Ange Pitou – Tome I (Les Mémoires d’un médecin)

Chapitre 21Madame de Staël

Lorsque Gilbert reprit dans le fiacre sa place à côté de Billotet en face de Pitou, il était pâle, et une goutte de sueur perlaità la racine de chacun de ses cheveux.

Mais il n’était pas dans le caractère de cet homme de resterplié sous la puissance d’une émotion quelconque. Il se renversadans l’angle de la voiture, appuya ses deux mains sur son frontcomme s’il eût voulu y comprimer la pensée, et, après un instantd’immobilité, écarta ses mains, et, au lieu d’un visage renversé,montrant une physionomie parfaitement calme :

– Vous disiez donc, mon cher monsieur Billot, que le roi a donnéson congé à M. le baron de Necker ?

– Oui, monsieur le docteur.

– Et que les troubles de Paris viennent un peu de cettedisgrâce ?

– Beaucoup.

– Vous avez ajouté que M. de Necker avait aussitôt quittéVersailles ?

– Il a reçu la lettre à son dîner ; une heure après, ilétait en route pour Bruxelles.

– Où il est maintenant ?

– Où il doit être.

– Vous n’avez point entendu dire qu’il se fût arrêté enroute ?

– Si fait, à Saint-Ouen, pour dire adieu à sa fille, madame labaronne de Staël.

– Madame de Staël est-elle partie avec lui ?

– J’ai entendu dire qu’il était parti seul avec sa femme.

– Cocher, dit Gilbert, arrêtez-moi chez le premier tailleurd’habits que vous rencontrerez.

– Vous voulez changer d’habits ? dit Billot.

– Oui, ma foi ! Celui-ci sent un peu trop le frottement desmurs de la Bastille, et l’on ne va pas visiter ainsi vêtu la filled’un ministre en disgrâce. Fouillez dans vos poches et voyez sivous n’y trouvez pas quelques louis.

– Oh ! oh ! dit le fermier, il paraît que vous avezlaissé votre bourse à la Bastille.

– C’était dans le règlement, dit en souriant Gilbert ; toutobjet de valeur se dépose au greffe.

– Et il y reste, dit le fermier.

Et, ouvrant sa large main, qui contenait une vingtaine delouis :

– Prenez, docteur, dit-il.

Gilbert prit dix louis. Quelques minutes après, le fiacres’arrêta devant la boutique d’un fripier.

C’était encore l’usage alors.

Gilbert échangea son habit limé par les murs de la Bastille,contre un habit noir fort propre, et tel qu’en portaient messieursdu tiers à l’Assemblée nationale.

Un coiffeur dans sa boutique, un Savoyard sur sa sellette,achevèrent la toilette du docteur.

Le cocher le conduisit à Saint-Ouen par les boulevardsextérieurs, qu’on alla gagner par derrière le parc de Monceau.

Gilbert descendait devant la maison de M. de Necker, àSaint-Ouen, au moment où sept heures de l’après-midi sonnaient à lacathédrale de Dagobert.

Autour de cette maison naguère si recherchée, si fréquentée,régnait un profond silence que troubla seul l’arrivée du fiacre deGilbert.

Et cependant, ce n’était point cette mélancolie des châteauxabandonnés, cette tristesse morne des maisons frappées dedisgrâce.

Les grilles fermées, les parterres déserts, annonçaient ledépart des maîtres ; mais nulle trace de douleur ou deprécipitation.

En outre, toute une partie du château, l’aile de l’est, avaitconservé les persiennes ouvertes, et lorsque Gilbert se dirigea dece côté, un laquais à la livrée de M. de Necker s’avança verslui.

Alors eut lieu à travers la grille le dialoguesuivant :

– M. de Necker n’est plus au château, mon ami ?

– Non, M. le baron est parti samedi passé pour Bruxelles.

– Et madame la baronne ?

– Partie avec monsieur.

– Mais madame de Staël ?

– Madame est demeurée ici. Mais je ne sais si madame peutrecevoir ; c’est l’heure de sa promenade.

– Informez-vous où elle est, je vous prie, et annoncez-lui M. ledocteur Gilbert.

– Je vais m’informer si madame est ou n’est pas dans lesappartements. Sans doute recevra-t-elle monsieur. Mais si elle sepromène, j’ai ordre de ne pas la troubler dans sa promenade.

– Fort bien. Allez donc, je vous prie.

Le laquais ouvrit la grille ; Gilbert entra.

Tout en refermant la grille, le laquais jetait un regardinquisiteur sur le véhicule qui avait amené le docteur, et sur lesétranges figures de ses deux compagnons de route.

Puis il partit en secouant la tête comme un homme dontl’intelligence est en défaut, mais qui semble mettre au défi touteautre intelligence de voir clair là où la sienne est restée plongéedans les ténèbres.

Gilbert resta seul à attendre.

