Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XLIII.

« Dès son enfance, le prince Luiggi Montaltière, poursuivit Ferdinand en s’adressant à ses deux amis, donna les marques d’un sombre caractère, d’une dissimulation profonde, que sa mère lui reprocha toujours ; il aimait rarement à partager les jeux des compagnons de son âge, il cherchait la solitude, et si l’on venait l’y attaquer, le jeune assaillant était certain d’en être puni par quelque coup imprévu au moment où il se croyait le mieux réconcilié avec Luiggi.

Les ans ne changèrent rien à cette propension au plus bas des vices ; mais ils apprirent à Luiggi l’art nécessaire pour le mieux dissimuler. Voyant chaque jour Francavilla devenu l’ami le plus cher à mon cœur, il parut vouloir également s’attacher à lui ; une même amitié nous réunit tous les trois ensemble, nous étions à-peu-près du même âge, et la même carrière nous fut ouverte.

Nous commençâmes à porter les armes à l’époque où notre roi Ferdinand combattait encore contre les princes d’Anjou qui occupaient le trône de Naples. Un héros venait de mourir ; par sa vaillance peu commune, il avait soutenu la couronne ébranlée, sur la tête de notre monarque, et ce guerrier célèbre était ton père, ô Lorédan !

Frédéric déplorant une perte si fatale pour lui, voulut néanmoins te récompenser des services que le marquis Francavilla lui avait rendus. Tu reçus de lui un accueil particulier ; il te distingua dans la foule de la jeune noblesse, et te plaça dans des postes où tu pus facilement te faire remarquer.

Cette préférence fut la première cause de la jalousie que Luiggi te porta depuis. Déjà ton heureux caractère, te faisant chérir de nos compagnons et des jeunes beautés avait été un motif de jalousie pour cette âme envieuse ; mais elle fut étrangement augmentée quand la victoire couronnant tes efforts, te plaça à vingt-cinq ans à la tête des habiles capitaines de notre patrie.

La faveur toujours croissante du roi devint la récompense de tes hauts faits. Montaltière la regarda comme une injustice ; car elle avait, disait-il, appartenu à son père, et par conséquent elle lui semblait dévolue de droit ; mais Frédéric pensait autrement ; il n’avait pour lui que des égards ordinaires, et toutes les préférences étaient pour toi.

Les choses se trouvaient ainsi préparées ; l’attachement que te portait Luiggi diminuait chaque jour ; mais moins il pouvait te chérir, plus il mettait d’art à te faire croire le contraire ; tu le croyais toujours le même, lorsque ce n’était plus qu’un ennemi que tu pressais sur ton sein.

Sur ces entrefaites, on parla de paix : un accord fut même conclu entre les rois de Naples et de Sicile ; les peuples purent enfin respirer. Mon frère en profita pour aller sur le continent de l’Italie visiter ses vastes domaines ; vous savez qu’il possède de grandes propriétés en Calabre, principalement dans la Romagne et sur les bords du golfe de Gênes.

Pendant son absence, la fille charmante du duc Ferrandino, la belle Ambrosia, parut a la cour ; ses charmes naissans, les grâces de sa personne attirèrent autour d’elle une foule nombreuse d’adorateurs ; tu voulus te placer dans leur nombre, et bientôt selon ta coutume, le premier rang te fut accordé ; si Ambrosia avait su te plaire, tu réalisas pour elle les rêves de sa brillante imagination ; votre tendresse ne tarda pas à se montrer réciproque ; elle fut promptement justifiée par le choix que fit le duc qui, poussé par la volonté de Frédéric, te déclara l’époux futur de sa fille ; cet arrêt m’accabla ; moi aussi je chérissais cette adorable créature ; mais mon amour trompé ne me rendit pas coupable envers l’amitié.

Montaltière revenait alors de son voyage ; le cœur gonflé de ses richesses, vain des hommages que partout il avait reçus de ses vassaux, l’orgueilleux jeune homme se figurait que sur quelque beauté qu’il fît tomber son choix, elle et sa famille tiendraient à honneur de contracter une si pompeuse alliance.

