cetamour fut idéal, et que lui, ne le soupçonna pas.

– Et cette preuve ?

– Elle est inscrite au creux de la bague que j’ai briséemoi-même au doigt de la comtesse et que je porte. La voici. Vouspouvez lire le nom qu’elle avait fait graver.

Il me donna la bague. Je lus « Horace Velmont ».

Il y eut entre Lupin et moi un instant de silence, et, l’ayantobservé, je notai sur son visage une certaine émotion, un peu demélancolie.

Je repris :

– Pourquoi vous êtes-vous résolu à me raconter cette histoire àlaquelle vous avez fait souvent allusion devant moi ?

– Pourquoi ?

Il me montra, d’un signe, une femme très belle encore quipassait devant nous, au bras d’un jeune homme.

Elle aperçut Lupin et le salua.

– C’est elle, murmura-t-il, c’est elle avec son fils.

– Elle vous a donc reconnu ?

– Elle me reconnaît toujours, quel que soit mon déguisement.

– Mais, depuis le cambriolage du château de Thibermesnil, lapolice a identifié les deux noms de Lupin et d’Horace Velmont.

– Oui.

– Elle sait par conséquent qui vous êtes ?

– Oui.

– Et elle vous salue ? m’écriai-je malgré moi.

Il m’empoigna le bras, et, violemment :

– Croyez-vous donc que je sois Lupin pour elle ?Croyez-vous que je sois à ses yeux un cambrioleur, un escroc, ungredin ? Mais je serais le dernier des misérables, j’auraistué, même, qu’elle me saluerait encore.

– Pourquoi ? Parce qu’elle vous a aimé ?

– Allons donc ! ce serait une raison de plus, au contraire,pour qu’elle me méprisât.

– Alors ?

– Je suis l’homme qui lui a rendu son fils !

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