Au bout de cinq minutes, le laquais revint.

– Madame la baronne se promène, dit-il.

Et il salua pour congédier Gilbert.

Mais le docteur ne se tint pas pour battu :

– Mon ami, dit-il au laquais, veuillez, je vous prie, faire unepetite infraction à votre consigne, et dire à madame la baronne, enm’annonçant à elle, que je suis un ami de M. le marquis de LaFayette.

Un louis glissé dans la main du laquais acheva de vaincre desscrupules que le nom que venait de prononcer le docteur avait déjàlevés à moitié.

– Entrez, monsieur, dit le laquais.

Gilbert le suivit. Mais au lieu de le faire entrer dans lamaison, il le conduisit dans le parc.

– Voici le côté favori de madame la baronne, dit le laquais enindiquant à Gilbert l’entrée d’une espèce de labyrinthe. Veuillezattendre un instant ici.

Dix minutes après, un bruit se fit dans le feuillage, et unefemme de vingt-trois à vingt-quatre ans, grande et aux formesplutôt nobles que gracieuses, apparut aux yeux de Gilbert.

Elle parut surprise en voyant un homme jeune encore, là où sansdoute elle s’attendait à trouver un homme d’un âge déjà assezmûr.

Gilbert était en effet un homme assez remarquable pour frapperau premier coup d’œil une observatrice de la force de madame deStaël.

Peu d’hommes avaient le visage formé de lignes aussi pures, etces lignes avaient pris, par l’exercice d’une volontétoute-puissante, un caractère d’extraordinaire inflexibilité. Sesbeaux yeux noirs, toujours si expansifs, s’étaient voilés etaffermis par le travail et la souffrance, et, en se voilant et ens’affermissant, ils avaient perdu cette inquiétude qui est un descharmes de la jeunesse.

Un pli profond et gracieux tout à la fois creusait au coin deses lèvres fines cette cavité mystérieuse dans laquelle lesphysionomistes placent le siège de la circonspection. Il semblaitque le temps seul et une vieillesse précoce eussent donné à Gilbertcette qualité que la nature n’avait pas songé à mettre en lui.

Son front large et bien arrondi, avec une légère fuitequ’arrêtaient ses beaux cheveux noirs, que depuis longtemps lapoudre avait cessé de blanchir, renfermait à la fois la science etla pensée, l’étude et l’imagination. À Gilbert ainsi qu’à sonmaître Rousseau, la saillie des sourcils jetait une ombre épaissesur les yeux, et de cette ombre jaillissait le point lumineux quirévélait la vie.

Gilbert, malgré ses habits modestes, se présentait donc aux yeuxdu futur auteur de Corinne sous un aspect remarquablementbeau et distingué, distinction dont les mains longues et blanches,dont les pieds minces et bien attachés à une jambe fine etnerveuse, complétaient l’ensemble.

Madame de Staël perdit quelques instants à examiner Gilbert.

Ce temps, Gilbert, de son côté, l’employa à un salut raide etqui rappelait un peu la civilité modeste des quakers de l’Amérique,lesquels n’accordent à la femme que la fraternité qui rassure, aulieu du respect qui sourit.

Puis, d’un regard rapide à son tour, il analysa toute lapersonne de la jeune femme déjà célèbre, et dont les traitsintelligents et pleins d’expression manquaient absolument decharme ; tête de jeune homme insignifiant et trivial, plutôtque tête de femme sur un corps plein de voluptueuse luxuriance.

Elle tenait à la main une branche de grenadier, dont, dans sadistraction, elle s’amusait à manger les fleurs.

– C’est vous, monsieur, demanda la baronne, qui êtes le docteurGilbert ?

– C’est moi, oui, madame.

– Si jeune ; vous avez déjà acquis une bien granderéputation, ou plutôt cette réputation n’appartiendrait-elle pas àvotre père ou à quelque parent plus âgé que vous ?

– Je ne connais pas d’autre Gilbert que moi, madame. Et si, eneffet, il y a, comme vous le dites, quelque peu de réputationattachée à ce nom, j’ai tout droit de la revendiquer.

– Vous vous êtes servi du nom du marquis de La Fayette pourpénétrer jusqu’à moi, monsieur. Et, en effet, le marquis nous aparlé de vous, de votre science inépuisable.

Gilbert s’inclina.

– Science d’autant plus remarquable, d’autant plus pleined’intérêt, surtout, continua la baronne, qu’il paraît, monsieur,que vous n’êtes pas un chimiste ordinaire, un praticien comme lesautres, et que vous avez sondé tous les mystères de la science dela vie.

– M. le marquis de La Fayette vous aura dit, je le vois bien,madame, que j’étais un peu sorcier, répliqua Gilbert en souriant,et s’il vous l’a dit, je lui sais assez d’esprit pour vous l’avoirprouvé, s’il l’a voulu.