Enivré de ces idées, il aperçut Ambrosia le premier soir qu’elle parut à la cour de Messine ; les attraits de la jeune duchesse produisirent leur effet accoutumé, et Luiggi fut sous le joug avant d’avoir appris le nom de cette enchanteresse. Mais à la vue de sa riche parure, des honneurs qu’on lui rendait, du cercle nombreux dont elle était entourée, il ne douta pas que ce ne fut une fille d’une des premières maisons de Sicile, et dès ce moment il déclara son choix fixé.

Il ignorait quelle suite de malheurs devaient découler de cette fatale tendresse. Impatient de connaître le nom de cette belle, de laquelle il ne pouvait détacher ses yeux, il le demanda à Lorédan qui passait alors près de lui.

– « Tu as raison de la nommer belle, dit le marquis tout occupé de son amour, mais tu pourras bientôt lui donner le nom plus doux de sœur, car elle va devenir la femme de ton ami ; oui, Montaltière, cette personne qui te semble si digne de ton admiration, est cette même Ambrosia dont je t’ai si souvent entretenu dans les lettres que je t’ai écrites pendant ton absence. »

Si jamais l’art de la dissimulation fut nécessaire à mon malheureux frère, ce fut dans ce moment ; l’idée de la nouvelle victoire que Francavilla remportait sur lui ; la cruelle certitude de le voir son supérieur dans la gloire des armes, être en faveur auprès du roi, et plus encore, près de posséder la duchesse Ambrosia, vint allumer dans son cœur une haine d’autant plus furieuse quelle s’alimenta des flammes de l’amour.

Luiggi, loin de chercher à combattre sa passion naissante, se contenta de la dérober à tous les yeux ; il la cacha dans son âme ; il se plut à l’augmenter ; mais en même temps il jura la perte de son rival trop heureux. Je quittai à cette époque la Sicile ; peut-être en vivant près de lui, j’aurais pu, en découvrant son délire, essayer de le guérir, j’aurais peut-être deviné ses projets insensés et cherché à les contrecarrer. Mon absence sembla lui être favorable ; elle lui laissa toutes les facilités nécessaires à l’exécution du plan atroce qu’il forma.

Ce n’était pas d’abord la mort de Lorédan qu’il voulait ; un trépas trop prompt n’eût pas rempli ses vues ; Lorédan n’aurait pas été assez malheureux. Il fallait pour satisfaire la rage de Montaltière, porter le trouble dans le cœur de son rival ; l’épouvanter d’abord, lui faire perdre l’amitié de son souverain, l’amour de son amante, et enfin ne lui arracher la vie qu’après lui avoir montré celle-ci au pouvoir de son plus cruel ennemi. Telles furent les pensées atroces qui germèrent dans son âme, et malheureusement mon retour en Sicile vint lui en faciliter l’exécution en lui procurant les principaux moyens dont il se servit pour remplir ses vues.

Son premier soin fut de se chercher un point d’appui ; il voulait que les soupçons ne pussent jamais l’atteindre, et avoir la possibilité d’enfoncer tout à son aise le poignard au sein de sa victime. Il se rappela que non loin du monastère des Frères Noirs, dont un de ses parents éloignés était alors abbé, il possédait sur les bords de la mer une baronnie magnifique dont le château construit avec une foule de passages, de corridors, d’escaliers secrets, de sorties cachées hors de ses murailles, pouvait devenir le théâtre des scènes qu’il voulait faire jouer ; nul emplacement ne présentait plus de commodités ; Altanéro était situé tout auprès de Rosa Marini, terre appartenant au duc Ferrandino, et où de préférence il venait passer le temps qu’il donnait à la campagne. Les domaines de Lorédan étaient situés dans cette partie de la Sicile ; enfin nulle part on n’eût pu rencontrer une situation plus favorable à l’accomplissement de ses desseins.

L’abbé de Santo Génaro était comme je vous l’ai dit, l’allié de mon frère ; jeune encore, il s’était imprudemment jeté dans les ordres sacrés sans vocation véritable ; et depuis, chaque jour, il regrettait la perte de son indépendance ; déplorant de passer ses beaux jours dans la retraite sous l’empire des plus rigoureux devoirs.

Luiggi était le confident de ses chagrins, celui qui l’encourageait à secouer le joug des lois sévères de l’état monastique ; déjà cet abbé, lié avec les brigands de la forêt sombre, dont il s’était déclaré le principal protecteur, les employait à servir ses goûts criminels, ses passions insensées ; mais la gêne dans laquelle il fallait vivre, un certain respect qu’il devait garder, car tous les Frères noirs n’étaient pas également pervertis, ou étaient contraints de ménager ceux qui eussent pu se plaindre, tourmentaient le père abbé, et le rendaient malheureux.