– En effet, monsieur, il nous a parlé de cures merveilleuses quevous fîtes souvent, soit sur le champ de bataille, soit dans leshôpitaux américains, sur des sujets désespérés ; vous lesplongiez, nous a dit le général, dans une mort factice si semblableà la mort réelle, que parfois celle-ci s’y trompait.

– Cette mort factice, madame, c’est le résultat d’une sciencepresque inconnue, confiée aujourd’hui aux mains de quelques adeptesseulement, mais qui finira par devenir vulgaire.

– Du mesmérisme, n’est-ce pas ? demanda madame de Staël ensouriant.

– Du mesmérisme, oui, c’est cela.

– Auriez-vous pris des leçons du maître lui-même ?

– Hélas ! madame, Mesmer lui-même n’était que l’écolier. Lemesmérisme, ou plutôt le magnétisme, était une science antiqueconnue des Égyptiens et des Grecs. Elle s’est perdue dans l’océandu Moyen Âge. Shakespeare la devine dans Macbeth. UrbainGrandier la retrouve, et meurt pour l’avoir retrouvée. Mais legrand maître, mon maître à moi, c’est le comte de Cagliostro.

– Ce charlatan ! dit madame de Staël.

– Madame, madame, prenez garde de juger comme les contemporains,et non comme la postérité. À ce charlatan je dois ma science, etpeut-être le monde lui devra-t-il la liberté.

– Soit, dit madame de Staël en souriant. Je parle sansconnaître ; vous parlez avec connaissance de cause : ilest probable que vous avez raison, et que j’ai tort… Mais revenonsà vous. Pourquoi vous êtes-vous tenu si longtemps éloigné de laFrance ? Pourquoi n’êtes-vous point revenu prendre votre placeparmi les Lavoisier, les Cabanis, les Condorcet, les Bailly et lesLouis ?

À ce dernier nom, Gilbert rougit imperceptiblement.

– J’ai trop à étudier, madame, pour me ranger ainsi, du premiercoup, parmi les maîtres.

– Enfin, vous voilà, mais dans un mauvais moment pour nous. Monpère, qui eût été si heureux de vous être utile, est disgracié etparti depuis trois jours.

Gilbert sourit.

– Madame la baronne, dit-il en s’inclinant légèrement, il y asix jours que, sur un ordre de M. le baron Necker, je fus mis à laBastille.

Madame de Staël rougit à son tour.

– En vérité, monsieur, vous me dites là quelque chose qui mesurprend beaucoup. Vous, à la Bastille !

– Moi-même, madame.

– Qu’aviez-vous donc fait ?

– Ceux qui m’y ont fait mettre pourraient seuls me le dire.

– Mais vous en êtes sorti ?

– Parce qu’il n’y a plus de Bastille, oui, madame.

– Comment, plus de Bastille ? fit madame de Staël en jouantla surprise.

– N’avez-vous pas entendu le canon ?

– Oui, mais le canon, c’est le canon : voilà tout.

– Oh ! permettez-moi de vous dire, madame, qu’il estimpossible que madame de Staël, fille de M. de Necker, ignore, àl’heure qu’il est, que la Bastille a été prise par le peuple.

– Je vous assure, monsieur, répondit la baronne avec embarras,qu’étrangère à tous les événements depuis le départ de mon père, jene m’occupe plus que de pleurer son absence.

– Madame ! madame ! dit Gilbert en secouant la tête,les courriers d’État sont trop habitués au chemin qui mène auchâteau de Saint-Ouen, pour qu’il n’en soit pas arrivé au moins undepuis quatre heures que la Bastille a capitulé.

La baronne vit qu’il lui était impossible de répondre sansmentir positivement. Le mensonge lui répugna ; elle changea laconversation.

– Et à quoi dois-je l’honneur de votre visite, monsieur ?demanda-t-elle.

– Je désirais avoir l’honneur de parler à M. de Necker,madame.

– Mais vous savez qu’il n’est plus en France ?

– Madame, il me paraissait tellement extraordinaire que M. deNecker se fût éloigné, tellement impolitique qu’il n’eût passurveillé les événements…

– Que ?…

– Que je comptais sur vous, je l’avoue, madame, pour m’indiquerl’endroit où je pourrais le trouver.

– Vous le trouverez à Bruxelles, monsieur.

Gilbert arrêta sur la baronne son regard scrutateur.

– Merci, madame, dit-il en s’inclinant ; je vais doncpartir pour Bruxelles, ayant à lui dire des choses de la plus hauteimportance.

Madame de Staël fit un mouvement d’hésitation, puis ellereprit :

– Heureusement que je vous connais, monsieur, dit-elle, et queje vous sais un homme sérieux, car ces choses si importantespourraient bien perdre de leur valeur en passant par une autrebouche… Que peut-il y avoir d’important pour mon père après ladisgrâce, après le passé ?