Les dispositions bien connues de ce personnage persuadèrent à Montaltière qu’il lui serait facile de l’engager à lui céder sa place qui était absolument nécessaire à l’accomplissement de ses désirs ; en conséquence, Luiggi fit briller aux yeux de son parent l’espoir d’une prompte indépendance ; il lui offrit de lui donner une belle terre dont il pourrait disposer, qu’il serait le maître d’aller habiter dans quelque partie de l’Italie septentrionale, de l’Espagne ou de la France, où certes on n’irait pas le chercher.

Ces propositions brillantes séduisirent le faible abbé. Luiggi fit un voyage à Rome, il obtint du saint père, en faveur d’un autre parent dont il inventa le nom, la faveur de succéder à l’abbé des Frères noirs, dès que celui-ci aurait cessé de vivre, sans passer par un noviciat que le pape abrégeait, en faveur du bien qui pouvait en résulter pour le monastère.

Luiggi revint ensuit à Messine ; il était obligé d’avoir l’assentiment du souverain, et à lui, il n’osa pas faire un entier mensonge, que trop facilement il eût pu découvrir ; il lui avoua que poussé par un vif amour de la retraite, il voulait passer ses jours dans le monastère de Santo Génaro ; que craignant d’être détourné de sa résolution par ses proches ou ses amis, il jugeait indispensable d’en faire un secret à tout le monde, qu’en conséquence il lui demandait de souffrir qu’il fît profession sous un nom étranger.

Frédéric ne vit pas de mal à là chose. Luiggi l’avait par avance, lié en secret, par un serment solennel ; il lui donna en sa qualité de légat né du saint-siége, toutes les autorisations qu’il crut nécessaires ; et dès que Montaltière l’eût quitté, il cessa de s’occuper de lui ; la prétendue trahison de Ferdinand Valvano, dont presqu’en même temps il recevait la nouvelle, lui fit voir avec plaisir le parti pris par le frère de ce dernier, qui eût pu aider Ferdinand à troubler la Sicile, pour obtenir le droit d’y rentrer librement.

Ces divers soins remplis Luiggi revint au monastère de Santo-Génaro, où il n’était pas connu ; il y fit profession sous le nom qu’il s’était donné, et en même temps distribua ses biens de Sicile entre son frère et Lorédan Francavilla ; celui ci eut pour sa part la terre d’Altanéro, avec ses dépendances. Luiggi, en lui faisant ce cadeau, avait pris ses précautions à l’avance ; un concierge dont il faisait le plus grand éloge à Lorédan, pour l’engager à le garder, était entièrement dévoué à ses intérêts ; seul il connaissait l’existence des passages que Luiggi n’avait pas indiqués au nouveau propriétaire ; et il devait faciliter l’entrée du château à ceux que Luiggi jugerait à propos d’y introduire.

L’abbé des Frères noirs était pressé de jouir, de sa liberté ; peu de temps après la venue de Montaltière, il feignit une maladie, et ne demanda les soins que de son coadjuteur, du père prieur, autre scélérat de la même trempe, et des moines intéressés à garder le secret sur le sacrilège qui allait se commettre. L’état de l’abbé parut empirer ; on ne tarda pas à annoncer sa mort, un mannequin reçut les honneurs funèbres destinés à ses restes, et lui sous un déguisement, s’évada du monastère, et quitta la Sicile, se flattant de jouir ailleurs d’un plus heureux sort ; mais ce fut par lui que la justice divine commença le châtiment de ceux qui étaient entrés dans cette trame ; à peine arrivait-il à Gènes, que le poignard d’un mari jaloux lui ôta la vie.

L’imagination fertile de Montaltière lui suggéra la scène mystérieuse par laquelle il commença le cours des ses perfidies. Il savait que Lorédan devait venir prendre possession d’Altanéro, avec les cérémonies d’usage ; il voulut que le jour destiné à cette fête fût empoisonné par la perspective d’un fâcheux avenir ; il inventa le drapeau funèbre dont ses satellites se servirent ainsi que l’espèce d’adjuration avec laquelle il se permettait de troubler souvent le repos de celui qu’il n’avait pas de honte de nommer son ami.

Les brigands de la forêt instruits du rôle qu’ils avaient à jouer, furent, le jour de l’installation de Lorédan, à Altanéro, s’embarquer à quelque distance de cette forteresse sur des felouques préparées à ce dessein. Favorisés par la nuit, ils abordèrent sans peine sous des rochers que l’on croyait inaccessibles, et à la faveur de l’escalier qui aboutissait à cet endroit, ils parvinrent jusqu’à la porte de la salle à manger.

Là, ils attendirent en silence que le concierge leur fît un signe convenu, et à l’instant où tous les valets avaient quitté la pièce pour aller chercher les plats d’un nouveau service, les bandits entrèrent précipitamment dans la salle, et l’on connaît l’effroi que leur apparition causa parmi les convives ; on montra à Lorédan l’Étendard de la Mort ; on lui annonça la haine d’un ennemi invisible ; et pour la première fois, on fit retentir aux oreilles du marquis ces mots : À toi ! marquis Francavilla, à toi ! dont il devait tant de fois depuis entendre les expressions sinistres.

Les bandits se retirèrent sans qu’on les troublât, ils remontèrent sur les vaisseaux qui les avaient amenés ; et la nuit favorisant leur fuite, il ne fut plus possible de les atteindre et de les saisir ; ainsi le succès couronna la première entreprise de mon coupable frère.

Ce fut à cette époque où je parus dans Santo Génaro, que j’entendis se former les complots dont tu devais, cher Lorédan, devenir la victime ; je compris d’un coup d’œil l’étendue du péril que tu courais ; mon amitié alarmée ne balança pas à faire le serment de t’en garantir ; je vis que pour y parvenir, il fallait user de beaucoup d’adresse ; que pendant quelque temps je marcherais en aveugle ; mais j’entrevis dans l’avenir l’espérance de te faire beaucoup de bien ; et cela me décida.

Il me fut facile d’imaginer que je n’avancerais pas grand chose en allant t’avertir des pièges qu’on te tendait ; je ne pouvais que les supposer ; et pour les connaître, il me fallait les surveiller continuellement. Ceci devait naturellement changer tous mes desseins ; je ne devais plus sortir de la Sicile, et alors le couvent des Frères noirs devenait mon plus naturel, comme mon meilleur asile.

Ces pensées m’occupèrent après qu’ayant quitté la cache d’où j’avais entendu Luiggi, je fus revenu dans mon appartement ; long-temps encore elles me tourmentèrent dans mon lit, et je ne trouvai le sommeil que bien avant dans la nuit.

Je n’eus rien de plus pressé à mon réveil, que de chercher à revoir mon frère, lui-même se mourait d’envie de me rencontrer ; aussi fumes-nous bientôt en présence ; il fut le premier à me dire que d’après le désir que j’avais témoigné de me rendre à Altanéro, il avait fait partir un messager au point du jour pour aller prévenir Lorédan de mon arrivée.

Je n’eus garde de lui témoigner de méfiance ; je le remerciai sincèrement. Les marques de mon amitié l’encourageant davantage, il me montra des regrets de ce que je préférais aller attendre chez un ami le moment où je pourrais passer en Italie, tandis qu’il serait si doux à un frère de m’offrir l’asile dont j’avais besoin. – « Tu as raison, lui dis-je ; et si ton envoyé n’était pas déjà en route, je te prierais de me garder dans ton abbaye, où certes, avec quelque raison, je pourrais me croire en sûreté. »

– « La chose n’est plus à faire me dit Luiggi, nous ne devons plus y penser. »

Je ne m’appesantis pas davantage sur ce point ; j’étais bien certain que nous y reviendrions dans le courant de la journée ; je cherchai à faire connaissance avec l’intérieur du monastère ; je pouvais le parcourir librement, grâce aux droits que me donnait mon titre de fondateur. En courant ça et là, je rencontrai dans un passage écarté un religieux qui m’ayant un moment examiné poussa un cri de joie et se prosterna devant moi.