– Il y a l’avenir, madame. Et peut-être ne dois-je pas être toutà fait sans influence sur l’avenir. Mais tout cela est inutile.L’important pour moi et pour lui est que je revoie M. de Necker…Ainsi, madame, vous dites qu’il est à Bruxelles ?

– Oui, monsieur.

– Je mettrai vingt heures pour faire le voyage. Savez-vous ceque c’est que vingt heures en temps de révolution, et combien dechoses se peuvent passer en vingt heures ? Oh ! quelleimprudence a commise M. de Necker, madame, en mettant vingt heuresentre lui et les événements, entre la main et le but.

– En vérité, monsieur, vous m’effrayez, dit madame de Staël, etje commence à croire en effet que mon père a commis uneimprudence.

– Que voulez-vous, madame, les choses sont ainsi, n’est-cepas ? Je n’ai donc plus qu’à vous présenter mes très humblesexcuses pour le dérangement que je vous ai causé. Adieu,madame.

Mais la baronne l’arrêta.

– Je vous dis, monsieur, que vous m’effrayez, reprit-elle ;vous me devez une explication de tout ceci, quelque chose qui merassure.

– Hélas ! madame, répondit Gilbert, j’ai dans ce momenttant d’intérêts personnels à surveiller, qu’il m’est absolumentimpossible de songer à ceux des autres ; il y va de ma vie etde mon honneur, comme il y allait de la vie et de l’honneur de M.de Necker, s’il eût pu profiter tout de suite des paroles que jelui dirai dans vingt heures.

– Monsieur, permettez-moi de me souvenir d’une chose que j’aitrop longtemps oubliée, c’est que de pareilles questions ne doiventpas se débattre à ciel ouvert, dans un parc à portée de toutes lesoreilles.

– Madame, dit Gilbert, je suis chez vous, et permettez-moi devous dire que c’est vous qui, par conséquent, avez choisi l’endroitoù nous sommes. Que voulez-vous ? Je suis à vos ordres.

– Que vous me fassiez la grâce d’achever cette conversation dansmon cabinet.

– Ah ! ah ! fit Gilbert intérieurement, si je necraignais de l’embarrasser, je lui demanderais si son cabinet est àBruxelles.

Mais, sans rien demander, il se contenta de suivre la baronne,qui se mit à marcher fort vite du côté du château.

On retrouva devant la façade le même laquais qui avait reçuGilbert. Madame de Staël lui fit un signe, et ouvrant les porteselle-même, elle conduisit Gilbert dans son cabinet, charmanteretraite, plus masculine au reste que féminine, et dont la secondeporte et les deux fenêtres donnaient sur un petit jardin,inaccessible, non seulement aux personnes étrangères, mais encoreaux regards étrangers.

Arrivée là, madame de Staël referma la porte, et se tournantvers Gilbert :

– Monsieur, dit-elle, au nom de l’humanité, je vous somme de medire quel est le secret utile à mon père qui vous amène àSaint-Ouen.

– Madame, dit Gilbert, si monsieur votre père pouvait m’entendred’ici, s’il pouvait savoir que je suis l’homme qui ai envoyé au roiles mémoires secrets intitulés : De la situation des idéeset du progrès, je suis sûr que M. le baron de Neckerparaîtrait tout à coup, et me dirait : « Docteur Gilbert,que voulez-vous de moi ? Parlez, je vous écoute. »

Gilbert n’avait pas achevé ces paroles, qu’une porte cachée dansun panneau peint par Vanloo s’ouvrit sans faire de bruit, et que lebaron de Necker parut souriant, sur le seuil d’un petit escaliertournant, au haut duquel on voyait sourdre la lumière d’unelampe.

Alors la baronne de Staël fit un salut à Gilbert, et embrassantson père au front, elle prit le chemin qu’il venait de parcourir,remonta l’escalier, ferma le panneau, et disparut.

Necker s’était avancé vers Gilbert ; il lui tendit la mainen disant :

– Me voilà, monsieur Gilbert ; que voulez-vous demoi ? Je vous écoute.

Tous deux prirent des sièges.

– Monsieur le baron, dit Gilbert, vous venez d’entendre unsecret qui vous révèle toutes mes idées. C’est moi qui, il y aquatre ans, ai fait parvenir au roi un mémoire sur la situationgénérale de l’Europe ; c’est moi qui, depuis ce temps, lui aienvoyé des États-Unis les différents mémoires qu’il a reçus surtoutes les questions de conciliation et d’administrationintérieures qui se sont élevées en France.

– Mémoires dont Sa Majesté, répondit M. de Necker ens’inclinant, ne m’a jamais parlé sans une admiration et une terreurprofondes.

– Oui, parce qu’ils disaient la vérité. N’est-ce pas parce quela vérité était alors terrible à entendre, et qu’aujourd’huiqu’elle est devenue un fait, elle est encore plus terrible àvoir ?