Surpris de cette action dont la cause m’était inconnue, je m’empressai de relever le Frère noir, le suppliant de m’apprendre par quel motif il donnait à un séculier une pareille marque de vénération. Ce religieux souleva son capuce, je reconnus alors les traits d’un jeune homme, fils d’un de mes écuyers, et qui, poussé par un véritable amour de la retraite, avait fait profession depuis cinq ans.

J’avais oublié cette particularité jusqu’à ce moment, et bien instruit des vertus de Luciani, je crus que le ciel me l’envoyait en cette circonstance pour servir à mes desseins.

Je lui demandai comment il pouvait se faire que jusqu’à cette heure, il eût ignoré ma venue dans Santo-Génaro. « Je viens, me dit-il, d’y arriver depuis peu d’instans ; élevé au grade important de grand infirmier, j’avais profité du temps où nous étions sans malades dans le couvent, pour aller à Taormina acheter plusieurs drogues qui me sont d’un usage journalier ; mes confrères, s’ils vous connaissent par votre véritable nom, car j’ai tout lieu de croire qu’on n’a pas voulu le leur dire, n’ont pas songé à me parler de vous ; croyez, signor, poursuivit-il, que si j’en eusse été instruit, je me fusse hâté de venir vous rendre mes hommages ; depuis longtemps mon cœur vous est tout dévoué. »

J’avais trop envie de juger à fond les sentimens de Luciani pour ne pas chercher à les connaître sur-le-champ ; j’étais libre encore de le faire, on ne pouvait me soupçonner, et les espions sans doute n’étaient pas encore attachés à mes pas. J’entrai donc en conversation avec ce religieux ; je le sondai de toute manière ; je n’eus pas de peine à deviner qu’il n’était pas content des dissolutions coupables auxquelles ses supérieurs se livraient. Luiggi avait été reconnu par lui la première fois qu’il parut dans le couvent ; mais Luciani était trop prudent pour en rien dire, il avait gardé cette découverte pour lui.

Je vis alors que je pouvais en toute liberté me confier à sa vertu comme à sa discrétion. Je le mis au fait de ce qui se passait, je lui demandai s’il aurait quelque regret de s’unir avec moi pour sauver l’innocence, il me jura que son âme était pure, et que rien ne lui coûterait pour me prouver son attachement.

« Je sais, me dit-il, où nous pourrons trouver un auxiliaire qui nous sera d’un grand secours. À quelque distance du monastère, vit dans une cabane un vieillard, ancien chirurgien à qui vous avez rendu d’importans services ; persécuté par des méchans, sa patience un jour se trouva lasse, il repoussa par le fer les calomnies dont il était l’objet, et ayant tué le plus acharné de ses ennemis, homme dont la famille était puissante, il fut contraint de fuir, vous lui en facilitâtes les moyens ; il vint me trouver, j’obtins pour lui de notre ancien abbé qu’on lui donnerait la permission de se loger dans une cabane adossée à la chaîne de rochers sur lesquels s’élève le monastère là, demeure Stéphano Lépani, je suis certain qu’il s’estimera heureux de vous servir, et nous aurons en lui un coopérateur intelligent. »

Je fus d’autant plus charmé de ce que venait de m’apprendre Luciani, que la principale entrée secrète des souterrains par où l’on pouvait s’introduire dans le monastère s’ouvrait dans la cabane que ce Stéphano, que je me rappelai fort bien, occupait.

Alors j’instruisis Luciani de toutes ces particularités ; il me promit de les apprendre à Stéphano, comme aussi de lui dire que le lendemain j’irais moi-même lui parler en arrivant chez lui à travers les passages secrets. Ce soin pris, nous convînmes encore avec Luciani de deux choses, la première que nous n’avouerions pas notre ancienne connaissance, elle ne pouvait être soupçonnée, et qu’en public nous nous traiterions avec une grande indifférence ; la seconde que nous ne parlerions de nos affaires que dans un lieu secret où nous nous rendrions exactement chaque nuit ; et que si par cas, durant le jour, il était nécessaire de se réunir, un geste, un signe convenu, nous en instruiraient, et que soudain nous tâcherions de nous rendre au lieu du rendez-vous ; ces précautions eussent pu paraître exagérées ; mais Luiggi nous avait appris à nous méfier de lui.

Toutes ces choses étant arrêtées, nous nous séparâmes, et je pus remercier le ciel de la bonté signalée avec laquelle il m’envoyait un si puissant secours.

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