– C’est incontestable, monsieur, dit Necker.

– Ces mémoires, demanda Gilbert, le roi vous les a-t-ilcommuniqués ?

– Pas tous, monsieur ; deux seulement : un sur lesfinances, et vous étiez de mon avis à quelques différencesprès ; mais j’en fus très honoré quand même.

– Ce n’est pas tout ; il y en avait un où je lui annonçaistous les événements matériels qui se sont accomplis.

– Ah !

– Oui.

– Et lesquels, monsieur, je vous prie ?

– Deux entre autres : l’un était l’obligation où il seraitun jour de vous renvoyer en face de certains engagements pris.

– Vous lui avez prédit ma disgrâce ?

– Parfaitement.

– Voilà pour le premier événement. Quel était lesecond ?

– La prise de la Bastille.

– Vous avez prédit la prise de la Bastille ?

– Monsieur le baron, la Bastille était plus que la prison de laroyauté, elle était le symbole de la tyrannie. La liberté acommencé par détruire le symbole ; la Révolution fera lereste.

– Avez-vous calculé la gravité des paroles que vous me dites,monsieur ?

– Sans doute.

– Et vous n’avez pas peur en émettant tout haut une pareillethéorie ?

– Peur de quoi ?

– Qu’il ne vous arrive malheur.

– Monsieur de Necker, dit en souriant Gilbert, quand on sort dela Bastille on n’a plus peur de rien.

– Vous sortez de la Bastille ?

– Aujourd’hui même.

– Et pourquoi étiez-vous à la Bastille ?

– Je vous le demande.

– À moi ?

– Sans doute, à vous.

– Et pourquoi à moi ?

– Parce que c’est vous qui m’y avez fait mettre.

– Je vous ai fait mettre à la Bastille ?

– Il y a six jours ; la date, comme vous le voyez, n’estcependant pas bien ancienne, et vous devriez vous en souvenir.

– C’est impossible.

– Reconnaissez-vous votre signature ?

Et Gilbert montra à l’ex-ministre l’écrou de la Bastille et lalettre de cachet qui s’y trouvait annexée.

– Oui, sans doute, dit Necker, voici la lettre de cachet. Voussavez que j’en signais le moins possible, et que ce moins possiblemontait encore à quatre mille par an. En outre, je me suis aperçu,au moment de mon départ, que l’on m’en avait fait signerquelques-unes en blanc. La vôtre, monsieur, à mon grand regret,aura été une de celles-là.

– Cela veut dire que je ne dois d’aucune manière vous attribuermon incarcération ?

– Non, sans doute.

– Mais enfin, monsieur le baron, dit Gilbert en souriant, vouscomprenez ma curiosité : il faut que je sache à qui je suisredevable de ma captivité. Soyez donc assez bon pour me ledire.

– Oh ! rien de plus facile. Je n’ai jamais, par précaution,laissé mes lettres au ministère, et tous les soirs je lesrapportais ici. Celles de ce mois sont dans le tiroir B de cechiffonnier ; cherchons dans la liasse la lettre G.

Necker ouvrit le tiroir, et feuilleta une liasse énorme quipouvait contenir cinq ou six cents lettres.

– Je ne garde, dit l’ex-ministre, que les lettres qui sont denature à mettre à couvert ma responsabilité. Une arrestation que jefais faire, c’est un ennemi que je me fais. Je dois donc avoir paréle coup. Le contraire m’étonnerait bien. Voyons, G… G…, c’est cela,oui, Gilbert. Cela vous vient de la maison de la reine, mon chermonsieur.

– Ah ! ah ! de la maison de la reine ?

– Oui, demande d’une lettre de cachet contre le nommé Gilbert.Pas de profession. Yeux noirs, cheveux noirs. Suit le signalement.Se rendant du Havre à Paris, voilà tout. Alors, ce Gilbert c’étaitvous ?

– C’était moi. Pouvez-vous me confier la lettre ?

– Non, mais je puis vous dire de qui elle est signée.

– Dites.

– Comtesse de Charny.

– Comtesse de Charny ? répéta Gilbert ; je ne laconnais pas, je ne lui ai rien fait.

Et il releva doucement la tête comme pour chercher dans sessouvenirs.

– Il y a en outre une petite apostille sans signature, maisd’une écriture à moi connue. Voyez.

Gilbert se pencha, et lut à la marge de la lettre :

« Faire sans retard ce que demande la comtesse deCharny. »

– C’est étrange, dit Gilbert ; la reine, je conçois encorecela, il était question d’elle et des Polignac dans mon mémoire.Mais cette madame de Charny…

– Vous ne la connaissez pas ?

– Il faut que ce soit un prête-nom. Au reste, rien d’étonnant,vous comprenez, que les notabilités de Versailles me soientinconnues : il y a quinze ans que je suis absent deFrance ; je n’y suis revenu que deux fois, et je l’ai quittéeà cette seconde fois, voici tantôt quatre ans. Qui est-ce que cettecomtesse de Charny, s’il vous plaît ?

– L’amie, la confidente, l’intime de la reine ; la femmetrès adorée du comte de Charny, une beauté et une vertu à la fois,un prodige enfin.

– Eh bien ! je ne connais pas ce prodige.

– S’il en est ainsi, mon cher docteur, arrêtez-vous à ceci, quevous êtes le jouet de quelque intrigue politique. N’avez-vous pointparlé du comte de Cagliostro ?

– Oui.

– Vous l’avez connu ?

– Il a été mon ami ; plus que mon ami, mon maître ;plus que mon maître, mon sauveur.

– Eh bien ! l’Autriche ou le Saint-Siège aura demandé votreincarcération. Vous avez écrit des brochures ?

– Hélas ! oui.

– Précisément. Toutes ces petites vengeances tournent à lareine, comme l’aiguille au pôle, le fer à l’aimant. On a complotécontre vous ; on vous a fait suivre. La reine a chargé madamede Charny de signer la lettre afin d’éloigner les soupçons ;et voilà le mystère à jour.

Gilbert réfléchit un instant.

Cet instant de réflexion lui remit en mémoire cette cassettevolée chez Billot, à Pisseleu, et dans laquelle ni la reine, nil’Autriche, ni le Saint-Siège n’avaient rien à faire. Ce souvenirle remit dans la bonne voie.

– Non, dit-il, ce n’est point cela, ce ne peut pas êtrecela ; mais, n’importe ! passons à autre chose.

– À quoi ?

– À vous !

– À moi ? qu’avez-vous à me dire de moi ?

– Ce que vous savez aussi bien que personne : c’estqu’avant trois jours, vous allez être réinstallé dans vosfonctions, et qu’alors vous gouvernerez la France aussidespotiquement que vous voudrez.

– Vous croyez ? dit Necker en souriant.

– Et vous aussi, puisque vous n’êtes pas à Bruxelles.

– Eh bien ! fit Necker, le résultat ? car c’est aurésultat qu’il nous faut venir.

– Le voici. Vous êtes chéri des Français, vous allez en êtreadoré. La reine était déjà fatiguée de vous voir chéri ; leroi se fatiguera de vous voir adoré ; ils feront de lapopularité à vos dépens, et vous ne le souffrirez pas. Alors, àvotre tour, vous deviendrez impopulaire. Le peuple, mon chermonsieur de Necker, c’est un lion affamé qui ne lèche que la mainnourricière, quelle que soit cette main.

– Après ?

– Après, vous retomberez dans l’oubli.

– Moi ? dans l’oubli !

– Hélas ! oui.

– Et qui me ferait oublier ?

– Les événements.

– Ma parole d’honneur ! vous parlez en prophète.

– C’est que j’ai le malheur de l’être quelque peu.

– Voyons, qu’arrivera-t-il ?

– Oh ! ce qui arrivera n’est point difficile à prédire, carce qui arrivera est en germe à l’Assemblée. Un parti surgira quidort en ce moment, je me trompe, qui veille, mais qui se cache. Ceparti a pour chef un principe ; pour arme, une idée.

– Je comprends. Vous parlez du parti orléaniste.

– Non. Celui-là, j’eusse dit qu’il avait pour chef un homme,pour arme la popularité. Je vous parle d’un parti dont le nom n’apas même été prononcé, du parti républicain.

– Du parti républicain ? Ah ! par exemple !

– Vous n’y croyez pas ?…

– Chimère !

– Oui, chimère à la gueule de feu, qui vous dévorera tous.

– Eh bien ! je me ferai républicain ; je le suisdéjà.

– Républicain de Genève, parfaitement.

– Mais il me semble qu’un républicain est un républicain.

– Voilà l’erreur, monsieur le baron ; nos républicains, ànous, ne ressembleront point aux républicains des autrespays : nos républicains auront d’abord les privilèges àdévorer, puis la noblesse, puis la royauté ; nos républicains,vous partirez avec eux, mais ils arriveront sans vous ; carvous ne voudrez pas les suivre où ils iront. Non, monsieur le baronde Necker, vous vous trompez, vous n’êtes pas un républicain.

– Oh ! si vous l’entendez comme cela, non ; j’aime leroi.

– Et moi aussi, dit Gilbert, et tout le monde en ce momentl’aime comme nous. Si je disais ce que je dis à un esprit moinsélevé que le vôtre, on me huerait, on me bafouerait ; maiscroyez à ce que je vous dis, monsieur Necker.

– Je ne demanderais pas mieux, en vérité, si la chose avait dela vraisemblance ; mais…

– Connaissez-vous les sociétés secrètes ?

– J’en ai fort entendu parler.

– Y croyez-vous ?

– Je crois à leur existence ; je ne crois pas à leuruniversalité.

– Êtes-vous affilié à quelqu’une ?

– Non.

– Êtes-vous simplement d’une loge maçonnique ?

– Non.

– Eh bien ! monsieur le ministre, je le suis,moi !

– Affilié ?

– Oui, et à toutes. Monsieur le ministre, prenez garde, c’est unimmense réseau qui enveloppe tous les trônes. C’est un poignardinvisible qui menace toutes les monarchies. Nous sommes troismillions de frères à peu près, répandus dans tous les pays,disséminés dans toutes les classes de la société. Nous avons desamis dans le peuple, dans la bourgeoisie, dans la noblesse, chezles princes, parmi les souverains eux-mêmes. Prenez garde, monsieurde Necker, le prince devant lequel vous vous irriteriez estpeut-être un affilié, prenez garde. Le domestique qui s’inclinedevant vous est peut-être un affilié. Votre vie n’est pas à vous,votre fortune n’est pas à vous ; votre honneur lui-même n’estpas à vous. Tout cela est à une puissance invisible, contrelaquelle vous ne pouvez combattre, car vous ne la connaissez pas,et qui peut vous perdre, elle, car elle vous connaît. Ehbien ! ces trois millions d’hommes, voyez-vous, qui ont déjàfait la république américaine, ces trois millions d’hommes vontessayer de faire une république française ; puis ilsessaieront de faire une république européenne.

– Mais, dit Necker, leur république des États-Unis ne m’effraiepas trop, et j’accepte volontiers ce programme.

– Oui, mais de l’Amérique à nous, il y a un abîme. L’Amérique,pays neuf, sans préjugés, sans privilèges, sans royauté, solnourricier, terres fécondes, forêts vierges ; l’Amérique,située entre la mer, qui est un débouché à son commerce, et lasolitude, qui est une ressource à sa population, tandis que laFrance !… voyez donc ce qu’il y a à détruire en France, avantque la France ressemble à l’Amérique !

– Mais, enfin, où voulez-vous en venir ?

– Je veux en venir où nous allons fatalement. Mais je veuxtâcher d’y venir sans secousses, en mettant le roi à la tête dumouvement.

– Comme un drapeau ?

– Non, comme un bouclier.

– Un bouclier ! fit Necker en souriant, vous ne connaissezpas le roi, si vous voulez lui faire jouer un pareil rôle.

– Si fait, je le connais. Eh ! mon Dieu ! je le saisbien, c’est un homme tel que j’en ai vu mille à la tête des petitsdistricts de l’Amérique, un brave homme, sans majesté, sansrésistance, sans initiative, mais que voulez-vous ? Ne fût-ceque par le titre sacré qu’il porte, ce n’en est pas moins unrempart contre ces hommes dont je vous parlais tout à l’heure, etsi faible que soit un rempart, on l’aime mieux que rien.

« Je me souviens, dans nos guerres avec les tribus sauvagesdu nord de l’Amérique, je me souviens d’avoir passé des nuitsentières derrière une touffe de roseaux ; l’ennemi était del’autre côté de la rivière et tirait sur nous.

« C’est peu de chose qu’un roseau, n’est-ce pas ? Ehbien ! je vous déclare cependant, monsieur le baron, que moncœur battait plus à l’aise derrière ces grands tuyaux verdoyantsqu’une balle coupait comme des fils, qu’il ne l’eût fait en rasecampagne. Eh bien ! le roi, c’est mon roseau. Il me permet devoir l’ennemi, et il empêche que l’ennemi ne me voie. Voilàpourquoi, républicain à New-York ou à Philadelphie, je suisroyaliste en France. Là-bas, notre dictateur s’appelait Washington.Ici, Dieu sait comment il s’appellera : poignard ouéchafaud.

– Vous voyez les choses couleur de sang, docteur !

– Vous les verriez de la même couleur que moi, baron, si vousvous étiez trouvé comme moi, aujourd’hui, à la place deGrève !

– Oui, c’est vrai ; l’on m’a dit qu’il y avait eumassacre.

– C’est une belle chose, voyez-vous, que le peuple… mais, quandil est beau !… Ô tempêtes humaines ! s’écria Gilbert, quevous laissez loin de vous les tempêtes du ciel !

Necker devint pensif.

– Que ne vous ai-je près de moi, docteur, dit-il ; vous meseriez, au besoin, un rude conseiller.

– Près de vous, monsieur le baron, je ne vous serais pas siutile, et surtout si utile à la France, que là où j’ai l’envied’aller.

– Et où voulez-vous aller ?

– Écoutez, monsieur : il y a près du trône même un grandennemi du trône ; près du roi, un grand ennemi du roi :c’est la reine. Pauvre femme ! qui oublie qu’elle est la fillede Marie-Thérèse, ou plutôt qui ne s’en souvient qu’au point de vuede son orgueil ; elle croit sauver le roi, et elle perd plusque le roi : elle perd la royauté. Eh bien ! il faut,nous qui aimons le roi, nous qui aimons la France, il faut nousentendre pour neutraliser ce pouvoir, pour annihiler cetteinfluence.

– Eh bien ! alors, faites ce que je vous disais,monsieur ; restez près de moi. Aidez-moi.

– Si je reste près de vous, nous n’aurons qu’un seul et mêmemoyen d’action ; vous serez moi, je serai vous. Il faut nousséparer, monsieur, et alors nous pèserons d’un double poids.

– Et avec tout cela, à quoi arriverons-nous ?

– À retarder la catastrophe peut-être, mais certainement pas àl’empêcher, quoique je vous réponde d’un puissant auxiliaire, dumarquis de La Fayette.

– La Fayette est un républicain ?

– Comme peut être républicain un La Fayette. S’il nous fautabsolument passer sous le niveau de l’Égalité, choisissons,croyez-moi, celle des grands seigneurs. J’aime l’Égalité qui élèveet non pas celle qui abaisse.

– Et vous répondez de La Fayette ?

– Tant qu’on ne lui demandera que de l’honneur, du courage, dudévouement, oui.

– Eh bien ! voyons, parlez, que désirez-vous ?

– Une lettre d’introduction près de Sa Majesté le roi LouisXVI.

– Un homme de votre valeur n’a pas besoin de lettred’introduction ; il se présente seul.

– Non, il me convient d’être votre créature ; il entre dansmes projets d’être présenté par vous.

– Et quelle est votre ambition ?

– D’être un des médecins par quartier du roi.

– Oh ! rien de plus aisé. Mais la reine ?

– Une fois près du roi, c’est mon affaire.

– Mais si elle vous persécute ?

– Alors, je ferai avoir une volonté au roi.

– Une volonté au roi ? Vous serez plus qu’un homme si vousfaites cela.

– Celui qui dirige le corps est un grand niais s’il n’arrive pasun jour à diriger l’esprit.

– Mais ne croyez-vous point que ce soit un mauvais précédentpour devenir médecin du roi que d’avoir été enfermé à laBastille ?

– C’est le meilleur, au contraire. N’ai-je pas été, selon vous,persécuté pour crime de philosophie ?

– C’est ma crainte.

– Alors, le roi se réhabilite, le roi se popularise en prenantpour médecin un élève de Rousseau, un partisan des nouvellesdoctrines, un prisonnier sortant de la Bastille, enfin. La premièrefois que vous le verrez, faites-lui valoir cela.

– Vous avez toujours raison ; mais une fois près du roi, jepuis compter sur vous ?

– Entièrement, tant que vous demeurerez dans la ligne politiqueque nous adopterons.

– Que me promettez-vous ?

– De vous prévenir du moment précis où vous devez faireretraite.

Necker regarda un instant Gilbert ; puis d’une voixassombrie :

– En effet, c’est le plus grand service qu’un ami dévoué puisserendre à un ministre, car c’est le dernier.

Et il se plaça devant sa table pour écrire au roi.

Pendant ce temps, Gilbert relisait la lettre endisant :

– Comtesse de Charny ! qui donc cela peut-ilêtre ?

– Tenez, monsieur, dit Necker au bout d’un instant en présentantà Gilbert ce qu’il venait d’écrire.

Gilbert prit la lettre et lut.

Elle contenait ce qui suit :

« Sire,

« Votre Majesté doit avoir besoin d’un homme sûr, avec quielle puisse causer de ses affaires. Mon dernier présent, mondernier service en quittant le roi, c’est le don que je lui fais dudocteur Gilbert. J’en dirai assez à Votre Majesté en lui apprenantnon seulement que le docteur Gilbert est un des médecins les plusdistingués qui existent au monde, mais encore l’auteur desmémoires : Administrations et Politiques, qui l’ontsi vivement impressionnée,

« Aux pieds de Votre Majesté,

« Baron de Necker. »

Necker ne data point sa lettre, et la remit au docteur Gilbert,cachetée d’un simple sceau.

– Et maintenant, ajouta-t-il, je suis à Bruxelles, n’est-cepas ?

– Oui, certes, et plus que jamais. Demain matin, au reste, vousaurez de mes nouvelles.

Le baron frappa d’une certaine façon le long du panneau, madamede Staël reparut ; seulement cette fois, outre sa branche degrenadier, elle tenait la brochure du docteur Gilbert à lamain.

Elle lui en montra le titre avec une sorte de coquetterieflatteuse.

Gilbert prit congé de M. de Necker, et baisa la main de labaronne, qui le conduisit jusqu’à la sortie du cabinet.

Et il revint au fiacre où Pitou et Billot dormaient sur labanquette de devant, où le cocher dormait sur son siège, et où leschevaux dormaient sur leurs jambes fléchissantes.

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